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lundi 20 août 2012

Madame Pamplemousse et le café à remonter le temps - Rupert Kingfisher & Sue Hellard


Madame Pamplemousse and the Time Travelling Cafe, Bloomsbury, 2010 - Albin Michel Jeunesse ("Witty"), 2012.

Il existe à Paris un café aux stores rayés de vert et d’or, élégamment meublé de tables en bois vernies, et dont les murs sont recouverts d’antiques annonces publicitaires pour des boissons telles que le Madère des Sirènes ou la Limonade du Diable rouge. Sur le bar, trône un percolateur argenté. Ce café appartient à monsieur Moutarde, et ce dernier a fait la plus incroyable des découvertes. Avec l’aide de son amie, Mme Pamplemousse, il a inventé une machine à remonter le temps. Le résultat, qui ressemble à un petit café noir, a le pouvoir de transporter celui qui le boit à travers les âges ! Mais quel désastre si cette fabuleuse invention venait à tomber entre les mains du maléfique nouveau gouvernement… Mme Pamplemousse et ses amis devront retourner dans le passé pour y récupérer les ingrédients indispensables à la préparation d’un tonic qui devra à la fois sauver leurs vies et guérir l’esprit de Paris...



Il y a quelques mois, j'étais tombé par hasard sur le charmant tome 1 de cette série : Madame Pamplemousse et ses fabuleux délices. Véritable coup de cœur grâce à son coté Roald Dahl, ce roman jeunesse gourmand et fantaisiste m'avait fait retomber en enfance avec délectation, au point de me ruer sur la suite dès sa sortie en Mai dernier. J'avais adoré l'aura de mystère à la fois amusante et effrayante qui entourait le personnage de Madame Pamplemousse, propriétaire un peu sorcière d'une épicerie fine dans un Paris délicieusement rétro, et dont les produits n'étaient pas sans effets magiques ou inattendus sur quiconque les consommait...

Cette fois, l'effet de surprise est forcément moins présent, et le personnage de de Madame Pamplemousse, connu du lecteur, est moins mystérieux. Il en est de même pour l'intrigue, que j'ai moins appréciée que celle du premier opus : alors que le tome 1 était "saupoudré" de magie, celui-ci met les deux pieds dans le fantastique jusqu'au cou en exploitant le thème du voyage dans le temps et des monstres mythologiques sortis tout droit du passé. Du coup, j'ai parfois trouvé que l'histoire partait un peu trop dans tous les sens mais il n'en reste pas moins que Madame Pamplemousse et le café à remonter le temps est un excellent ouvrage jeunesse : on y retrouve les personnages attachants du précédent livre, les superbes crayonnés à la Quentin Blake de Sue Hellard, et l'écriture pétillante de Rupert Kingfisher, dont l'enthousiasme à imaginer cette folle gourmandise, palpable, gagne le plus réticent des lecteurs!

J'ai particulièrement apprécié l'originalité du personnage de Monsieur Moutarde, dont l'idée de créer une décoction capable de voyager à travers les âges lui vient à la suite d'une expérience typiquement Proustienne : après avoir mangé une madeleine à la fleur d'oranger comme celles qu'il adorait étant enfant, il réalise que les saveurs peuvent faire remonter à la surface des souvenirs oubliés et, en quelques sortes, faire voyager l'esprit dans le temps. Partant de cette constatation, il élabore la théorie qu'un plat, selon ses ingrédients, pourrait à plus grande échelle transporter une personne à travers les siècles! Ne manque plus que l'aide de Madame Pamplemousse, génie culinaire inégalée, pour l'aider à concevoir ce mets des plus fantastiques...

Maintenant, j'ai hâte de découvrir le troisième tome de cette appétissante série, dont la sortie en France se fait hautement désirer par mes papilles littéraires! =D


dimanche 12 août 2012

La mort n'est pas un jeu d'enfant ; Une enquête de Flavia de Luce (Flavia de Luce #2) - Alan Bradley

The weed that strings the hangman's bag, Delacorte Press, 2010 - Éditions du Masque Jeunesse (collection MSK), 2011 - Éditions du Masque (poche), 2012.


Après les aventures qui ont agité, quelques mois plus tôt, le manoir de Buckshaw et révélé ses talents de détective, Flavia pensait en avoir fini avec les enquêtes. Mais voilà que Rupert Porson, un marionnettiste de passage à Bishop’s Lacey, est assassiné pendant une représentation. Qui a pu commettre un tel acte – et pourquoi ? Et cette marionnette qui ressemble trait pour trait au fils Ingleby, retrouvé pendu dans la région il y a quelques années : peut-il s’agir d’une coïncidence ?
Flavia est suffisamment intriguée pour mettre de côté ses expériences de chimie et ses projets de vengeance contre ses deux pestes de sœurs. Perchée sur Gladys, sa bicyclette adorée, Flavia se lance alors dans une enquête qui l’amènera à dévoiler les secrets les plus sombres de Bishop’s Lacey. Mais elle devra prendre garde à ne pas s’approcher trop près de celui qui tire secrètement les ficelles de cette danse macabre…

"Décalé, baroque et tellement anglais, ce roman malicieux est un coup de coeur inattendu".
(BE)

"Ce polar so british possède un délicieux air d'Agatha Christie".
(Je Bouquine)

Tout ça n'est-il pas diaboliquement "flaviesque"? (source : flickr.com)

  Après avoir lu le premier tome des enquêtes de Flavia il y a deux ans, j'avais acheté cette suite à sa sortie en Octobre dernier mais avais laissé l'ouvrage reposer dans ma PAL jusqu'à la semaine dernière... A l'approche de la sortie en France du tome 3, je me suis enfin plongé dans cette toute nouvelle enquête. J'ai retrouvé avec délice le petit monde de Bishop's Lacey et l'univers décalé - mi-macabre, mi-enfantin - de Flavia : en digne fille spirituelle de Mercredi Addams et Sherlock Holmes, la détective en culotte courte reste fidèle à elle-même et continue de nous amuser (et nous surprendre) de sa personnalité hors du commun.


L'auteur nous offre ici une enquête cent pour cent inédite : si l'on retrouve en effet les éléments qui ont fait le succès du premier opus, Alan Bradley ne se contente pas de nous servir du "réchauffé" mais une intrigue réellement surprenante, bien pensée et surtout bien écrite. Plus complexe que le mystère au centre du tome 1, l'affaire qui occupe Flavia cette fois ci est encore plus digne d'un Hercule Poirot ou d'une Miss Marple! Et si je trouvais au départ que l'histoire mettait du temps à démarrer, j'ai réalisé ensuite que c'était pour mieux planter le décor de ce nouveau whodunit.
 


Car à la façon d'un montreur de marionnettes de talent, Alan Bradley tire avec merveille les ficelles et ressorts de son roman : bien qu'il nous fournisse tous les éléments pour résoudre le mystère, la délicieuse complexité de l'affaire nous amènera à porter avec une certitude équivalente nos soupçons sur tous les suspects... pour mieux être surpris de la révélation finale!

J'ai également adoré le lot de nouveaux personnages secondaires, notamment Tante Félicité de Luce, Lady victorienne en diable, que j'ai imaginée comme un croisement entre la tante Adelaïde de Nanny McPhee et la Miss Héliotrope du Secret de Moonacre =P. 


Un excellent cru, à déguster tout en sirotant une tasse de thé... anglais, of course! ;-)

Pour aller plus loin:

samedi 11 août 2012

Les jumelles de Highgate - Audrey Niffenegger

Her fearful symmetry, Jonathan Cape Ltd, 2009 - Oh! Editions, 2009 - Editions France Loisirs, 2010 - Pocket, 2011.

Elspeth et Edie sont jumelles. Voilà déjà de nombreuses années qu'elles n'entretiennent plus aucune relation, sans que personne ne sache vraiment pourquoi. Edie a deux filles, jumelles également : Velentina et Julia, que leur tante a très peu connues. Quand cette dernière décède, c'est pourtant à ses nièces qu'elle lègue la totalité de ses biens, mais à l'unique condition qu'elles viennent toutes deux vivre au moins un an dans son appartement londonien, avoisinant le cimetière de Highgate... L'occasion pour les deux sœurs de voler de leurs propres ailes mais aussi de faire indirectement connaissance avec Elspeth, qui n'a peut-être pas totalement quitter les lieux...
Parallèlement, Robert, le compagnon de cette dernière, ne parvient pas à remonter la pente depuis son décès tandis que dans l'appartement voisin, Majirke doit endurer les tocs qui conditionnent la vie de son époux. Il ne manquait donc plus que l'arrive de Velentina et Julia pour que les habitants de l'immeuble se rencontrent et apprennent, au contact des uns et des autres, à remettre en question leurs croyances les plus profondes...


J'avais beaucoup aimé le premier roman de cette auteure, Le temps n'est rien (véritable coup de coeur!), et c'est pourquoi je m'étais lancé avec plaisir dans la lecture de ce second livre dont le synopsis me laissait espérer un digne successeur au 13ème conte de Diane Setterfield. Au final, même si Les jumelles de Highgate se laisse lire sans réel déplaisir, j'ai été plutôt déçu...

 Couvertures des éditions anglaise (poche), danoise, et française (grand format).

Car Audrey Niffenegger semble vouloir explorer plusieurs genres à la fois (thriller, fantastique, romance, comédie de moeurs...) en un seul roman ; cela aurait pu offrir des histoires très plaisantes et réussies... si elles ne provenaient pas toutes de la même intrigue! J'ai par exemple beaucoup aimé les passages relatant le quotidien de Majirke et de son époux, dont la vie est parasitée par ses nombreux troubles obsessionnels : cela aurait pu constituer un merveilleux roman a lui tout seul. Idem pour l'histoire plus sombre et fantastique des jumelles et de l'ambivalence complexe de leur relation, ou encore l'amour morbide de Robert pour la défunte Elspeth. Mais imbriquées les unes dans les autres, ces nombreuses intrigues donnent naissance à une histoire que j'estime un peu trop brouillonne. Quand au secret de famille que l'auteure révèle à la fin de son roman, je l'ai trouvé un peu trop convenu et prévisible et l'avais deviné dès le début!

Couvertures des éditions serbe, hongroise et croate.

En effet, le mélange des atmosphères  à l'opposée les unes des autres m'a laissé un goût amer et l'impression d'un énorme fouillis, hétérogène et indigeste. Malgré un postulat de base qui semblait donc plutôt alléchant et des couvertures étrangères plus tentantes les unes que les autres, ce deuxième roman se situe à mes yeux loin derrière Le temps n'est rien. Reste le cadre de l'intrigue qui sauve ce livre et le rend somme toute agréable à lire : le célèbre cimetière de Highgate, dont Audrey Niffenegger parvient à restituer avec brio l'atmosphère mystérieuse et gothique tout en fournissant une mine d'informations historiques passionnantes!

Le cimetière de Highgate...

vendredi 10 août 2012

Tentation anglo-culinaire...

Cette année, entre le jubilé de la Reine Élizabeth II et les JO de Londres, on voit l'Angleterre partout : L'Union Jack envahit les écrans et Albion est sur toutes les chaînes. Fervent téléspectateur de France 5 et Arte pendant mes jours de congé, je ne cesse de tomber depuis plusieurs mois sur des émissions culinaires consacrées aux délices et spécialités britanniques, qui viennent me hanter jusque dans mon sommeil >_<'.

Et puisque Dieu a décider de me mettre à l'épreuve jusqu'au bout, il ne cesse de me faire croiser le chemin de ces deux petits bouquins en librairie:


Si le second n'est pas trop cher, le premier est loin d'être donné... et par dessus le marché, mon terrain de stage m'a posté le chèque de ma paye du mois dernier en oubliant de le signer (les locaux administratifs sont fermés jusque fin août, je ne pourrai donc pas leur retourner ledit chèque et l'encaisser avant *Screugneugneu*). Déjà plus d'un mois que je réussis à m'interdire tout achat superflu (et livresque)... Combien de temps tiendrais-je encore? Bouhouhou!

samedi 4 août 2012

Les étranges talents de Flavia de Luce (Flavia de Luce #1) - Alan Bradley

The sweetness at the bottom of the pie, Delacorte Press, 2009 - Éditions J.C. Lattes et éditions du Masque (collection MSK), 2010 - Éditions 10/18, 2013.

Été 1950. Le paisible manoir de Buckshaw est agité par de surprenants événements. Un oiseau mort, timbre collé au bec, est retrouvé devant la porte de la cuisine, un cadavre fait son apparition au beau milieu d’un plant de concombres, et le maître de maison, le colonel de Luce, n’est plus lui-même. Avec son œil affuté et son laboratoire de chimie, c’est Flavia, l’une des trois filles de Luce, qui va mener l’enquête dans le passé tourmenté de son père. Ses meilleurs amis sont les fioles de lithium et de borax, ses lunettes rondes lui servent autant à attirer la compassion qu’à protéger ses yeux des projections d’acide, et nul ne peut résister à sa fabuleuse répartie… surtout pas ses sœurs! 


***


Attention : Coup de coeur et théière en or massif pour ce livre! Dévoré et adoré il y a environ deux ans, je n'ai pu m'empêcher de remettre le nez dedans la semaine dernière en attendant la sortie du tome 3, mais aussi pour mieux vous en parler aujourd'hui...

Lorsque je l'avais croisé au hasard des librairies au cours de printemps 2010, mon attention avait été retenue par la superbe couverture (forcément!), qui m'évoquait un mélange de La famille Addams et d'une atmosphère à la Burton, et ce même si le synopsis rendait plutôt compte d'une intrigue policière. J'avais également remarqué que ce roman avait eu droit à deux sorties françaises simultanées : l'une aux éditions Jean-Claude Lattes (à destination d'un lectorat adulte) et une autre chez leur filiale, les éditions du Masque (collection MSK, qui vise un lectorat jeunesse et jeunes adultes). J'avais connaissance d'une pratique similaire pour les versions originales des Harry Potter (chaque tome sortant en Grande-Bretagne ayant droit à une édition pour adulte et à une autre pour enfant), mais jamais je n'avais vu que cela se faisait chez nous ; Pour autant, cela semblait indiquer une fiction mufti-générationnelle s'adressant autant aux plus jeunes qu'aux plus âgés, ce qui n'a fait que redoubler ma curiosité quant à son contenu...


L'été suivant, contraint à l'immobilisation forcée à la suite d'une opération, je trouvai réconfort et occupation dans la lecture ; Amis et famille m'avaient donc fortement gâté côté bouquins, en particulier Mum qui avait eu la bonne idée de me rapporter Les étranges talents de Flavia de Luce (sans même savoir qu'il me tentait depuis un moment, mais juste parce que, selon elle, "je ne pouvais que craquer sur cette couverture!" : pas de doute, elle me connait bien!). De tous ceux lu cet été là, ce livre reste à ce jour dans mon top 10! Tout d'abord, bien qu'il ne s'agisse pas d'un conte fantastico-macabre comme le suggérait la couverture, le lien avec la Famille Addams n'étais pas mal-vu ; En effet, Alan Bradley créé ici une héroïne à mille lieues de la petite fille ordinaire de 11 ans que l'on peut imaginer : A l'image d'une Mercredi Addams lâchée en pleine campagne anglaise, Flavia est une gamine surdouée et diaboliquement perspicace, pleine de cynisme et d'ironie, un tantinet misanthrope et incomprise, mais, surtout, en total décalage avec sa génération et les personnes qui gravitent autour d'elle. Solitaire et faussement insouciante, Flavia cache derrière un humour noir croustillant une réflexion sur la nature humaine certes souvent défaitiste, mais d'une extrême clairvoyance. En bref : un personnage pour le moins atypique dans l'univers de la littérature jeunesse!


Confrontée à un décès des plus suspects survenu dans le potager du manoir familial, Flavia ne résiste pas à l'envie de fouiner dans le passé de l'inconnu qui a eu la mauvaise idée de rendre son dernier soupir dans les concombres. Mais ce qui semble au départ n'être qu'un jeu de piste sans conséquence prend les proportions d'une réelle enquête criminelle lorsque le colonel de Luce, père de Flavia, est accusé du meurtre et incarcéré par la police. Sans rien perdre de son sang froid et de son humour mordant, la jeune fille se lance en quête de la vérité à cheval sur Gladys (sa bicyclette) et armée de ses connaissances scientifiques. Entre une tarte (probablement) empoisonnée, un martin-pêcheur tué, les secrets de la philatélie et des tours de passe-passe, Flavia aura bien besoin de tous ses étranges talents pour résoudre ce mystère...


  Globalement, qu'en dire? J'ai adoré l'écriture et l'imagination débordante d'Alan Bradley, dont la qualité et la fantaisie sont surprenantes quand on apprend qu'il s'agit d'un premier roman. Délicieusement noir et macabre sans jamais oublier d'être drôle, Les étranges talents de Flavia de Luce est un génialissime hommage à la littérature policière vintage ; En nous plongeant dans le quotidien faussement paisible d'une petite bourgade anglaise des années 50, ce roman nous régale d'une atmosphère aussi authentique que s'il avait été rédigé à cette époque : chaque référence culturelle, littéraire ou historique, toujours d'une grande méticulosité, est propre à instaurer une ambiance rétro réaliste et extrêmement crédible. Alfred Hitchcock et Agatha Christie eux-même n'auraient pas renié cette histoire, tant on croirait qu'ils auraient pu en être les auteurs. En effet, Alan Bradley s'inscrit dans la droite lignée de la Reine du Crime et on peut leur trouver un joli lot d'éléments caractéristiques en commun : un petit village trop banal pour être honnête, une mort fantaisiste, les références à l'univers de l'enfance et des nursery rhymes (le tout emprunt de morbidité), etc...

  Maintes fois primé pour ce livre, Alan Bradley a récemment annoncé sur son blog que Les étranges talents de Flavia de Luce était en cours d'adaptation télévisée pour une série destinée à être diffusée sur la BBC (Enjoy!). En attendant de voir quelle forme prendra le roman à l'écran, je ne résiste pas à l'envie de vous faire saliver avec cette vidéo, trailer du livre pour sa sortie en Norvège, superbement bien filmé!


"Ainsi donc, c'était comme ça que se passaient les choses... baptême ou enterrement, c'était chaque fois la même histoire : sans même un mot gentil, la première femelle en vue se retrouve enrôlée et on l'envoie s'assurer que l'eau bout dans la marmite!"

"Il me vint à l'esprit que le Paradis était sûrement un endroit où les bibliothèques étaient ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Voire... huit jours sur sept!"

"J'avais appris qu'un mensonge très détaillé passait plus facilement, comme une pilule amère cachée dans une pomme".

"Le thé gouverne les Anglais beaucoup plus que Sa Majesté ou que l'ensemble des ministres : à l'exception de notre âme, la préparation du thé est la seule chose qui nous différencie des singes."

Pour aller plus loin:

mercredi 1 août 2012

Blanche-Neige n'a pas dit son dernier mot...

Je vous ai assez rabattu les oreilles avec la nouvelle mode dans le monde du cinéma et de la télévision en ce moment : se réapproprier les contes classiques et en proposer de nouvelles adaptations, le plus souvent en live. Blanche-Neige, mon conte favori, a cette année eu droit à deux résurrections sur grand écran : Blanche-Neige (Mirror, Mirror) de Tarsem Singh, et Blanche-Neige et le chasseur (Snow White and the huntsman), de Rupert Sanders. Pour célébrer l'événement, je m'étais offert un florilège de lectures sur le thème de ce conte de Grimm, composé entre autres de nombreuses réécritures. Au jour d'aujourd'hui, les livres en question sont avalés, les films sortis, vus, et critiqués ; en bref : on peut passé à autre chose, d'autant plus que le cinéma et la télévision lorgnent en ce moment très fortement du côté du Magicien d'Oz et de La Belle et la Bête. Mais non. Car Blanche-Neige n'a pas dit son dernier mot et ne fait qu'entamer son retour sur les écrans.

Allez, on se refait un petit listing des nouveaux projets en cours:

- La fantastique histoire de Blanche-Neige (Grimm's Snow White) de Rachel Goldenberg, sortie en France directement en dvd le 1er Août 2012 (...Aujourd'hui! ^^):


Je n'en avais jamais parlé mais cela fait un moment que je suis au courant de la sortie de ce film, produit par la société The Asylum. Avant d'en dire plus, il faut présenter plus en détails cette maison de production : The Asylum, récemment rebaptisée The Global Asylum, est un studio et distributeur de films américains à petit budget. Spécialisé dans la réalisation et commercialisation de séries B pures jus copiant les productions à succès des grands studios mais sortant uniquement en direct-to-dvd ; The Asylum a ainsi suivi la sortie du Sherlock Holmes de Guy Ritchie de sa propre version dite "à grand spectacle" du détective anglais, quand il ne sortait pas un vrai-faux Da Vinci Code dans la foulée du film de Ron Howard! (Pour ceux que ça intéresse -ou que ça amuse- on trouve un tableau très intéressant des films originaux et des "copies" de the Asylum sur la page wikipedia de cette société). Fidèle à lui-même, the Asylum propose donc cette fois sa propre version de Blanche-Neige, dont voici la bande-annonce:


...Alors qu'en dites-vous? ^_^' Ah, je vous avais prévenu : Série B pure jus! Mais n'empêche, par curiosité, j'y jetterais bien un coup d'oeil... En tout cas, le dvd sort aujourd'hui en France et la jaquette est honteusement pompée sur celle du dvd à venir du Blanche-Neige de Tarsem Singh! Rien que pour ça, ça vaut le coup de le compter dans ses rayonnages, non? =p

...*ahem*...


- Order of the Seven de Michael Gracey, avec Saoirse Ronan (sortie au cinéma prévue d'ici 2014).


Annoncée depuis très longtemps sous le titre initial de Snow and the Seven, cette production très attendue des studios Disney est plus une relecture qu'une adaptation du conte, mais il n'empêche, le concept a l'air furieusement alléchant: Au XIXe siècle, une jeune anglaise élévée à Hong-Kong réalise que son destin est de conquérir les forces du mal. Elle s'engage en lutte contre cette fatalité, aidée par sept moines Shaolin. 

Le tournage devrait débuter l'an prochain pour une sortie entre fin 2013 et 2014...

- Once Upon a Time, série américaine de Edward Kitsis et Adam Horrowitz, avec Jennifer Morrison, Ginnifer Goodwin, Lana Parilla...


Attention, série événement à venir! Diffusée en Amérique par la chaîne ABC (filiale du groupe Disney) depuis Octobre 2011, cette série télévisée va bientôt arriver sur les écrans français! Là encore, il ne s'agit pas d'une adaptation à proprement dite du conte de Grimm, d'autant plus que l'histoire réunit les personnages issus de tous les contes classiques (même si l'intrigue principale est majoritairement orientée autour du conte de Blanche-Neige). 
 Imaginez une petite bourgade du Maine où chaque habitant, aussi banal qu'il puisse paraître, est en fait un personnage de conte de fée qui a oublié sa véritable nature depuis qu'un sort a été jeté par la méchante reine... Ce postulat sert de base à cette série audacieuse, ingénieuse et tout bonnement extraordinaire! J'ai été accro du premier au dernier épisode de la saison 1 et vous recommande vivement d'y jeter un œil lorsqu'elle sera diffusée sur les écrans français! En attendant, voici le trailer américain =p...



- Miroir, miroirs, téléfilm de Siegrid Alnoy avec Fanny Ardant, Laurent Stocker... (diffusion prévue pour début 2013).


Après les Anglo-saxon, voilà que les Français s'y mettent! Et après tout, pourquoi pas?! Il s'agira cette fois d'un téléfilm franco-allemand adapté du conte, avec Fanny Ardant en reine diabolique et Laurent Stocker en prince... La production est prévue pour cette année et la diffusion sur Arte pour début 2013... Si on ne sait rien du ton que proposera cette version, le casting laisse présager une interprétation haute en couleurs!


De nouveaux projets qui donnent furieusement envie de s'offrir un nouveau petit florilège de lectures sur Blanche-Neige en attendant, non? ^_^


Blanche-Neige et le chasseur (Snow White and the huntsman) - un film de Rupert Sanders

Blanche-Neige et le chasseur (Snow White and the Huntsman),
de Rupert Sanders.
Avec: Kristen Stewart, Chris Hemsworth, Charlize Theron, Sam Claflin, Ian McShane, Toby Jones...


Dans des temps immémoriaux où la magie, les fées et les nains étaient monnaie courante, naquit un jour l’unique enfant d’un bon roi et de son épouse chérie : une fille aux lèvres rouge sang, à la chevelure noire comme l’ébène et à la peau blanche comme neige. Et voilà précisément où l’histoire que vous croyiez connaître prend fin et où la nouvelle adaptation épique et envoutante de ce célèbre conte des frères Grimm débute. Notre héroïne, dont la beauté vient entacher la suprématie de l’orgueilleuse Reine Ravenna et déclencher son courroux, n’a plus rien d’une damoiselle en détresse, et la cruelle marâtre en quête de jeunesse éternelle ignore que sa seule et unique rivale a été formée à l’art de la guerre par le chasseur qu’elle avait elle-même envoyé pour la capturer. Alliant leurs forces, Blanche-Neige et le chasseur vont fomenter une rébellion et lever une armée pour reconquérir le royaume de Tabor et libérer son peuple du joug de l’impitoyable Ravenna. 

Après le Blanche-Neige (Mirror Mirror) aux allures de bonbonnière sorti en Avril dernier, Juin 2012 nous a amené dans nos salles obscurs celui qu'on appelait depuis le lancement du projet l'autre Blanche-Neige : Blanche-Neige et le chasseur, qui se voulait dès le départ plus sombre que son concurrent réalisé par Tarsem Singh. Bien que la majorité des critiques jugent les deux versions incomparables, on ne peut s'empêcher de s'amuser aux jeu des différences et des préférences, d'autant plus que la vrai originalité du film de Sanders a conquis les spectateurs au point de faire oublier celui de Singh, et de reléguer ce dernier aux oubliettes.


Même moi qui craignais, tout comme pour la version colorée sortie en Avril, d'être déçu, j'avoue avoir été plutôt satisfait et agréablement surpris par l'orientation choisie par Sanders pour son film. Commençons par l'histoire: Si j'avais dit ne pas avoir eu l'impression de visionner une adaptation de Blanche-Neige en regardant le film de Singh, c'est encore mille fois plus vrai pour ce Blanche-Neige et le chasseur, scénaristiquement audacieux puisqu'il propose une version certes dark du conte, mais, surtout, se voit habité d'un souffle épique inattendu, qui lui confère une ampleur toute nouvelle. Les articles qui disaient cette adaptation proche de l'univers de Tolkien ainsi que les grosses bébêtes toutes en dents et en cornes que l'on aperçoit dans la bande-annonce m'avaient laissé craindre un film un peu trop heroic fantasy, mais que ceux qui ont les mêmes inquiétudes que moi se rassurent : les quelques passages mettant en scène ces créatures que nous montrent les trailers sont en fait les seuls du film entier (à peu de choses près), ce qui suffit à donner un ton nouveau à l'histoire de Grimm sans tomber dans un excès de monstres à écailles.

En fait, je suis sorti de la séance de cinéma en ayant l'impression d'avoir visionner un film de guerre médiéval! L'extrême soin apporté à la dimension épique donne un réalisme qui rappellerait presque un film historique, et Kristen Stewart n'est effectivement pas sans rappeler Jeanne d'Arc, comme de nombreux critiques se sont accordés à le reconnaître. L'actrice signe d'ailleurs une excellente composition : loin de la Bella fadasse de Twilight, elle démontre ici toute l'étendu de son talent et parvient à nous faire croire en son personnage, figure de beauté et de pureté ici symbolique de son statut d'héroïne guerrière. Du côté du reste du casting, il faut également reconnaître la prestation de l'excellente Charlize Theron, envoutante dès le premier teaser visible en Automne 2011 ;  lorsqu'on l'entend réciter l'invocation du miroir magique de sa voix calme et profonde, presque austère, on ne peut que se rendre à l'évidence : elle était faite pour ce rôle, auquel elle restitue toute l'épaisseur et la complexité du personnage du conte d'origine.



Visuellement parlant, le film est une réussite : habité par la symbolique des couleurs, cette version privilégie la mise en avant significative du noir, du blanc et du rouge à travers des paysages ibériques traversés par des corbeaux, et ponctués ça et là de pommes écarlates ou de taches de sang carmin. D'ailleurs, je n'ai pu m'empêcher de penser au visuel de l'album Blanche-Neige illustré par Benjamin Lacombe : on y retrouve en effet une ambiance très proche et des éléments esthétiques similaires (les trois couleurs symboliques, l'omniprésence des corbeaux, une reine blonde, etc...). L'artiste lui-même avait remarqué la coïncidence et s'était amusé à en exposer un aperçu sur son blog par ce petit montage:


Ces tons sombres sont contrebalancés par une scène visuellement transcendante, au cours de laquelle Blanche-Neige traverse une contrée féérique perdue au cœur de la forêt : une clairière superbement mise en image, nimbée de lumière et habitée par des créatures fantastiques à l'apparence merveilleuse.


Cependant, je reste un grand râleur : si j'ai trouvé ce film réussi en tant qu'adaptation de Blanche-Neige, je n'en dirais pas autant en tant que film fantastique. En effet, la mise en scène est excellente et l'histoire réellement bien réécrite par rapport à l'originale, mais sorti de la comparaison avec le conte des frères Grimm, il faut reconnaître que les ficelles utilisées par Rupert Sanders sont un peu usées. Le côté "Comtesse Bathory" de la reine, par exemple, colle parfaitement au personnage et trouve tout à fait sa place dans cette réinterprétation de l'histoire mais reste monnaie courante dans le monde du cinéma fantastique. Ensuite, j'avoue que certaines émotions ont eu du mal à traverser la toile pour parvenir jusqu'à mon siège de spectateur : toute cette immense foi que les personnages secondaires placent en Blanche-Neige m'a semblé démesurée ou, en tout cas, n'a pas eu la même résonance pour moi que dans le film (mais c'est peut-être de moi que vient le problème et, pour une fois, j'ai été mauvais public sur ce coup là ^^ Qu'en pensez vous? ^^'). Enfin, si j'ai trouvé les prestations des deux actrices principales réussies, je n'en dirai pas autant de celle de Chris Hemsworth, qui interprète le rôle du chasseur. Personnellement, je l'ai trouvé totalement en décalage, trop moderne dans son jeu d'acteur : j'avais l'impression qu'il jouait un soldat de l'armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale, au point qu'il aurait pu mâcher un chewing-gum que cela n'aurait pas dénoter du reste de son interprétation!

De façon générale, ce Blanche-Neige et le chasseur est donc un très bon film en tant qu'adaptation du conte de Grimm, même s'il reste un divertissement un peu trop convenu en tant que dernier-né du genre fantastique. Et puis je reste fidèle à mes classiques: plus jeune j'ai eu l'occasion de voir une indétrônable version dark de Blanche-Neige, qui restera pour moi inégalée et inégalable! Intitulée Snow-White, a tale of terror, ce film mettait en scène une géniale Sigourney Weaver en reine maléfique, aux côtés de Sam Neil dans le rôle du roi. D'ailleurs, je n'ai pu m'empêcher de noter de nombreux points communs scénaristiques (la relation fortement incestuelle entre la reine et son frère, par exemple) et visuels (les couleurs, ainsi que la transition finale façon "portes qui se referment sur l'image") entre les deux films... Rupert Sanders aurait-il par hasard lorgné sur cette précédente adaptation? Il faudra absolument que je dédie un article à ce film, tant sa vision était déjà novatrice et furieusement intéressante! En attendant, voici sa bande-annonce:


Reste de Blanche-Neige et le chasseur un film très intéressant, qui propose une orientation épique originale au conte de Grimm. En cela, je vous recommande fortement d'y jeter un œil, surtout si vous avez lu et aimé White as Snow, de Tanith Lee : des rumeurs et informations non-officielles prétendent que Rupert Sanders y aurait piocher quelques idées, et il est vrai qu'on trouve quelques éléments communs! ;-)

Superbe fan-made poster, réalisé par Dwayne Labuschagne.