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mercredi 22 juin 2016

Le Pays des Contes, tome 4 : Au-delà des Royaumes - Chris Colfer.

The Land of Stories, book 4 : Beyond the Kingdoms, Little, Brown Books for young readers, 2015 - Editions Michel Lafon (trad. de C.Laumonier), 2016.

  Depuis que l’Homme masqué lui a échappé, Alex n’a qu’une obsession : le retrouver. Sauf qu’elle a été déchue du Conseil des fées et que tous refusent de croire que cet homme est une véritable menace. Heureusement, elle peut compter sur l’aide de son frère jumeau, Conner, de Boucle d’or, du Petit Chaperon rouge et de la Mère l’Oie. Grâce à eux, elle découvre le plan démoniaque de son ennemi : armé d’une potion capable de transformer n’importe quel livre en portail vers d’autres univers, il part recruter une armée de méchants de la littérature afin de conquérir le Pays des contes…

*** 


  Initialement prévu en trois tomes, Le pays des contes remet le couvert! On se doutait que Chris Colfer ( le jeune et talentueux Chris Colfer, devrait-on dire puisque également connu pour son rôle de Kurt dans Glee) aurait du mal à abandonner ses personnages, personnages que j'avais moi-même hâte de retrouver. Attention, spoilers...

Couverture de l'édition originale, par B.Dorman.

  La bonne fée, décédée, a légué son titre à sa petite-fille Alex. La jeune fille est décidée à tout mettre en œuvre pour retrouver l'homme masqué évadé de la prison Pinocchio, dont elle est certaine qu'il s'agit de leur père à Conner et elle. Mais parce que la poursuite devient une obsession, ses émotions l'envahissent et influent négativement sur la maîtrise de ses pouvoirs. Destituée de sa place au Conseil des fées parce qu'elle est dès lors potentiellement dangereuse, elle s'enfuit et poursuit son enquête avec l'aide de la Mère l'Oye. Conner, de son côté, s'il émettait encore quelques doutes quant à l'identité de l'homme masqué, découvre en effet qu'un lien avec sa famille existe bel et bien, et se lance aussi à sa poursuite. Ce dernier, grâce à une potion conçue par le défunte Bonne fée, entre dans les grands romans de la littérature fantastique pour en ramener les méchants les plus charismatiques, et ainsi dresser une armée indestructible. Voilà donc Conner, Alex et leurs compagnons qui sautent d'Alice au pays des Merveilles au Magicien d'Oz, sans oublier Robin des bois et Peter Pan. Au risque de rester piégés dans les pages...


  Comme je l'ai dit plus haut, j'étais très impatient de retrouver les personnages (surtout Conner et son humour mordant) de cette saga, véritablement le point fort de la série depuis le début. Tous très drôles, ils amènent en effet la petite touche de dérision qui nous fait adorer cette version revisitée façon pastiche des contes de fées. Ici, le regard sarcastique que Conner jette sur Peter Pan (juste un sale gamin hyperactif) est par exemple à mourir de rire, sans oublier les interventions toujours farfelues de la Mère L'Oye, qui semble encore un peu trop tirer sur la bouteille. C'est justement cet humour qui sauve ce quatrième opus à mes yeux, car je dois avoué, sur le fond, m'être un peu plus ennuyé.


  Je suis partagé, en fait : C'est surtout la première moitié du livre qui m'a déçue, au cours de laquelle notre joyeuse troupe passe de livre en livre à la poursuite de l'homme masqué. Les incursions dans les autres contes et grands chefs-d’œuvre de la littérature fantastique étaient très convenues, et les péripéties suivaient bêtement la trame de chaque ouvrage respectif de façon un peu trop fidèle. Tout ça paraissait un peu trop facile. L'enchainement des actions était là aussi attendu : les liens dressés entre les diverses péripéties, les connexions établies, pour peu qu'on soit habitué des séries Grimm, Once upon a time, ou qu'on connaisse la saga Coeur d'Encre, bref, tout ça suivait une route déjà bien fréquentée. Les relectures de l'univers des contes auraient-elles ainsi déjà tout brassé dans le genre, pour ne plus rien trouver d'original? Mon enthousiasme est du coup est peu retombé, je dois l'admettre.


  Heureusement, je me suis accroché à ce ton, cette écriture qui ne se prenait décidément pas au sérieux, pour poursuivre ma lecture. Et puis aussi, j'avoue avoir un certain respect pour Chris Colfer (qui, déjà si jeune, a réussi à montrer qu'il avait beaucoup de cordes à son arc) et pour la sincérité avec laquelle il écrit cette saga : on sent dans son écriture l'âme de l'enfance et un plaisir communicatif, celui qu'il a de partager avec le lecteur ses rêves de gamin. J'ai bien fait : dès la seconde moitié, l'histoire se complexifie davantage, et l'on suit alors parallèlement les aventures au pays des contes, et l'enquête de Bree (personnage secondaire du tome précédent) à la recherche des descendants des Grimm dans le monde réel. J'ai apprécié de retrouver cette alternance que j'avais trouvé déjà très plaisante dans le tome précédent. J'ai donc fini ma lecture sur une note plus positive et prêt à rempiler pour le prochain tome, en espérant toutefois que C.Colfer songe déjà à un final avant que son imagination ne se tarisse...

Chris Colfer, pour la promotion de son livre.

En bref : Une trame un peu trop convenue par moment pour ce quatrième tome de la saga de Chris Colfer, qui suit parfois des cheminements déjà bien fréquentés dans le genre. Heureusement, on se laisse gagner par son enthousiasme de son écriture et l'humour communicatif de ses personnages.


 Un grand merci à Michel Lafon pour ce partenariat!

Et pour aller plus loin:

mardi 21 juin 2016

Le temps des métamorphoses - Poppy Adams

The behaviour of moths, Virago Press, 2008 - Editions Belfond (trad. d'I.Chapman), 2009 - Editions 10/18, 2011.


  À Bulburrow Court, entre les murs épais tapissés de papillons, la vieille Virginia Stone vit recluse. Le jour ou sa soeur paraît à la porte du manoir, cinquante ans de silence vacillent. Elles ont tout à réapprendre l'une de l'autre. Mais sous les vestiges d'une enfance complice et ténébreuse, les souvenirs se muent peu à peu en de terribles révélations...

« Cette histoire fascinante de deux soeurs, au passé trouble, qui voudraient garder enfouis leurs terribles secrets continue à vous hanter longtemps après avoir refermé ce livre. »
Harlan Coben 

*** 


  Il y a des romans au titre évocateur et à la couverture séduisante qui tombent parfois dans nos mains par pure attrait esthétique. Même si cela a déjà suffi à nous convaincre d'un achat imminent, on jette un œil au résumé, comme par acquis de conscience, et alors notre curiosité se trouve renforcée. Pourquoi? Ces éléments qui nous sont familiers et si chers dans une intrigue, ceux-là même évoqués par le visuel de couverture, sont bels et biens du synopsis. Alors, réprimant un demi-sourire, on se dirige vers la caisse en freinant son enthousiasme, celui de se précipiter sans souci des convenances au-devant du libraire avec sa carte bleue, pour se hâter de rentrer chez soi se plonger dans ses pages. Et là... là, le temps n'a plus d'emprise, on sombre dans cette histoire étrange, sombre, et parfois presque malsaine à la façon d'un plaisir coupable. Le temps des métamorphoses est de ces livres qui nous possèdent et nous collent à la peau, de ceux qu'on a hâte de retrouver quand on rentre du travail, et qu'on promène avec soi pour s'y plonger en cachette dès qu'on en aurait l'occasion. Il est de ces livres bizarres, psychologiques et lugubres qui nous hypnotisent.


  L'action prend place dans une bourgade anglaise tout ce qu'il y a de plus britannique et champêtre. Dans l'imposant manoir qui surplombe le village vit recluse la désormais frêle et âgée Virginia Stone, dernière héritière d'une riche famille longtemps versée dans la science de l'entomologie, étude des papillons dont les vestiges parsèment encore les couloirs de la bâtisse aujourd'hui défraîchie. Dans cet écrin poussiéreux et glacial, Virginia se remémore les souvenirs d'antan et les malheurs qui ont parsemé son enfance : sa sœur Vivien, la mort soudaine de leur aliénée de mère Maud suite à une chute dans l'escalier, ou encore la passion presque folle de leur père pour les papillons. Nostalgie, regrets, remords... et autres sentiments de mélancolie qui flottent avec les volutes de poussière dans cet immense château figé dans le temps. Puis, un matin, Vivien rentre au bercail : Vivien, l'extrême opposé de son aînée, Vivien, vive et sophistiquée. Son retour pourtant anodin de prime abord semble changer le cours normal du temps et la confrontation des souvenirs respectifs change la donne, apportant un éclairage nouveau sur les certitudes de Virginia. Cette dernière se perd alors alors dans les dédales longtemps verrouillés du manoir, comme dans les méandres de ses souvenirs, à la recherche de squelettes trop longtemps cachés dans les armoires. Et alors, comme un papillon, la vérité commence lentement à éclore.



  Du cadre confortable à l'odeur douce-amer de naphtaline et des souvenirs d'une enfance anglaise, l'auteure nous pousse progressivement dans une ambiance plus acide et trouble. L'air ambiant vient nous picoter les narines, puis c'est un filet de sueur froide qui descend le long de notre dos... Instaurant un réel égarement psychologique et une tension dramatique comme seul aurait su le faire Hitchcock, Poppy Adams vient questionner avec talent la lucidité de tout à chacun, mise à mal par les affres du temps et l'aspect subjectif des souvenirs. Avec style également, puisqu'elle institue avec l'univers des papillons, véritable obsession des Stone, un parallèle glaçant et saisissant qui aide le lecteur à cerner progressivement le profil de ces deux sœurs que tout oppose. L'ensemble est raconté comme un huit-clos, la narration nous emprisonnant au seul et unique regard de Virginia jusqu'à l'ultime chapitre, déstabilisant à souhait.



En bref : Un roman étrange et pénétrant aux relents gothiques mais surtout profondément psychologiques et tortueux. Poppy Adams vient questionner avec style la subjectivité des souvenirs et les affres du temps, le tout instaurant un malaise fascinant qui ne quittera pas le lecteur de sitôt. 

dimanche 19 juin 2016

A Quarter century un-birthday party with Emilie...


...Soit : un quart de siècle fêté chez Emilie du Châtelet...

(N'attendez aucune chronique livresque ou commentaire littéraire, hein, pour ça il faut sauter à l'article précédent. Là c'est une parenthèse "blabla".)

   Parce que oui, ça y est. J'aurais beau eu le maudire à haute voix chaque matin en claquant des talons par trois fois ou en brulant des herbes maléfiques pour contrer le mauvais sort, il fallait bien se rendre à l'évidence : le jour de mon quart de siècle était bel et bien arrivé avec le moi de Mai. Après les quelques jours nécessaires pour digérer l'idée, il était temps de renverser la balance des émotions en organisant une cérémonie de non-anniversaire digne de ce nom.

 La Marquise du Châtelet, par M.Lenoir.

"Il faut, pour être heureux, s'être défait des préjugés, être vertueux, se bien porter, avoir des goûts et des passions, être susceptible d'illusions, car nous devons la plupart de nos plaisirs à l'illusion, et malheureux est celui qui la perd."
Emilie du Châtelet.

  Comment? La meilleure façon était de consacrer l'un-birthday de cette année en mettant à l'honneur la marquise Emilie du Châtelet, illustre femme des Lumières encore trop méconnue de nos jours (sauf quand elle est vaguement évoquée par le seul et unique statut de "maîtresse de Voltaire", peuh!) mais qui me fascine depuis longtemps. Parce qu'elle est née dans une société qui ne reconnaissait pas le Beau Sexe à sa juste valeur, on a vite oublié qu'elle fut d'abord enfant surdouée puis philosophe, scientifique et physicienne elle-même, elle qui traduisit du latin Newton et permit donc à la France d'accéder aux connaissances du grand scientifique britannique, corrigeant même quelques unes de ses incohérences. Scandaleuse et irrévérencieuse, Emilie du Châtelet a vécu avec Voltaire au château de Cirey sur Blaise, non loin de chez moi et où je rêvais d'aller depuis quelques années déjà.


  J'avais déjà évoqué cet Esprit supérieur dans billet saisonnier de l'automne 2015 : Les archives départementales avaient alors exposé de nombreux documents privés ayant appartenu à la Marquise du Châtelet, récemment découverts dans le grenier d'une maison de l'Aube, où ils avaient été cachés depuis un bon siècle. Cette sublime exposition révélant l'intimité de cette personnalité fascinante avait accentué mon intérêt pour le personnage, transformant la curiosité ancienne en obsession nouvelle. C'était donc décidé, la garden party de mon 25ème non-anniversaire aurait lieu chez Emilie, au château de Cirey!


« Les femmes sont exclues par leur état de toute espèce de gloire et, quand il s’en trouve une avec une âme assez élevée, il ne lui reste que l’étude pour la consoler de toutes les exclusions. »
 (Émilie du Châtelet)

  En guise d'avant-goût : l'exposition des archives privées de la Marquise s'offrait une deuxième session d'ouverture au public, cette fois complétée d'une galerie de portraits dont certains inédits. Contempler ces toiles en vrai et non plus sur le papier glacé d'une revue était très émouvant, émotion qui a atteint son paroxysme avec la présentation d'un portrait inédit de la marquise (ci-dessus), récemment mis à jour et annoté comme étant le plus ressemblant. C'est probablement ce qui m'aura le plus marqué dans cette visite, l'effet produit par cette image étant similaire à celui qu'exercent sur moi certains De Vinci ou Vermeer.


  Et après cette mise en bouche, direction le château de la Marquise pour une garden party mi-chic mi-champêtre au bout des jardins, avec jolies nappes et pique-nique distingué. Même si cela avait été plusieurs fois reporté, je m'étais promis d'aller manger un cheesecake chez Emilie : c'est maintenant chose faite!

Cheesecake et froufrous pour un pique-nique chez "Madame Pompons Newton", comme l'appelait Voltaire par taquinerie.

  Après avoir fait honneur à ce pique-nique digne d'un banquet des Ducs de Lorraine (et ce même si un Baba au rhum ou des Bouchées à la Reine auraient été davantage de circonstance...), était venu le moment d'arpenter le château de la Marquise, théâtre de son histoire d'amour avec Voltaire. Là encore, ce fut très émouvant de fouler les pavés, dalles et parquets où elle-même avait posé ses pieds il y a de cela quelques siècles. De la somptueuse salle à manger à l'antique cuisine, sans oublier sa chambre toute en féminité et son laboratoire : autant de décors qui donnaient à voir les multiples personnalités de cette femme sans égal.




 Le laboratoire et la cuisine.

  Aujourd'hui musée privé (car aussi lieu d'habitation des propriétaires du château, dont j'ai appris par le plus grand des hasards il y a quelques jours qu'ils étaient de la famille d'une cousine par alliance!), ce château mériterait amplement d'abriter de nouveau les archives de la Marquise, et que ses manuscrits y soient exposés à l'année. Il est en effet fort dommage que tous ces documents soient désormais séparés de leur cadre d'origine!...


  Après ces visites érudites, passons aux cadeaux offerts et bricoles reçues pour l'occasion. Le tout premier présent qui me fut offert est marqué d'une histoire toute particulière. Depuis tout petit que je partais en exploration des heures entières dans le grenier de la maison familiale, je rêvais devant une antique malle en bois rehaussée de lourdes ferronneries. Plus que centenaire, ce vieux coffre autrefois propriété d'un arrière-grand-oncle lorsqu'il était parti à l'armée, s'était vu offrir une nouvelle jeunesse lorsque Mum Rabbit l'avait pour la première fois restauré il y a une trentaine d'année, pour y faire son bar. Puis, le coffre avait rejoint ses camarades d'un autre âge (machines Singer, téléphones à cadran et vielles TSF) sur le grenier des grand-parents, d'où je m'étais promis de l'en descendre un jour. Mum Rabbit, connaissant mon affection pour cette malle chargée d'histoire, s'est donc employée à restaurer une nouvelle fois l'objet, qui trône aujourd'hui fièrement dans ma bibliothèque! =D 

Voici donc Juliette, du nom de son ancien propriétaire, le (plusieurs fois) arrière-grand-oncle Jules.

  Bon, comme vous le savez, parce que je préfère souvent recevoir plusieurs petites bricoles symbolique plutôt qu'un chèque impersonnel et sans aucune âme, j'ai été particulièrement gâté de multiples petites attentions. En cela, la malle n'était qu'un avant-goût, et Mother Rabbit avait plus d'un tour dans son sac : je recherchais depuis mon emménagement au terrier un porte-manteaux vintage, dans le style de celui qu'on peut voir dans le générique de Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Ce n'était pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Mieux que John Steed, celui-là a même son petit crochet à parapluie ^_^.

Ah, et il ressemble aussi au porte-manteaux animé de La Belle et la Bête *_*.


  Bon, ça ne s'arrête pas : après le mobilier "imposant", parce que j'avais chroniqué L'amour caché de Charlotte Brontë et que je lui voulais un point de comparaison, la toujours perspicace Madame Lapin me dénicha le Journal secret de Charlotte Brontë (qui m'attend dans ma PAL), accompagné d'un café bio qui m'a réconcilié avec ce breuvage et de quelques cartes cadeaux à dépenser chez des enseignes aussi bien livresques que vestimentaires (même la carte d'anniversaire était un clin d'oeil à ma manie de photographier les chaussures... ce serait presque énervant d'être ainsi trop bien connu ^_^)


  Quelques jours plus tard, le facteur m'apportait un énorme paquet en provenance directe de Cousinette (alias The British Countess) qui me connait elle aussi décidément trop bien, puisqu'il contenait ni plus ni moins que l'ultime édition britannique des œuvres intégrales de Beatrix Potter, de Peter Rabbit à ses autres contes animaliers illustrés (car ce petit lapin est comme chacun sait à l'origine d'un de mes vieux surnoms...). Enfin, quelques temps plus tard, je retrouvai Clochette-Tinker Bell pour un weekend vintage et bohème à la capitale (j'aurais l'occasion de vous en parler plus tard, au programme : un pèlerinage aux escaliers du film Minuit à Paris et un brunch au lewis-carrolien Loir dans la théière). Clochette qui se maudissait de n'avoir pas eu le temps de trouver de "vrais" cadeaux, alors qu'elle devrait savoir que rien ne pouvait plus me combler que ce charmant coffret en verre d'une boutique de décoration nordique et ces flyers de théâtre aux thèmes furieusement évocateurs (de Shakespeare à Dorian Gray, non, c'est certain, elle non-plus ne me connait pas...).



  Bon, j'en arrive au clou du spectacle, à la pièce-maîtresse, au coup de folie ultime. Je me suis moi-même offert un cadeau de non-anniversaire, sur lequel je lorgnais depuis longtemps. J'ai tenu trois ans sans le commander, parce que "c'était puérile" et aussi parce que, "non, ce n'était pas raisonnable". Mais trois ans c'est un bel effort de frustration qui méritait largement une récompense, non? Alors voilà, j'ai ignoré la réalité de mon compte en banque et j'ai cédé à l'appel de la poignée de porte d'Alice, qui garde désormais le seuil de ma chambre. (Nous ne préciserons pas que, lorsque je passe devant, je fais un arrêt et je la regarde en gloussant de satisfaction comme un neuneu ...).


  Maintenant, je vais devoir faire preuve d'encore un peu de frustration avant de m'abandonner à l'appel du service à thé de Mrs Samovar, qu'eB*y tente de me vendre à grand renfort de mails et de fenêtres publicitaires intempestives >_<. Bah, après tout, cela pourrait toujours faire l'objet d'un autre non anniversaire ...

... Non? ^_^

Bon après cette parenthèse blabla, un-birthday et achats fous, je m'en retourne à mes chroniques : il y a du monde dans la PAL!

mardi 7 juin 2016

Duchesses rebelles #1 : l'intrépide cousine du roi - Anne-Marie Desplat-Duc.

Editions Flammarion Jeunesse, 2016.




  Au temps de la jeunesse de Louis XIV, 5 jeunes Duchesses, exilées parce qu’elles ont participé à la Fronde – révolte dirigée contre le pouvoir en place –, se réunissent pour échanger sur leur vie, leurs souvenirs. Chacune décide alors de prendre la plume et d’écrire ses mémoires, afin que les héroïnes de la Fronde ne soient pas oubliées au profit des hommes ! Elles livrent ainsi leurs vies riches en rencontres et combats. La première, la duchesse de Montpensier, nous confie ses rêves et sa révolte.



*** 


  On ne présente plus la saga des Colombes du Roi Soleil, grand succès de librairie jeunesse d'A-M Desplat-Duc, que j'avais moi-même découvert alors que j'étais jeune adolescent. Si j'avais aimé les premiers tomes, je m'étais, je l'avoue, assez vite lassé - peut-être aussi à cause du rythme, et du manque de péripétie? - mais sans jamais renier le talent de l'auteure. Car si je lui préférais Annie Pietri et ses Orangers de Versailles, A-M Desplat-Duc fait partie de ces écrivains qui ont su ouvrir les portes de l'Histoire versaillaises aux lectorats jeunesses et en faire une littérature à part entière ludique et fascinante. Aussi ma curiosité a-t-elle été réveillée lorsque je me suis vu proposer cette toute nouvelle série de l'auteure. Tout d'abord, la couverture retenait nécessairement l'attention, m'évoquant immédiatement les affiches du Marie-Antoinette de Sophia Coppola, avec son mélange de préciosité toute royale et sa typographie de tabloïd moderne.Un visuel alléchant qui donnait envie de découvrir le contenu...


  Pour Duchesses rebelles, Anne-Marie Desplat-Duc troque ses anciennes héroïnes fictives pour s'attarder sur de véridiques figures de la cour :  au fil de ce tome et des autres à paraître, elle ressuscite donc ces princesses qui furent parties intégrante de la Fronde. La Frondre, révolte qui naquit contre Mazarin pendant la Régence, période où le Cardinal aiguilla la Reine-mère Anne d'Autriche dans la gestion du Royaume en attendant la majorité du jeune souverain. Ses choix politiques et sa toute-puissance manifeste avaient fait se soulever des foules d'opposants, du peuple ou de la noblesse, comme on nous le conte ici. D'un cercle de princesses qui se réunit au début de l'ouvrage sous un faux prétexte pour se lancer dans la rédaction de leurs mémoires et souvenirs de la Fronde, Anne-Marie Desplat-Duc révèle au jeune lecteur le portrait de figures féminines et peut-être même féministes avant l'heure, oubliées des grandes lignes de l'Histoire. Un pari des plus alléchants, ludique et érudit.

 Anne d'Autriche tenant le portrait du jeune Louis XIV.

  Avec ce premier ouvrage consacré à Anne-Marie-Louise d'Orléans, Marquise de Montpensier et cousine du jeune Louis XIV (car fille de Gaston d'Orléans, première frère cadet de Louis XIII), on entre dans les arcanes du pouvoir. Plus encore : à l'image de la Marie-Antoinette de Sophia Coppola, adolescente trans-générationnelle soumise aux obligations de son rang, on appréhende la cour à travers le regard de la jeune Anne-Marie-Louise, enfant innocente victime des prérogatives de sa caste et des choix politiques de sa famille. D'abord enfant rêveuse et candide, elle découvre rapidement qu'elle n'est qu'un pion sur le grand échiquier diplomatique des monarchies. Ainsi promise tantôt à quelque grand souverain et tantôt à d'autres empereurs sans qu'aucun mariage n'aboutisse jamais, celle qu'on appelait la Grande Mademoiselle grandit dans la frustration de ne pas se voir construire d'avenir, jalousée qu'elle est pas ses contemporains et marionnette à laquelle l'a réduite Mazarin. Parce qu'elle réalise que ce dernier tente de l'éloigner de la cour sous de faux prétextes, elle se découvre à son encontre d'autant plus d'inimité et rejoint ainsi le parti de la Fronde aux côtés de son père. Loin de s'en tenir à une simple opinion politique, elle rejoint la bataille en menant des troupes entières de Frondeurs dans la ville d'Orléans, parlementant avec les généraux et préparant des tactiques d'embuscade. 
Miniature de la Grande Mademoiselle, représentée en Minerve, clin d'oeil symbolique à son rôle de guerrière dans la Fronde.

  Une histoire des plus surprenantes, donc (il est en effet peu banal de voir une femme noble de l'époque mener une telle insurrection), racontée avec de foisonnants détails d'époque. Anne-Marie Desplat-Duc teinte même sa narration de quelques formulations surannées et d'une syntaxe précieuse qui donnent une réelle authenticité à l'ensemble, tout en rendant le tout très accessible et attractif pour le jeune lecteur d'aujourd'hui. Aucun doute, après les colombes et ses autres écrits Versaillais, l'auteure maîtrise son univers, fond et forme confondus. Traitons maintenant du rythme : comme je l'ai évoqué plus haut, je m'étais lassé des Colombes, qui, quoi que très bien écrites, manquaient à mon sens d'un peu de piment. J'ai craint, au bout de quelques chapitres, que ce soit encore le cas ici : la première moitié du livre est racontée à petite cadence, la Marquise revenant sur son enfance, son adolescence, ses mariages annoncés puis avortés... sans grand cahot. Mais je dois reconnaître que cela est nécessaire et permet de planter insidieusement le décor des protagonistes et des manigances politiques qui mènent à la seconde partie, beaucoup plus palpitante, où la princesse de sang prend les rennes de son existence et mène les Frondeurs à travers la ville comme une nouvelle Athéna, image symbolique qui lui fut ensuite longtemps associée.

 La très belle illustration de Lucy Mazel pour la couverture.

  Malgré cette petite inégalité de rythme, l'ensemble reste très captivant, attractif, et surtout instructif, rendant accessible à un jeune lectorat des histoires méconnues de l'Histoire. D'ailleurs, il serait très intéressant de comparer cette vraie/fausse biographie avec les mémoires véridiques de la Grande Mademoiselle, au moins en attendant le prochain tome de cette série prometteuse!

Anne-Marie-Louise aux portes d'Orléans.

En bref : En dépit d'un rythme qui prend peu-être un peu trop de temps à se mettre en place et gagner en action, Anne-Marie Desplat-Duc parvient à raconter avec style le parcours atypique d'une figure méconnue de l'Histoire de France et du règne de Louis XIV. Un roman ludique qui donne envie de poursuivre la saga des Frondeuses.

 


Avec tous mes remerciements à Flammarion pour cette découverte! 

Et pour aller plus loin...