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dimanche 9 juin 2013

Ainsi puis-je mourir - Viviane Moore

 Éditions 10/18, 2012.



  Comme dans les contes de fées, il y a une rencontre magique : celle de Gabrielle, la romancière, et de Philip Sedley, un mariage et, bien sûr, un château. Sauf qu'ici, non loin de Cherbourg, dans ce pays de bocages et de légendes, entre ces murs épais, quatre cents ans plus tôt, a vécu une autre femme, Marguerite, qu'une passion tragique a menée à la mort. En faisant de ce destin le sujet de son nouveau roman, Gabrielle ne peut se douter qu'elle va en devenir la prisonnière. La fiction se mêle au réel, le passé au présent. L'histoire semble se répéter, telle une malédiction, et menace de faire de la jeune femme la dernière victime du château des Ravalet.



  Acheté à l'occasion du salon du livre 2013, ce roman me faisait de l'oeil depuis un moment. Repéré il y a environ un an, il avait retenu mon attention par sa couverture aux teintes glacées et son titre à la fois sombre et énigmatique... Les éditions 10/18 publiant toujours des récits de qualité, je m'étais alors attardé sur le résumé, qui m'évoquait un mélange du Rebecca de Daphné du Maurier avec ces autres éléments littéraires qui me sont si chers, à savoir les mystères reliant passé et présent.

  Sortant tout juste d'une lecture de ce type avec l'Echo de ton souvenir, je souhaitais poursuivre avec une histoire similaire et me suis donc jeté sans hésitation sur le roman de Viviane Moore, impatient de découvrir ce que dissimulait son titre fort appétissant. Qu'en dire maintenant que je le l'ai terminé? Passons d'abord par un petit retour sur le synopsis: 
  Lorsque le roman débute, Gabrielle, jeune romancière d'une vingtaine d'années, vient d'épouser Philip Sedley, riche descendant de nobles lignées françaises et britanniques et, surtout, de la dynastie des Tourlaville. Les Tourlaville, cette famille véridique qui occupa en son temps le château des Ravalet, non loin de Cherbourg. Famille maudite, dont l'histoire et les générations successives n'ont cessé d'être marquées par le scandale, la souffrance et le sang... au point d'en faire une légende. Au lendemain de son union, Gabrielle, elle, est plus que jamais enchantée, transcendée: elle va s'installer dans ce même château, domaine qui l'a toujours fascinée depuis qu'elle est enfant. De tous les événements et fait-divers qu'on y recense, le plus romanesque est certainement l'histoire tragique de Marguerite de Tourlaville, qui y naquit au XVIème siècle et dont les portraits ornés de phrases mystérieuses décorent encore les murs de la bâtisse. Mariée de force à l'âge de 13 ans puis mise à mort pour inceste, Marguerite a toujours fasciné Gabrielle, au point qu'elle décide d'en faire le thème central de son nouveau roman. Trouvant l'inspiration dans les dédales labyrinthique du château, la jeune femme se laisse emporté par le souffle romanesque du lieu et la frénésie de l'écriture, se vouant corps et âme à la rédaction du matin jusqu'au soir dans un vertigineux va-et-viens entre présent et passé. C'est alors que surgit de nulle part Terry, la soeur de Pilip, créature diaphane et sensuelle dont Gabrielle n'a jamais entendu parler ni soupçonné l'existence. Pourquoi son époux lui aurait-il caché? D'autant que son arrivée s'accompagne d'une suite d'événements malencontreux et autres accidents, tous dirigés contre Gabrielle. Pourrait-il s'agir d'actes délibérés? Chercherait-on à faire du mal à la jeune écrivaine?... Alors que Gabrielle se perd dans l'Histoire mystérieuse du château, il lui faut aussi faire face aux secrets de Philip et éclaircir ce qu'il semble lui dissimuler...

 Portrait de Marguerite de Tourlaville.

  Si le résumé et l'idée que je m'était faite de l'histoire me mettaient tous les deux l'eau à la bouche, je ne peux m'empêcher d'être un tantinet déçu par quelques éléments. Mais commençons par les points positifs: le plus fort de tous est très certainement de prendre pour cadre de l'histoire un lieu existant, et de construire l'intrigue autour de faits historiques. Ainsi, le château de Ravalet existe bel et bien, de même que toute l'intrigue autour de Marguerite de Tourlaville et de son funeste destin, sujet qui n'a cessé de faire couler de l'encre chez de nombreux auteurs et historiens. Ce postulat de départ renforce donc la crédibilité du roman et attise la curiosité: pendant ma lecture, je n'ai pu m'empêcher de faire quelques sauts sur le net pour admirer les dédales du château des Ravalet, retrouver les pièces et lieux évoqués par Viviane Moore, ainsi que les portrait de Marguerite largement décrits dans son livre. Ce petit jeu des références, ajouté au souffle presque fantastique des retour dans les XVIème et XVIIème siècles, rendait l'intrigue plus palpable.
   Le lien que j'évoquais plus haut avec Rebecca s'est renforcé à la lecture : j'y ai retrouvé certains éléments et atmosphères similaires, notamment avec le personnage de Jane Martin, la gouvernante des Sedley qui n'est pas sans évoquer certains aspects de la terrible Mrs Denvers de Daphné du Maurier.

Le château des Ravalet, près de Cherbourg.

  Cependant, je reste mitigé et il m'est difficile de me prononcer totalement sur ce roman. Si le style de l'histoire et ses thèmes m'ont plu, je n'ai pas trouvé l'atmosphère entêtante et mystérieuse que j'attendais et, du coup, n'ai pas réussi à m'immerger totalement dans l'intrigue. Si le texte est fort bien rédigé, les personnages, en revanche, m'ont semblé assez mal construits et peu réalistes. Par exemple, concernant leur âge: ils sont censés être assez jeunes mais tout dans leur vocabulaire, attitudes et personnalité, évoque des personnes plus âgées, comme si leur "maturité" ne "collait" pas ou serait en décalage. De plus, j'ai eu comme l'impression que les révélations successives concernant les mystères auxquels l'héroïne fait face sont amenés de façon inégale: même si une certaine tension dramatique s'installe, j'ai eu du mal à "vibrer" et me laisser habiter par cette lecture par moment un tantitnet trop "planplan", et je lui reproche en effet un petit côté trop "saga de l'été régionale pour TF1".

Même s'il n'a, pour moi, pas rempli toutes ses promesses, Ainsi puis-je mourir reste un roman sympathique, ne serait-ce que pour la façon dont il interroge le métier d'écrivain et les affres de l'inspiration.

3 commentaires:

  1. J'ai lu quelques avis très positifs sur ce roman et il a rejoint ma PAL il y a quelques jours. J'espère que je ne serai pas trop déçue... Je crois que c'est la première fois que je lis un avis mitigé sur ce titre... Zut ! Cela dit, ça m'intrigue d'autant plus !

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    1. Oups, j'espère ne pas t'avoir trop gâché ta future lecture par mon avis mitigé. J'ai peut-être été un peu dur... je ne sais pas bien comment me situer vis à vis de ce livre, et ce même encore aujourd'hui, après plusieurs semaines... peut-être en attendais-je trop ou m'étais-je déjà imaginé quelque chose de trop précis avant même de le commencer? Tu me diras ce que tu en as pensé!

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  2. J'ai lu ce roman d'une traite par un après-midi d'hiver. Je me suis totalement laissée emporter par l'histoire. Tout d'abord un peu gênée par la relation entre Julien et Marguerite, j'ai ensuite fait abstraction de cela et le tragique, le drame m'ont portée jusqu'au bout. J'ai bien aimé les histoires mises en parallèle, l'hésitation, est ce que la maison ferait se reproduire les histoires ? Est ce que cette pauvre Gabrielle a épousé un mari torturé victime d'un amour interdit ?
    Et je dois dire qu'à la fin de ma lecture, j'ai quelque envie de visiter ce château de Tourlaville !

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