Cendrillon (Cinderella)
Un film de Kenneth Branagh pour les studios Disney,
d'après le conte de Perrault et le classique animé des studios Disney de 1950.
Avec : Lily James, Helena Bonham Carter, Cate Blanchett...
Après la mort tragique de sa mère et pour l’amour de son père, Ella
accueille bienveillamment sa nouvelle belle-mère, Lady Tremaine, et ses
filles Anastasie et Javotte. Mais lorsque son paternel disparaît à son
tour, la jeune fille se retrouve à la merci de sa nouvelle famille,
jalouse et cruelle...
***
Depuis son Alice in Wonderland par Burton en 2010 et la mode sur le retour des contes de fées, les studios Disney se sont glissés dans la brèche d'adapter en live-action les contes merveilleux classiques. Le problème de ce genre de filon est souvent que les premières réalisations débordent d'originalité avant que la mode soit revue à toutes les sauces et sombre dans la banalité. Tant va la cruche à l'eau qu'elle se casse, en sommes, et on pouvait tout craindre de ce Cinderella façon Disney. Certes, les visuels entrevus en previews étaient des plus jolis, mais rien ne semblait vraiment sortir de la version animée de 1950...
Du live action qui a comme un air de déjà vu....
Je suis donc allé voir ce film en mode mi-figue, mi-raisin et j'en suis ressorti... mi-figue mi-raisin. Le presque-désastre était couru d'avance et largement annoncé par les premiers trailers : rien ou peu de choses dans ce film ne s'écarte du dessin-animé Disney original, qui sert davantage de source d'inspiration que les textes de Perrault ou Grimm. En s'adaptant eux-même, les studios ont peut-être cherché à répéter le succès de Maléfique, ce petit chef-d’œuvre qui détournait habilement le Sleeping Beauty animé de Disney. Ici, il n'y a ni angle, ni concept, ni complexité qui ajouteraient un quelconque philtre narratif original, et l'ensemble est un copié-collé -parfois à la scène près- du dessin-animé.
Du copié collé, on vous dit...
L'histoire est par certains détails légèrement étoffée : le début s'attarde ainsi sur l'enfance de l'héroïne, du temps où sa mère était encore en vie. Cet ajout vise à expliquer le pourquoi d'une telle docilité de la jeune fille face à la cruauté de sa marâtre : entreprise intéressante si elle avait pu convaincre, mais comment donner foi à la version proposée par le scénario? Eh oui, si Cendrillon se laisse ainsi malmener, c'est qu'elle avait promis à sa maman d'être toujours biiiieeeen sage et biiieeeen gentille, quoi qu'on puisse lui faire! A mille lieue de l'émancipée et pourtant plus jeune et plus gracile Aurore de Maléfique, cette Cendrillon trop classique (je meurs d'envie de dire has been) ferait enrager toute féministe qui se respecte (Même la Blanche-Neige très rose-bonbon de Tarsem Singh, avec ses robes à froufrou et sa pop colorée, elle, elle se battait, non d'une pipe!) et nous donne envie de la sortir de sa douce léthargie à coup de gifles. On lui préfère mille fois la Cendrillon garçon manquée férue de lecture et de philosophie de A tout jamais, une héroïne digne de ce nom!
Ce bémol pourrait presque passer si le film ne s'engluait pas dans un premier degré qui frôle le ridicule. J'en reviens au Blanche Neige de Tarsem Singh ; dans une esthétique de bonbonnière proche de ce Cendrillon, cette adaptation de Grimm avait le mérite de jouer le contre-pied de l'ambiance archie-sucrée grâce à une bonne dose d'humour qui tempérait cette atmosphère rococo et pâte de sucre. Car non, décidément, cette Cendrillon live-action qui cause "pour de vrai" à des souris (qui, d'ailleurs, ne lui répondent pas - enfin, un peu de crédibilité tout de même!) on n'adhère pas vraiment.
Le seul aspect original vient dans le dernier tiers du film, lorsque Lady Trémaine, qui a démasqué Cendrillon, tente d'ourdir un complot à son encontre avec l'aide du grand duc : là, enfin, la pulpe décolle du fond et le film se pare soudain d'une dimension intéressante. Car vraiment, la seule à tirer son épingle du jeu dans tout ce magma de bons sentiments, c'est Cate Blanchet en Marâtre! Est-ce le concept de Maléfique et la mode transversale " du côté des Méchants" qui nous contamine? Peut-être, en tout cas, la prestation de l'actrice est tout en glace et en élégance : froide et digne, cette Lady Trémaine impeccable rappelle autant la Reine Elizabeth I déjà jouée par C.Blanchet que la sournoise Marquise de Merteuil des Liaisons dangereuses, qui jouait si bien de son apparence et de sa réputation de femme du Monde pour mieux tromper son monde...
Car côté casting, même Helena Bonham Carter déçoit. Non que sa prestation soit ratée à proprement parler, mais elle ne donne pas à voir un jeu particulièrement marquant. Sa version doux-dingue aux allures pompettes de la bonne fée est amusante, mais l'actrice ne se surpasse pas. Le reste du casting est correct mais pas époustouflant non plus : le prince sort d'une publicité pour dentifrice et les deux sœurs, trop caricaturales, n'ont même pas un tiers du charisme de leurs homologues animés. Enfin, Lily James elle-même ne m'a pas totalement convaincu : là encore, sa performance est passable mais elle me semble déjà trop mûre pour être crédible en jeune fille innocente, et j'aurais préféré une actrice adolescente de l'âge réel de l'héroïne pour plus de fraîcheur et de candeur.
Reste l'esthétique du film : même si les décors peuvent pâtir d'une surenchère de baroque rococo archi sucré à tuer un diabétique, il faut reconnaitre que l'ensemble laisse imaginer un travail gigantesque et en même temps minutieux en amont. La charte graphique, au croisement des XVIIIème et XIXème siècles européens, offre quelques jolies réussites, à la façon de la scène de bal, dont le visuel était volontairement inspiré du Guépard de Visconti.
Le Léopard vs Cendrillon
Enfin, impossible de ne pas évoquer les costumes, dont on ne peut qu'admettre la magnificence : signées Sandy Powell, les tenues sont là aussi au carrefour des époques. Etrangement, celles de Cendrillon sont peut-être les moins audacieuses (les souliers de verre ont l'air d'énormes serre-livres en cristal de Baccara et la robe de bal est trop... "costume de carnaval achetée en disneystore".) mais le superbe costume très "Marie-Antoinette" d'Helena Bohnam Carter évoque la Bonne fée illustrée par E.Dulac, et la garde-robe de Lady Trémaine, inspirée des années 20 à 40 et des lignes Art-Déco, souligne merveilleusement bien le ton cassant du personnage.
Dessins préparatoires de S.Powel pour la confection des costumes.
En bref: Cette Cendrillon, banale redite live du classique animé de 1950, peine donc à exister pour elle-même et reste une fable trop convenue au manque criant de l'anti-conformisme d'un Maléfique. Tout juste plaisante, cette production trop premier degré ne satisfera que les plus jeunes fillettes rêvant de princesses et, peut-être, les plus âgés qui voudront décortiquer chaque scène pour jouer aux "7 erreurs" avec le dessin-animé.
Et pour aller plus loin...
-Jetons donc un œil aux différentes novélisations en roman du film, publiée chez Hachette : La version Young Adult par Britanny Candau, publiée en grand format...
... dont vous préférerez peut-être la VO, Have courage, be kind : the tale of Cinderella, à l'origine très bel objet puisqu'au départ roman graphique dont les éditeurs français n'ont, malheureusement, repris que le texte!
...Sans oublier la version jeunesse (lecteurs de 8 à 10 ans), un tout autre texte cette fois écrit par Elizabeth Rudnick (déjà auteure des novélisation Alice, Oz, et Maléfique), publié à la bibliothèque rose...
...à moins que vous ne préfériez retrouver le charme du dessin-animé d'origine avec l'album Disney.
... dont vous préférerez peut-être la VO, Have courage, be kind : the tale of Cinderella, à l'origine très bel objet puisqu'au départ roman graphique dont les éditeurs français n'ont, malheureusement, repris que le texte!
...Sans oublier la version jeunesse (lecteurs de 8 à 10 ans), un tout autre texte cette fois écrit par Elizabeth Rudnick (déjà auteure des novélisation Alice, Oz, et Maléfique), publié à la bibliothèque rose...
...à moins que vous ne préfériez retrouver le charme du dessin-animé d'origine avec l'album Disney.
-Et du côté des films, si vous avez aimé le visuel féérico-baroque sucré, je vous recommande le Blanche-Neige (Mirror Mirror) de Tarsem Singh, réalisé dans une esthétique très proche. Et à l'inverse, si vous recherchez une ambiance plus authentique, allez donc voir le sublime A tout Jamais, version historico-réaliste de Cendrillon.
Ah lala! Pas de secret alors : si on veut faire un film qui ne soit pas déconseillé aux plus de huit ans, il faut jouer soit la carte de l'humour et de l'auto-dérision (Il était une fois), soit la carte de la noirceur (Blanche Neige et le chasseur, Maléfique).
RépondreSupprimerOui, c'est cela... et à voir la "tirade" de Lady Tremaine dans le film, lorsqu'elle raconte brièvement sa vie à Cendrillon, on reste rêveur à une production qui lui serait entièrement consacrée...=(
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