The particular sadness of lemon cake, Knopf, 2010 - Editions de l'olivier (trad. de C.Leroy), 2013 - Editions Point, 2014.
Le jour de ses neuf ans, Rose Edelstein mord avec délice dans le gâteau
au citron préparé pour célébrer ce moment de fête. S’ensuit une
incroyable révélation : elle parvient précisément à ressentir l’émotion
de sa mère lorsqu’elle a confectionné le gâteau. Sous les couches de
génoise et de crème, Rose perçoit le désespoir. Ce bouleversement va
entraîner la petite fille dans une enquête sur sa famille. Car, chez les
Edelstein, tous disposent d’un pouvoir embarrassant : odorat
surpuissant ou capacité de se fondre dans le décor au point de
disparaître. Pour ces superhéros du quotidien, ce don est un fardeau.
Chacun pense être affligé d’un mal unique, d’un pouvoir qu’il faut
passer sous silence. Comment vivre lorsque les petits arrangements avec
la vérité sont impossibles ? Comment supporter le monde lorsqu’une
simple bouchée provoque un séisme intérieur ?
Dans ce texte original, proche des films de Wes Anderson ou de Michel Gondry, Aimee Bender met une fois de plus l’imagination au pouvoir. Comme le singulier gâteau de Rose, les romans d’Aimee Bender sont recouverts d’un succulent glaçage, fait d’humour et de fantaisie.
« Mais au fond ce que fait mademoiselle Bender n’est pas de nous chloroformer avec de jolies fables, puisque ce dont elle nous parle en général et avant toutes choses c’est de la mort. Mais elle nous en parle avec une délicatesse de luciole. » (Véronique Ovaldé)
Sorti il y a déjà quelques années, ce roman m'avait tapé dans l’œil grâce à sa couverture pleine de pep's et son titre à rallonge ; le résumé avait fini de me convaincre, et il était resté dans ma PAL numérique quelques années, jusqu'à ce qu'une récente cure télévisuelle de Pushing Daisies me donne envie de lecture mêlant gourmandise et atmosphère décalée.
Et ce fut un véritable régal! Loin d'une grosse pièce montée pleine de glucose, ce roman est un entremet aux saveurs toutes en nuance, à l'image du gâteau au citron de l'histoire : un mélange complexe de douceur et d'acidité, complété d'une note d'amertume...
Imaginez : sous le soleil de Los Angeles, une famille tout ce qu'il y a de plus traditionnel en apparence, avec mère au foyer, père bourreau de travail, fils ainé précoce. Rose, la petite dernière, pourrait presque disparaitre dans cette masse de normalité... mais voilà : un jour, elle mange une part de gâteau au citron préparé par sa mère, et la voilà envahie par une tristesse insoutenable qui lui reste sur la langue et sur l'estomac... Très vite, la fillette réalise qu'elle a le don de percevoir les sentiments des personnes en goûtant ce qu'ils ont cuisiné, une particularité qui s'avère rapidement difficile à porter : envahie par des émotions qui ne lui appartiennent pas et qu'elle se passerait bien de connaître, Rose apprend à grandir en faisant semblant d'ignorer qu'elle sonde les secrets les plus enfouis de ses proches.
Si le synopsis a tout de farfelu, ce roman est en fait raconté avec un réalisme criant et saisissant. Jamais depuis Le temps n'est rien une histoire utilisant un élément flirtant avec le fantastique ne venait en fait raconter avec une telle crudité les aléas de l'enfance, des dysfonctionnements familiaux, et des différentes phases d'une vie faite de deuils et de résiliences. Et pourtant, rien n'est totalement noir dans cet ouvrage et l'auteure ne sombre jamais dans le pessimisme facile : à travers une prose précise et évocatrice, relevée d'un nuage d'imaginaire, Aimee Bender aborde mélancolie et nostalgie avec fantaisie. Le parallèle évoqué plus haut avec les films de Wes Anderson, qui s'inscrivent directement dans cette lignée, est donc des plus pertinent.
Chaque lecteur saura se retrouver un peu dans le parcours de cette gamine aux papilles aussi perspicaces que ses émotions : que ce soit dans les étapes (difficiles) vers l'âge adultes, les rêves qu'on abandonne et ceux -nouveaux- qu'on se fabrique, les relations frère/soeur, l'amour, ou encore la métaphore des enfants symptôme et de leur empathie qui fait éponge...
En bref : Un roman doux-amer tantôt léger, tantôt déroutant, qui aborde la transition vers l'âge adulte au sein d'une famille comme il en existe tant. Poétique et mélancolique, un drame à la rare puissance évocatrice qui ne sombre jamais dans le mélo, au contraire : l'équilibre entre les ingrédients de ce gâteau au citron est parfait, et le roman, aussi singulier soit-il, est une réussite unique en son genre.
Dans ce texte original, proche des films de Wes Anderson ou de Michel Gondry, Aimee Bender met une fois de plus l’imagination au pouvoir. Comme le singulier gâteau de Rose, les romans d’Aimee Bender sont recouverts d’un succulent glaçage, fait d’humour et de fantaisie.
« Mais au fond ce que fait mademoiselle Bender n’est pas de nous chloroformer avec de jolies fables, puisque ce dont elle nous parle en général et avant toutes choses c’est de la mort. Mais elle nous en parle avec une délicatesse de luciole. » (Véronique Ovaldé)
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Sorti il y a déjà quelques années, ce roman m'avait tapé dans l’œil grâce à sa couverture pleine de pep's et son titre à rallonge ; le résumé avait fini de me convaincre, et il était resté dans ma PAL numérique quelques années, jusqu'à ce qu'une récente cure télévisuelle de Pushing Daisies me donne envie de lecture mêlant gourmandise et atmosphère décalée.
Et ce fut un véritable régal! Loin d'une grosse pièce montée pleine de glucose, ce roman est un entremet aux saveurs toutes en nuance, à l'image du gâteau au citron de l'histoire : un mélange complexe de douceur et d'acidité, complété d'une note d'amertume...
"Je sentais une fois de plus les larmes s'amasser dans ma gorge, mais je les ai éparpillées loin les unes des autres. Les larmes ne sont une menace qu'en groupe."
Imaginez : sous le soleil de Los Angeles, une famille tout ce qu'il y a de plus traditionnel en apparence, avec mère au foyer, père bourreau de travail, fils ainé précoce. Rose, la petite dernière, pourrait presque disparaitre dans cette masse de normalité... mais voilà : un jour, elle mange une part de gâteau au citron préparé par sa mère, et la voilà envahie par une tristesse insoutenable qui lui reste sur la langue et sur l'estomac... Très vite, la fillette réalise qu'elle a le don de percevoir les sentiments des personnes en goûtant ce qu'ils ont cuisiné, une particularité qui s'avère rapidement difficile à porter : envahie par des émotions qui ne lui appartiennent pas et qu'elle se passerait bien de connaître, Rose apprend à grandir en faisant semblant d'ignorer qu'elle sonde les secrets les plus enfouis de ses proches.
"Joseph communiquait parfois avec moi, de la même façon que le désert produit une fleur de temps en temps. On s'habitue aux nuances de beige et de brun et puis un coquelicot jaune soleil éclot sur la branche d'un figuier de Barbarie. Je chérissais ces moments de floraison (...) mais ils étaient rares et imprévisibles."
Si le synopsis a tout de farfelu, ce roman est en fait raconté avec un réalisme criant et saisissant. Jamais depuis Le temps n'est rien une histoire utilisant un élément flirtant avec le fantastique ne venait en fait raconter avec une telle crudité les aléas de l'enfance, des dysfonctionnements familiaux, et des différentes phases d'une vie faite de deuils et de résiliences. Et pourtant, rien n'est totalement noir dans cet ouvrage et l'auteure ne sombre jamais dans le pessimisme facile : à travers une prose précise et évocatrice, relevée d'un nuage d'imaginaire, Aimee Bender aborde mélancolie et nostalgie avec fantaisie. Le parallèle évoqué plus haut avec les films de Wes Anderson, qui s'inscrivent directement dans cette lignée, est donc des plus pertinent.
"-Tu as des choses à offrir, a-t-il ajouté d'un ton bourru.
- A qui?
- A offrir, c'est tout. Au monde."
Chaque lecteur saura se retrouver un peu dans le parcours de cette gamine aux papilles aussi perspicaces que ses émotions : que ce soit dans les étapes (difficiles) vers l'âge adultes, les rêves qu'on abandonne et ceux -nouveaux- qu'on se fabrique, les relations frère/soeur, l'amour, ou encore la métaphore des enfants symptôme et de leur empathie qui fait éponge...
"Voir arriver quelqu'un que l'on aime, les jours où tout va mal, est l'un des grands baromètres de la gratitude."
En bref : Un roman doux-amer tantôt léger, tantôt déroutant, qui aborde la transition vers l'âge adulte au sein d'une famille comme il en existe tant. Poétique et mélancolique, un drame à la rare puissance évocatrice qui ne sombre jamais dans le mélo, au contraire : l'équilibre entre les ingrédients de ce gâteau au citron est parfait, et le roman, aussi singulier soit-il, est une réussite unique en son genre.
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