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lundi 30 octobre 2017

Les sorcières d'Eastwick - John Updike.

The witches of Eastwick, Ballantine, 1984 - Editions Gallimard, (trad. de M.Rambaud), 1986.



  L'Amérique des années soixante-dix, époque d'aspirations confuses, mal affranchie des tabous religieux, de la morale et du sexe. À Eastwick, une petite ville de province, trois femmes divorcées, adeptes des pratiques occultes, trois sorcières, exercent sur les hommes et leurs concurrentes le pouvoir que leur confèrent et leur charme, et leur liberté, et leur perversité. L'arrivée de Van Horne, incarnation du Malin, déclenchera une tragédie. Par goût du pouvoir absolu, Jane, Alexandra et Sukie en appelleront en effet aux forces maléfiques pour se débarrasser de Jenny, leur disciple devenue leur rivale et, donc, leur victime de prédilection. 



*** 

  Difficile de participer au challenge Halloween 2017 cuvée sorcellerie sans passer par ce classique de la littérature américaine. L'auteur du roman, John Updike (1932-2009) fut un écrivain de grande notoriété, célèbre pour ses romans, ses recueils de poésies, ses nouvelles, mais aussi ses critiques littéraires ; il est encore reconnu comme l'un des plus grands hommes de lettres du XXème siècle. 

 Bienvenue à Eastwick : L'enfer est vide, tous les démons sont ici!

  Dans l'Amérique profonde des années 70, dans l'ancienne petite ville d'Eastwick, trois femmes libres et sulfureuses s'attirent les œillades et médisances de leurs voisines : Alexandra, Jane, et Sukie, la quarantaine et fraichement divorcées, croquent la vie à pleines dents. La première, artiste, façonne des sculptures de petites bonnes femmes rondelettes, la seconde, musicienne, manie l'archet avec passion et talent, et la troisième, journaliste, publie dans la gazette locale. Mais ces trois femmes dynamiques que rien ne semble impressionner sont bien plus que cela : fortes de leur émancipation, elles ont aussi développé certains... pouvoirs plus particuliers. Pouvoirs qui paraissent d'autant plus grands que personne n'ose s'opposer à elles : celles qui essaient y perdront leur maris ou se casseront une jambe, par un énième coup du sort - ou d'un sortilège. Mais ce petit train-train va prendre un tournant inattendu lorsque l'énigmatique, répugnant, et pourtant séduisant (!) milliardaire Daryl Van Horn vient s'installer dans l'ancien Manoir Lenox. Ce grossier personnage, qui a pourtant tout de repoussant, exerce sur nos trois sorcières un étrange pouvoir d'attraction, et ne tarde pas à les entraîner dans des jeux érotiques auxquels elles se livrent sans déplaisir. Ce Daryl serait-il l'incarnation du Malin? Mais à malin, malin et demi, car lorsque leur amant inattendu leur tourne le dos pour une femme plus jeune, Alexandra, Jane, et Sukie sont prêtes à déployer leurs forces les plus sournoises pour se venger de Daryl Van Horn...

Photographie de Drew Gardner.

 "Il décuplait les pouvoirs des femmes, ce bon air d'Eastwick."

  Si les thèmes de prédilection d'Updike étaient le plus souvent de se pencher sur les petites bourgades de l'Amérique profonde pour poser un regard quasi-analytique sur leur rapport à la religion et, bien souvent, à la sexualité, il ajoute ici une place centrale à la figure de la femme. Car Les sorcières d'Eastwick, en dépit de la présence de magie, n'est pas à classer dans la seule lignée des romans fantastique : le recours à la sorcellerie n'est pour Updike qu'un moyen à valeur symbolique d'évoquer l'émancipation féminine et la révolution sexuelle émergentes de l'Amérique des années 70. Plus que ça, il aborde de façon métaphorique la force créatrice de la femme et ses multiples dons, en comparaison desquels les hommes (à Eastwick mais sûrement autant ailleurs, on s'en doute) sont bien peu de choses...


 " N'ont d'intérêt en fait que ce que nos esprits retiennent, ce que nos vies ont confié à l'air."

  Les thèmes explorés par Updike sont donc particulièrement intéressants, et ses métaphores, pertinentes. Son écriture est pleine de piment et son ton parfois caustique vient accentuer le versant satyrique de son propos, dont le premier bémol est par là même de rendre parfois ses personnages antipathiques. Ce sentiment est aussi renforcé par les pulsions ambivalentes que le répugnant Daryl provoque chez ces trois femmes qu'on aurait crues au-dessus de ça... Et si l'on finit par s'y faire, d'autant plus lorsqu'elles changent leur fusil d'épaule, reste un second point dans l'écriture qui ne peut laisser indifférent : sa lourdeur. Updike nous assomme de phrases terriblement longues ( non, moi je fais des phrases longues, lui fait des phrases interminables ) de celles dont on a oublié le début une fois qu'on arrive à la fin, et pour lesquelles on manquerait de souffle s'il fallait les lire à voix haute. Cela rend la lecture particulièrement ardue, et incite presque à abandonner... en plus d'amener à une interrogation qui m'obsède depuis : à partir de quand un style qu'on qualifierait de lourd chez n'importe quel amateur devient LE style chez Updike?

 La véritable Eastwick...

  Aussi, l'ironie du sort est que pour une œuvre qui appartient à la grande littérature, seuls un vague synopsis et son adaptation par la pop culture (un film, plusieurs téléfilms, une comédie musicale, et une série) soient restés dans les mémoires...

"Seule une conjuration de femmes empêche le monde de s'écrouler."

En bref : Un roman fantastique dont le réel intérêt se situe dans la seconde lecture sociologique de l'histoire : ce classique de la littérature américaine contemporaine dépeint avec, il faut le dire, une intelligente facétie la libération sexuelle et féminine des années 70. Si la figure mythique et mystique de la femme est mise en valeur avec pertinence, le style d'Updike, qui reste à n'en pas douter UN style, pourra perdre même les lecteurs les plus acharnés par sa lourdeur... 



8 commentaires:

  1. Je n'ai jamais lu ce roman (et après avoir lu vos commentaires sur son style, je crois que je ne le lirai pas !!!) mais le film avec Jack Nicholson était un agréable divertissement.

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    1. Je n'ai toujours pas eu l'occasion de le voir! Je ne connais que la dernière version en série télé, laquelle ressemblait surtout à un mélange de Charmed et Desperate Housewives ^_^

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  2. J'aime bien cette couverture... j'avais envie de le lire jusqu'à ce que je voie l'adaptation cinématographique à laquelle je suis restée assez hermétique. Pas totalement sûre que le roman pourra me plaire non plus... je le laisse dans un coin de LAL pour l'instant.

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    1. Oui, j'ai complètement craqué pour la couv! Mais effectivement, le contenu est quelque peu indigeste! Ce qui est dommage car la métaphore est vraiment intéressante, mais non, ça ne suffit pas : Le style d'Updike, on aime ou on aime pas, pour moi c'était vraiment dur dur...

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  3. Je ne compte pas lire cet ouvrage mais j'avais bien aimé le film avec Cher, S Sarandon, M Pfeiffer et surtout le grand J Nicholson !! :-)

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  4. As tu vu la récente série télé ? Le personnage de Daryl Van Horn y est mille fois plus sympathique!
    J'ai lu le livre, j'ai rendu ma copie et maintenant, j'avoue, je m'en lave les mains : Je ne force personne à s'infliger cette prose! Même si je répète que c'est vraiment très dommage que de si bons thèmes ne soient pas servis par un style plus abordable :(

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  5. Est-ce que le problème vient de l'auteur ou de sa traduction?

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  6. Non, c'est bien l'auteur : Il est réputé pour ça... Mais pour le coup, je n'aurais pas été contre un traducteur qui allège le tout, enfin qui ajoute de la ponctuation en tout cas, mais alors ce sont les puristes qui n'auraient plis été d'accord ;)

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