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lundi 5 février 2018

L'atelier des souvenirs - Anne Idoux-Thivet.

Auto-édition Librionova, 2016 - Editions Michel Lafon, 2018.



  Lorsqu’elle hérite de la maison de sa grand-mère dans la Meuse, Alice décide de quitter sa vie de thésarde parisienne qui ne mène nulle part et de s’installer à la campagne. Elle se lance alors dans l’animation d’ateliers d’écriture dans deux maisons de retraite. Suzanne, Germaine, Jeanne, Élisabeth, Georges, Lucien… les anciens dont elle croise la route sont tous plus attachants les uns que les autres.
  Au fil des séances d’écriture, les retraités dévoilent des bribes de leur passé et s’attachent à la jeune femme, dont ils devinent la solitude. Bien décidés à lui redonner le sourire, la joyeuse bande de seniors se donne pour mission de l’aider à trouver l’amour !


***

  Derrière cette couverture d'un vert acidulé avec son similiclone d'Audrey Hepburn en train de taper à la machine, on se demande bien quelle histoire recèle ce livre, notre curiosité encore un peu plus éveillée par son titre prometteur.  Apprenez que ce roman a connu une belle histoire, significative d'une qualité qu'on peut aisément supposer : initialement auto-édité via la plateforme Librinova en 2016, il a été repéré par les éditions Michel Lafon un an plus tard. Il faut dire qu'Anne Idoux-Thivet n'en est pas à son premier coup d'essais : après un ouvrage spécialisé / témoignage Ecouter l'Autisme chez Autrement en 2009, elle avait remporté un prix lors du concours hommage à Downton Abbey organisé par les éditions Charleston en 2016 avec 27 Rue de la bienfaisance, également publié sur Librinova... 
  Vous l'aurez compris à la lecture du résumé de cet Atelier des souvenirs, il s'agit cette fois de thèmes rarement exploités dans la fiction littéraire, mais je l'ai aussi choisi parce que j'ai moi-même, en compagnie de deux amies, mené des ateliers d'écriture en maison de retraite il y a quelques années. Dire que j'attendais l'auteure au tournant serait exagéré, mais j'avoue que j'étais très curieux de découvrir de quoi il retournait et comment elle traiterait le sujet...

 Couvertures des premières versions auto-éditées.

  Nous suivons donc Alice au fil de ses pérégrinations littéraires : d'une maison de retraite à l'autre entre Commercy et Saint-Mihiel, les chapitres s'égrainent au rythme des productions des pensionnaires et des jeux de mots auxquelles elle les invite. Textes à imaginer sur la base de lieux-dits de cartes topographiques, collages à la Prévert, "cadavre exquis", lettres imaginaires, autant d'exercices clés d'ateliers d'écritures ordinaires, qui deviennent ici le fil rouge dans l'éclosion des souvenirs. Car quoi que l'on raconte, il y a toujours une part intime de soi qui émerge, et c'est d'autant plus vrai pour les résidents que côtoie Alice. Au fur et à mesure de leurs rencontres, elle s'attache même aux plus revêches d'entre-eux et un grand respect s'instaure... si bien que les pensionnaires, lorsqu'ils comprennent à travers les propres écrits de la jeune fille qu'elle essuie un chagrin d'amour, décident d'y mettre leur grain de sel. 

  Ce feel good book à la française, loin d'égaler ses équivalents anglo-saxons (les maîtres en la matière), reste néanmoins un bon exemple de ce que nous pouvons faire de ce côté-ci de la Manche. On sent, il est vrai, encore quelques réminiscences du roman autoédité qu'était au départ l'Atelier des souvenirs et qui persistent mais sans pour autant les reprocher à son auteure, parce qu'on voit aussi tout le positif qui a conquis l'éditeur. Le style parvient à rester fluide bien qu'il soit entrecoupé d'un chapitre à l'autre par les textes des résidents, et on s'y habitue assez vite pour s'en formaliser et même apprécier ce rythme et bien évidemment le contenu des productions

 Commercy et Saint-Mihiel, paysages de la Meuse où s'ancre (s'encre?) l'histoire.

  Car ce que racontent nos "petits vieux", comme les surnomme mentalement Alice (avec sincère affection, comme elle le rappelle toujours) renvoie toujours à leur passé : l'action se situant dans la Meuse, la jeune fille se trouve confrontée à toute une génération d'hommes et de femmes qui a traversé le siècle précédent et bien souvent vécu avec intensité la Seconde Guerre Mondiale et la Résistance, compte-tenue de la situation démographique du département. C'est donc tout un pan de l'Histoire qui revit au croisement de l'histoire intime des personnages.

  Cette intimité, Anne Idoux-Thivet en restitue fort bien les émotions et l'on s'attache nous aussi aux membres de l'atelier d'Alice. De Pierre le poète qui ne vit que dans le souvenir de sa défunte épouse aux robes bouffantes, à Germaine et son mauvais caractère, en passant par Suzanne en sosie de Maggie Smith (et là, les quelques références et clins d’œil viennent marquer la filiation et le goût de l'auteur pour les histoires feel good à l'anglaise), tous éveillent en nous une profonde affection et nous évoquent parfois même un aïeul. Moi-même, j'y ai retrouvé beaucoup des résidents rencontrés lors de mon expérience similaire...

Maggie Smith dans Quartet (2012) 
... qui se déroule dans une maison de retraite.

  Alors, certes, reste que les événements qui suivent aux ateliers et leur enchaînement restent peu probables mais la fantaisie - ou plutôt les fantaisies - que se permet l'auteure pour raconter tout de même une histoire et ne pas se contenter d'un enchevêtrement de textes d'ateliers d'écriture se laisse lire avec plaisir et amusement. On pensera beaucoup à l'école des saveurs d'Erica Bauermeister, en lisant ce livre, autant dans son genre, sa construction, que dans les valeurs altruistes qu'il véhicule également. Avec en prime une belle promotion à l'importance et à la richesse des rencontres intergénérationnelles.

En bref : Malgré le caractère improbable de certaines situations, on a avec cet Atelier des souvenirs un roman feel good plein d'humanité. Anne Idoux Thivet nous parle avec une fantaisie légère de la rencontre intergénérationnelle et aborde avec réussite la richesse des ateliers d'écriture. Un roman chaleureux à lire au coin du feu.

Merci aux éditions Michel Lafon pour cette découverte.

2 commentaires:

  1. ça peut être sympa, si je tombe dessus... je ne l'achèterai pas mais si d'aventure, à la médiathèque... :-)

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    1. Oui, n'hésite pas si l'occasion de l'emprunter se présente : Ça se laisse lire avec plaisir, confortablement installé dans un fauteuil avec une couverture et un thé à la main ;)

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