Angleterre, 1866. Nell vit rejetée de tous à cause
des taches de naissance qui constellent son corps. Lorsque le Cirque
des Merveilles de Jasper Jupiter plante son chapiteau non loin de chez
elle, son existence bascule : son père la vend au propriétaire comme
nouveau phénomène de foire.
Contre toute attente, la jeune fille voit son horizon s’élargir. Elle se lie d’amitié avec les autres artistes et se prend d’affection pour Toby, le « photographiste ». Elle qui n’a connu que l’obscurité entre enfin dans la lumière et c’est un véritable triomphe. Mais que lui arrivera-t-il le jour où son succès menacera d’éclipser celui de l’homme qui l’a achetée ?
Contre toute attente, la jeune fille voit son horizon s’élargir. Elle se lie d’amitié avec les autres artistes et se prend d’affection pour Toby, le « photographiste ». Elle qui n’a connu que l’obscurité entre enfin dans la lumière et c’est un véritable triomphe. Mais que lui arrivera-t-il le jour où son succès menacera d’éclipser celui de l’homme qui l’a achetée ?
Entrez dans la lumière avec Nellie Moon.
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Il y a trois ans, nous avions découvert le premier roman d'Elizabeth Macneal, à l'époque très bien reçu par le public et la critique : La fabrique des poupées. Inspirée par le parcours de Lizzie Siddal, modèle puis artiste du mouvement préraphaélite, la romancière avait consacré son intrigue à l'Art et à l'attrait de l'ère victorienne pour les curiosités, à mi-chemin entre prodiges et monstruosités. Ces thèmes, Elizabeth Macneal propose de les interroger de nouveau dans son second roman, Le Cirque des Merveilles.
Campagne anglaise, dans les années 1860. Dans un petit village côtier, Nell, son frère et son père vivent tant bien que mal de la récolte des violettes, que la jeune femme enduit de sucre pour les envoyer ensuite en ville où elles orneront les plus fines et délicates pâtisseries. De très humble condition, Nell est aussi discrète et renfermée que son physique attire les regards : intégralement couverte de tâches de naissance qui constellent sa peau, elle est l'objet tantôt de la moquerie, tantôt de la méchanceté des autres. Lorsque le fabuleux cirque de Jasper Jupiter s'installe pour quelques jours avec ses artistes, clowns, funambules, animaux exotiques et monstres, Nell est de suite comparée par les villageois aux femmes à barbe, géants et autres siamois du spectacle. Allusion prémonitoire ou pas, la jeune fille se retrouve malgré elle vendue par son père à Jasper Jupiter, qui décide d'en faire sa nouvelle attraction. D'abord prisonnière, Nell ne tarde pas à découvrir un univers qui lui offre enfin la possibilité d'être fière de ce qu'elle est. Transformée en Nellie Moon, une créature céleste qui, suspendue dans les airs à une montgolfière et revêtue d'ailes métalliques, s'envole tous les soirs au-dessus du public, elle se libère enfin. Mais s'affranchit-elle totalement ? Car alors qu'elle sent naître en elle un vif et brûlant désir pour Toby, le photographe du cirque et frère cadet effacé de Jasper, c'est officiellement à ce dernier qu'elle appartient...
"Tout récit est une fiction."
Tout comme pour son précédent roman, c'est dans l'Histoire qu'Elizabeth Macneal a puisé son inspiration. C'est en feuilletant un ouvrage de photographies de l'époque victorienne qu'elle est tombée par hasard sur le daguerréotype d'une "femme à barbe anonyme" d'un quelconque cirque itinérant comme il en existait alors tant. Profondément touchée par la jeunesse du modèle et par l'absence d'informations sur sa vie, c'est l'envie de combler ce vide qui a fait naître en l'autrice l'idée du Cirque des Merveilles. Son premier projet était de rédiger la biographie romancée de "monstres de foire" célèbres, tel Joseph Merrick, plus connu sous le nom d'Elephant man, ou encore Julia Pastrana, artiste de cirque atteinte d'hypertrichose au destin tragique. Mais lors du passage à l'écrit, ses premières ébauches ont laissé à Elizabeth Macneal le désagréable sentiment de s'immiscer dans la vie privée de ces figures réelles et de se les approprier, alors que l'industrie du spectacle leur avait déjà volé leur vie, leur intimité et leur dignité. Ainsi, comme pour La fabrique des poupées qui devait initialement être un ouvrage biographique, Le Cirque des Merveilles s'est finalement transformé en récit de fiction inspiré par les nombreuses recherches de la romancière et les destins entremêlés de ces artistes longtemps réduits au silence.
La photographie qui a fait germer l'idée dans l'esprit d'E.Macneal...
C'est leur mémoire à tous qu'elle convoque à travers les personnages de Nelly Moon, Stella la femme à barbe ou encore Pearl l'albinos. A travers les voix de ses personnages fictifs, Elizabeth Macneal aborde régulièrement la renommée controversée et ambiguë de figures réelles : Julia Pastrana (femme "la plus laide du monde" qui finit naturalisée dans une vitrine), Tom Pouce (l'enfant minuscule vendu au propriétaire d'un cirque alors qu'il était encore bébé), ou encore les siamois Bunker (devenus quant à eux richissimes grâce à la féconde industrie des divertissements). Ces évocations, comme la quête de son héroïne et des personnages secondaires imaginés pour Le Cirque des Merveilles, sont sujettes à interroger l'ambivalence de l'univers qui les tolère, eux, les étrangetés de la nature. Libres, d'une certaine manière, mais prisonniers d'un physique qui en fait davantage des curiosités que des personnes à part entière aux yeux du monde. Une réalité à double tranchant avec laquelle Elizabeth Macneal compose avec brio pour façonner progressivement le personnage de Nell, à la recherche de sa propre identité au milieu de celles qu'on lui invente chaque soir pour les besoins du spectacle. Pour alimenter les nombreuses métaphores qui parsèment son roman et faire naître de multiples réflexions dans l'esprit de ses lecteurs, la romancière nous régale par ailleurs de nombreuses références mythologiques et littéraires, du mythe d'Icare à Frankenstein, en passant par La petite sirène. Autant de clins d’œil qui participent à la densité de sa propre intrigue.
La psychologie des personnages, de prime abord peu travaillée dans le premier tiers du livre, nous a laissé craindre une banale redistribution des rôles de La fabrique des poupées : une jeune femme candide atteinte de difformité (Iris / Nell), découvre finalement que sa particularité physique peut présenter un attrait dans un certain univers (la peinture / les cirque) et devient en cela l'objet de fascination de deux hommes – un artiste (Louis / Toby) et un personnage plus sombre qui désire la posséder (Silas / Jasper) – entre lesquels l'héroïne devra trouver sa place. Renforcé par des thématiques proches sinon similaires, ce parallèle entre les deux romans trouvent cependant à s'enrichir au fur et à mesure que l'on progresse dans la lecture et qu'Elizabeth Macneal ajoute ça et là des nuances à sa galerie de protagonistes. Nell éclot davantage qu'Iris et trouve sur la piste sa raison d'être en même temps qu'elle découvre des émotions qui la transcendent, voire qui lui redonnent vie. Quant au duo Toby / Jasper, la romancière ne s'arrête pas à des archétypes univoques et creuse leur psychologie en profondeur, leur prêtant un relief qui témoigne de sa propre progression en tant qu'autrice. Moins lisse qu'on pourrait s'y attendre, Le Cirque des Merveilles évite les écueils et s'offre une conclusion inattendue, mais en réel accord avec ses personnages.
Les arts forains, restitués ici dans un versant moins sociologique qu'avait pu le faire la romancière Ann Featherstone avec l'univers tonitruant du spectacle victorien (on se souvient de l'excellent et en même temps malaisant Que le spectacle commence!), sont néanmoins présentés avec toute la nuance et la complexité nécessaires. Romanesque comme seules les fictions anglo-saxonnes savent l'être, Le Cirque des Merveilles nous rappelle les mondes chamarrés et vibrants de Baz Luhrmann – Moulin Rouge en tête – ou de ses proches cousins De l'eau pour les éléphants et The greatest showman. Et, bien évidemment, on pense également beaucoup au film Freaks de Tod Browning, une référence en la matière. Le tout en fait un très bon roman qui confirme le talent de son autrice, dont on a déjà hâte de lire le prochain ouvrage...
En bref : Après La fabrique des Poupées, Elizabeth Macneal continue d'explorer des thèmes similaires à ceux de son premier roman. Le Cirque des Merveilles, plongée vertigineuse dans le monde exubérant et fantasmagorique (mais à double tranchant) des arts forains à l'époque victorienne, est sujet à évoquer la destinée de ses personnages au bord du monde. Monstres de foire ou prodiges de la nature ? Merveilles ou Créatures ? L'autrice questionne la terrible dualité dans laquelle la société de l'époque a catalogué ces figures en niant leur humanité à travers cette fiction aussi touchante que romanesque.
Un grand merci aux Presses de la Cité et à Babélio pour cette lecture !
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