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dimanche 21 janvier 2024

Les mondes d'Ewilan #2 : l'oeil d'Otolep - Pierre Bottero.

 Editions Rageot, 2004, 2007, 2015, 2017 - Le livre de poche, 2013.

 
 
    À Gwendalavir, Ewilan se prépare à partir pour Valingaï afin de rendre Illian à sa famille et retrouver les siens. Avec Liven, apprenti dessinateur, elle découvre qu’une méduse aux tentacules mortels tente de bloquer l’accès à l’Imagination. Mais peu à peu, un mal sourd infecte son organisme. Soutenue par Salim et Ellana, elle parvient cependant aux confins de l’Empire devant l’œil d’Otolep. Ce lac mythique la délivrera-t-il du parasite mortel qui lui a été inoculé à l’Institution  ?
 
 
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    Le tome précédent, La forêt des captif, avait montré la capacité de Pierre Bottero à se réinventer et à renouveler son univers. Alors que ses personnages principaux ont rejoint Gwendalavir, l'auteur réussit-il à entretenir ce souffle de nouveauté dans ce second opus ?
 

    Libérée de l’Institution et de retour à l'Académie d'Al-Jeit, Ewilan, de nouveau en pleine possession de ses pouvoirs, continue sa formation. Une formation bien inutile, au regard de ses capacité bien au-dessus de celles de ses professeurs. Illian, sauvé des griffes d'Eléa Rill' Morienval, témoigne d'un attachement sans fin à Ewilan, mais fait aussi preuve d'un pouvoir surprenant qui lui permet de soumettre quiconque à sa volonté, y compris imposer la mort s'il en a envie. Un pouvoir qui serait d'après lui monnaie courante sur la terre de naissance du garçon, au-delà de la Mer des Brumes. Or, c'est justement là que les parents d'Ewilan, son frère et Bjorn sont partis en expédition depuis plusieurs semaines, sans avoir donné de nouvelles depuis. Lorsque l'Imagination est brusquement envahie par une entité maléfique à la forme d'une méduse noire qui bloque le chemin des Spires, Ewilan rassemble ses compagnons pour une nouvelle quête.
 

    Nous voilà de retour à Gwendalavir : comme les personnages, le lecteur reprend ses marques. Outre le décor familier d'Al-Jeit et son univers de fantasy épique abandonnés le temps du tome précédent, Pierre Bottero réinstaure les citations alaviriennes au début de chaque chapitre, nous rappelant ainsi les ressorts immersifs de la première trilogie. Pour autant, qu'on ne s'y trompe pas : comme dans La forêt des captifs, le ton reste ici encore plus sombre, plus adulte, que dans La quête d'Ewilan. Les citations, en effet, permettent souvent à l'auteur de susciter l'appréhension du lecteur en les faisant annonciatrices des embûches qui attendent les protagonistes au fil des pages à venir. Une audacieuse façon d'entretenir le suspense, doublée de l'impression qu'une épée de Damoclès pend dangereusement au-dessus de la tête de chaque personnage.
 

    Avec le tome précédent, on avait fait remarquer l'avant-gardisme de l'auteur et les éléments qui, aussi surprenant que cela puisse paraître, évoquaient Stranger Things avec vingt ans d'avance. Alors que cet opus-ci nous permet de réintégrer la fantasy pure de Gwendalavir, les similitudes avec la célèbre série de SF persistent. En effet, la méduse qui envahit les Spires tout en cherchant à rejoindre notre réalité, créature tentaculaire typiquement lovecrafitenne, n'est pas sans rappeler le flagelleur mental de la saison 3.
 

    La créature venant bloquer l'accès à l'Imagination, elle permet un ressort scénaristique de taille qui maintient la curiosité du lecteur pour l'univers de Bottero : là où le Dessin semblait ne plus avoir de limite, le pouvoir de tous les Alaviriens (Ewilan y compris) est considérablement réduit, faisant d'eux des proies faciles. Outre cet axe scénaristique central, l'auteur n'oublie pas de développer des intrigues secondaires qui permettent de voir évoluer l'intégralité des personnages et d'élargir son "livre monde", ce qu'il s'autorise davantage dans cette trilogie : l'apprentissage de Salim et les anciens ennemis d'Ellana sur le retour, un triangle amoureux, une figure cachée dans l'ombre qui semble jouer les Deus Ex Machina et une autre qui suit notre troupe de héros à bonne distance. Ce titre est aussi celui des retrouvailles, notamment le retour d'Artis Valpierre et de Chiam Vite, accompagné de son âme-sœur faëlle. Mais reviendront aussi la Dame et son Héros, dont chaque apparition, grâce à la plume inimitable de Pierre Bottero, en appelle à l'émotion du lecteur
 


En bref : Si Pierre Bottero nous invite à retourner à Gwendalavir, le vent de renouveau amorcé avec La forêt des captifs continue de souffler sur ce second tome des Mondes d'Ewilan. La tonalité reste résolument sombre et le caractère immatériel de l'ennemi d'Ewilan suppose de nouveaux enjeux et des embûches de taille sur son chemin. Multipliant des intrigues secondaires comme autant de chemins qu'on imagine voir se rejoindre d'ici la fin de la trilogie, l'auteur parvient à faire de L’œil d'Otolep un véritable page turner.
 
 
 
 
Et pour aller plus loin...

mardi 16 janvier 2024

Les mondes d'Ewilan #1 : La forêt des captifs - Pierre Bottero.

Editions Rageot, 2004, 2007, 2015, 2017 - Le livre de poche, 2013.
 
 
 
    Tandis que ses parents explorent des territoires sauvages de l'autre monde, Ewilan se retrouve prisonnière sur Terre d'une sinistre Institution. Au cœur de ce laboratoire clandestin, la Sentinelle félonne Eléa Ril' Morienval fomente son retour en Gwendalavir qu'elle cherche plus que jamais à conquérir. Réduite à l'impuissance par de terribles expériences, Ewilan ne peut compter que sur le courage de Salim pour s’échapper.
 
 
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    A peine La quête d'Ewilan terminée, nous enchaînons sur sa suite directe, Les mondes d'Ewilan. La fin du précédent cycle, si elle réunissait l'héroïne et sa famille, laissait aussi entendre que la traîtresse Eléa Ril' Morienval avait pu s'en tirer à bon compte. Après le succès de sa saga de fantasy épique, Pierre Bottero allait-il réussir à renouveler son univers le temps d'une nouvelle trilogie ?
 

    Quelques mois ont passé depuis qu'Ewilan, aidée de ses nombreux amis, a pu libérer ses parents du piège dans lequel les retenait la Sentinelle félonne Eléa Ril' Morienval. Alors que l'adolescente coule désormais des jours paisibles à Gwendalavir et en apprend à cultiver son don au sein de l'Académie d'Al-Jeit, Salim poursuit son apprentissage de Marchombre auprès d'Ellana. Bénéficiant tous les deux de quelques jours de vacances, les adolescents prévoient une escapade dans leur ancien monde. Mais à peine le pas sur le côté effectué, la jeune fille est capturée et emmenée dans un étrange centre de recherches parapsychologiques dissimulé au milieu d'une forêt : l'Institution. Droguée en vue de servir de cobaye aux expériences de savants qui travaillent là dans le plus grand secret, elle est rapidement incapable de se servir de ses pouvoirs. Salim, qui tient probablement à Ewilan plus encore qu'à sa vie, part à sa rescousse.

 
    En matière de fantasy, quand un cycle a déjà exploité le meilleur du genre et que l'auteur s'engage dans la voie semée d'embûche d'une suite, le lecteur craint qu'on lui serve du réchauffé. Peur légitime et, de fait, souvent confirmée. La stratégie afin de ne pas tomber dans la redite ? Prendre un virage à 180 degrés. C'est le chemin suivi ici par Pierre Bottero et aussi une prise de risque si l'on considère que l'univers exploité dans ce premier tome des Mondes d'Ewilan diffère radicalement de celui raconté dans les trois précédents opus. Adieu les mondes parallèles aux allures médiévales peuplés de créatures fantastiques ; bonjour le monde moderne, ses dérives scientifiques et ses expériences parapsychologiques. En faisant d'Ewilan, de retour dans notre réalité, la victime de savants fous bien décidés à étudier et s'approprier son don, Pierre Bottero nous entraîne avec presque vingt ans d'avance dans une histoire à la Stranger Things.
 

    Stranger Things ? Oui, vous avez bien lu. Le regard rétrospectif porté aujourd'hui sur l'intrigue de La forêt des captifs permet en effet de dresser ce parallèle, les mésaventures d'Ewilan et les enjeux à l’œuvre n'étant pas sans évoquer l'histoire de Onze et les projets secrets du laboratoire d'Hawkins. Surprenant ses lecteurs en les immergeant dans un univers qui emprunte donc davantage à la science-fiction qu'à la fantasy, Pierre Bottero bouscule nos repères comme ceux des personnages. Il n'hésite d'ailleurs pas à convoquer de hautes sphères politiques dans son scénario, lequel renverse les codes préalablement instaurés dans sa propre mythologie, témoignant ainsi de sa capacité à passer, lui aussi, "d'un monde à l'autre".
 

    Alors que cette seconde trilogie a été écrite dans la continuité de la première et que les événements racontés ne se suivent que de quelques mois, ce titre est résolument plus adulte. La tonalité est en effet plus sombre et les péripéties, parfois proches du trauma, mettent considérablement à mal les personnages. Il en reste une certitude, laquelle s'impose très tôt dans la lecture : le temps de l'enfance est terminé. Poussés dans leurs derniers retranchements par l'horreur de ce qui se trame dans l'Institution, Salim et Ewilan continuent de grandir, par nécessité plus que par choix. L'écriture, à ce titre, prend également des chemins nouveaux. A dessein, Pierre Bottero ôte cet élément de familiarité qu'étaient les citations alaviriennes en tête de chapitre.  Il instaure ainsi une atmosphère plus pesante, précipite l'action ou, au contraire, entretient un flou malaisant. L'intrigue, fond et forme confondus, cultive l'appréhension du lecteur : grâce, notamment, à un audacieux jeu d'allers et retours dans le temps de la narration et à un rythme qui ne faiblit jamais, l'auteur distille un suspense efficace tout au long du roman.
 

En bref : En renouvelant son univers d'une touche de science-fiction inattendue, Pierre Bottero entame ce second cycle d'Ewilan avec un opus beaucoup plus sombre que sa première trilogie. Il fait ainsi s'effondrer les repères qui, dans le fond comme dans la forme, avaient depuis trois tomes instauré un sentiment de familiarité avec le lecteur. Désorienté autant que les protagonistes, celui-ci fait corps avec leur fuite désespérée et arpente cette forêt des captifs le cœur battant. Le résultat n'en est que plus réussi : Pierre Bottero relève le (difficile) défi de se réinventer.




Et pour aller plus loin...

dimanche 14 janvier 2024

Sherlock Holmes, l'aventure musicale - un musical des frères Safa d'après Sir Arthur Conan Doyle.

Sherlock Holmes

l'aventure musicale


Livret, paroles & mise en scène : Julien et Samuel Safa
Musique : Samuel Safa

D'après le personnage créé par Sir Arthur Conan Doyle
 
Avec : Bastien Monier, Harold Simon, Marie Duhamel...
 
Sur la scène du Théâtre du 13ème art du 18 février au 4 mars 2023
 
En tournée dans toute la France depuis octobre 2023

    Londres, 1910. La nouvelle défraie la chronique : la statue Aztèque du dieu Tlaloc, joyau du grand musée national, a été volée ! Le célèbre détective privé Sherlock Holmes est en charge de l'enquête, accompagné de son fidèle acolyte le docteur Watson. Mais voici qu'une jeune détective, Emma Jones, se retrouve elle aussi sur la piste du crime. Séduit par ses talents et sa détermination, Sherlock lui propose alors de faire équipe, au grand dam du Dr.Watson. L'affaire les mènera bien au-delà d'un simple vol. Au rendez-vous : une grande aventure teintée de mystères, d'étranges intrigues et de conspirations inattendues ! Pour résoudre cette énigme, les héros devront parcourir le monde, percer les secrets des Indes, découvrir les rites du Mexique ou encore s'enquérir au coeur de l'Irlande ! Seront-ils capables de retrouver la statue et de confondre les coupables ? Les réponses promettent de bien belles surprises !
 
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    Il y a deux ans, nous avions eu l'occasion d'aller voir l'excellent musical Le tour du monde en 80 jours, alors en tournée, de passage près de chez nous. Cet hiver, Sherlock Holmes, l'aventure musicale, que nous avions loupé à Paris l'an dernier, se donnait en représentation dans la même salle, aussi n'avons-nous pas hésité longtemps avant de prendre nos billets. Sur scène, on s'apprêtait notamment à retrouver Harold Simon, génialissime Phileas Fogg qui revenait cette fois dans le costume du Dr Watson. Ajoutons à cela que ce Sherlock Holmes avait récolté le Trophée de la comédie musicale du meilleur spectacle jeune public 2023 (à côté duquel était passé le musical adapté de Jules Verne) et tout semblait réuni pour en faire un moment inoubliable.
 
Trailer du spectacle
 
    On ne connaissait pas les frères Safa, si ce n'est de nom : leur précédent (et premier) spectacle, Pirates, le destin d'Evan Kingsley, avait en effet connu un certain succès. Pour autant, le risque quand on part avec de trop grosses attentes, c'est celui d'être déçu. Le tour du monde en 80 jours était encore trop présent à notre esprit pour que Sherlock Holmes ne souffre pas de la comparaison. Et avouons-le, il a un peu souffert. Le spectacle semble davantage dans l'univers d'un Hergé que d'un Sir Arthur Conan Doyle : pour retrouver une statue volée dans un musée, Holmes et Watson voyagent de par le monde et traversent plusieurs contrées des plus exotiques aux plus dépaysantes : Inde, Mexique, Irlande... – ce qui renforce encore un peu plus le jeu des comparaisons avec Le tour du monde. De craquage de codes en embuscades, ils n'hésitent pas à s'envoler à bord d'un avion alors que de dangereux assassins leur tirent dessus, ou à goûter des piments extraforts en échange d'informations (!?).
 

    C'est probablement cette absence de l'univers propre à Conan Doyle qui s'est faite la plus criante car si les acteurs se débrouillent tous très bien, on ne peut nier que la seule chose qu'il y a de fidèle, au bout du compte, ce sont les noms des personnages. Remplacez-les par d'autres et vous obtiendrez une aventure certes sympathique, mais sans aucun autre élément holmésien distinctement identifiable. On en vient à se demander si les frères Safa ont déjà ouvert un livre de Conan Doyle ou s'ils se sont contentés d'utiliser le nom (et le rayonnement) du célèbre détective. Quand bien même ce serait le cas, même l'imaginaire collectif qui s'est construit indépendamment de l'oeuvre originale depuis le XIXème siècle est ici sous-employé, alors qu'elle aurait permis dans le cas présent de se sentir a minima en lieu connu (on n'aurait, par exemple, pas été contre voir une casquette à double-visière, ne serait-ce que pour le clin d’œil). Les caractères des protagonistes ne sont pas davantage fidèles à leurs modèles littéraires, de même que certaines façons d’interagir entre Holmes et Watson n'auraient jamais eu leur place dans les ouvrages de Conan Doyle.

 
    L'enquête menée par nos deux personnages est qui plus est rythmée par des indices qui n'ont rien de vraisemblables et qui constituent plutôt des faiblesses pour le scénario, sans compter quelques choix scéniques et esthétiques qu'on a encore du mal à comprendre (à l'image de ces acteurs en costume de piments géants – qui auront au moins eu le mérite de nous faire rire). A part la chanson Dans les rues de Londres, sympathique et entrainante, on réalise n'avoir retenu aucune mélodie (alors qu'on avait fredonné plusieurs jours d'affilée au moins trois ou quatre chansons du Tour du monde). On va malheureusement continuer dans la comparaison, mais, au final, là où Le tour du monde en 80 jours était un musical familial qui avait de quoi enchanter les grands autant que les petits, ce Sherlock Holmes plaira majoritairement aux plus jeunes.
 

    Vous devez nous trouver affreusement snob, n'est-ce pas ? Rassurez-vous, nous reconnaissons tout de même d'excellentes qualités à ce spectacle. Au risque de jouer les groupies, on se doit d'évoquer Harold Simon : bien que ne jouant pas le rôle principal, il est certainement celui qui se démarque le plus par sa voix (il ne manque d'ailleurs pas de s'amuser avec à l'occasion de plusieurs scènes ou chants, témoignant ainsi de son talent). Acteur, il est aussi designer graphique et c'est lui qui a conçu l'intégralité des décors virtuels. Projetés sur des toiles et des éléments en relief, ces décors animés très réussis accentuent la dimension BD de ce musical par leur aspect ligne claire tout-à-fait réjouissant. En plus des décors, cette technique permet très judicieusement et très esthétiquement de mettre en image, de façon quasi-cinématographique, le schéma de pensée de Holmes lorsqu'il décrypte un code secret ou tente de résoudre un casse-tête. Le processus s'anime face au public et permet ainsi aux spectateurs de suivre le procédé d'analyse ou de résolution pour un résultat visuellement enthousiasmant. Cette approche moderne du décor permet aussi des scènes d'action très convaincantes: la course-poursuite en avion est à ce titre particulièrement réussie et le public vit une expérience... vertigineuse !


En bref : Si l'apocryphe n'est jamais un problème dès lors qu'il s'agit d'un héros comme Sherlock Holmes, l'absence de sentiment de familiarité, en revanche, est dommageable. Ce Sherlock Holmes n'a en effet d'holmésien que le nom, le reste étant très éloigné de l'univers de Conan Doyle. Ce spectacle familial plaira surtout aux plus jeunes, mais tout le monde saura en revanche apprécier la modernité de la mise en scène et le décor virtuel, qui permettent un résultat quasi-cinématographique, tout en jouant avec les codes visuels du jeu-vidéo et de la BD.

dimanche 7 janvier 2024

La quête d'Ewilan : L'intégrale - Pierre Bottero.

Editions Rageot, 2003-2006, 2010-2023.

    La vie de Camille bascule quand elle pénètre dans l’univers de Gwendalavir où des créatures menaçantes la reconnaissent sous le nom d’Ewilan et tentent de la tuer. Elle est l’héritière d’un don fabuleux qui peut s’avérer décisif dans la lutte de son peuple pour reconquérir sa liberté. Aidée de Salim et de nouveaux compagnons qui ont pour noms Edwin et Ellana, Ewilan affermit son Don. Elle perce le secret du dragon et convainc son frère Mathieu de la suivre en Gwendalavir pour gagner les îles Alines, où leurs parents sont retenus prisonniers par Éléa Ril’Morienval…
 
    L’Intégrale La quête d’Ewilan regroupe les trois tomes de la première trilogie d’heroic fantasy de Pierre Bottero, D’un monde à l’autre, Les frontières de glace et L’île du destin. En bonus, le récit de la vie d’Ewilan entre six et treize ans, et le making of de la trilogie.
 
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    Alors, oui, nous vous avons déjà parlé de La quête d'Ewilan dans son intégralité et avons chroniqué la totalité de la trilogie tout récemment. Mais on ne peut décemment pas célébrer les 20 ans de cette très belle aventure de littérature jeunesse française sans vous toucher deux mots (bon, d'accord, peut-être trois ou quatre) de cette magnifique édition intégrale.
 

    Si cet ouvrage sort à l'occasion du vingtième anniversaire de la saga, il n'est pas totalement inédit. Cette intégrale est en effet précédemment parue sous une autre couverture en 2010, peu de temps après le décès tragique de l'auteur. En amont de cette publication, il avait néanmoins eu le temps de préparer quelques textes pour enrichir cette édition, encadrant les trois tomes d'un récit faisant office de préquel, Avant, et, en fin d'ouvrage, d'un "Making Of" absolument tordant.
 

    Anniversaire oblige, 2023 voit rééditée l'intégrale de La Quête dans un tout nouveau visuel imaginé par Krystel (qui met en image la saga depuis les dernières rééditions) et force est de constater que le résultat est tout bonnement superbe. Ouvrage relié en dur, signet, couverture bleue d'aspect velouté et illustration à l'encre dorée ; ajoutez à cela une tranche jaspée aux motifs de nuages dans le prolongement de l'image de première de couverture et vous tenez là un véritable objet de collection, fruit d'un travail minutieux des équipes de Rageot.
 

    On redécouvre ainsi avec intérêt le texte Avant, introduit par une réflexion particulièrement riche de Pierre Bottero quant à la curiosité que lecteurs et auteur développent pour, comme il le dit si bien, l' "après", voire l' "après" après l' "après", mettant à distance l'envie de connaître davantage les événements qui ont précédé l'histoire, mais qui méritent d'être racontés. Si les préquels sont devenus monnaie courante, rappelons qu'au moment où P. Bottero rédige ces mots, c'est encore loin d'être la mode qu'on connait aujourd'hui. Inviter le lecteur à entrer dans Avant par ces quelques lignes permet de remettre les choses en perspective et de le voir comme un cadeau précieux, et non pas comme la preuve d'un fan service latent. Le texte, de quelques chapitres, met en évidence le talent de conteur de P. Bottero tel qu'il s'est esquissé puis affiné au fil de son œuvre : simple, poignant, parfois incisif, toujours poétique.
 

    Le livre se termine sur une note plus légère : avec le "Making Of", l'auteur s'amuse avec ses personnages et n'hésite pas à faire preuve d'auto-dérision. Faisant s'écrouler le quatrième mur, il donne à lire des interviews des personnages, acteurs s'offusquant d'être assimilés à leur rôle (qu'ils n'hésitent d'ailleurs pas à critiquer ouvertement), mais aussi des scènes coupées au montage en raison des envolées lyriques ou improvisations carrément ratées d'un Edwin en roue libre. P. Bottero clôture le tout par quelques pages consacrées au choix des noms des personnages comme des lieux, et sur la façon dont tel ou tel protagoniste s'invite dans l'intrigue, s'affirme et évolue, entre vie propre et décision de l'auteur ; une vraie master-class d'écriture !
 


En bref : Si vous souhaitez découvrir La quête d'Ewilan ou la faire découvrir à un quelqu'un, n'hésitez pas : cette édition intégrale collector reliée et jaspée, agrémentée de textes complémentaires (préquel et making of) est faîtes pour vous. L'ouvrage, superbe, est un plaisir pour les yeux et témoigne d'un beau travail de confection des équipes de Rageot. Un contenant digne de son contenu.
 


Et pour aller plus loin...

mercredi 3 janvier 2024

La quête d'Ewilan #3 : L'île du destin - Pierre Bottero.

Éditions Rageot, 2003, 2013, 2023 - Éditions France Loisirs, 2006 - Le livre de poche, 2012.


    Les Sentinelles libérées, Ewilan et Salim rejoignent la Citadelle des Frontaliers avec leurs compagnons. Là, Ewilan découvre la retraite du légendaire Merwyn, le plus grand des dessinateurs. Il leur conseille de regagner l’autre monde et de convaincre Mathieu, le frère d’Ewilan, de les suivre en Gwendalavir. À leur retour avec lui, la troupe embarque pour les îles Alines où les parents d’Ewilan sont détenus par la traîtresse Eléa Ril’ Morienval. Mais des pirates les pourchassent. Ewilan parviendra-t-elle à mener sa quête jusqu’au bout ?
 
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     Après le premier et le second tome de la célèbre trilogie, nous continuons de célébrer les 20 ans de La quête d'Ewilan avec L'île du destin, tome par lequel se clôture le premier cycle de Pierre Bottero.
 

    Une fois les Figés libérés, les Spires sont de nouveau pleinement accessibles et l'Empire reprend vie peu à peu. Mais pour Camille, cette victoire a un goût amer : ses parents sont toujours retenus prisonniers et Eléa Ril' Morienval, la traîtresse par qui le malheur est arrivé, est encore en fuite. Au terme de leur précédente aventure, plusieurs membres du petit groupe avaient suivi leur propre chemin et Camille avait dû dire au revoir à Salim, qui partait pour un enseignement de trois ans aux côtés d'Ellana. C'est donc le cœur lourd qu'elle poursuit sa quête, sur la route qui les mène vers la citadelle des Frontaliers, fief d'Edwin. Fort heureusement, son meilleur ami et la talentueuse Marchombre ne tarderont pas à rebrousser chemin pour les rejoindre, et force est de constater qu'ils ne seront pas de trop pour accompagner Camille jusqu'au bout du voyage. Duels, légendes arthuriennes et métamorphoses les attendent...
 

    La fin du tome précédent marquait un tournant dans l'arc narratif de cette première trilogie : le joug Ts'lish levé, l'Imagination est de nouveau accessible à tous et une étape cruciale a donc été franchie dans le périple de notre héroïne. Ce qui suit relève d'une quête plus intime, puisqu'il s'agit désormais de retrouver ses parents et de venger la traîtrise d'Eléa Ril' Morienval. Le sentiment de virage dramatique est également renforcé par le départ de nombreux personnages et, surtout, de Salim et d'Ellana. Si l'intrigue a tôt fait de les ramener dans le cœur de l'action, on a cru l'espace de quelques chapitres que cet ultime tome se ferait sans eux. Peut-être s'agissait-il d'une décision sur laquelle Pierre Bottero est lui-même revenu, réalisant qu'il ne pouvait décidément pas se passer d'eux, lui non plus ? Quoi qu'il en soit, cet opus est celui de la maturité, notamment des personnages adolescents : Camille, Salim et même Mathieu (dont on se réjouit du retour inopiné) seront aux prises avec leurs propres émotions et apprendront à murir (la thématique de la métamorphose, qui touchera de plein fouet l'un d'entre-eux, n'est donc certainement pas un hasard).

 
    A l'image du vrai-faux départ de Salim et d'Ellana évoqué plus haut, on ressent quelques accrocs dans le déroulé du scénario, comme de légères inégalités à la lecture, l'impression de quelques cahots dans le rythme global de l'intrigue. Presque imperceptibles, certes, mais bien présents tout de même. Et de fait, en trois tomes, l'auteur a pensé et créé un écheveau qu'il faut démêler jusqu'au bout sans perdre en cadence, défi qui peut s'avérer ardu à relever en toute fluidité. En l’occurrence, si Pierre Bottero a parfois recours à quelques tours de passe-passe pour retomber sur ses pattes et permettre à ses personnages de surmonter les embûches qui se présentent sur leur route, il parvient à le faire en y mettant du sens. C'est-à-dire toujours en cohérence avec la mythologie instaurée et l'univers qu'il continue de déployer depuis le premier opus.
 

    Mais ces anicroches se révèlent totalement excusables. Pourquoi ? Parce que l'émotion, parce que les personnages. Bref, parce que. Mais, surtout, ce qui fait la beauté et la poésie de ce troisième tome (outre le style, toujours impeccable et particulièrement fort), c'est l'utilisation de la légende arthurienne. Ça aurait pu être pure facilité ou simple clin d’œil, mais ça n'aurait pas été Pierre Bottero. La filiation qu'il tisse entre Gwendalavir et Avalon se fait avec sa subtilité coutumière, s'invite comme un imaginaire collectif partagé entre les deux mondes et apporte une résonance à la saveur particulière.


En bref : Livre pivot dans cette première trilogie, cet ultime tome marque un tournant et annonce la saga des Mondes d'Ewilan qui suivra. Opus de la maturité, L'île du destin, s'il souffre (à peine) de quelques fragilités scénaristiques, continue de marquer par ses personnages inoubliables, son écriture poignante et son univers inspirant.



Et pour aller plus loin...