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vendredi 10 octobre 2014

Les recettes du bonheur (The Hundred-Foot Journey) - Un film de Lass Hallström


Les recettes du bonheur (the Hundred-foot journey)
Un film de L.Hallström d'après le livre de R.C.Morais, co-produit par O.Winfrey et S.Spielberg (sorti le 10 Septembre 2014).
Avec: Helen Mirren, Om Puri, Manish Dayal, Charlotte Lebon, Michel Leblanc...

  Hassan Kadam a un don inné pour la cuisine : il possède le fameux « goût absolu »... Emigrant d’Inde avec sa famille, il s'installe dans le sud de la France, dans le paisible petit village de Saint-Antonin-Noble-Val où il projette d'ouvrir un restaurant indien, la Maison Mumbai. Mais c’est sans compter sur Madame Mallory qui, propriétaire hautaine et chef du célèbre restaurant étoilé au Michelin Le Saule Pleureur, décide alors de lui mener d'une guerre culturelle et culinaire, sans pitié...

***

  Après avoir littéralement dévoré et chroniqué le roman original de R.C.Morais Le voyage de Cent pas (réédité sous le titre attribué au film, Les recettes du bonheur), votre humble serviteur, accompagné de son épicurienne Cousine Marie, fonçait déjà dans les salles obscures pour se délecter de l'adaptation cinématographique. Le paquet a tout d'alléchant : co-produit par Oprah Winfrey et Steven Spielberg eux-mêmes (leur dernière collaboration remonte au renommé La couleur pourpre), ces Recettes du bonheurs, en dépit d'un nouveau titre un peu trop simpliste, présente une affiche évoquant volontairement le visuel de La Couleur des sentiments et tablant sur le même succès. Alors, verdict?



  On devait déjà à Hallström l'adaptation du très gourmand Chocolat de J.Harris, roman Ô combien picaresque dans lequel une jeune femme mystérieuse et secrète ouvre une chocolaterie en plein Carême, s'attirant les foudres du prêtre et secouant joyeusement un village renfermé sur ses traditions passéistes. L'histoire originale avait subit de nombreuses modifications pour sa transposition filmique, donnant un résultat qui tenait à la fois de la réalisation parfaite en tout point pour certains ( j'en veux pour preuves les nominations aux Oscars, dont celui du meilleur film) et de la trahison pour d'autres (les trop-amoureux du romans ou encore les nombreux détracteurs d'Hallström, le réalisateur ne faisant semble-t-il pas l'unanimité dans le milieu). Bref, on peut faire une constatation similaire de cette adaptation de Morais. En effet, des premières petites modifications qui surviennent ça et là dans l'histoire, on passe rapidement à une refonte du matériau original par bien des aspects. Ainsi, le réalisateur se concentre essentiellement sur la relation entre Hassan et Mrs Mallory et en fait le point central de son film (alors que le livre commence bien avant pour se finir bien plus loin après). Si certains crieront au scandale, d'autres, comme moi, y trouveront très certainement leur compte en ce qu'Hallström réinterprète à sa sauce (épicée) l’œuvre initiale pour nous laisser ce qu'il faut de fidélité et ce qui surprendra de nouveauté. Loin d'être convenue, cette transposition est donc dans la lignée des plats d'Hassan lui-même lorsqu'il revisite d'un assaisonnement indien une bonne vieille recette franco-française,  sans la dénaturer!


  On passe donc vite sur le changement de lieu (le Jura devenant le Sud de la France), les quelques inversions de personnages ou sous-intrigues effacées pour le scénario, et on profite avec une gourmandise coupable de la mise en scène. Pourquoi coupable? Il faut reconnaître qu'Hallström nous sert une vision très stéréotypée de la France,  qui apparait ici sous ses meilleurs airs de carte postale rétro ou comme échappée d'une vignette d'un vieux Tintin. Les ruelles pavées et devantures anciennes (on se croirait presque retourné dans Chocolat), les tenues pleines de sobriété de certains personnages (élégance naturelle de vieilles chemises, blouses en toile et tabliers usagers qui fleurent bon la cuisine de grand-maman), l'omniprésence du trio pain/vin/fromage... tout respire une authenticité reconstituée qu'on ne trouvera cependant jamais réellement de nos jours mais qui, pour autant, satisfera entièrement les amoureux de parfums traditionnels et nostalgiques d'un certain âge d'or. Disons le carrément : on s'autorise à se délecter du cliché.

   D'autant que ce cadre à la fois sobre, naturel et enchanteur se prête d'autant plus au message de simplicité également véhiculé par le livre, tout en mettant en relief l'univers culinaire qui se fait à chaque minute une réelle explosion visuelle : de la couleur des oursins à la création d'une sauce béchamel, en passant par la confection d'une omelette que viennent relever quelques épices, chaque scène mettant à l'honneur la gastronomie est une ode à la cuisine. A la façon de Chocolat, Les recettes du bonheur parvient à exhaler tous nos sens : on pourrait presque humer les effluves qui s'échappent du Tandoor et sentir le picotement du curry sur notre langue. Tout comme dans le livre, mais ici servi par une explosion de couleurs et de musiques, on retrouve aussi l'éloge de la tolérance et de l'altruisme, symbolisés dans l'alliance tant humaine que culinaire des cultures française et indienne.


  Enfin, tâchons de rendre un hommage au casting, impeccable. Helen Mirren est fidèle à sa perfection et sa classe naturelle (*aaahh*, Elisabeth I! *_*) : son jeu d'apparence froid laisse peu à peu transparaître de multiples émotions, et évoque autant une sorte de Miranda Priestly culinaire que le personnage incarné par Catherine Frot dans Les saveurs du Palais. Manish Dayal (Hassan), nouveau dans le paysage cinématographique, sert quant à lui un jeu d'une grande profondeur, tout en candeur et en expressions, qui parvient à nous transmettre une myriade de sentiments. Petite mention spéciale à Charlotte Lebon, ancienne Miss Météo de canal+ et à qui je ne soupçonnais pas un tel talent : spontanée, fraîche et débordante d'un entrain pétillant, elle fait montre d'une prestation qui m'a renvoyé à Audrey Tautou (jusque dans son fond de voix et à ses accents légèrement graves). Enfin, si j'ai été un peu moins convaincu par l'interprète du patriarche indien (mais peut-être le doublage y est-il aussi pour quelque chose?), les autres second rôles (dont des apparitions françaises qui valent le coup d’œil!) sonnent tous très justes.


En bref: Jugé trop mièvre et trop plat par la critique américaine, cette adaptation du Voyage de cent pas m'a, pour ma part, entièrement convaincu. Mêlant fidélité et réinterprétation, Hallström signe ici une transposition à laquelle les plus tatillons reprocheront ses bon sentiments et son visuel de carte postal, deux points qui raviront en revanche les amateurs de plaisirs simple et altruistes dans l'âme. Alors on oublie les critiques et on savoure avec délectation cette explosion de saveurs et d'émotions.


Pour aller plus loin:


-Découvrez sans plus tarder le roman original ICI.

-Et si vous avez aimé ce film, jetez donc un œil au Saveurs du Palais, avec une Catherine Frot qui ne sera pas sans rappeler Mrs Mallory!

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