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samedi 7 janvier 2017

La belle et la bête - un film de Jean cocteau d'après Mme Leprince de Beaumont.


La Belle et la Bête
Un film de Jean Cocteau
sorti le 29 Octobre 1946.

Avec : Jean Marais, Josette Day, Michel Auclair, Mila Parély, Nane Germon...

  Pour l'offrir à sa fille, le père de la Belle cueille, sans le savoir, une rose appartenant au jardin de la Bête, qui s'en offense. Afin de sauver son père, la Belle accepte de partir vivre au château de la Bête.

***

  Si l'on connait surtout l'adaptation animée réalisée par Disney, il y avait déjà ce film, sorti en 1946, et longtemps considéré comme une véritable référence. Même si tous ne le connaissent pas, il est resté un chef-d’œuvre incontestable du cinéma français et une inépuisable source d'inspiration poétique
  


  Pour ma part, c'est très (trop?) tôt qu'il m'a été donné l'occasion de découvrir cette merveille : j'avais 7 ans, à la veille de l'hiver 1998, lorsque la télévision annonça le décès de Jean Marais et commémora sa mémoire en diffusant plusieurs de ses films. Je connaissais déjà bien les aventures de cape et d'épée dans lesquelles il avait joué, mais c'est plein de curiosité et de fascination que je m'étais laissé happer par cette version du conte, version qui n'a cessé de m'habiter depuis et qu'il est de bon ton de redécouvrir en ces périodes de fêtes hivernales, avant la prochaine version live de Disney.


  L'histoire suit assez fidèlement - à quelques détails et éléments symboliques près - celle du conte de Mme Leprince de Beaumont, deuxième femme de lettres à lui donner corps dans sa version la plus célèbre. Aussi, l'on pourrait s'attendre à un film très simpliste et quelconque, voire très "enfantin". Bien au contraire : on a là un film fait par des adultes à destination d'adultes dont le regard et l'âme savent laisser la porte ouverte aux émerveillements de l'enfance. L'introduction au film, dans un très court texte qui évoque la tirade finale du Puck de Songe d'une nuit d'été, invite le spectateur à une parenthèse pendant laquelle il doit céder la place à la crédulité et la magie de ses jeunes années.

 De Vermeer à Cocteau...

  Le film s'ouvre sur une situation initiale que connaissent bien les familiers du conte : la vie de famille de Belle à la campagne, ses sœurs ridicules, la perte de la fortune de leur père et son départ pour la retrouver. A cet univers très ordinaire au visuel soufflé à Cocteau par les tableaux de Vermeer et les scènes domestiques de l'Art flammand succède une plongée dans l'univers de la Bête. Dès lors, le film se part de cette aura unique et quasi-mystique qui lui vaudra son triomphe : un visuel hypnotique irisé d'argent et de lumière, ciselé au détail, inspiré des gravures de Gustave Doré. Et on s'amuse d'ailleurs à exercer notre œil à la chasse aux similitudes, lorsque l'on compare les illustrations du Maitre pour les contes de Perrault aux scènes enchanteresses de Cocteau : la chambre mi-dedans mi-dehors et sa végétation de la Belle, la table du repas illuminées de diamants et pierreries, la profondeur presque effrayante des sous-bois... Le film est comme une gravure qui s'anime.

 ...et de Cocteau à Doré.

  Dans cet écrin que le noir et blanc sublime, les effets-spéciaux de théâtre et autres trucs et astuces de scénographie à l'ancienne n'ont rien perdu de leur superbe. En dépit de l'âge de ce film, ses trucages n'ont rien à envier aux images de synthèses des superproductions d'aujourd'hui. On reste sans voix, ensorcelés, devant les statues qui s'animent et les bras-candélabres sortant du mur. On sursaute presque avec effroi lorsque la Belle voyage par magie jusque chez elle, et surgit du mur comme si elle s'extirpait de ses fondations. Et la bête : ce masque saisissant vaut toutes les créations par ordinateur actuelles, qui semblent d'un coup tellement fades et peu crédibles en comparaison.



  Mais plus qu'un visuel travaillé, ce film est aussi porté par de nombreux symboles et une dimension psychanalytique étrange, aussi envoutante qu'elle est dérangeante. Peut-être d'autant plus parce qu'on peine encore à la traduire dans sa totalité : les cariatides du château, l'omniprésence des cervidés, la question de la part animale de l'homme, mais aussi le véritable visage de la monstruosité... Et le final où Avenant, l'ancien prétendant de Belle, meurt en cherchant à vandaliser le château enchanté et se transforme soudain en Bête tandis que la Bête elle-même, alors mourante, ressuscite avec le visage d'Avenant (les trois rôles étant endossés par le seul et unique Jean Marais) : quel étrange symbolique des correspondances, qui continue de m'échapper mais ne cesse de me fasciner. Entre effroi et émerveillement, ce film retient le spectateur captif de ses méandres.


  Quant au jeu des acteurs, qu'en dire? Quelle classe, quelle élégance. Josette Day rend sa Belle étonnamment crédible dans toute la gamme d'émotions qu'elle enchaîne face au monstre : effroi total, crainte puis méfiance, dégout puis fascination, pitié puis amitié. Et Jean Marais, que ce film a véritablement révélé, livre une prestation stupéfiante : le timbre de sa voix (qu'il avait volontairement modifié en se mettant à la cigarette) -  tantôt métallique et grinçante sous le masque de la Bête, tantôt chaude et enjôleuse en être humain -  et sa posture - pleine de prestance et d'élégance, princière, lorsque la bête est maîtresse d'elle-même, puis boiteuse, souffreteuse, lorsque la part animale essaie de prendre le dessus - , tout jusqu'à ses jeux de regard ou le moindre mouvement du poignet, tout cela continue de me dresser les poils des avants-bras. Il joue avec une grâce et un réalisme captivant ce monstre de conte de fées, le rend réel et magnifiquement mélancolique. 


  Même la musique ne gâche rien, comme le font souvent les bandes originales parfois datées, aiguës et stridentes. Mélodies orchestrales évoquant un ballet et chœurs au classicisme intemporel, les fonds musicaux viennent souligner avec délicatesse l'onirisme transcendant de ce chef-d’œuvre.



En bref : Effroi, magie et merveilles, un bijou aux multiples lectures dont l'élégance et la poésie touchent au Mystère avec un grand M. Inégalable.



Et pour aller plus loin...


- Redécouvrez le conte d'origine, avec la version la plus connue de Mme Leprince de Beaumont, et celle antérieure de Mme de Villeneuve.


-Si vous avez aimé cette adaptation, poussez la curiosité et découvrez d'autres versions adaptées du conte: La Belle et la Bête du Français C.Gans (2014), ou encore la dernière version live de Disney (2017).

7 commentaires:

  1. Il faut vraiment que je le visionne. Je l'ai vu quand j'étais petite mais je ne m'en souviens pas en détails. En plus, tu sais quoi ? Des passages ont été tournés près de chez moi et le château est tout à côté de là où j'habitais. On passait souvent devant et mes parents me disaient "Regarde, c'est le château de la Bête !".

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    1. Non mais attends... LE château?! Tu veux dire... le château de Raray? Avec ses superbes arcades ornées de sculptures de chasse? =D Oh mon Dieu, je rêve d'aller le voir un jour!

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  2. Mais oui ! A 5kms de ma maison d'enfance, pas plus. Je passais devant tout le temps ! Quand j'étais petite, je regardais toujours en espérant apercevoir quelque chose d'un peu magique. :D

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