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mercredi 18 octobre 2017

Bewitched / Ma sorcière bien aimée - Henry Scarpelli d'après la série de Sol Saks

Bewitched, Dell Publishing, 1965 à 1969 - Editions ODEGE (traducteur inconnu), 1966.

  Nous sommes au début des années 1960, les 30 glorieuses sont à leur apogée et l'American Way of Life est encore un modèle. Un jeune couple vient d’emménager dans un pavillon de banlieue de la middle class. Lui, Darrin (Jean-Pierre dans la version télé française) est publicitaire, elle, Samantha, est femme au foyer. Un couple en apparence normale à ceci près que Samantha est fille de sorcière et sorcière elle-même.
  Son mari finit par l'apprendre et il lui demande de ne jamais utiliser ses pouvoirs. Bien évidemment, les visites fréquentes de sa belle-mère, Endora, qui ne l'aime guère et celle de son patron, Alfred, et de clients importants rendent ce vœu irréalisable.

 Intégral du comics en V.O. à lire ici.
***
  Qui ne connait pas Ma Sorcière Bien aimée (Bewitched en V.O.)? Cette série télévisée américaine iconique des années 1960, en partie rendue célèbre grâce à la mélodie indémodable de son générique animé? Allez, rien que pour ceux qui ont un trou de mémoire, on va faire fonctionner le vieux téléviseur (oui, oui, rappelez-vous, on disait comme ça à l'époque!):


  Ma sorcière bien aimée, c'est l'histoire de la jeune et très belle Samantha, issue de la haute société de la sorcellerie, qui épouse un mortel, Jean-Pierre Stephens (Darrin en V.O.). Si l'époux ne tarde pas à découvrir la véritable nature de sa femme, il consent à l'accepter pour peu qu'elle opte pour un mode de vie ordinaire, choix qui n'est pas forcément pour déplaire à Samantha. Mais la mère de cette dernière, en revanche, la chic, extravagante, et acariâtre Endora, toute drapée de ses robes à volants et capes de magicienne, ne l'entend pas de cette oreille. Aussi viendra-t-elle, pendant les 8 saisons que durera la série (au cours de laquelle naitront deux enfants également sorciers et qui verra se succéder deux Jean-Pierre différents sans que cela ne dérange personne) régulièrement pimenter la vie du couple Stephens pour inciter Samantha à utiliser ses pouvoirs, et le mari de cette dernière à les accepter. La belle sorcière, derrière son image de femme au foyer et épouse modèle, n'arrêtera donc jamais de remuer le nez, sa façon si inoubliable de jeter des sorts!

 Elisabeth Montgomery (Samantha) et Agnes Moorehead (Endora).

  Le succès de cette série humoristique est resté intact, même si l'on trouvera aujourd'hui à se plaindre du sexisme manifeste du programme... ou pas. En effet, Bewitched présentait une vision idéalisée de la famille américaine à l'époque des sixties : Monsieur travaille dur pour rapporter le pain quotidien (et il le fait régulièrement rappeler lorsqu'une dispute conjugale émerge) et madame met de côté toute aspiration professionnelle pour s'occuper de la maison et de ses beaux enfants. Si la première objection que l'on peut aujourd'hui formuler est qu'il s'agit déjà de l'image d'une époque donnée et non plus du reflet de notre société actuelle, on peut aussi rappeler que, derrière cette distinction très traditionnelle de la répartition des tâches par genre, Samantha avait un atout de taille qui la rendait bien supérieure à son époux : ses pouvoirs. Dès lors, et tout en continuant à admettre que la série reste très ancrée dans la culture de sa décennie, on constate que Jean-Pierre, tout 'maître' qu'il pense être chez lui, est constamment en position de faiblesse face à ces hordes de femmes sorcières (sa femme, sa belle-mère, la tante Clara, la cousine Serena, ou même la maladroite nanny Esmeralda) dont il se trouve le malheureux tributaire... Alors, Bewitched, série sexiste? Peut-être pas tant que cela... Voilà en tout cas pour le petit point de culture sociologique, passons maintenant à la BD en question, puisqu'il s'agit d'honorer aujourd'hui le rendez-vous bande-dessinée du challenge halloween!

Les tomes successifs du comics de 1965 à 1969.

  Comme la majorité des programmes phares du petit écran américain, Bewitched a très vite eu droit à son lot d'objets dérivés, la série étant devenue une véritable franchise. L'adaptation en comics est très courante à l'époque et peu de feuilletons y ont échappé, aussi ne faut-il pas moins de deux ans pour que la plus grosse société de BD américaine de l'époque, Dell publishing, rachète les droits de la série. Quatorze tomes d'une trentaine de pages chacun ( et contant une à trois histoires) furent écrits et mis en images par Henry Scarpelli et publiés entre 1965 et 1969. A noter que cette bande-dessinée n'est pas restée inédite en France puisque le second volume fut traduit et publié dans l'hexagone en 1966 aux éditions ODEGE.

 Édition Française du volume 2.

  Le premier épisode reprend le mariage de Samantha et Jean-Pierre puis la révélation de son statut de sorcière selon un scénario qui diffère de la série, et sous un format plus expéditif. On imagine le souhait de l'auteur de planter le décor avant de se lancer dans de nouvelles histoires, ce qu'il fait avec un plaisir manifeste au fil des tomes suivants, puisque chaque épisode est entièrement inédit. Au cours des 10 premiers volumes, les histoires prennent majoritairement cadre dans des décors particuliers ou situations exceptionnelles (un séjour dans un hôtel, un voyage en avion, une fête costumée pour Halloween) qui, il faut le reconnaître, amènent à des intrigues dans un esprit très respectueux des épisodes télévisés et mettant à l'honneur le comique de situation propre à la série.


  Ce n'est que vers le volume 12 qu'on peut ressentir un tournant un peu plus violent (et décevant) dans la lecture, en tout cas en référence au point de vue culturel que j'évoquais plus haut : les histoires du comics rejoignent la cuisine des Stephens et, cadre domestique oblige, mettent en scène des situations très genrées et excessives (à l'image de l'épisode ci-dessous, où Samatha fait une crise hystérique de sortilèges parce que Jean-Pierre refuse de donner plus d'argent à sa femme au foyer ! Très symptomatique d'une époque, mais pas tellement représentatif de la série...). 

 
 Money, money, money!

  Côté illustrations, le coup de crayon de Scarpelli est assez représentatif des adaptations BD des séries des 60's/70's : pas de style propre (contrairement aux minois reconnaissables de Sabrina the teenage witch, même époque), mais quelque chose de standard ; on lui demande clairement de faire juste un effort dans la ressemblance physique des personnages/acteurs principaux sur les gros plans, effort dont on constate l'absence sur les plans plus élargis. Néanmoins, il faut admettre qu'on peut reconnaitre la bouille de notre chère Elizabeth Montgomery et le faciès particulier de Dick York. Endora est surtout identifiable par sa tignasse bouclée rousse et ses grandes robes exubérantes, et le couple de voisins (les Kravitz) a en revanche beaucoup changé. Côté personnages secondaires, on croisera aussi brièvement Serena, la cousine/clone de Samantha, mais on regrette l'absence de l'adorable Tante Clara (qui m'aura toujours énormément fait rire avec sa collection de poignées de portes volées aux mortels, et dont son sac à main débordait littéralement!). Les couleurs renvoient en revanche immédiatement à la nostalgie des années 60, 70, même si les teintes saturées que les fans de vintage adorent sont majoritairement dues à la qualité du papier et les techniques d'imprimerie plutôt qu'à un effet visuel volontaire. Au moins retrouve-t-on avec amusement le spectre de couleurs très tranchées de la série dans sa version colorisée.

 Les kravtiz version BD.

  Les différences majeures subsistent dans la mise en image des sorts provoqués par Samantha et Endora : difficile de faire remuer du nez un personnage de papier figé, ou de rendre les apparitions et disparitions aussi sensiblement évidentes que la télévision le permettait déjà à l'époque (même si les techniques étaient un peu de bric et de broc). Aussi le dessinateur doit-il se contenter de gros plans du visage de Samantha (fronçant parfois le nez, peut-être) encerclé d'un halo ou de rayons, ou d'illustrer d'inesthétiques jets d'éclairs émanant des mains des sorcières. Il compense ces limites en mettant en image des situations, qu'à l'inverse, la télévision pouvait plus difficilement réaliser, en multipliant les scènes de vols et pirouettes aériennes interminables de Samantha et sa sorcière de mère... parfois un peu cheap, il faut l'avouer.


En bref : Une BD un peu datée qui aura surtout d'intérêt pour les fans de la série curieux de découvrir ces histoires adaptées de l'iconique feuilleton des années 60. Le regard rétrospectif apporte cependant un cachet supplémentaire pour peu qu'on s'amuse d'un rien de rétro !


6 commentaires:

  1. oh punaise quand on y pense...oui un peu sexiste...mais les annees 60....on retrouve ce probleme un peu partout a cette epoque...bien que le mari ne peut rien faire sans sa femme et il est un peu bete..dans mes souvenirs...lol...oui tout un mythe quand meme...et j'avais bien aime le dessin animee aussi....mais je passe pour cette BD, les dessins sont assez affreux a mon gout...;)

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    1. Oui, un peu bête, disons qu'au final il n'avait pas forcément le beau rôle ! Il lui arrivait de se comporter en veritable muffle! Ce qui est étrange, c'est que le second Jean-Pierre m'a toujours paru plus sympathique que le premier...

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    2. bin c bizarre je n'ai jamais vu la serie avec le 2eme acteur....a chaque fois les reprises se limitaient au premier...lol

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    3. Ah bon? et l'image suivante ne te dis rien:
      http://2.bp.blogspot.com/-wsmAijrDEsk/VOAZqw08jgI/AAAAAAAAIWE/luhwtgkMr_E/s1600/Dick%2BYork-Dick%2BSargent.jpg
      Le plus drôle, c'est que les deux acteurs avaient le même prénom! Le moins drôle, c'est que le premier a du quitter la série à la suite de gros problèmes de dos, puis qu'il n'a jamais retrouvé de travail dans le ciné ou la télévision et que personne ne l'a jamais réclamé ou n'a été particulièrement perturbé du changement. Je crois me rappeler qu'il a malheureusement fini sa vie dans une situation sociale alarmante :(

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  2. Je ne suis pas très fan des vieux comices au style un peu impersonnel comme cela et je ne suis pas non plus nostalgique de la série. J'en ai bien vu quelques épisodes, comme tout le monde je crois, mais elle n'a jamais fait partie de mes coups de cœur. Du coup il est assez peu probable que je lise un jour ce comics.
    Enfin, je dis ça mais j'ai quand même le roman qui a inspiré la série dans ma PAL...

    Quoiqu'il en soit ton analyse est très intéressante et tu m'as fais découvrir qu'il existait un comics adapté de la série, je l'ignorais :)

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    1. Le livre en question serait-il "Ma femme est une sorcière"? :D

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