Un roman publié en 1847, Les Hauts de Hurlevent, fit sa renommée
posthume. Emily Brontë n’avait pas trente ans. Elle ne semblait
connaître du monde que les landes entourant le presbytère familial,
ayant partagé sa vie entre les tâches domestiques et la rédaction de
sagas juvéniles avec son frère Branwell et ses sœurs Anne et Charlotte. Ce livre unique fut longtemps le seul témoignage de son auteur, dont
l’existence, croyait-on, n’avait pas connu d’événement marquant. La
réussite de sa sœur Charlotte, il est vrai, l’avait maintenue dans
l’ombre.
C’était oublier qu’Emily Brontë (1818-1848), loin d’être une enfant recluse et sauvage, était éprise de liberté. Très cultivée, parlant le français, elle fut une lectrice passionnée de Walter Scott, Lord Byron et Shelley. Sa compréhension précoce de la cruauté du monde lui permit d’écrire « sans doute le plus beau roman d’amour de tous les temps », selon Georges Bataille.
C’était oublier qu’Emily Brontë (1818-1848), loin d’être une enfant recluse et sauvage, était éprise de liberté. Très cultivée, parlant le français, elle fut une lectrice passionnée de Walter Scott, Lord Byron et Shelley. Sa compréhension précoce de la cruauté du monde lui permit d’écrire « sans doute le plus beau roman d’amour de tous les temps », selon Georges Bataille.
Évoquant les drames de sa vie et ses révoltes, son courage moral et intellectuel, mais aussi son exubérance et sa force de caractère, Denise Le Dantec retrace l’existence singulière d’une femme qui ne put jamais rompre avec son enfance et conduisit sa vie comme un destin : celui d’écrire, sans se soucier de devenir écrivain.
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"Si vide d'espoir est le monde du dehors, que deux fois plus précieux m'est le monde du dedans"
Cette citation, cri déchirant mêlant mélancolie et promesse, nous la devons à Emily Brontë, dont nous fêtions hier les deux cent ans. Afin de rendre hommage à cette femme hors du commun, le groupe l'Archipel réédite cette année cette biographie déjà parue en 1995, de la plume de Denise Le Dantec, auteure riche d'une bibliographie éclectique, versée autant dans la poésie et la philosophie que dans le romanesque.
Première édition de 1995.
Derrière cette somptueuse couverture couverte de volutes victoriennes, l'introduction par l'auteure vient raconter les motivations d'un tel travail de recherche et de restitution historique : un lien, un sentiment d'intense familiarité qui rattacha, dès le plus jeune âge, Denise Le Dantec à l'auteure des Hauts de Hurlevent. Cette impression de proximité, voire de camaraderie, elle l'évoque avec une sensibilité palpable qui justifie à elle seule ce que la biographe a cru bon d'être une nécessité : restituer ce qu'a vraiment été le destin de la plus discrète des sœurs Brontë.
Car c'est ainsi qu'on en parle le plus souvent : les sœurs Brontë. Trois femmes à la vocation littéraire devenue légendaire, Charlotte et son Jane Eyre en tête. Pourtant, les trois sœurs sont difficilement dissociables ou, du moins quoi que très différentes, il est difficile de raconter chacune leur vie sans les raconter toutes les trois. Sans raconter leur enfance au presbytère, le décès précoce de deux autres sœurs tombées dans l'oubli, et de leur frère Bramwell, dont le visage a même été effacé de certains portraits de famille.
Si Denise Le Dantec passe obligatoire par l'histoire familiale et chacun de ses membres autant qu'elle nous parle d'Emily - donnant parfois l'impression de lire davantage une biographie sur l'ensemble des Brontë - ce passage reste néanmoins obligé en ce qu'il rappelle que les bases littéraires et l'amour de l'écriture de cette jeune femme, et même de l'ensemble de la fratrie, trouvent leur source dans des passions, inspirations et des premiers jeux d'écritures et de rôles communs qui se firent décisifs de son inspiration.
Dans L'amour caché de Charlotte Brontë de J.Janzing chroniqué il y a deux ans, le personnage d'Emily était de loin le plus fascinant. Cet ouvrage richement documenté vient prouvé que, si farouche qu'elle ait pu être, elle n'était pas que la sauvageonne de la famille : éprise de liberté, intellectuellement et émotionnellement précoce, Emily est à la fois plus simple et plus complexe que le portrait expéditif que les grandes lignes ont parfois conservé d'elle. Fragile, recluse, sombre? Peut-être, mais ce sera d'avoir percé à jour, trop tôt, la noirceur du monde qui l'entourait, ainsi qu'elle le définit si pertinemment dans la citation en début d'article. Mais D. Le Dantec vient aussi rappeler les aspects plus joyeux, voire rayonnants du personnage, une femme auteure dont on connait l'unique roman, chef-d’œuvre incontesté, mais dont on a oublié la carrière poétique peut-être deux fois plus riche.
Il est cependant dommage que cette très belle biographie, foisonnante et passionnante par bien des points, voit sa lecture rendue quelque peu ardue par le choix de l'auteur d'alterner restitution historique très scolaire, voire universitaire, et reconstitution imaginée de dialogues, qui redonne enfin vie à Emily et à la famille Brontë. Non que l'un soit préférable à l'autre, mais les transitions sont souvent abruptes, et le tout peut manquer de subtilité...
En bref : Un très bel ouvrage qui dépoussière le portrait d'Emily Brontë, en même temps qu'il rend un hommage profondément sincère et émouvant à la plus mystérieuse sœur de la célèbre fratrie. On ne regrette que l'inégalité de l'écriture, imposée par l'académisme tout universitaire que nécessite l'estampillage "biographie" sur un ouvrage, alors que la reconstitution certes fictive mais respectueuses de scènes vécues permettait de faire revivre encore un peu plus Emily...
Un grand merci à L&Pconseils pour cette lecture.
Et pour aller plus loin...
- Lisez L'amour caché de Charlotte Brontë, qui revient sur le séjour d'Emily et Charlotte dans un pensionnat de Belgique, et l'amour non partagé de Charlotte pour le directeur de l'institution. Une histoire qui lui a inspiré plusieurs de ces œuvres.
-Et lisez, relisez et rerelisez Jane Eyre, le classique de Charlotte Brontë.
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