The curse of the house of Foskett (The Gower St detective #2), Head of Zeus, 2014 - City éditions (trad. de M.Desoille & F.Tolron), 2017, 2018 - éditions France Loisirs, collection Piment noir, 2018.
Sa dernière enquête a mené un homme innocent à la potence. Autant dire
que le détective Sydney Grice n'est plus vraiment en odeur de sainteté à
Londres. Boudé par ses clients, le « plus grand détective de tout
l'empire britannique » dépérit.
March Middelton, son excentrique acolyte du « sexe faible », commence à
sérieusement s'inquiéter. Jusqu'à ce qu'un individu, membre de
l’effrayant « Club du dernier survivant », fasse appel aux services de
Sydney... et ait l'impudence de passer de vie à trépas dans son salon !
Les deux détectives sont bien obligés d'enquêter sur cette mort soudaine
et particulièrement suspecte.
Quel est donc ce club de gentlemen où le jeu est de réussir à rester en
vie tout en éliminant les autres ? Les indices entraînent Grice et March
dans les recoins les plus sombres du Londres victorien, jusqu’à la
maison maudite de la baronne Foskett…
***
L'an dernier, nous nous étions régalés de la première enquête de ce duo victorien des plus surprenants : un détective mégalomane et misogyne accompagnée de sa pupille, une jeune fille tout ce qu'il y a de moins conventionnelle dans son attitude. Entre pastiche holmésien et reconstitution historique soignée, M.R.C.Kasasian nous avait totalement conquis! Nous remettons donc le couvert pour ce second opus on ne peut plus prometteur.
"- Dites au coursier qu'il n'y a pas de réponses.
- Oh, mince alors. J'y ai déjà dit d'partir. Vous voulez que j'le rattrape pour lui dire d'pas attendre ?"
La jeune March Middleton réside toujours au domicile de son tuteur, l'extravagant, arrogant, détestable mais non moins talentueux Sidney Grice. Entre quelques enquêtes de petite importance et ses inventions toujours plus abracadabrantes, le détective tente tant bien que mal de se refaire une réputation après le scandale de sa dernière affaire. L'occasion se présente lorsque sonne à sa porte un dénommé Horatio Green : l'individu a besoin des services d'un enquêteur de toute urgence! Le petit homme appartient en effet à une société de legs mutualisés, laquelle met en commun le patrimoine de plusieurs personnes qui ne sont pas liés par le sang mais qui leur permet d'en hériter si l'un d'eux vient à mourir. Or, il se trouve que les différents signataires ont commencé à périr les uns après les autres, laissant craindre les agissements d'un tueur en série. Tous les associés de ladite société sont donc suspects et si Grice est tenté de les laisser mourir jusqu'à ce que seul le meurtrier soit encore en vie pour lui passer les menottes, il ne peut décemment pas laisser la mort d'un client entacher sa réputation plus qu'elle ne l'est déjà. Trop tard : Horatio Green meurt sous leurs yeux, empoisonné par du cyanure dont on ignore la provenance. Interrogeant tour à tour les différents signataires, March accompagne Grice jusqu'à la conceptrice de l'affaire, la baronne Foskett. La baronne n'est pas inconnue de Grice, qui était un ami de son fils et avait joué, petit, dans le vaste domaine d'une maison aujourd'hui en état de décrépitude avancée. On dit même qu'une malédiction conduirait à une mort affreuse chaque membre de la famille Foskett depuis des générations... Face aux trop nombreux suspects, notre improbable duo devra compter sur la présence de compagnons de route fort opportuns, dont une femme médecin qui ne laissera pas insensible Grice, pourtant ordinairement si misogyne!
"- Vous êtes allée au pub.
- Oui, au "Black Boy".
- Je me moque de sa couleur, de son sexe, et de son âge."
"Mon mentor éjecta son œil de verre et massa vigoureusement les contours de son orbite.
- Votre œil vous fait souffrir?
- Mon œil gît à Berlin, au cimetière de Charlottenburg.
- Vous avez fait célébrer des funérailles pour votre œil ?
- Mon œil a pénétré dans la gorge d'un colonel de l'armée prussienne, qui en est mort étouffé."
Ah! Quel style! Quel humour! Quel intrigue! Par quoi commencer? Ce second tome nous plonge avec une minutieuse reconstitution dans le Londres brumeux et grouillant de l'époque victorienne, l'auteur ne nous épargnant aucun détail sur l'insalubrité et la misère du décor. Il nous raconte avec un sérieux équivalent l'élégance des maisons de maître et l'horreur des hôpitaux de bas quartier, offrant une immersion quasi-sociologique en toile de fond de cette intrigue pleine de gouaille.
"- Et cherchez pas à nous mettre ça sur le dos ! cria-t-il derrière moi. J'ai des amis hauts placés.
- Des singes dans les arbres ? demandai-je poliment avant de sortir."
"- Et cherchez pas à nous mettre ça sur le dos ! cria-t-il derrière moi. J'ai des amis hauts placés.
- Des singes dans les arbres ? demandai-je poliment avant de sortir."
Car de la gouaille, il en faut pour contrebalancer élégamment l'horreur des coupe-gorges victoriens, et fort est de constater que l'auteur maîtrise avec talent l'art de la dérision. A la parodie trop lourde, M.R.C.Kasasian préfère donc son ton reconnaissable de pastiche plein de références, de sarcasmes, et de joutes verbales bien construites. A ce titre, on voit encore poindre derrière le duo Middleton et Grice un hommage au célèbre duo Watson et Holmes (il est fait référence, parmi les enquêtes antérieures de Grice, à une ligue de roux et à une escarboucle bleue, et la malédiction des Foskett évoque par certains côtés celle des Baskerville), si ce n'est que les personnages de Kasasian ont ce piment supplémentaire que peut se permettre un auteur d'aujourd'hui avec des personnages d'autrefois. Leur relation va par ailleurs au-delà des escarmouches déjà bien présentes dans le premier opus et gagne en psychologie, jusqu'à une révélation finale qui laisse le lecteur sur un excellent cliffhanger.
"La flatterie, m'avait un jour dit mon père, est comme le maquillage : bon marché et factice, mais si tu es amenée à en user, mets-en une bonne couche, sinon les gens verrons à travers."
Sidney Grice et March Middleton?
"- Vous avez lu mon journal à nouveau?
- Evidemment.
- Mais je le tiens caché et j'ai toujours la clé sur moi.
- Il est impossible de me cacher quoi que ce soit. Quant aux serrures... Pfff... Un paresseux à trois orteils pourrait ouvrir la serrure de n'importe quel journal avec un navet."
Avec son personnage de March, cette jeune femme amatrice de gin et de cigarettes (au grand dam de Grice, qui pense que les représentantes du sexe faible devraient s'en tenir au carcan social de rigueur), et avec celui du Dr Dorna Berry, M.R.C.Kasasian semble s'amuser à donner vie à des personnages féminins affranchis peu en accord avec une époque conservatrice. Et c'est heureux, car cet évocation pétillante du féminisme naissant est l'un des grands atouts de cet ouvrage, et probablement de la série. Au fil du roman, l'auteur continue également de glisser subtilement des flash-back qui nous permettent, petit à petit, de découvrir le passé mystérieux de March et de mieux cerner la jeune femme qu'elle est devenue.
" Vous savez pourquoi nous autres Anglais n'avons jamais eu d'esclaves dans nos foyers? Parce que nous en avons dix millions, que nous appelons des femmes. Si jamais un homme vous donne le choix entre une alliance et une tasse de ciguë, prenez le poison. Le résultat est le même ; l'un est juste beaucoup plus rapide."
L'intrigue policière ne nous ménage pas : tortueuse à l'excès (peut-être un peu trop par endroit, mais on peut y voir là encore le côté pastiche holmésien totalement avoué), elle est riche en pistes trompeuses et en révélations surprenantes. Le tout mène à un dénouement d'autant plus détonant que l'auteur s'amuse, notamment via le personnage de Grice, à nous mener par le bout du nez jusqu'à la fin...
"On ne peut pas faire confiance à quelque chose d'attirant si son attirance est la seule raison de lui faire confiance."
En bref: Une série policière anglaise pleine d'allant qui rend un hommage détonant au polar victorien. Si l'intrigue est parfois trop tortueuse, on ne peut qu'applaudir l'écriture de M.R.C.Kasasian et son ton plein d'humour, ainsi que la construction et l'évolution de ses personnages, probablement LE point fort de sa série. Savoureux! On en redemande!
Et pour aller plus loin...
-Découvrez toute la série: le tome 1 ICI, et les suivants (à venir)
J'avais bien aimé le 1er, il faudrait que je lise la suite !
RépondreSupprimerCe second tome est encore mieux! Les personnages sont attachants de par leur caractère haut en couleurs, et on tremble autant qu'on pouffe de rire.
SupprimerMalheureusement, l'éditeur auprès de qui je me suis renseigné hier m'a confirmé ce que je craignais... A savoir que les tomes suivants ne seront pas traduits dans l'hexagone : City éditions arrêtent la série :-(
Roooh mais tous les billets que je lis sur ces mysteries sont tentants!!!! argh! je note aussi le tien :-)
RépondreSupprimerOui, il faut, cette série est topissime!
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