Pages

lundi 23 septembre 2019

Gatsby le Magnifique - Francis Scott Fitzgerald

The Great Gatsby, Scribner, 1925 - Éditions Simon Kra / Le Sagittaire (trad. de V.Llona), 1926, 1946 - multiples traductions et rééditions depuis, dont l'édition De Vecchi, 2017.


  1922. Nick Carraway, issu d'une famille aisée, fait ses débuts dans la finance new-yorkaise. Quand il reçoit une invitation de son voisin, Nick est intrigué : qui est ce mystérieux Jay Gatsby et quelle est l'origine de sa fortune ? Les rumeurs les plus folles circulent sur son passé... Il semblerait également que Gatsby se soit épris de Daisy Buchanan, la cousine de Nick, mariée à un millionnaire pragmatique et macho. Nick parviendra-t-il à percer les secrets de Jay Gatsby ?


*** 

  S'il peut être difficile de se plonger dans un classique, il est parfois bon de s'en imposer la lecture. Or, quoi de mieux, lorsqu'on se sent un goût prononcé pour les Années Folles, que de se forcer un minimum pour le célèbre Gatsby le Magnifique? Célèbre? Vraiment? Avec le temps, assurément, mais pas lors de sa sortie : lorsque le roman de F.S.Fitzgerald est publié en 1925, il ne trouve pas son public et seul l'éditeur semble convaincu que l'ouvrage finira par marquer durablement le lectorat. Les rééditions dans les années trente ne font pas davantage de bruit et Gatsby est très loin d'être le best-seller qu'on imagine, même quand l'auteur décède en 1940. C'est seulement dans les années cinquante que, sans raison apparente, les ventes décollent : le roman de F.S.Fitgerald connait un soudain regain d'intérêt et se voit même étudié dans les lycées et les universités. Pourquoi un tel engouement? Plusieurs décennies et quatre adaptations au cinéma plus tard, Gatsby le Magnifique est aujourd'hui considéré comme LE reflet des Roaring Twenties.

 "Et les airs à la mode, que jouaient les orchestres cette année-là, transposaient en rythmes nouveaux toute la tristesse de l'existence et des désirs insatisfaits."


"J'aime les grandes fêtes. Elles sont si intimes. Dans les soirées où il y a peu de monde, on n'a aucune intimité."

  L'histoire nous est narrée par Nick Carraway, un jeune homme de bonne famille venu s'installer dans un petit bungalow à Long Island. Ses plus proches voisins habitent deux demeures assez fastueuses : l'une est habitée par Daisy, sa cousine mariée à un millionnaire adultère et l'autre, véritable palais gardé par des kilomètres de grilles et entretenu par des centaines de domestiques, appartient à un mystérieux homme du nom de Jay Gatsby. Tous les weekends, ce riche oisif organise des fêtes absolument incroyables auxquelles se présente tout le gratin new-yorkais, dont Jordan Baker, l'amie de Daisy et célèbre joueuse de golf professionnelle. Lorsque cette dernière aborde l'identité de Gatsby et les nombreuses rumeurs qui circulent autour de sa fortune et de son passé, Daisy semble intriguée. Quelques temps plus tard, Nick reçoit une invitation à l'une de ces fameuses soirées et fait enfin la rencontre de son voisin. Jeune homme d'une trentaine d'années beau et flegmatique, Gatsby, à qui tout semble sourire, a néanmoins un service à demander à Nick : lui organiser un rendez-vous avec Daisy, qui s'avère être en fait son amour de jeunesse. En acceptant de l'aider à reconquérir la jeune femme, le débonnaire Nick enclenche alors le début d'une série d'événements malencontreux qui les marqueront à jamais...

"Tout ce qu'il me dit, et même son effarante sentimentalité, me rappelait quelque chose - un rythme insaisissable, un fragment de paroles perdues, que j'avais entendues quelque part, il y avait longtemps. Un moment, une phrase chercha à prendre forme dans ma bouche et mes lèvres se séparèrent, telles celles d'un muet comme si quelque chose de plus qu'un souffle d'air frémissant se débattait sur elles. Mais elles ne produisirent aucun son et ce que j'avais failli me rappeler demeura incommunicable à jamais."


"Il n'y a point de trouble qui soit comparable à celui que peut ressentir un esprit simple."

  Malgré ce qu'on peut craindre des classiques, Gatsby le Magnifique retient l'attention du lecteur grâce à son style poétique mais très abordable, vif et moderne (attention toutefois aux versions : les différentes traductions sont très critiquées et la première de Victor Llona souffre de quelques anglicismes et incohérences dans son texte français) : la lecture est fluide et une fois plongé dans l'intrigue, Gatsby se lit très rapidement. Pour autant, ce roman n'en reste pas moins déstabilisant : le rythme, d'abord lent, s'accélèrent en même temps que les événements semblent se précipiter et le lecteur se sent soudain pris dans une course qui s'achemine vers une chute tragique. A la fin, quelques questions subsistent : y a-t-il une morale? De quoi l'auteur a-t-il voulu nous parler? y a-t-il seulement un thème central à ce livre?


"Dans ses jardins bleus, les hommes et les femmes allaient et venaient comme des phalènes parmi les chuchotements, le champagne et les étoiles."

  Gatsby, finalement, c'est l'histoire presque banale d'un (ou de plusieurs) mauvais (mais peut-on le qualifier de bon ou de mauvais?) concours de circonstances, que la période tonitruante des Années Folles rend haletante et inoubliable. Le personnage central de l'histoire, Gatsby, est amené progressivement par le biais d'un tiers – Nick, le narrateur – qui observe davantage qu'il ne participe aux événements, faisant ainsi grandir chez le lecteur la curiosité partagée par tous les autres protagonistes à l'encontre du richissime célibataire. La question du regard, dans une autre mesure, est centrale dans le roman de F.S.Fitzgerald : celui dessiné sur la vieille affiche publicitaire qui semble observer nos personnages faire les incessants allés et retours entre Long Island et New York est plusieurs fois assimilé aux yeux de Dieu lui-même. Un Dieu qui voit tout des actes que s'apprêtent à commettre les protagonistes du livre et qui devront en assumer les conséquences. Dès lors, on réalise que Gatsby le Magnifique est une tragédie moderne aux rouages impeccablement huilés.


"Il faudrait comprendre que les choses sont sans espoir et être pourtant décidé à les changer."

  Quand on referme Gatsby le Magnifique, on peut supposer que le succès tardif du roman s'explique probablement par la vision avant-gardiste de cette bien nommée "génération perdue" des années 1920 qui, durant la décennie qui sépare la fin de la guerre de la crise boursière, s'enivre de cocktails et de jazz comme si la fin du monde était pour le lendemain. Il faudrait bien des années avant que le regard rétroactif des lecteurs reconnaisse enfin l'analyse de Fitzgerald. Puissante évocations des apparences souvent trompeuses, de la nostalgie dont on se forge le rêve de toute une vie, et du potentiel destructeur de l'argent (les personnes aisées agissent outrageusement à leur guise et les dommages collatéraux n'impactent que les gens d'une classe sociale inférieure), Gatsby raconte la décadence de l'Amérique avant que l'Amérique elle-même n'ait eu le temps d'en prendre conscience.

"Tom et Daisy étaient deux êtres parfaitement insouciants.
Ils cassaient les objets, ils cassaient les humains, puis ils s'abritaient derrière leur argent, ou leur extrême insouciance, ou je-ne-sais-quoi qui les tenait ensemble, et ils laissaient à d'autres le soin de nettoyer et de balayer les débris."

Beacon Towers, véridique château construit à Long Island en 1922, qui a inspiré la demeure de Gatsby à Fitzgerald pour son roman.


" C'est ainsi que nous avançons, barques luttant contre le courant, ramenés sans cesse vers le passé."

En bref : Tragédie moderne dans l'effervescence des Années Folles, Gatsby le Magnifique est sans aucun doute un classique, un vrai. Il n'y a pas grand chose à dire de plus. Ah, si : lisez-le.


2 commentaires:

  1. Lu il y a très très longtemps... Mais il fait partie des livres que je compte relire un jour !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, et il fait varier les traductions pour redécouvrir le texte autrement ! ;)

      Supprimer