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mercredi 30 octobre 2019

Joyeuse France obscure chez Adèle Blanc-Sec (Happy frenchy Halloween) !




  Comme convenu avec Mademoiselle Adèle Blanc-Sec – notre guest star à l'occasion de ce challenge Halloween édition dixième anniversaire spécial France obscure – dans l'article d'introduction à notre marathon horrifique, nous nous présentons à l'occasion de ce 31 octobre à la porte de son appartement parisien (dont nous révèlerons l'adresse exacte à l'occasion d'un futur article de "tourisme littéraire" car, oui, à l'image de Baker Street, l'appartement d'Adèle existe bel et bien quelque part dans la capitale).

  On sonne plusieurs fois mais personne ne répond... On sait que la romancière, lorsqu'elle ne passe pas plusieurs jours devant sa machine à écrire ou ne reste pas cloîtrée chez elle pour éviter les ennuis, a la fâcheuse tendance à répondre aux rendez-vous anonymes et autres invitations louches, partant ainsi presque malgré elle à l'aventure...
  Bah, ses clefs sont toujours cachées sous le paillasson : puisqu'elle nous a invités, prenons-les et entrons!


  Ah, voilà donc l'antre de la célèbre écrivaine! Tout y est typique d'un intérieur de la Belle Époque décoré avec goût : secrétaire laqué, cheminée haussmannienne en marbre, grand miroir sculpté, et éclairage à la lampe à pétrole. Il y a même une pointe d'exotisme s'il on en juge par la présence de certains objets pour le moins hétéroclites...
 

  Mais penchons-nous d'abord sur le bureau de la fameuse feuilletoniste. Sa table de travail est quelque peu encombrée (la demoiselle serait-elle désordonnée? Oh, si peu, mais après-tout, Sherlock Holmes lui-même était très brouillon, il s'agit probablement d'un trait de caractère propre aux grands personnages). Qu'avons-nous là? Un superbe chapeau, mais que dis-je LE chapeau à plumes fétiche d'Adèle, probablement confectionné main par un chapelier parisien doublé d'un talentueux plumassier. Bref, poussons-le un peu et voyons ce que nous avons là...


  Quelle chance nous avons, chers amis : à en juger par les quelques lignes tapées à la machine, notre Adèle a commencé l'écriture d'un tout nouveau titre inspiré de ses aventures. Probablement la suite de son premier grand succès dont un exemplaire est justement posé là, la couverture superbement illustrée : Adèle et la Bête, adapté de l'affaire du jardin des plantes à laquelle Mademoiselle Blanc-Sec s'était trouvée mêlée presque par hasard.
  Hum, le révolver laissé à proximité est sans doute nécessaire en cas d'attaque nocturne (Adèle est coutumière de ce genre d'intrusion, autant avoir sous la main de quoi se défendre) ou si un monstre venait à se présenter sur son pallier.


  En parlant de monstre, voici justement un ancien numéro du Petit Parisien relatant les assauts du ptérodactyle qui terrorisa le tout Paris pendant l'Automne 1911. Probablement un des nombreux exemplaires de presse qu'Adèle conserve dans ses archives personnelles. À moins que ce soit pour cette publicité en encart concernant des étoles en fourrure de première qualité...


    On sait en effet qu'Adèle affectionne les pelisses, d'ailleurs en voilà une sur son porte-manteau. Mais, que vois-je? Il y a là sa tenue iconique par excellence : outre sa fourrure, voyez suspendu ici son emblématique manteau vert! Faisons un peu d'ordre en attendant son retour et accrochons à une des patères son couvre-chef jusqu'ici négligemment abandonné sur son secrétaire. C'est mieux ainsi, n'est-ce pas? On verrait presque la silhouette de l'aventurière se dessiner...



  Tiens, c'est étrange, elle a également laissé son parapluie, son sac à main et ses gants. Et même son briquet! Heureusement qu'il ne pleut pas, mais espérons qu'elle ne sera pas prise d'une soudaine envie de cigarette, où qu'elle se trouve. Continuons donc de faire le tour du propriétaire. 
  Voilà de bien étranges bibelots que ces statuettes on ne peut plus archaïques de part et d'autre de l'horloge. Il me semble reconnaître à droite une ancienne figurine du démon assyrien Pazuzu, et à gauche l'idole diabolique d'une secte satanique qui sévissait dans les catacombes parisiennes en 1912. Connaissant Adèle Blanc-Sec comme nous la connaissons, il s'agit très probablement de pièces à conviction récoltées pendant ses diverses investigations et mésaventures...


  Cette plaque d'un poisson préhistorique fossilisé est moins effrayante. Il s'agit peut-être d'un souvenir du jardin des plantes, à moins qu'elle n'ait arraché ces restes antédiluviens à une troupe de dangereux savants fous qui, à l'image du pithécanthrope, aient cherché à ramener à la vie tout un banc de poissons datant des dinosaures?  Connaissant Adèle et les milieux qu'elle fréquente parfois à son corps défendant, rien n'est moins sûr! Mais... Mais...


  Mais... Bon sang mais c'est bien sûr! C'est sa Très chère Vieille Peau! Mesdames et messieurs, voici la momie d'Adèle Blanc-Sec, presque aussi célèbre que sa propriétaire! Si on ignore quel est son nom véritable, on sait qu'elle était de son vivant ingénieur en physique nucléaire (un détail qui remet en question ce qu'on croyait connaître de l'avancée des sciences dans l'Egypte ancienne). Rapportée par un arrière-grand-oncle d'Adèle, elle dort sagement dans cette vitrine tapissée de papier à motifs Art nouveau du dernier chic... mais pas sûr que ça suffise à la retenir ici encore très longtemps...


   Bon, maintenant que nous avons terminé notre visite, nous aurions aimé vous offrir à boire mais il semble qu'il n'y ait même pas une bonne bouteille à portée de main. Cela ne ressemble pas à Adèle, qui a toujours un bon vieux cognac quelque part pour siroter un verre en causant avec sa bonne vieille momie. 
  A moins que ce soit la momie qui ait déjà tout bu? Non, impossible. Elle est belle et bien morte, n'est-ce pas? 
  Ohé, pourquoi personne ne confirme? Huum, passons...
  


  Bon, eh bien, nous n'allons pas nous attarder en l'absence de la maîtresse des lieux. A l'évidence, cette chère Adèle aura eu un empêchement de dernière minute. Refermons la porte derrière nous et laissons les clefs sous le paillasson en attendant son retour. Il nous reste encore une dizaine de jours de prolongation de lectures et d'articles horrifiques avant la clôture du challenge. Espérons qu'elle réapparaîtra d'ici là...

Ah, mais au fait, j'allais oublier pourquoi nous nous étions donnés rendez-vous ici initialement, toutes mes excuses! Nous vous souhaitons bien sûr un très joyeux Halloween 2019! Hum, pardon, disons une...

Très joyeuse France obscure!


 

samedi 26 octobre 2019

Momies en folie (Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec #4) - Tardi.

 Casterman, 1978, 2009, 2018.

  Paris, 1912. Contactée par un certain Mouginot, Adèle Blanc-Sec a la surprise de voir disparaître peu après la momie égyptienne qui « ornait » son salon. Elle apprend bientôt que celles du Louvre sont pareillement portées manquantes. Elle échappe ensuite à plusieurs tentatives d'assassinat : sous l'horloge de la gare de Lyon, devant le buffet de la gare Montparnasse, à l'entrée de la chapelle de l'hôpital de la Charité et... à bord du Titanic ! Du Muséum national d'histoire naturelle au Cimetière du Père-Lachaise en passant par les catacombes, elle finit par se retrouver mêlée à de sinistres individus hantant les recoins les plus secrets du parc Monceau. 

***

  Après les trois premiers tomes des Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Tardi signe ici un quatrième et ultime volume dans ce qui constitue aujourd'hui un premier cycle dans les abracadabrantes histoires d'Adèle. 

  Quelques mois après l'affaire du pithécanthrope, Adèle se tient à bonne distance des monstres et des savants fous. Alors qu'une nouvelle menace se prépare au-dehors, elle reste confortablement installée à son bureau à taper à la machine un futur roman inspiré de ses propres mésaventures, tout en tapant (aussi) la causette (à sens unique) à sa "chère vieille peau", la momie ramenée d’Égypte par son arrière-grand-oncle et qui décore maintenant son salon. En parlant de momie, il se trouve justement que des corps fraichement assassinés et momifiés sont disséminés dans Paris sans que la police ne trouve d'explication à ces macabres mises en scène. Parallèlement, un jeune savant du nom de Mouginot entre en contacte avec la romancière : il a eu vent de l'affaire du pithécanthrope et aimerait qu'Adèle lui présente le professeur Dieuleveult, à qui il souhaiterait soumettre sa théorique méthode de retour à la vie récemment mise au point. Mais comme on l'a dit plus haut, Adèle en a sa claque des savants et envoie paitre le pauvre Mouginot, qui laisse néanmoins à la jeune femme sa carte et... une étrange statuette. Plus qu'étrange, cet artefact semble doué de propriétés diaboliques, notamment celle de ressusciter soudainement... sa momie!

Adèle écrit des romans... et cause à sa momie.

  Si tous les tomes de cette série témoignent jusque là d'une égale qualité, je dois admettre avoir une préférence pour ce quatrième opus, véritable festival à lui tout seul. Momies en folie voit tous les éléments qu'affectionne Tardi atteindre leur apogée, sorte de "clou du spectacle" avant le tomber de rideau. 

  Parmi les codes du roman populaire que l'auteur réemploie à sa sauce, la narration de Momies en folie offre un exemple particulièrement réussi de réappropriation : les cartouches narratifs sont plus présents que jamais, venant appuyer avec grandiloquence et à grand renfort d'effets stylistiques l'action mise en image (un procédé très caractéristique des feuilletons, comme on a pu le voir précédemment). Tardi y apostrophe même le lecteur à plusieurs reprises, le prend à parti, s'amuse avec lui, dans la continuité de cette "aise" qui s'était instaurée avec le tome précédent dans sa façon de développer ses scénarios. A la façon des péripéties parallèles de Adèle et la bête, Momie en folie voit se développer sous cette narration plusieurs intrigues simultanées qui finissent par se recouper, forçant Adèle à jouer de nouveau les détectives pour remonter les différentes pistes qui se présentent. Elle y arrive cependant moins bien que dans Le démon de la Tour Eiffel, tant la complexité des événements la laisse perplexe. Tardi s'amuse même à abattre ce qu'on appellerait au théâtre le "quatrième mur" en faisant dire à son héroïne "J'en ai assez des intrigues compliquées. Je me demande ce qu'en pensent les lecteurs...".

Quand la momie d'Adèle s'enfuit dans la nuit parisienne...

  A la façon des grands romans d'aventure qui lorgnent du côté des inspirations orientales – et comme il l'avait déjà un peu fait dans le tome 2 avec l'univers babylonien – Tardi pioche cette fois dans les mythes de l'Egypte ancienne (et emprunte aussi quelques ressorts scénaristiques à E.A.Poe), associés aux décors d'une géographie parisienne qu'il continue de nous faire visiter. Outre la pyramide du parc Monceau (où se clôturera cette histoire), on nous offre une charmante promenade illustrée à la recherche des monuments pseudo-égyptiens du Père Lachaise. Le coup de crayon très fidèle de Tardi nous emmène aussi dans les effrayantes catacombes parisiennes, auprès des différentes gares de la capitale, ou encore aux pieds des monuments jouxtant le Louvre.

  Nous l'avons vu dans les précédents volumes : l'auteur adore glisser des clins d’œil historiques dans sa BD. Après avoir mis en image des personnalités véridiques (ou des personnages inspirés de personnalités véridiques), il utilise cette fois des événements réels pour en faire, sous sa plume, des tentatives d'assassinat fictive à l'encontre de la pauvre Adèle. Ainsi, on apprend que le naufrage du Titanic était en fait un attentat déguisé en accident, destiné à tuer la romancière après qu'elle ait reçu une invitation à voyager à bord (fort heureusement, la jeune femme avait flairé le mauvais coup, ouf!). Autre fait-divers habilement détourné : l'accident ferroviaire de la gare de Montparnasse (immortalisé à travers de célèbres photographies et également mis en scène dans L'invention d'Hugo Cabret), auquel Adèle échappe là encore de justesse. 

 L'accident ferroviaire de la gare de Montparnasse : la réalité vs la BD.

  Toutes ces tentatives de meurtre trouveront leur source dans une fusion de deux sectes : les adorateurs de Pazuzu (encore lui! Eh oui, Tardi adore les come back, comme on le comprendra au fil de la série) d'un côté, et ceux de Satan de l'autre. Liés également à cette affaire et qui apparaissent très succinctement en fin de volume (au cours de quelques vignettes dont la narration et l'action semblent vouloir parodier les commentaires d'une course automobile) : les personnages issus d'une autre BD de Tardi, Le démon des profondeurs, one shot publié chez Dargaud en 1974. Le temps de ce qu'on appellerait aujourd'hui un court cameo, il a recours au cross-over bien avant que le terme ne soit utilisé en France.

Cross over et mise en abyme : Tardi pousse l'audace jusqu'à se glisser lui-même dans sa propre BD...

  Ce tome permet aussi au lecteur de passer plus de temps en tête à tête avec Adèle, retranchée dans son appartement pour éviter les ennuis qui la guettent dès qu'elle passe la porte de son immeuble (mais en même temps, elle l'avoue elle-même : dès qu'elle reçoit une invitation à un rendez-vous louche qui va probablement la mettre en danger, elle ne peut pas s'empêcher d'y aller, ne serait-ce que par curiosité). Clope au bec et les bottines allongées sur son bureau dans une position boudeuse, on l'accompagne dans ses réflexions et ses remarques tantôt ironiques tantôt caustiques sur le cour des faits. On réalise à quel point, face aux événements fantastiques ou paranormaux auxquels elle est perpétuellement confrontée, elle reste finalement très pragmatique. Peut-être même est-ce cette distance, cette appréhension tellement terre à terre des choses qui nous la rend si sympathique en dépit de son air perpétuellement revêche. Revêche? Tout le temps? Nous qui la connaissions si solitaire, on la voit quand même se réveiller un matin sobrement vêtue d'une robe de chambre chez le savant Mouginot! Aventure d'un soir? Rien n'est véritablement confirmé et peut-être s'agit-il juste d'une interprétation mais en tout cas, c'est une théorie soulevée par l'auteur Nicolas Finet dans son ouvrage analytique Le livre d'Adèle. 


  La fin de ce tome amène aussi (attention, spoiler) la fin... d'Adèle. Même si un retour parait envisageable (peut-être l'auteur veut-il déjà se laisser une éventuelle ouverture narrative pour revenir à Adèle plus tard, mais il semble pour l'instant décidé à faire une pause avec ce personnage), c'est le premier tome de la série à ne pas annoncer le titre du prochain épisode. Momies en folie s'achève sur le corps cryogénisé de l'héroïne tandis que la Grande Guerre commence au-dehors et que le mot "Fin" clôt l'album dans une gravité qui, pour la première fois, n'est pas feinte. 

... Mais qui sera de courte durée, on vous rassure...

En bref : Momies en folie clôture en apothéose le premier cycle des aventures d'Adèle se déroulant à la Belle Époque. Une narration maîtrisée, des rebondissements osés, et toujours cet humour unique, entre le cocasse des situations et le regard pragmatique que vient y poser une héroïne haute en couleurs. On adore!



Et pour aller plus loin...


jeudi 24 octobre 2019

Le savant fou (les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec #3) - Tardi.

Casterman, 1977, 2009, 2017.




  Janvier 1912. Paris frissonne sous la neige, mais la capitale ignore encore que dans quelques jours c’est de peur qu’elle tremblera. Amenée à assister à la “résurrection” d’un homme préhistorique, Adèle Blanc-Sec est entraînée dans une de ses plus mystérieuses aventures, remplie d’étranges disparitions, de tentatives de meurtres et d’esprits invoqués. 



***



  Et de trois! A l'occasion de ce challenge Halloween consacré à la France obscure, continuons notre analyse de la plus célèbre bande-dessinée de Tardi, conçue comme un clin d’œil au genre du roman-feuilleton d'antan. Après le ptérodactyle du tome 1 et la secte démoniaque du tome 2, à quoi (ou à qui) Adèle va-t-elle avoir affaire cette fois-ci?


  Hiver 1912, Paris est enneigé et Adèle se sent suivie. Alors qu'elle espère enfin faire face à son poursuivant au détour d'une ruelle et lui régler son compte, elle tombe nez à nez avec Espérandieu, un savant croisé quelques mois plus tôt au jardin des plantes alors que la ville tremblait sous les assauts du ptérodactyle. Espérandieu invite la jeune femme à une expérience qui pourrait l'intéresser... en fait d'expérience, c'est à une séance de spiritisme qu'Adèle se trouve conviée. Sous ses yeux ébahis, elle voit resurgir le ptérodactyle sous forme d'ectoplasme ainsi que l'esprit de feu le professeur Boutardieu, qui avait donné vie au dinosaure par la seule force de son mental. Le but de cette petite sauterie d'un genre nouveau? Espérandieu et une troupe d’hétéroclites para-scientifiques aimeraient connaître le secret de Boutardieu pour ramener une créature d'entre les morts. Pas n'importe quelle créature, par ailleurs : le professeur Ménard, également de la partie, possède chez lui un authentique pithécanthrope de 400000 ans rescapé d'un glacier et en parfait état de conservation, relié à toute une batterie de matériel électrique. Cette machine à ramener à la vie a été conçue par le professeur Dieuleveult, un savant qu'Adèle qualifierait bien de fou et pour qui elle ressent déjà une forte antipathie. Mais Dieu seul sait ce qui pourrait se passer une fois l'homme préhistorique ramené parmi les vivants...


  Après un second tome à la façon du polar ésotérique, Tardi revient ici à ses premières amours : la science-fiction. De nouveau, une créature préhistorique est au centre de cette intrigue, mais on vous rassure : la trame suit des chemins bien différents et on ne peut plus surprenants. A l'évidence, Tardi décide de ne plus faire dans la demi-mesure : deux tomes lui ont été utiles pour prendre ses marques, cette fois, il se lâche! A quoi le décrypte-t-on? Le détournement des codes du roman-feuilleton, avec lesquels il joue depuis le début de la série, et qu'il outrepasse avec un plaisir communicatif.

  En effet, l'auteur-illustrateur distille comme jamais un humour de situation qui s'instaure par la distance entre les scènes mises en images et les dialogues. Ainsi, la résurrection du pithécanthrope, potentiel grand moment de suspens, est tournée en dérision par les interminables rires sardoniques et affreusement théâtraux du professeur Dieuleveult qui actionne les différentes manettes de sa machinerie. L'instant, pour plus d'effet dramatique, se voit même ponctué d'un orage particulièrement adapté à la scène alors que la météo hivernale n'y est pas propice : pure effet de style romanesque, Adèle expliquant même à la cantonade "C'est pour l'ambiance. La nature fait bien les choses... heu, avez-vous lu Mary Shelley?". Plus loin, lorsqu'on s'attend à voir ressusciter un monstre rugissant, c'est un homme préhistorique parfaitement civilisé qui revient à la vie, à la plus grande surprise de tout le monde (et de tous les théoriciens de l'évolution présents).


  Parmi les autres grands moments de ce tome, la fausse mort d'Adèle est aussi un bijou d'humour. Alors que quelqu'un s'est introduit dans la chambre de la romancière pendant la nuit et vient de tirer sur son corps endormi avant de prendre la fuite, le cartouche narratif conclut sur ses quelques mots au-dessus de la dépouille ensanglantée de l'héroïne : "Ainsi se terminent tragiquement les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec". Vignette suivante : Adèle, bien vivante, arrive et se félicite d'avoir placé sous ses couvertures des oreillers et un traversin pour simuler la présence de son corps endormi, ainsi qu'un kilo de tomates pour imiter le sang et donner le change.


  La place donnée à l'humour n'empêche pas le scénario d'être captivant, et ce tome mérite une fois encore le titre bien choisi d'aventure : outre la séance de spiritisme et l'expérience de résurrection du pithécanthrope, Le savant fou entraîne le lecteur dans de trépidantes courses poursuites dans le Paris enneigé, le mène par le bout du nez au gré de multiples fausses pistes, et se termine une fois encore dans une apothéose rocambolesque : le final, sur les hauteurs de Notre-Dame, voit débarquer tous les personnages de la série en même temps pour une conclusion à la fois burlesque et palpitante. Il y aura même une petite note d'émotion, si, si!

Le final voit ressurgir le démon de la Tour Eiffel, totalement inattendu mais introduit par Adèle, imperturbable.

  Parmi les points importants de ce tome, signalons l'apparition du professeur Dieuleveult. Ce savant absolument détestable, que l'on retrouvera dans presque tous les prochains tomes, est amené à devenir LE pire ennemi de notre héroïne! Si aucune raison valable ne semble justifier l'animosité que ce dernier nourrit à l'encontre de la jeune femme, on peut néanmoins remarquer qu'une fois encore, Adèle, seule représentante de la gent féminine, se mesure sur un pied d'égalité avec des hommes qui se révèlent soit meurtriers, soit médiocres (et souvent moins civilisés que le pithécanthrope, par ailleurs). C'est parce qu'elle est une femme, semble-t-il, que Dieuleveult l'a dans le collimateur dès le départ, et c'est pour cette raison qu'Adèle décide de lui rendre son inimitié, avec la franche validation du lecteur!

En bref : L'auteur a pris ces aises avec ce troisième tome, dans lequel il distille habilement humour et aventure sans jamais renier ses inspirations de départ. En quelques volumes, Tardi a réussi à séduire le public avec une héroïne atypique et très certainement féministe que le lecteur de tout genre suivra dans toutes ses aventures.


 Et pour aller plus loin...

samedi 19 octobre 2019

Le démon de la tour Eiffel (Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec #2) - Tardi.

Casterman, 1976, 2008, 2017.




  En ce mois de décembre 1911, Paris est secouée par la brusque réapparition de la peste et par une mystérieuse vague de disparitions sur le Pont-Neuf. Adèle, déterminée à venger la mort de son ami Lucien Ripol, mène l’enquête, persuadée qu’un lien existe entre ces trois affaires. Affrontant tour à tour Albert, son ancien complice, et une redoutable secte d’adorateurs du démon Pazuzu, arrivera-t-elle à échapper aux différentes menaces qui planent sur elle ?



***

  Continuons à suivre Adèle Blanc-Sec dans le Paris de la Belle Epoque : Après Adèle et la Bête, Tardi signe ici avec Le démon de la tour Eiffel le second tome de sa BD iconique, à la fois pastiche et hommage au roman-feuilleton.

Adèle et Flageolet.

  Quelques semaines à peine après l'affaire du Jardin des plantes, Adèle a quitté sa maison de Meudon pour se réfugier dans un appartement en plein Paris. Là, entre ses bibliothèques garnies de livres et une momie qui dort dans sa vitrine, elle écrit des histoires de malfrats en méditant de quelle manière elle pourra bien se venger de ses deux anciens hommes de main qui l'ont trahie sans vergogne. Pour cela, elle peut compter sur un nouvel allié : Simon Flageolet, détective privé rencontré quelques temps plus tôt, et qu'un mystérieux commanditaire anonyme a missionné de retrouver le magot volé chez le banquier Mignonneau, au centre de la précédente affaire. Le magot en question, tout le monde ignorait véritablement son contenu jusque là, mais résulterait en un seul et mystérieux objet : une antique statuette de Pazuzu, un démon assyrien. Pazuzu, qui est par ailleurs au centre d'une toute nouvelle pièce de théâtre racontant les derniers jours de Babylone. Le concepteur des décors, Jules-Emile Pessonier, est aussi un artiste-peintre qui semble obsédé par ce dieu barbare, au point de l'intégrer dans toutes ses toiles d'inspiration orientalisante. Tandis qu'Adèle et Flageolet suivent cette piste, d'autres faits simultanés semblent se rattacher à leur enquête : la disparition de plusieurs personnes sur le Pont Neuf, la propagation d'une épidémie de peste dans Paris, et la découverte de traces monstrueuses sur les lieux de crimes qui se multiplient... Pazuzu en chair et en os aurait-il pris vie?

Véritable statuette de Pazuzu, au centre de ce second tome.

  Quel plaisir de retrouver le petit monde d'Adèle! Fidèle aux multiples inspirations qu'offre le roman-feuilleton, Tardi, après avoir exploré la science-fiction (et usé de quelques éléments qui annonçaient le steampunk), raconte ici une intrigue policière plus classique. Plus classique, oui, mais pas plus mesurée pour autant : les rebondissements continuent d'abonder à un rythme effréné et les retournements de situation excessifs pour ne pas dire emphatiques sont toujours de la partie. Si l'intrigue suit quelques éléments resté en suspens à la fin du premier volume (le contenu du butin volé et ce que sont devenus les anciens hommes de main d'Adèle), elle emprunte de tous nouveaux chemins et fait intervenir de nouveaux personnages. La trame pourrait parfois faire penser au Belphégor d'Arthur Bernède, même si, bien sûr, les points communs restent tout relatifs (présence d'une statue/statuette d'un démon oriental, apparition d'un être masqué prenant son nom et perpétuant plusieurs meurtres, association du monstre à un lieu culte de Paris ainsi que l'existence d'une société secrète/secte dédiée au démon). De plus, coïncidence ou non, le démon Pazuzu mis en scène dans cet opus avaient déjà acquis une certaine popularité en 1973 grâce au célèbre film L'exorciste, où il possède la jeune héroïne. Fort heureusement, même si Tardi use de quelques ressorts propres à susciter l'effroi, le ton de sa BD est beaucoup plus grand public ; le final, même, tourne presque au vaudeville le temps de quelques vignettes.

Adèle va au théâtre.

  Adèle, qui avait ses motivations mais subissait plus qu'elle ne contrôlait tout les éléments survenus dans le premier opus, est ici davantage actrice de l'histoire. Aux côtés du détective Simon Flageolet, on lui découvre des talents d'enquêtrice qui surpassent parfois (voire souvent) la réflexion de son nouvel allié ("il n'est pas du genre à trouver sans qu'on l'aide", médite-t-elle avant de lui rendre visite et de lui conseiller, probablement à la manière de Sherlock Holmes, de "jouer du violon" pour améliorer ses performances de limier). Comme dans le volume précédent, ses aptitudes à suivre une piste lui attirent malheureusement des ennuis et des ennemis mais elle continue de tenir tête, celle-là étant toujours affublée de chapeaux de plus en plus extravagants. Côté vie privée, on glane au passage quelques informations : on apprend officiellement qu'elle est auteure de romans-feuilletons et que c'est au cours de recherches de terrain nécessaires à l'écriture qu'elle s'est mise à fréquenter le milieu des truands dans lequel elle semblait si à l'aise dans Adèle et la Bête


  Parmi les nouveaux personnages avec lesquels le lecteur fait connaissance, on rencontre la comédienne Clara Benhardt et le peintre Jules-Emile Pessonier. Parce que Tardi aime aussi s'inspirer de l'Histoire, on y verra deux clins d’œil à de réels artistes de l'époque : la véritable actrice de théâtre Sarah Bernhardt ainsi qu'un mélange des peintres Ernest Messonier (pour le nom et le physique) et Georges-Antoine Rochegrosse (pour les thèmes picturaux). Ce dernier, spécialiste de scènes inspirées de l'ancienne Babylone, avait par ailleurs peint plusieurs fois la comédienne Sarah Bernhardt. Simon Flageolet, lui, est un détective à la Rouletabille. Résidant dans un appartement chic à l'intérieur d'inspiration orientale, il est le premier personnage de la BD qui assiste Adèle sur un pied d'égalité et à qui elle manifeste une certaine sympathie (même si, nous le verrons au fil de la série, cela ne sera que pour un temps).

 Clara Benhardt et Sarah Bernhardt...
 Peissonier et Messonier...

  Avec Le démon de la tour Eiffel, l'auteur illustrateur continue de nous régaler du Paris sublimé de la Belle Époque : les lignes Art Nouveau des entrées de métro, les automobiles pétaradantes et les lieux cultes de la capitale, érigés au même niveau que les personnages principaux. Après le Jardin des Plantes, Tardi met principalement à l'honneur la tour Eiffel (décor d'un final de haute volée) et le Pont Neuf, qui révèle quelques secrets, dont une porte dérobée (que vous n'aurez de cesse de chercher à actionner à chacun de vos passages après avoir lu cet album)!

Sous le pont, on y danse, on y danse...

En bref : Après un premier tome baignant dans la plus pure science-fiction, Tardi continue de puiser dans l'intarissable source du roman-feuilleton pour un second tome usant beaucoup moins du fantastique mais mêlant polar et ésotérisme. Les éléments orientaux tournant autour du démon Pazuzu apportent une touche exotique originale et on se régale une fois encore des rocambolesques péripéties de cette héroïne émancipée dans un Paris de carte postale.



Et pour aller plus loin...

dimanche 13 octobre 2019

Adèle et la Bête (Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec #1) - Tardi.

Casterman, 1976, 2007, 2017.
 
  Un événement étrange survient au Muséum d'histoire naturelle lors d'une sombre nuit de novembre... L’œuf d'un ptérodactyle vient d'éclore dans le silence de la salle de paléontologie. Aussitôt, la bête assoiffée de sang va faire régner la terreur sur Paris ! La police est sur les dents et l'inspecteur Léonce Caponi, un illustre incapable, est désigné pour mener l'enquête. Adèle Blanc-sec, la Belle (qui n'est pas vraiment belle) va, évidemment, croiser le chemin de la Bête (qui, pour finir, n'est plus tout à fait une bête ! ).

  Premier épisode des aventures de la célèbre et intrépide Adèle Blanc-sec, cette bande dessinée nous plonge dans une enquête passionnante au cour d'un Paris peuplé de monstres fantastiques et de personnages étranges. Jacques Tardi, qui a reçu le Grand Prix de la ville d'Angoulême pour l'ensemble de son œuvre, crée une héroïne moderne dans un récit palpitant à la frontière des genres. Le riche appareil pédagogique, suivi d'une interview exclusive de Tardi, permettra d'explorer cette ouvre pas à pas, de la diversité des genres au parcours du personnage, en croisant étude de l'image et étude du récit. 

*** 

  Lorsque qu'Adèle Blanc-Sec apparait en 1976 dans la monde des bulles francophone, elle est la première héroïne de bande-dessinée qui ne soit ni une créature érotique, ni une simplette ; il faut dire que jusque là, les protagonistes féminines de BD les plus connues étaient Barbarella et Bécassine! Tardi s'affranchit de ces images passéistes pour mettre en scène, au cœur de la Belle Époque parisienne, une femme indépendante et mystérieuse dans des aventures qui flirtent avec le fantastique et où les monstres sont monnaie courante... Une lecture idéale pour le challenge Halloween 2019 consacré aux crus français!


  L'histoire commence pendant l'Automne 1911 : au Muséum d'histoire naturelle du Jardin des plantes, un œuf de ptérodactyle éclot dans le silence nocturne et s'échappe par la verrière. Très vite, la créature revenue du fond des âges se manifeste : d'abord aperçue par des passants, elle s'attaque à quelques autres et en tue même certains! La mystérieuse affaire fait la une des journaux et toute la capitale panique. Depuis Lyon, un mystérieux scientifique féru de parapsychologie, d'abord enchanté par la naissance du dinosaure auquel il semble comme connecté, s'affole de la voir commettre de plus en plus de morts... A Paris, l’Élysée missionne son ministre (qui missionne le préfet qui missionne un commissaire qui missionne un inspecteur médiocre) de faire tuer cette créature pour en finir de cette folie qui s'empare de toute la ville. Dans cette atmosphère de peur générale, une mystérieuse jeune femme se faisant appeler Edith Rabatjoie débarque à Paname, accompagnée de deux hommes de main aux allures de gorilles et lourdement chargée d'une malle au contenu tenu secret. Interrogée dans le train par – étrange hasard – un employé du jardin des plantes , elle prétend venir chasser le ptérodactyle... Si l'on se doute très vite que cette jeune femme a des choses à cacher, on ignore à quel point ses motivations, en réalité très éloignées de la créature préhistorique qui terrorise les Parisiens, vont l'amener au bout du compte à s'y confronter...


  Illustrée dans le pure style ligne claire, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec est l'un des meilleurs exemples de bande-dessinée franco-belge comme on en fait plus. L'auteur et artiste Tardi, connu plus tard pour ses adaptations en BD de Nestor Burma et ses albums consacré à la Grande Guerre, avait fait ses armes chez Pilote et Métal Hurlant (deux revues faisant office d'institutions dans le domaine de la bande-dessinée). D'un style unique aux contours fins qui semblent encrés à la plume, il fait revivre le Paris de la Belle Époque : la gare de Lyon, la galerie de paléontologie du jardin des plantes, l’Élysée... tous se dressent comme sortis tout droit de vieilles cartes postales, faisant de Paris un personnage à part entière, décor intimement lié à l'histoire qui s'y déroule. 


  L'héroïne, au physique qui deviendra iconique, a dès ce premier opus un charisme prometteur : coiffure bouffante à la Gibson, visage anguleux, yeux perçants presque toujours mi-clos (le plus souvent illustrés d'un seul trait chacun), bouche pulpeuse et boudeuse, et tâches de rousseur. Coiffée d'un chapeau à plumes quasi-outrancier (le premier d'une longue liste de couvres-chef d'un style parfois douteux) et de son grand manteau vert fétiche (la couleur étant un clin d’œil à Bécassine), sa silhouette sera rapidement reconnaissable entre mille. Secrète et caractérielle, elle a quelque chose d'à la fois ordinaire et mystérieux. Son introduction dans l'histoire sous un faux nom et sous de faux prétextes la rendent difficile à cerner : probablement issue d'une petite bourgeoisie, elle semble néanmoins frayer avec des malfrats peu recommandables mais qui font grandir l'intérêt du lecteur à son égard : bien que femme dans un monde d'hommes, elle donne l'impression d'y être leur égale, et ce sans pour autant chercher à s'imposer.

Première apparition d'Adèle...euh, Edith, dans la train pour Paris...

  D'ailleurs, ces hommes et autres personnages secondaires, qu'en est-il? Dessinées avec des "tronches" qui deviendront la marque de fabrique de Tardi, ils peuvent être caricaturaux aussi dans le fond que dans la forme. Soupirants éperdus ridicules (Adèle cumulera les prétendants auxquels elle n'accordera, au mieux, que de l'amitié) comme Zborowsky, savants aux pouvoirs psychiques incroyables comme Espérandieu, ou policiers ratés comme Caponi, on croise dans cette galerie de mâles aux noms tarabiscotés et aux moustaches en guidon de vélo quelques figures politiques reconnaissables (dont le président Fallières et le ministre Clémenceau).

Le président A.Fallières : le vrai et le dessiné...

  Du point de l'intrigue (dont le titre s'amuse de la ressemblance avec La Belle et la Bête), Tardi s'amuse à entremêler plusieurs trames, dont l'héroïne ne connait d'ailleurs pas tous les tenants et aboutissants : à Paris pour d'obscures raisons, ses propres motivations (dont on découvre peu à peu l'objectif) se recoupent presque par accident avec l'affaire du ptérodactyle ressuscité. Les événements se précipitent en fin d'album, l'auteur sortant de son chapeau des informations dont le lecteur n'étaient pas informé, mélangeant alors histoires de truands à la petite semaine avec des éléments de science-fiction dans un embrouillamini à la fois complexe et... enthousiasmant (oui, oui!). Quand l'ouvrage se termine sur la liste des questions en suspens et l'annonce du titre du prochain épisode, on comprend mieux le pourquoi d'un tel imbroglio romanesque : avec Adèle Blanc-Sec, Tardi signe en fait un hommage génialissime (et un pastiche jubilatoire) au roman-feuilleton d'antan.

Adèle au pays des malfrats...

  Le rythme et l'enchaînement des péripéties rappellent la construction parfois inégale des exemples les plus populaires du genre (rappelons que les auteurs commençaient souvent des textes en ignorant comment ils les termineraient, s'amusant parfois à multiplier les rebondissements les plus extrêmes et toujours avec emphase), dont Tardi s'amuse des codes avec un plaisir communicatif. Dès lors, les inspirations de l'auteur illustrateur sont évidentes : des dinosaures et des machines infernales, comme échappées d'un roman de Jules Verne, s'invitent entre les façades haussmanniennes et annoncent le steampunk avant l'heure dans un mélange des genres complètement avant-gardiste. On referme ce premier volume avec l'envie immédiate de découvrir le second.

La première scène de bain, futur leitmotiv de la série.

En bref : Hommage au genre du roman-feuilleton de la Belle Époque, ce premier tome des Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec introduit une héroïne mystérieuse au caractère bien trempé qui séduit immédiatement le lecteur. Entre polar et science-fiction, Adèle et la Bête pose les bases d'une série devenue emblématique de la BD franco-belge, à lire au moins une fois dans sa vie de lecteur!


Et pour aller plus loin...