Comme convenu avec Mademoiselle Adèle Blanc-Sec – notre guest star à l'occasion de ce challenge Halloween édition dixième anniversaire spécial France obscure – dans l'article d'introduction à notre marathon horrifique, nous nous présentons à l'occasion de ce 31 octobre à la porte de son appartement parisien (dont nous révèlerons l'adresse exacte à l'occasion d'un futur article de "tourisme littéraire" car, oui, à l'image de Baker Street, l'appartement d'Adèle existe bel et bien quelque part dans la capitale).
On sonne plusieurs fois mais personne ne répond... On sait que la romancière, lorsqu'elle ne passe pas plusieurs jours devant sa machine à écrire ou ne reste pas cloîtrée chez elle pour éviter les ennuis, a la fâcheuse tendance à répondre aux rendez-vous anonymes et autres invitations louches, partant ainsi presque malgré elle à l'aventure...
Bah, ses clefs sont toujours cachées sous le paillasson : puisqu'elle nous a invités, prenons-les et entrons!
Ah, voilà donc l'antre de la célèbre écrivaine! Tout y est typique d'un intérieur de la Belle Époque décoré avec goût : secrétaire laqué, cheminée haussmannienne en marbre, grand miroir sculpté, et éclairage à la lampe à pétrole. Il y a même une pointe d'exotisme s'il on en juge par la présence de certains objets pour le moins hétéroclites...
Mais penchons-nous d'abord sur le bureau de la fameuse feuilletoniste. Sa table de travail est quelque peu encombrée (la demoiselle serait-elle désordonnée? Oh, si peu, mais après-tout, Sherlock Holmes lui-même était très brouillon, il s'agit probablement d'un trait de caractère propre aux grands personnages). Qu'avons-nous là? Un superbe chapeau, mais que dis-je LE chapeau à plumes fétiche d'Adèle, probablement confectionné main par un chapelier parisien doublé d'un talentueux plumassier. Bref, poussons-le un peu et voyons ce que nous avons là...
Quelle chance nous avons, chers amis : à en juger par les quelques lignes tapées à la machine, notre Adèle a commencé l'écriture d'un tout nouveau titre inspiré de ses aventures. Probablement la suite de son premier grand succès dont un exemplaire est justement posé là, la couverture superbement illustrée : Adèle et la Bête, adapté de l'affaire du jardin des plantes à laquelle Mademoiselle Blanc-Sec s'était trouvée mêlée presque par hasard.
Hum, le révolver laissé à proximité est sans doute nécessaire en cas d'attaque nocturne (Adèle est coutumière de ce genre d'intrusion, autant avoir sous la main de quoi se défendre) ou si un monstre venait à se présenter sur son pallier.
En parlant de monstre, voici justement un ancien numéro du Petit Parisien relatant les assauts du ptérodactyle qui terrorisa le tout Paris pendant l'Automne 1911. Probablement un des nombreux exemplaires de presse qu'Adèle conserve dans ses archives personnelles. À moins que ce soit pour cette publicité en encart concernant des étoles en fourrure de première qualité...
On sait en effet qu'Adèle affectionne les pelisses, d'ailleurs en voilà une sur son porte-manteau. Mais, que vois-je? Il y a là sa tenue iconique par excellence : outre sa fourrure, voyez suspendu ici son emblématique manteau vert! Faisons un peu d'ordre en attendant son retour et accrochons à une des patères son couvre-chef jusqu'ici négligemment abandonné sur son secrétaire. C'est mieux ainsi, n'est-ce pas? On verrait presque la silhouette de l'aventurière se dessiner...
Tiens, c'est étrange, elle a également laissé son parapluie, son sac à main et ses gants. Et même son briquet! Heureusement qu'il ne pleut pas, mais espérons qu'elle ne sera pas prise d'une soudaine envie de cigarette, où qu'elle se trouve. Continuons donc de faire le tour du propriétaire.
Voilà de bien étranges bibelots que ces statuettes on ne peut plus archaïques de part et d'autre de l'horloge. Il me semble reconnaître à droite une ancienne figurine du démon assyrien Pazuzu, et à gauche l'idole diabolique d'une secte satanique qui sévissait dans les catacombes parisiennes en 1912. Connaissant Adèle Blanc-Sec comme nous la connaissons, il s'agit très probablement de pièces à conviction récoltées pendant ses diverses investigations et mésaventures...
Cette plaque d'un poisson préhistorique fossilisé est moins effrayante. Il s'agit peut-être d'un souvenir du jardin des plantes, à moins qu'elle n'ait arraché ces restes antédiluviens à une troupe de dangereux savants fous qui, à l'image du pithécanthrope, aient cherché à ramener à la vie tout un banc de poissons datant des dinosaures? Connaissant Adèle et les milieux qu'elle fréquente parfois à son corps défendant, rien n'est moins sûr! Mais... Mais...
Mais... Bon sang mais c'est bien sûr! C'est sa Très chère Vieille Peau! Mesdames et messieurs, voici la momie d'Adèle Blanc-Sec, presque aussi célèbre que sa propriétaire! Si on ignore quel est son nom véritable, on sait qu'elle était de son vivant ingénieur en physique nucléaire (un détail qui remet en question ce qu'on croyait connaître de l'avancée des sciences dans l'Egypte ancienne). Rapportée par un arrière-grand-oncle d'Adèle, elle dort sagement dans cette vitrine tapissée de papier à motifs Art nouveau du dernier chic... mais pas sûr que ça suffise à la retenir ici encore très longtemps...
Bon, maintenant que nous avons terminé notre visite, nous aurions aimé vous offrir à boire mais il semble qu'il n'y ait même pas une bonne bouteille à portée de main. Cela ne ressemble pas à Adèle, qui a toujours un bon vieux cognac quelque part pour siroter un verre en causant avec sa bonne vieille momie.
A moins que ce soit la momie qui ait déjà tout bu? Non, impossible. Elle est belle et bien morte, n'est-ce pas?
Ohé, pourquoi personne ne confirme? Huum, passons...
Bon, eh bien, nous n'allons pas nous attarder en l'absence de la maîtresse des lieux. A l'évidence, cette chère Adèle aura eu un empêchement de dernière minute. Refermons la porte derrière nous et laissons les clefs sous le paillasson en attendant son retour. Il nous reste encore une dizaine de jours de prolongation de lectures et d'articles horrifiques avant la clôture du challenge. Espérons qu'elle réapparaîtra d'ici là...
Ah, mais au fait, j'allais oublier pourquoi nous nous étions donnés rendez-vous ici initialement, toutes mes excuses! Nous vous souhaitons bien sûr un très joyeux Halloween 2019! Hum, pardon, disons une...
Très joyeuse France obscure!