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jeudi 24 octobre 2019

Le savant fou (les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec #3) - Tardi.

Casterman, 1977, 2009, 2017.




  Janvier 1912. Paris frissonne sous la neige, mais la capitale ignore encore que dans quelques jours c’est de peur qu’elle tremblera. Amenée à assister à la “résurrection” d’un homme préhistorique, Adèle Blanc-Sec est entraînée dans une de ses plus mystérieuses aventures, remplie d’étranges disparitions, de tentatives de meurtres et d’esprits invoqués. 



***



  Et de trois! A l'occasion de ce challenge Halloween consacré à la France obscure, continuons notre analyse de la plus célèbre bande-dessinée de Tardi, conçue comme un clin d’œil au genre du roman-feuilleton d'antan. Après le ptérodactyle du tome 1 et la secte démoniaque du tome 2, à quoi (ou à qui) Adèle va-t-elle avoir affaire cette fois-ci?


  Hiver 1912, Paris est enneigé et Adèle se sent suivie. Alors qu'elle espère enfin faire face à son poursuivant au détour d'une ruelle et lui régler son compte, elle tombe nez à nez avec Espérandieu, un savant croisé quelques mois plus tôt au jardin des plantes alors que la ville tremblait sous les assauts du ptérodactyle. Espérandieu invite la jeune femme à une expérience qui pourrait l'intéresser... en fait d'expérience, c'est à une séance de spiritisme qu'Adèle se trouve conviée. Sous ses yeux ébahis, elle voit resurgir le ptérodactyle sous forme d'ectoplasme ainsi que l'esprit de feu le professeur Boutardieu, qui avait donné vie au dinosaure par la seule force de son mental. Le but de cette petite sauterie d'un genre nouveau? Espérandieu et une troupe d’hétéroclites para-scientifiques aimeraient connaître le secret de Boutardieu pour ramener une créature d'entre les morts. Pas n'importe quelle créature, par ailleurs : le professeur Ménard, également de la partie, possède chez lui un authentique pithécanthrope de 400000 ans rescapé d'un glacier et en parfait état de conservation, relié à toute une batterie de matériel électrique. Cette machine à ramener à la vie a été conçue par le professeur Dieuleveult, un savant qu'Adèle qualifierait bien de fou et pour qui elle ressent déjà une forte antipathie. Mais Dieu seul sait ce qui pourrait se passer une fois l'homme préhistorique ramené parmi les vivants...


  Après un second tome à la façon du polar ésotérique, Tardi revient ici à ses premières amours : la science-fiction. De nouveau, une créature préhistorique est au centre de cette intrigue, mais on vous rassure : la trame suit des chemins bien différents et on ne peut plus surprenants. A l'évidence, Tardi décide de ne plus faire dans la demi-mesure : deux tomes lui ont été utiles pour prendre ses marques, cette fois, il se lâche! A quoi le décrypte-t-on? Le détournement des codes du roman-feuilleton, avec lesquels il joue depuis le début de la série, et qu'il outrepasse avec un plaisir communicatif.

  En effet, l'auteur-illustrateur distille comme jamais un humour de situation qui s'instaure par la distance entre les scènes mises en images et les dialogues. Ainsi, la résurrection du pithécanthrope, potentiel grand moment de suspens, est tournée en dérision par les interminables rires sardoniques et affreusement théâtraux du professeur Dieuleveult qui actionne les différentes manettes de sa machinerie. L'instant, pour plus d'effet dramatique, se voit même ponctué d'un orage particulièrement adapté à la scène alors que la météo hivernale n'y est pas propice : pure effet de style romanesque, Adèle expliquant même à la cantonade "C'est pour l'ambiance. La nature fait bien les choses... heu, avez-vous lu Mary Shelley?". Plus loin, lorsqu'on s'attend à voir ressusciter un monstre rugissant, c'est un homme préhistorique parfaitement civilisé qui revient à la vie, à la plus grande surprise de tout le monde (et de tous les théoriciens de l'évolution présents).


  Parmi les autres grands moments de ce tome, la fausse mort d'Adèle est aussi un bijou d'humour. Alors que quelqu'un s'est introduit dans la chambre de la romancière pendant la nuit et vient de tirer sur son corps endormi avant de prendre la fuite, le cartouche narratif conclut sur ses quelques mots au-dessus de la dépouille ensanglantée de l'héroïne : "Ainsi se terminent tragiquement les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec". Vignette suivante : Adèle, bien vivante, arrive et se félicite d'avoir placé sous ses couvertures des oreillers et un traversin pour simuler la présence de son corps endormi, ainsi qu'un kilo de tomates pour imiter le sang et donner le change.


  La place donnée à l'humour n'empêche pas le scénario d'être captivant, et ce tome mérite une fois encore le titre bien choisi d'aventure : outre la séance de spiritisme et l'expérience de résurrection du pithécanthrope, Le savant fou entraîne le lecteur dans de trépidantes courses poursuites dans le Paris enneigé, le mène par le bout du nez au gré de multiples fausses pistes, et se termine une fois encore dans une apothéose rocambolesque : le final, sur les hauteurs de Notre-Dame, voit débarquer tous les personnages de la série en même temps pour une conclusion à la fois burlesque et palpitante. Il y aura même une petite note d'émotion, si, si!

Le final voit ressurgir le démon de la Tour Eiffel, totalement inattendu mais introduit par Adèle, imperturbable.

  Parmi les points importants de ce tome, signalons l'apparition du professeur Dieuleveult. Ce savant absolument détestable, que l'on retrouvera dans presque tous les prochains tomes, est amené à devenir LE pire ennemi de notre héroïne! Si aucune raison valable ne semble justifier l'animosité que ce dernier nourrit à l'encontre de la jeune femme, on peut néanmoins remarquer qu'une fois encore, Adèle, seule représentante de la gent féminine, se mesure sur un pied d'égalité avec des hommes qui se révèlent soit meurtriers, soit médiocres (et souvent moins civilisés que le pithécanthrope, par ailleurs). C'est parce qu'elle est une femme, semble-t-il, que Dieuleveult l'a dans le collimateur dès le départ, et c'est pour cette raison qu'Adèle décide de lui rendre son inimitié, avec la franche validation du lecteur!

En bref : L'auteur a pris ces aises avec ce troisième tome, dans lequel il distille habilement humour et aventure sans jamais renier ses inspirations de départ. En quelques volumes, Tardi a réussi à séduire le public avec une héroïne atypique et très certainement féministe que le lecteur de tout genre suivra dans toutes ses aventures.


 Et pour aller plus loin...


- Découvrez toute la série :


http://books-tea-pie.blogspot.com/2019/10/adele-et-la-bete-les-aventures.html


5 commentaires:

  1. Vraiment toute une bien belle serie...ouiii

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  2. Je n'ai jamais lu les Adèle B-S parce que le graphisme ne me plaît pas trop. Je crois qu'il va falloir que je passe outre.
    Syl.

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    1. Hello Syl, ça fait plaisir de te retrouver! Je comprends que le graphisme de Tardi ne fasse pas l'unanimité. Pour ma part, j'aime beaucoup, enfin surtout jusqu'au tome 4. Après, son coup de crayon s'empâte et ses dessins deviennent malheureusement plus grossiers, à mon grand désespoir :(

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  3. Je suis toujours curieuse de découvrir. La couverture de ce troisième tome m'intrigue avec cet homme préhistorique branché à différents tuyaux!

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    1. J'aime aussi beaucoup cette couverture, elle fait partie de celles qui ont marqué mon imaginaire bien avant que je lise la BD, quand je croisais les volumes en librairie!

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