Casterman, 2007, 2018.
Paris, octobre 1923. Au petit matin, dans le quartier Saint-Lazare,
on découvre une main humaine dans une poubelle. Le même jour, alors
qu'elle vient de rendre visite à sa sœur en banlieue, Adèle Blanc-Sec
échappe de peu à une tentative d'assassinat. Un peu plus tard, une
limousine se présente devant l'inquiétante usine du docteur Chou, pour
une bien mystérieuse visite. C'est sur ces entrefaites que l'on retrouve
plusieurs vieilles connaissances : Lucien Brindavoine,
enrhumé jusqu'aux yeux, son comparse Charles Chalazion grimé en
clochard et Léon Dandelet, dit "le dentiste". Cette main
proviendrait-elle des expériences du docteur Chou ?
***
Dernier tome paru à ce jour, Le labyrinthe infernal marque le retour d'Adèle après neuf ans d'absence dans les librairies, soit de nouveau une pause considérable après le hiatus entre le sixième et le septième volume.
Un peu comme Tous des monstres!, ce labyrinthe infernal a quelque chose d'irracontable. Les intrigues se multiplient et ne se ressemblent pas, dans un chassé croisé de personnages avides de se venger d'Adèle Blanc-Sec, que la chance fait ici se réchapper des nombreuses tentatives de meurtre à son encontre. La demoiselle suit bien quelques pistes par hasard, mais l'essentiel du scénario se passe comme en coulisses, où il semblerait que tous les méchants encore en vie (et même un qu'on croyait définitivement mort) ont décidé de pactiser pour enfin en finir avec Adèle.
Cette vengeance collective est racontée encore une fois dans une atmosphère clownesque entre répliques hilarantes et situations quasi brechtiennes. Adèle, elle, droite dans ses bottes, n'a pas fini de nous amuser et ce même si on commence à bien connaître son caractère depuis maintenant neuf épisodes de ses aventures. Elle nous régales de punchlines caustiques en diable ("Une après-midi avec ma sœur en banlieue... Fichtre, on en ressort pas indemne, je ne souhaite à personne une telle journée!" ou "Une planche pourrie, normalement, ça ne flotte pas!" lorsqu'elle aperçoit Simon Flageolet tombé dans la Seine), n'hésite pas à coller un coup de genou dans les parties d'un client de bar un peu trop pressant, et même dans les relations avec sa sœur récemment retrouvée, tout est très piquant. Adèle a décidément quelque chose d'hors norme (ou, au contraire, de trop normal face à une société lourde et hypocrite que n'a de cesse de dénoncer Tardi sous couvert de la fiction) qu'on adore.
Le titre de ce neuvième épisode mérite un petit décodage : parce que Tardi choisi l'intitulé du prochain tome au hasard lorsqu'il l'annonce à la fin de chaque volume, il a déjà confié à la presse ne jamais anticiper sur l'histoire à venir et devoir parfois se débattre avec ses propres idées. A la fin du Mystères des profondeurs, on s'imaginait qu'Adèle allait devoir sortir du labyrinthe des égouts de Paris où elle venait de retrouver sa sœur, Fia, et des centaines de limules. Finalement, l'idée du "labyrinthe infernal" s'avère plutôt une forme de métaphore relative aux différents éléments du scénario, notamment la transformation de l'inspecteur Laumane en minotaure après avoir été traité par le Dr Chou, un nouveau savant fou dont le visage ne nous sera pas dévoilé. Ce docteur, après avoir détourné l'usage salvateur que le professeur Mule comptait faire des mandibules de limule, a concocté un élixir particulièrement dangereux qu'il parvient à diffuser à grande échelle et qui semble avoir plus d'un effet monstrueux sur ses utilisateurs (c'est à dire le tout Paris)...
Outre l'apparition d'un personnage qui évoquera une parodie de Fantomas, on retrouve le clin d'oeil au roman-feuilleton dans le final en apothéose que Tardi chérissait dans certains de ses meilleurs tomes. Tous les ennemis d'Adèle réunis dévoilent des visages atrocement défigurés par le feu ou l'acide comme l'avait déjà fait Dieuleveult ou Clara Benhardt par le passé, l'auteur ayant recours à cette astuce à l'extrême comme pour pasticher ses propres rebondissements et les codes chers à sa série.
Les grands méchants ne sont pas seuls à faire leur come-back : si on aperçoit le ptérodactyle dans un rêve quasi prémonitoire d'Adèle, on retrouve aussi... sa vieille momie! Eh oui, la Très chère Vieille Peau vient rendre visite à la romancière (lui sauvant la vie au passage), accompagnée d'une momie du Pérou fan de ses feuilletons. Tous ces anciens qui reviennent, serait-ce pour boucler la boucle? Il faut dire qu'il y a comme une atmosphère de fin du monde, dans cet opus (même si Adèle semble toujours très peu impactée depuis le sofa de son appartement), et la fin en cliffhanger nous laisse deviner des révélations saisissantes pour le prochain volume qui sera en effet, d'après Tardi, l'ultime tome de la série. Affaire à suivre, car on attend avec impatience cet album depuis douze longues années déjà...
En bref : Un avant-dernier tome clownesque mais bien écrit, qui voit revenir de nombreux ennemis d'Adèle, bien décidés à se venger de la plus caustique des héroïnes. Les éléments de cette neuvième aventure et sa fin en point d'interrogation suggèrent ce que Tardi a confirmé : la fin du cycle d'Adèle est proche, et l'ultime tome à venir sera sans aucun doute un feu d'artifice du genre...
Et pour aller plus loin...
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