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dimanche 12 novembre 2023

Le livre perdu des sortilèges (saison 1) - Une série de J. Donoughue & D. Gardner-Paterson d'après les romans de Deborah Harkness.

Le livre perdu des sortilèges

(A discovery of witches)

- saison 1 -
 
 
Une série de Jamie Donoughue et Debs Gardner-Paterson d'après le premier tome de la trilogie All Souls, de Deborah Harkness

Avec Teresa Palmer, Matthew Goode, Malin Buska, Owen Teale, Alex Kingston, Lindsay Duncan, Edward Bluemel...
 

Date de diffusion originale : 14 septembre 2018 sur Sky One
Date de diffusion française : 19 mars 2019 sur Syfy
Sortie dvd française : 12 juin 2019 (chez Koba Films)


    La brillante historienne Diana Bishop est une sorcière qui renie ses origines. Quand elle tombe par hasard sur un livre ensorcelé dans la bibliothèque d'Oxford, elle comprend qu'un grave danger menace. Sur son chemin, elle croise Matthew Clairmont, énigmatique vampire de 1500 ans. Ensemble, ils devront protéger le manuscrit et en percer les mystères...

***

    Vous devez vous en souvenir (du moins si vous nous suivez depuis plusieurs années) : Le livre perdu des sortilèges, c'est l'un de nos premiers grands coups de cœur. Lu en 2012, ce premier roman de l'enseignante et chercheuse Deborah Harkness nous avait convaincu grâce à son univers mêlant fantasy urbaine (un registre dont on est assez peu friand, en général) et réalité historique. Sa trilogie, sorte de Da Vinci Code exploitant la thématique de l'alchimie, était d'une telle densité et d'une telle précision qu'on en oubliait assez rapidement qu'elle mettait en scène des vampires, des sorcières et des démons. Très vite après sa sortie, les droits avaient été achetés par Warner Bros, et un projet d'adaptation avait même été vaguement amorcé. Les rumeurs avaient alors pullulé sur le net, amenant chacun à spéculer sur l'éventuel casting. Pendant longtemps, les préférences allaient à Claire Danes et Hugh Dancy, véritable couple dans la vie, pour incarner les incandescents Diana et Matthew.
 

    En 2016, cependant, Deborah Harkness annonçait la bonne nouvelle sur son site officiel. Après plusieurs années de ce vague projet resté sans suite chez Warner, c'est finalement la société de production Bad Wolf (qui produit notamment Dr Who et His dark material) qui venait de racheter les droits. Cette fois, il ne s'agirait pas d'un film, mais d'une série en trois saisons (une par livre de la trilogie) prévue pour être diffusée sur Sky. Dans les rôles principaux, le so british Matthew Goode incarnerait Matthew Clairmont, et la moins connue Teresa Palmer interpréterait Diana Bishop. Tournée en 2017, il nous fallut attendre deux ans avant de pouvoir enfin visionner la série dans l'Hexagone. Alors que les trois saisons sont désormais achevées (la dernière a été diffusée l'année dernière, et vous pouvez maintenant vous offrir le coffret dvd pour la bingwatcher sans modération), revenons ensemble sur cette adaptation dont on souhaitait vous parler depuis très longtemps.
 
Trailer de la saison 1
 
    "Autrefois, le monde était plein de créatures merveilleuses : démons, vampires et sorciers (...). Nous vivons cachés parmi vous, dans la peur d'être démasqué...". Ainsi s'ouvre la série (de même que tous les épisodes de cette première saison), par ce monologue de Matthew de Clairmont, tandis qu'il observe Diana aux rames de son aviron, dans la brume matinale d'Oxford. Pour ceux qui ont lu le livre, ces premières minutes suffisent à les immerger dans l'univers familier de Deborah Harkness – pour les néophytes, elles les prend par la main afin de le leur faire découvrir pas à pas. En cela, à la façon du premier tome, cette première saison conserve sa fonction d'introduction/exposition. Le scénario pose les fondations, les codes et les éléments nécessaires à la compréhension de l'univers développé dans la Trilogie All Souls, et ce même si, passage des mots à l'image oblige, de nombreux éléments sont induits, suggérés, ou transmis en diagonale.


    En effet, toute la difficulté d'adapter un livre comme Le livre perdu des sortilèges, c'est un peu la même que celle de transposer à l'écran le Da Vinci Code (pour reprendre la comparaison mentionnée plus haut). Dans le film inspiré du best-seller de Dan Brown, les nombreux passages racontant des événements historiques étaient mis en scène sous forme de flash back, façon docufiction à la Secret d'Histoire (mais en remplaçant Stephan Bern par Tom Hanks). Ici, la mise en scène privilégie la voie de contournement : une conférence donnée par le personnage de Diana en début de saison, et quelques bribes données ici ou là. Pour le reste, il faut se saisir des éléments de contexte donnés en filigrane des dialogues pour s'emparer de la densité historique originale, certes moins présente à l'écran.


    Si cela peut déstabiliser les aficionados de manuscrits, parchemins et autres anecdotes issues de la Renaissance anglaise, la mise en scène table sur les décors, l'atmosphère et la bande-originale pour compenser. Reconnaissons que cela fonctionne plutôt bien : la photographie et la réalisation, très bien menées, mettent particulièrement en valeur les décors (qu'ils soient naturels ou reconstitués, d'ailleurs) : les bâtiments séculaires d'Oxford, le château français moyenâgeux des de Clairmont, la maison des tantes non loin de Salem... Les lieux sont filmés comme des personnages à part entière, des personnages qui portent ce poids des années qui donne à l'intrigue sa saveur si particulière. Les vieilles pierres, les moulures du bois et la patine du temps apportent en substance ce que l'écran ne peut intégralement restituer. Pour le reste, la somptueuse musique de Rob Lane, qui n'hésite pas à s'inspirer ici ou là de mélodies baroques, apporte la magie nécessaire.
 


    Le recul sur les trois tomes permet à cette première saison de piocher dans les opus suivants les éléments qui permettent de rendre l'univers plus accessible et d'apporter suffisamment de rebondissements pour transformer le livre en une saison de 8 épisodes. Aussi, de très nombreuses scènes se déroulent dans le saint des saints de la Congrégation. Seulement nommée dans le premier tome, elle n'est directement racontée par Diana que dans le dernier opus, lorsqu'elle se rend à Venise. Ici, la série imagine le siège de la Congrégation dans un palais sur un île dissimulée aux yeux des humains, non loin de la Cité des Ponts. En plus de permettre aux téléspectateurs de mieux cerner l'univers de D. Harkness, ces scènes inédites ajoutent une tension dramatique et politique en montrant les enjeux à l’œuvre dans le monde des créatures. Cela permet également de voir émerger et s'élaborer les complots à l'encontre de Diana et Matthew au fur et à mesure des épisodes, et de laisser davantage de place à certains personnages secondaires tels que la sorcière Satu (ici beaucoup plus développée que dans les romans) ou à Juliette, ancienne maîtresse de Matthew.
 

    D'autres protagonistes, retravaillés pour la transposition à l'écran, fonctionnent peut-être moins bien, à l'image de Gillian, la sorcière d'Oxford : simple connaissance (dont Diana se méfie, de surcroît) dans le livre, elle devient ici la meilleure amie de l'héroïne. Si cette refonte du personnage permet d'entrer plus intimement dans le coven d'Oxford, cette Gillian manque d'épaisseur et laisse assez facilement deviner ses agissements. Parmi les autres modifications importantes apportées par la série, on notera la présence d'une très ancienne sorcière retenue captive par Gerbert afin de se voir lire l'avenir. Une idée intéressante qui parvient à prendre sa place dans l'intrigue de façon pertinente et qui participe à accentuer la méfiance entre les créatures.
 

    Le casting de cette première saison se révèle extrêmement convainquant. S'il n'y a pas de têtes d'affiche internationales comme on aurait pu l'espérer avec les potentiels Claire Danes et Hugh Dancy, les acteurs retenus campent furieusement bien leurs personnages. Matthew Goode, habitué des productions anglaises – Downton Abbey, The Crown, Retour à Brideshead... – a également su faire frémir les États-Unis dans Stoker ; ici, il campe un Matthew de Clairmont parfaitement crédible, entre distance et bienveillance, froideur et chaleur. Après avoir connu un début carrière cinématographique en demi-teinte (majoritairement des seconds rôles), l'australo-américaine Teresa Palmer crève l'écran à la télévision dans la peau de Diana Bishop, rôle qui semble depuis l'avoir révélée. Si le personnage tel que défini dans le scénario est plus fragile que la Diana de papier, il lui faut peu d'épisodes pour témoigner de son potentiel et s'imposer comme véritable force en devenir de la série
 

    Autour de ce duo à l'alchimie palpable gravitent des comédiens de choix, à l'image d'Alex Kingtsone (connue pour ses passages remarqués dans Urgences et Dr Who), impeccable dans le rôle de la revancharde Tante Sarah – à qui elle donne une énergie toute particulière – mais, surtout, la talentueuse Lindsay Duncan dans la peau d'Ysabeau de Clairmont. Tout, dans le personnage initial on ne peut plus complexe et charismatique imaginé par Deborah Harkness, désignait cette grande comédienne britannique pour l'interpréter. On regrette de ne pas voir davantage l'excellente Sophia Myles, bien trop rare à l'écran, et qui campe ici dans quelques flashbacks et manifestations spectrales la défunte mère de Diana.
 

    Les effets spéciaux, corrects à défaut d'avoir la perfection du grand écran, sont néanmoins fonctionnels et évitent les écueils des films traditionnels de vampires. L'apparence de ces derniers s'affranchit ainsi des monstres pâles au regard de sang de la saga Twilight, bien que leurs déplacements pas toujours réussis évoquent la vitesse des créatures dans les films de Catherine Hardwicke. Le tout joue ici la carte de la sobriété et laisse davantage entendre leur différence à travers les dialogues. Il est en effet plusieurs fois mentionné que leur nature saute au yeux, ce qui expliquerait notamment la nécessité pour eux de faire preuve de discrétion. Si rien ne transparait à l'écran, cela permet en revanche de reporter toute notre attention sur leur magnétisme naturel comme révélateur de leur véritable nature. 


En bref : Fidèle au matériau d'origine, la série parvient, au croisement de l'intrigue initiale et de ses remaniements, à tenir sa promesse au cours des 8 épisodes qui structurent cette première saison très rythmée. Le casting, impeccable, est particulièrement convainquant et les décors, sublimes, ont la présence et l'aura de personnages à part entière. On voyage et on s'émerveille avec cette adaptation extrêmement prometteuse, au final en cliffhanger efficace ; la suite se fait attendre avec impatience dès que se clôt l'ultime épisode de ce premier axe narratif.


Et pour aller plus loin...

- Redécouvrez la trilogie de Deborah Harkness.
 


- Découvrez les saisons 2 et 3 (prochainement).




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