Mary Poppins comes
back, Collins, 1935 - Éditions Hachette (trad. De
J.Reschofsky), 1964 – Éditions du Rocher (trad. de T.Beauchamp),
2010, 2018.
Rien ne va plus au numéro 17 de l'allée des Cerisiers depuis
que Mary Poppins s'en est allée, emportée par le vent d'ouest. Un jour,
Mme Banks, à bout de nerfs, envoie les enfants jouer au cerf-volant dans
le parc. Et quelle n'est pas leur surprise de voir Mary Poppins
descendre du ciel au bout de la ficelle ! Comme si de rien n'était, la
nounou reprend sa place chez les Banks. Et c'est reparti pour de
nouvelles aventures extraordinaires… En sa compagnie, tout semble
possible… Mlle Andrew, la vieille gouvernante de M. Banks, se fait
enlever par son alouette. Jane se retrouve prisonnière d'un compotier en
porcelaine. On prend son goûter la tête à l'envers. Les bébés parlent
la langue des oiseaux. Les paresseux sortent des contes de fées. Le
cirque des étoiles donne une représentation au milieu de la nuit. Le
printemps se décore comme un arbre de Noël. Et ballons de baudruche et
manèges sont réellement enchantés !
Classiques de la
littérature anglo-saxonne, les histoires de Mary Poppins n'ont jamais
cessé de fasciner petits et grands depuis la publication du premier
volume de la série, en 1933. Après tout, la célèbre nounou n'est-elle
pas une digne descendante d'Alice et de Peter Pan ?
***
Après Mary Poppins
et toujours en l'honneur de nos festivités sous le sceau de la
célèbre nounou, nous poursuivons aujourd'hui avec le second tome
de la saga littéraire originale de P.L.Travers, dont nous avons
pu voir qu'elle était bien différente de sa première adaptation
par Disney. Le premier livre était cependant assez mystérieux,
et le personnage de Mary Poppins assez énigmatique (quoi que
souvent froid et sévère), pour nous donner envie de creuser
le sujet. Voici donc Le retour de Mary Poppins...
Rien ne va plus depuis
le départ de Mary Poppins : les enfants Banks ont de nouveau
épuisé leurs nounous successives et la maison toute entière semble
jouer de malchance. Entre accidents domestiques et problèmes de
plomberie, Madame Banks ne sait plus où donner de la tête. Envoyant
les enfants jouer au cerf-volant au-dehors pour avoir un peu de calme
dans la maison, elle ignore cependant qu'ils vont lui ramener... Mary
Poppins ! En effet, le cerf-volant monte jusqu'au-dessus des
nuages avant de redescendre avec, accrochée à sa ficelle, leur
nurse favorite ! Si cette dernière nie comme à son habitude le
prodige dès qu'elle touche la terre ferme, les enfants n'en sont pas
moins enchantés de la revoir. Mais une fois encore, Mary Poppins
prévient déjà qu'elle devra s'en aller à un moment ou un autre, à
savoir quand la chaîne de son médaillon se brisera. Mais d'ici là,
c'est un nouvel enchaînement de folles aventures et de rencontres
cocasses qui s'annonce...
Première édition française chez Hachette en 1964 (malheureusement tronquée de plusieurs chapitres) - à gauche.
Nouvelle traduction (complète!) aux éditions du Rocher, éditée en 2010 et rééditée en 2018 - à droite.
Nous revoilà donc au
17 de l'allée des cerisiers, pour une lecture aussi fantaisiste
que le premier tome. Que le lecteur soit prévenu une fois encore :
Mary Poppins est toujours aussi rarement agréable et elle
n'esquisse que peu souvent un sourire. Même si on a compris qu'elle
jouait très probablement un double rôle, on ne peut nier que
c'est parfois déconcertant. Cependant, notons que les enfants
Banks semblent l'apprécier d'autant plus car, même si elle n'avoue
jamais rien et fait preuve au quotidien d'une poigne de fer, ils ont
la chance de partager un secret avec elle et de bénéficier de ses
talents pour le moins fantastiques, aussi font-il moins cas de
son caractère.
Mrs Banks désespérée... Heureusement, Mary Poppins va revenir!
(Illustration originale de M.Shepard)
La construction
de ce second livre semble très calquée sur le premier. Non
pas que les rebondissements se répètent, mais le schéma est
similaire : l'arrivée de Mary Poppins, le voyage dans une
image en porcelaine (en écho au voyage dans le tableau du premier
opus), une visite chez un cousin qui se retrouve cul par-dessus tête
selon les hasards du calendrier (rappelle fortement la visite chez
l'oncle Albert qui s'envole au plafond dès qu'il rigole quand son
anniversaire tombe certains jours de l'année en cours), etc... et il
en est ainsi jusqu'au terme de l'ouvrage. On remarquera peut-être
davantage de liens entre les différents chapitres, ce qui tend à
plus de linéarité même si l'ensemble s'apparente toujours à
un enchaînement de nouvelles encore quelque peu décousues.
Mary chez son cousin Turvy (illustration de S.Delacroix pour les éditions Du Rocher).
Le réel intérêt de
ce second tome réside une fois encore dans le mystère qui
entoure Mary Poppins, que l'on découvre un peu plus. Ou en
tout cas qui suscite toujours plus de questionnements. Sa famille
semble décidément très fantasque (pour ne pas dire fantastique) et
on apprend dans le chapitre 7 qu'elle passe ses soirées de libres
dans un cirque céleste présidé par le Soleil lui-même, où se
donnent en représentation les différentes constellations sous leur
forme allégorique. Au milieu de ce beau monde, Mary semble avoir une
place assez prestigieuse : adulée autant que crainte (on la
découvre effrayante plus d'une fois encore dans cet opus, en
particulier lorsqu'elle n'hésite pas à faire vivre une aventure
particulièrement terrifiante à Jane pour lui enseigner une bonne
leçon), elle participe même, dans un chapitre enchanteur à souhait, à faire clore l'hiver et naître le printemps, et renvoie ainsi plus que jamais aux inspirations mystiques de
l'auteure. Déesse païenne, Mary Poppins ? Une théorie
confirmée par les autres univers dont P.L.Travers tire les idées pour les
différentes mésaventures racontées : un chapitre entier,
histoire dans l'histoire, est une sorte de conte populaire raconté
par Mary aux enfants Banks, et évoque les célèbre Nursery
Rhymes anglaises. Enfin, le chapitre chez le cousin « cul
par-dessus tête » semble tout droit inspiré de l'univers
plein de non-sens de Lewis Carroll.
Le chapitre de l'envolée aux ballons, un autre passage on ne peut plus merveilleux.
Ces nombreuses
inspirations étranges dont se réclame Pamela L.Travers ne
l'empêchent pas, une fois encore, de faire preuve d'humour ou
d'une malicieuse ironie, que ce soit dans les scènes ou les
dialogues :
« -Suffit !
Grommela Mary Poppins avec un regard sombre pour Jane. S'il y a une
beauté dans cette maison, c'est sûrement... Elle s'interrompit, et
jeta un coup d’œil approbatif vers le miroir.
-Qui cela ?
Demandèrent Jane et Michael d'une seule voix.
-Sûrement quelqu'un
qui ne s'appelle pas Banks. Compris ? »
«-Où sommes-nous
ici ? Demanda-t-elle d'un ton de colère. Dans une chambre
d'enfants civilisés ou dans un jardin zoologique ? Répondez.
-Dans un jardin
zoo..., commença Michael, mais il s'arrêta en voyant l’œil
courroucé de Mary Poppins :
- Je voulais dire :
dans une chambre d'enfant... civilisés, acheva-t-il. »
Mrs Andrews (rebaptisée Mrs Scholastic (?) dans l'édition de 1964),
ancienne nounou de Mr Banks, vient semer la zizanie au 17 Allée des Cerisiers... (illustration originale de M.Shepard).
Par ailleurs, tout
comme dans le premier opus, Mary s'adoucit à la fin du livre,
lorsqu'à son corps presque défendant, elle sent qu'il lui faut
quitter la maison des Banks. Le malaise qui s'inscrit dès
lors dans toute la maisonnée, comme un pressentiment qui
hante les enfants dès le lever, est particulièrement bien raconté
et témoigne une fois encore, malgré tout ce qu'on pourra reprocher
à Pamela L. Travers, d'un indéniable sens de l'écriture.
« Une matinée
tranquille, très tranquille. Les gens, en passant devant l'allée
des Cerisiers, murmuraient : « Comme c'est bizarre !
On entends pas de bruit. » La maison elle-même qui,
généralement, ne prêtait attention à rien, commençait à
s'inquiéter... »
« -Toutes les
bonnes choses finissent un jour, remarqua sentencieusement Mary
Poppins.
-Pas vous, répondit
Michael. Et pourtant vous êtes une bonne chose !
Un sourire de
satisfaction s'ébaucha sur les lèvres de Mary Poppins, vite présumé
(…).
Mary Poppins abaissa
sur eux un regard qui leur parut triste et doux dans le crépuscule.
-Toutes les bonnes
choses finissent un jour, dit-elle. »
Talent qui se confirme
jusque dans les dernières lignes, où Mary Poppins, prenant un
billet pour un manège avec lequel elle va s'envoler pour, en
théorie, ne plus revenir, laisse cependant deviner qu'elle pourrait
de nouveau se présenter à la porte des Banks :
« D'un geste
gracieux, elle sauta sur la plate-forme, grimpa sur le dos d'un
cheval pommelé qui s'appelait Caramel, et s'installa, irréprochable
et inapprochable, en amazone.
-Un aller-retour ?
Demanda le patron.
Elle réfléchit,
regarda les enfants...
-Après tout,
fit-elle. On ne sait jamais. Ça pourrait toujours servir. Donnez-moi
un aller-retour. »
Et retour il y aura...
En bref :
Très similaire au premier dans sa construction, cette suite à Mary
Poppins n'en présente pas moins certains intérêts. On creuse
un peu plus la personnalité unique – et probablement mystique –
d'une nounou plus complexe qu'on ne l'aurait cru, on continue de
découvrir l'univers de l'auteure, et on s'amuse des traits d'humour
piquant et de l'écriture bien tournée distillés au fil du livre.
A noter cependant : préférez la dernière édition de cet ouvrage et sa traduction plus actuelle (mais jamais infidèle). La première traduction de 1964 est en effet très datée et est tronquée de trois des meilleurs chapitres, dont il serait dommage de se priver !
Et pour aller plus loin...
- Découvrez toute la série...
A noter cependant : préférez la dernière édition de cet ouvrage et sa traduction plus actuelle (mais jamais infidèle). La première traduction de 1964 est en effet très datée et est tronquée de trois des meilleurs chapitres, dont il serait dommage de se priver !
Et pour aller plus loin...
- Découvrez toute la série...
- Mary Poppins : la maison d'à côté / dans l'allée des Cerisiers.
- Lisez notre avis sur le musical donné au Prince Edward Theatre de Londres ICI !
Si seulement il pouvait y avoir une réédition de tous les tomes en français... Ca me tente vraiment beaucoup.
RépondreSupprimerLe premier est dispo en poche, le deux vient d'être réédité et le cinq et le six viennent de sortir pour la première fois en France en un seul volume. Lesquels as-tu déjà ? J'ai peut-être les trois et quatre en doublons (ceux qui ne sont plus réédités depuis les années soixante). Cela t'intéresserait si je remets la main dessus? :)
Supprimer