Casterman, 1985, 2009, 2018.
Paris, 11 novembre 1918. Du canal Saint-Martin à la gare du Nord en passant par les Halles centrales,
d'effroyables tentacules rouges sèment la terreur et la mort. Leur
apparition est toujours commentée de la même façon par un homme étrange
coiffé d'un feutre noir dont la route, en ce jour d'Armistice, croise
par ailleurs celle d'Adèle Blanc-Sec, de Lucien Brindavoine et d'une foule d'individus plus étonnants les uns que les autres dont certains semblent s'être donné rendez-vous au Cirque d'Hiver.
***
Quatre ans avoir avoir ramené Adèle à la vie dans un tome 5 pour le moins étrange, Tardi remettait le couvert avec ce sixième volume des aventures de la plus émancipée des feuilletonistes de la Belle Époque. Belle Époque?... Peut-être plus pour très longtemps.
Des tentacules géantes apparaissent dans Paris... Effrayant, au point de faire s'écarquiller les yeux de notre héroïne!
Nous sommes le 10 Novembre 1911 et Paris est plongé dans la nuit. Adèle vient de se réveiller d'un sommeil artificiel de six ans et se voit raccompagnée chez elle pas Lucien Brindavoine, son "prince charmant" pas si charmant : une tentative de séduction maladroite aura raison de lui et notre Adèle aura vite fait de lui claquer la porte au nez. Chez elle, elle découvre plusieurs années de courrier jamais ouvert et dévore en une nuit autant de temps de presse française pour mieux comprendre cette guerre qui s'est déclenchée au-dehors. Alors qu'elle s'apprête à s'adonner à son activité favorite (un bain – chaud, celui-là), elle découvre dans son armoire à lotions des nains siamois endormi, en train de siroter du Sidi-Brahim dans un bock à lavement! Avec lui, une lettre adressée à Adèle, la prévenant d'un horrible complot qu'elle seule pourra peut-être arrêter. Serait-ce en lien avec les véritables origines de la Première Guerre mondiale, comme le prétend la missive? Avec ses pendaisons suspectes de clowns dans Paris? Ou encore avec les apparitions de tentacules géantes dans la ville? Le temps de se trouver une tenue à la mode de 1918 et voilà qu'Adèle part à la recherche des réponses, en pleine journée du 11 Novembre...
Le retour de l'iconique scène du bain dans la BD...
Quel plaisir de retrouver une Adèle pleine d'énergie, d'ironie et de gouaille, et surtout bien vivante! Fidèle à elle-même, elle a tôt fait d'expédier le prétendant trop pressant qu'est Brindavoine pour s'en retourner à la quiétude de son appartement parisien. Si elle se trouve rapidement embarquée dans une affaire mystérieuse encore une fois presque malgré elle (mais elle l'admet de nouveau à plusieurs reprise dans ce volume : elle ne peut pas s'en empêcher), elle fait partie intégrante de l'action. Changement d'époque oblige, elle s'empresse au matin du 11 Novembre de trouver (avec difficulté, étant donnée la situation socio-historique de 1918) chapelier, modiste et coiffeur pour se mettre à la mode avant de commencer tout début d'investigation : exit le chignon sous son chapeau à plumes et les grands manteaux sur les robes longues. Adèle se coupe les cheveux à la garçonne et porte un chapeau cloche presque trop sobre pour elle tandis que veste et jupe se raccourcissent. Elle garde cependant de son ancienne garde-robe quelques empiècements en fourrure et sa couleur verte fétiche. Ainsi parée, elle se lance dans l'aventure sans trop savoir ce qui l'attend.
L'aventure en question s'inscrit dans une dynamique proche du tome précédent : une sombre affaire de complot politique que viennent égayer des touches d'exubérante fantaisie, celle-là étant principalement amenée par le monde du cirque dans lequel évolue l'histoire (et un univers de monstres de foire à la Freaks de T.Browning). On s'est clairement éloigné de l'atmosphère des premiers tomes et il ne fait aucun doute qu'on vient de mettre les pieds dans un nouveau cycle de la série. A travers Adèle qui pose un regard distancé sur les quatre années de guerre qui viennent de s'écouler, Tardi en profite pour véhiculer sa critique du conflit mondial et positionner politiquement son personnage, ce qu'il n'avait jamais vraiment fait auparavant. Libertaire et subversive, Adèle laisse deviner tout ce qu'elle pense de la république lorsqu'elle manque de faire un malaise après avoir pris par accident le drapeau français sur la tête. Quoi qu'un peu déstabilisante de prime abord, cette orientation nous plait : elle s'accorde avec logique à cette anti-héroïne et la rend plus réelle, nous offrant au passage de belles et cinglantes punchlines.
Par ailleurs, ce paradoxe (une aventurière qui n'a pas envie de sauver le monde, et encore moins son pays) donne toute sa saveur à la résolution de cet album : après avoir couru à droite et à gauche pour éclaircir le mystère dans lequel on l'a embarquée, Adèle tourne les talons! On a fait appel à elle pour des questions d'ordre politique, et c'est bien un domaine dont elle se contrefiche. Tardi privilégie une chute absurde à la logique dramatique de son scénario, posant à partir de ce sixième tome l'esprit qui marquera les prochains volumes. Dans cette optique, les personnages qui gravitent autour d'Adèle sont de plus en plus malmenés par l'auteur-illustrateur : parmi les "anciens", Flageolet est résolument perdu pour la science, et pour ce qui est des "petits nouveaux", Tardi introduit un nouveau personnage de policier qui relève guère le niveau de son prédécesseur (l'occasion de dire aussi tout ce qu'il pense des fonctionnaires).
Restent de l'esprit du roman-feuilleton la narration ironique et enchevêtrée, ainsi que les événements qui se déroulent en arrière plan de l'intrigue souche : les apparitions de tentacules géantes dans la capitales, celles d'un homme sombre et mystérieux qui semblent coïncider avec les attaques du céphalopode, et un ennemi inconnu qui, dans l'ombre, semble bien décidé à éliminer Adèle pourtant à peine revenue d'entre les morts. Autant de questions en suspens qui, comme nous annonce la fin de l'album, seront révélée dans le volume suivant : "Tous des monstres".
En bref : On retrouve avec ce sixième tome une énergie qui nous avait manqué dans le volume précédent, principalement amenée par Adèle qui reprend sa place de personnage principal. La tonalité de cet opus pose les bases du nouveau cycle dans lequel entre la série : regard caustique sur la politique et traitement absurde des situations et des personnages. Seule Adèle reste égale à elle-même et c'est pour cela qu'on veut savoir ce qu'elle va devenir dans ce nouveau Paris fraîchement libéré de 1918!
Et pour aller plus loin...
- Découvrez toute la série :
Adèle manque de suffoquer sous le drapeau tricolore. Ou de mourir de honte.
Par ailleurs, ce paradoxe (une aventurière qui n'a pas envie de sauver le monde, et encore moins son pays) donne toute sa saveur à la résolution de cet album : après avoir couru à droite et à gauche pour éclaircir le mystère dans lequel on l'a embarquée, Adèle tourne les talons! On a fait appel à elle pour des questions d'ordre politique, et c'est bien un domaine dont elle se contrefiche. Tardi privilégie une chute absurde à la logique dramatique de son scénario, posant à partir de ce sixième tome l'esprit qui marquera les prochains volumes. Dans cette optique, les personnages qui gravitent autour d'Adèle sont de plus en plus malmenés par l'auteur-illustrateur : parmi les "anciens", Flageolet est résolument perdu pour la science, et pour ce qui est des "petits nouveaux", Tardi introduit un nouveau personnage de policier qui relève guère le niveau de son prédécesseur (l'occasion de dire aussi tout ce qu'il pense des fonctionnaires).
Restent de l'esprit du roman-feuilleton la narration ironique et enchevêtrée, ainsi que les événements qui se déroulent en arrière plan de l'intrigue souche : les apparitions de tentacules géantes dans la capitales, celles d'un homme sombre et mystérieux qui semblent coïncider avec les attaques du céphalopode, et un ennemi inconnu qui, dans l'ombre, semble bien décidé à éliminer Adèle pourtant à peine revenue d'entre les morts. Autant de questions en suspens qui, comme nous annonce la fin de l'album, seront révélée dans le volume suivant : "Tous des monstres".
En bref : On retrouve avec ce sixième tome une énergie qui nous avait manqué dans le volume précédent, principalement amenée par Adèle qui reprend sa place de personnage principal. La tonalité de cet opus pose les bases du nouveau cycle dans lequel entre la série : regard caustique sur la politique et traitement absurde des situations et des personnages. Seule Adèle reste égale à elle-même et c'est pour cela qu'on veut savoir ce qu'elle va devenir dans ce nouveau Paris fraîchement libéré de 1918!
Et pour aller plus loin...
- Découvrez toute la série :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire