Casterman, 1981, 2009, 2018.
Paris, 1918.
Ignorant tout du conflit mondial qui se joue depuis quatre ans, Adèle
Blanc-Sec dort. Plus précisément, elle est maintenue en hibernation dans
l'ancien pavillon de Félicien Mouginot et attend d'être ramenée à la
vie grâce à la dernière phase de la méthode mise au point par ce
dernier. Pendant qu'un industriel et un mafieux new-yorkais, une poignée de policiers et d'anciens savants s'agitent dans l'entourage de la jeune femme, l'ancien deuxième classe Lucien Brindavoine, mutilé volontaire et pensionné de guerre, traîne quant à lui son amertume de bistrot en bistrot. Ce qu'il ignore, c'est que son chemin va croiser celui de la grande salamandre du Japon exposée au Jardin des Plantes puis celui d'Adèle.
***
Non, Adèle n'est pas morte! Enfin, presque pas morte. Comme nous l'avions annoncé dans notre analyse du quatrième tome, Momies en folie semblait clore la série mais laissait néanmoins un infime espoir de voir revenir l'héroïne romancière, pour l'instant cryogénisée dans l'attente qu'un prince charmant vienne actionner la machine qui la ramènera à la vie...
Nous ne nous attarderons pas sur ce tome pour la simple et bonne raison que, malgré ses qualités scénaristiques, il reste à mon sens le moins agréable à lire de la série (désolé, Monsieur Tardi). Si le tome précédent marquait la fin d'un cycle (celui de la Belle Époque), celui là est un volume de transition, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il se situe pendant la Première Guerre Mondiale, mais aussi, Adèle n'y a aucun rôle.
Adèle joue les Belles au bois dormant...
En effet, comme le précise le narrateur (qui, pour la première fois, apparait à l'image), Adèle passe son temps à pioncer dans la glace pendant que des horreurs se déroulent dans les tranchées... et ailleurs. En suivant différentes intrigues se déroulant aux quatre coins du monde, le narrateur reconstitue progressivement la toile d'araignée qui relie entre elles plusieurs organisation criminelles internationales, dont la Mafia. Le rapport avec Adèle? Il se créé dans l'intérêt que l'occultisme et les travaux de para-scientifiques concernant la vie après la mort présentent pour ces génies du mal. Ayant eu vent de la machine de Mouginot qui maintient Adèle dans un sommeil artificiel, leur but est de venir en France pour s'en emparer.
Le narrateur avait donc cette tête?!
Mais qui va bien pouvoir secourir Adèle des mains criminelles qui désirent voler l'appareil en question? Le sauveur est tout trouvé en la personne de Lucien Brindavoine. Lucien Brindavoine n'est ni plus ni moins que l'un des tous premiers héros créés par Tardi, au centre de deux tomes parus précédemment chez Dargaud : Adieu Brindavoine et La fleur au fusil. Après les personnages du Démon des glaces qui apparaissaient brièvement dans Momies en folie, il semble que l'auteur/illustrateur s'adonne de nouveau au cross-over. Amusant de voir Brindavoine surgir ici quand on sait que Tardi, avec Adèle, ambitionnait de créer un alter-ego féminin à son premier personnage masculin récurent.
Brindavoine, héros de sa propre BD précédemment publiée chez Dargaud.
Cependant, il n'y a pas que Brindavoine qui s’immisce dans l'univers d'Adèle : avec lui débarquent plusieurs personnages issus de ses propres aventures, sans que le lecteur bénéficie vraiment d'explications précises. Ce cinquième tome des aventures d'Adèle pourrait davantage passer pour un troisième tome surprise des aventures de Brindavoine. Si les connaisseurs de ce second y trouveront leur compte, les aficionados de la première, qui ne connaissent peut-être pas Brindavoine, y trouveront peu d'intérêt.
D'autant que Tardi, qui a appris à lâcher la bride avec les codes de ses propres univers, fait parfois un peu n'importe quoi de ses personnages : Brindavoine lui-même est un véritable exemple d'hypocrisie et de lâcheté, tandis que Flageolet, qu'on croyait retrouver avec plaisir, est devenu un couard à la botte de... Dieuleveult (peut-être le seul qui reste égal à lui même dans ce fourbi!).
Dans ce cinquième tome, Tardi en profite pour poser un regard plein d'ironie et de sarcasme sur la guerre...
L'auteur en profite pour évoquer à travers la voix de ses personnages la vie dans les tranchée mais surtout des grandes questions autour de la Première Guerre mondiale, qui reste son sujet de prédilection. Alors, ce cinquième tome : suite surprise, hommage au roman-feuilleton, aventure de science-fiction ou satire historico-politique? On ne sait plus très bien. Ceci dit, on reprend notre souffle en fin de volume lorsqu'on voit notre bien-aimée Adèle de retour pour tout de bon...
En bref : Un tome qui parait un peu brouillon pour qui s'en tient aux strictes aventures d'Adèle, mais qui semble concentrer, à la façon d'un cross-over dans le fond et dans la forme, les thèmes qu'affectionne Tardi, tous genres confondus. Le secret de la salamandre reste néanmoins l'opus le plus déstabilisant de la saga et celui qui plaira probablement le moins aux fans de la première heure de l'héroïne.
Et pour aller plus loin...
- Découvrez toute la série :
Je viens de réserver "Adèle et la bête" à la Médiathèque, ça progresse! ;)
RépondreSupprimerHâte d'avoir ton avis! :D
Supprimer