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lundi 29 juin 2020

Les soeurs Van Apfel ont disparu - Felicity McLean.

The Van Apfel girls are gone, Harper Collins Publishing, 2019 - Editions Presses de la Cité (trad. de S.Schneiter), 2020.

  Été 1992, dans une lointaine banlieue de Sydney, en lisière du bush. Un été caniculaire durant lequel une puanteur infecte se dégage du lit de la rivière. Un été que Tikka, onze ans et deux mois, n’a jamais oublié : celui où les sœurs Van Apfel ont disparu. Les trois filles du pasteur — Hannah, l’aînée, Cordelia, la fantasque, somnambule à ses heures, et la petite Ruth avec son bec-de-lièvre — profitent de l’entracte du spectacle de l’école pour se faire la belle et s’évanouir dans la nature. Le corps de la plus jeune sera retrouvé coincé entre deux rochers… Vingt ans plus tard, Tikka retourne chez ses parents pour prendre soin de sa grande sœur, malade. Un séjour qui sera l’occasion d’affronter avec elle les fantômes qui les hantent. Leurs amies se sont-elles enfuies pour échapper au joug de leur père ou ont-elles été victimes d’un prédateur ? Y a-t-il la moindre chance pour qu’Hannah et Cordelia soient aujourd’hui toujours en vie ?

   Entre désir de liberté et rêves étouffés, un texte qui capture avec justesse, humour et intensité l’essence même de l’adolescence. Et s’il y est question du spleen des sœurs Van Apfel, ce roman résonne aussi des rires de ses héroïnes et se dévore comme un page-turner.

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  Sorti il y a un an en VO et le mois dernier dans l'hexagone, Les sœurs Van Apfel ont disparu fait déjà beaucoup parler de lui sur la blogosphère et dans les rubriques littéraires. Premier roman de la journaliste Felicity McLean, ce livre est le dernier né de la littérature australienne à franchir ses frontières jusqu'à nous avec un tel retentissement...


  Années 2010, Baltimore. Tikka, jeune femme d'origine australienne, quitte son travail au laboratoire lorsqu'elle croit La voir au détour d'une rue. Cordie. Cordelia Van Apfel. Une illusion aussi intense que fugace car en fait, Cordelia a disparu depuis vingt ans en compagnie de ses sœurs, autant de temps que Tikka croit la voir régulièrement, ici ou là, toujours avec le même sentiment de choc. Rongée par la mémoire des événements survenus dans son village natal australien de Macedon Close au cours de cet été 1992, la jeune trentenaire s'envole pour un retour au bercail afin de questionner sa sœur aînée, également présente au moment des faits. Une fois sur place, les souvenirs affluent : la chaleur étouffante du bush, les voisins soupçonneux, la nature sauvage et inquiétante.. tout semble convoquer la mémoire des étranges parents Van Apfel et de leurs trois filles : Hannah, Cordelia, et Ruth. De toutes, c'était Cordie qui dégageait le plus de magnétisme et qui suscitait le plus de fascination malgré ses treize ans. Qu'est-il arrivé ce fameux soir de spectacle scolaire pendant lequel elles se sont volatilisées? Pourquoi n'a-t-on retrouvé que Ruth, morte ? Quel secret les liait toutes les trois et pourquoi Tikka est-elle toujours aussi obsédée par les Van Apfel, même deux décennies plus tard...?


  L'Australie a décidément de belles pépites livresques à nous offrir : tant du point de vue du style que dans sa tournure, Les sœurs Van Apfel ont disparu est un roman mémorable. L'une des grandes réussites de ce livre est que le point de rupture de l'histoire (la disparition des sœurs), situé dans le passé de la narratrice, arrive en fin d'ouvrage, soit après qu'elle ait raconté les semaines précédant l'incident. La narration par flash back retarde le drame et instaure ainsi une tension palpable, électrique. Les événements qui préexistent à la fugue des jeunes filles sont racontés avec une précision quasi chirurgicale : des scènes comme prises sur le vif où chaque geste, chaque soupir, chaque regard, participent à alourdir l'atmosphère pesante de l'intrigue. Cette écriture parfois crue et même malaisante à la Joyce Carol Oates possède néanmoins ce pouvoir de nous happer jusqu'à la fin.


  Parallèlement, Felicity McLean use d'un talent notable pour la suggestion : les souvenirs de Tikka étant parfois remis en cause par sa sœur aînée, on se demande par moment si l'enchainement des événements et leur compréhension n'ont pas été quelque peu modifiés par l'inconscient de la narratrice. Dès lors cependant, les phrases laissées en suspens, certaines coïncidences ou synchronicités dans le récit, même si elle ne sont pas concrètement élaborées dans le texte, marquent durablement l'esprit du lecteur. Des connexions s'y tissent, un début d'explication s'y dessine. Ce qui nait de ce pouvoir d'insinuation restera cependant à l'état de conjectures : Les sœurs Van Apfel ont disparu est en effet un de ces romans à fin ouverte qui prennent plaisir à jouer avec nos nerfs et laissent la solution à notre libre interprétation. Reste-t-on sur notre faim? Non, car le propos du livre ne se situe pas dans la solution ; l'intérêt réside à la fois dans ce que le lecteur fait des indices laissés à son attention et dans la force du souvenir qu'entretient la culpabilité de l'héroïne.


  Le climat moite et étouffant du bush, raconté avec un réalisme poignant, apporte à ce roman tout le sel qu'on aime à trouver dans la littérature australienne. On pense bien évidemment aux éléments propre au genre de l'Australian Gothic, cette mouvance unique dont se réclamait aussi le chef-d’œuvre Pique-nique à Hanging Rock. L'ombre de ce grand classique plane évidemment sur le roman de Felicity McLean, que les critiques ont aussi beaucoup comparé à Virgin Suicides de Jeffrey Eugenides.


En bref : Thriller psychologique hypnotique et dérangeant dans la chaleur du bush australien, Les sœurs Van Apfel ont disparu est un premier roman ensorcelant, en constante tension. Évoquant tour à tour Jeffrey Eugenides, Joan Lindsay et Joyce Carol Oates, le livre de Felicity McLean vous hantera longtemps après que vous l'ayez terminé.


Merci à NetGalley et aux Presses de la Cité pour cette découverte!


4 commentaires:

  1. En lisant ton post, j'ai en effet pensé à "Hanging Rock". Un autre roman qui semble assez hypnotique, je note! Bon début d'été, Pedro :-)

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  2. La filiation semble évidente, jusque dans le nom donné au lieu de l'intrigue. Le roman de F.McLean se passe dans la bourgade fictive de Macedon Close... ce n'est pas sans évoquer le vrai nom d'Hanging Rock, qu'on appelle aussi Macedon Mount.
    Je pense que tu aimerais ce livre ;)

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  3. comment ne pas avoir envie, après une telle critique ! je note

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    1. J'espère que tu aimeras autant que moi! Pour ma part, c'était... hypnotique!

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