Pluie sur la campagne, vent s'engouffrant dans les ruelles, feuilles tombant sur les pavés... aucun doute : c'est l'automne. La saison idéale pour commencer à se pelotonner au coin du feu avec un bon thé et quelques gourmandises, emmitouflé dans un châle tartan. Le temps et l'atmosphère rêvés pour se replonger dans un roman des sœurs Brontë et, pourquoi pas même, goûter au sens propre comme au figuré à ses délices. Si les détails culinaires n'abondent pas forcément dans leur bibliographie, on peut cependant noter ça et là quelques indications gastronomiques qui ne manquent pas de faire saliver...
Ainsi, dans Jane Eyre, la plume de Charlotte Brontë nous invite à suivre la vie d'une jeune orpheline maltraitée, amenée à devenir une jeune femme forte et courageuse. Après avoir été rejetée de la maison de son horrible tante qui ne supportait plus la fillette malgré son engagement de l'élever comme sa fille, Jane Eyre est envoyée dans l'affreux pensionnat de Lowood. Là bas, malgré des conditions de vie difficiles et insalubres, elle parvient à trouver le réconfort auprès d'une camarade qui devient son amie, Helen Burns. En dépit de la rigidité de certains professeurs, les deux fillettes bénéficient de la protection de Miss Temple, une enseignante qui les prend sous son aile. Alors que les deux amies traversent des moments éprouvants, elle les accueille un soir après la classe dans son bureau pour partager avec elles un goûter improvisé...
"Elle invita Helen et moi à nous approcher de la table et plaça devant chacune de nous une tasse de thé et une délicieuse mais petite tartine de beurre ; puis elle se leva, ouvrit un tiroir et en tira un paquet enveloppé de papier : un pain d'épice d'une majestueuse grandeur s'offrit à nos regards.
— J'aurais voulu vous en donner à chacune un morceau pour l'emporter, dit-elle ; mais, puisque nous n'avons pas assez de pain et de beurre, il faudra bien le manger maintenant.
Et sa main généreuse nous en coupa de grosses tranches.
Ce soir là, il nous sembla que nous étions nourries de nectar et d'ambroisie. Le sourire de satisfaction avec lequel Miss Temple nous regardait pendant que nous apaisions nos appétits voraces sur le mets délicat qu'elle nous avait libéralement réparti ne fut pas la moindre de nos joies."
Charlotte Brontë, Jane Eyre, chapitre 6, The Cranford Collection (2020).
De tout le chef-d’œuvre de Charlotte Brontë, cette scène est probablement la plus appétissante et la plus chaleureuse. MAIS – car il y a un mais – qu'on ne s'y trompe pas : le pain d'épice de la version française n'est pas la transposition d'un gingerbread en version anglaise. Dans le texte original, ce passage fait en effet mention d'un seed cake, soit littéralement d'un "gâteau de graines", un dessert peu commun dans notre contrée hexagonale.
Le seed cake est en effet une recette typiquement anglaise, dérivée d'ancestraux biscuits aux graines de carvi que l'on cuisinait habituellement au printemps, à la fin des semis de blé. La recette de ces petits gâteau circulait dans les ouvrages de cuisine dès le XVIème siècle pour évoluer progressivement vers un "tea cake", c'est à dire un gâteau conçu pour être pris avec le thé, devenu un classique de l'époque victorienne et de son célèbre tea time. On trouvait alors plusieurs variantes du seed cake, dont l'une avec un mélange de graines variées et l'autre avec des graines de carvi uniquement (toutes deux relayées dans les ouvrages culinaires English Housewify Exemplified de Elizabeth Moxon – 1764 – et The cook and housekeeper's complete and universal dictionary de Mary Eaton – 1822 –, véritables institutions du genre). La version au carvi était la plus appréciée et la plus courante : cette graine remportait alors un vif succès, au point qu'on la retrouvait dans de nombreuses recettes de pâtisserie et qu'on s'en servait pour ses vertus médicinales ou... dans la fabrication artisanale du savon !
Au croisement des différentes variantes "vintage" existantes, notre version vous séduira par son moelleux et ses parfums croisés d'amande et de carvi...
Ingrédients (pour 8 personnes) :
- 3 œufs
- 180 g de beurre fondu
- 3/4 de cuillère à café d'extrait d'amande amère
- 180 g de sucre
- 300 g de farine
- 2 cuillères à café de levure chimique
- 2 cuillères à soupe d'amande en poudre
- 60 mL de lait
- 2 cuillères à soupe de graines de carvi
A vos tabliers!
- Mélanger les ingrédients secs : la farine, la levure, la poudre d'amade et le sucre.
- Ajouter les ingrédients liquides : les oeufs, le lait, l'extrait d'amande et le beurre fondu. Remuer vivement au fouet ou à la fourchette jusqu'à obtenir une pâte homogène.
- Ajouter les graines de carvi, remuer.
- Verser dans un moule rond de 23 cm de diamètre chemisé de papier cuisson.
- Mettre au four préchauffé à 180 degrés pour 30 / 40 minutes maximum.
- Laisser tiédir avant de démouler.
A savourer pour un tea time réconfortant au coin du feu...
Grand merci à J.M. Frémont, G. Marot et à La Tour des Villains de Montsaugeon pour leur accueil et le décor mis à disposition.
oh ! je ne connaissais pas du tout ce gâteau, merci pour la recette, j'ai bien envie de tester :)
RépondreSupprimerC'est léger et goûteux comme tout. La texture se prête parfaitement au Tea Time! :-)
SupprimerJe ne connaissais pas les graines de Carvi, honte à moi ! Quant à ta mise en scène et au roman, en effet, on est en plein dans l'ambiance d'automne : encore une réussite ! Merci, Pedro !
RépondreSupprimerJ'adore les graines de carvi, c'est aussi très bon pour la cuisine méditerranéenne (une merveille dans la ratatouille) ou pour les potatoes maison.
SupprimerMerci pour ton adorable message Fondant 😊
J'ai cru que tu avais soudainement hérité d'un CHATEAU!!!
RépondreSupprimerPouchky Annette
Sympa le décor, hein? 😉
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