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dimanche 15 novembre 2020

Pauvre âme en perdition - Serena Valentino.

Poor unfortunate soul, a tale of the sea witch, Disney Press, 2016 - Hachette heroes (trad. d'A.Gallori), 2019.

    Nous connaissons tous l'histoire de la petite sirène, ce conte ancestral qui nous rappelle qu'il faut parfois perdre sa voix pour mieux la retrouver. Ariel désire explorer le monde et s'aventurer au-delà des frontières du royaume de son père, le roi des océans. Par amour, elle renonce à sa voix et manque d'y laisser la vie. Mais le bien l'emporte, et elle sort de ces épreuves métamorphosée et heureuse.
    Pourtant, ce n'est que la moitié de l'histoire. Qu'en est-il de son ennemie Ursula, la terrible sorcière des mers? Pourquoi et comment est-elle devenue si retorse et pleine de haine, dédaignée par la cour de Triton?
    Voici l'histoire d'une pauvre âme en perdition...
 
*** 

    Après le très ambitieux et réussi Fairest of all / Miroir, miroir (racontant l'histoire de Grimhilde, la méchante reine de Blanche-Neige) commandé par Disney à Serena Valentino, ce qui aurait du être un one shot a finalement donné naissance à une collection complète consacrée aux grands méchants des célèbres long-métrages animés. Ainsi, après L'histoire de la Bête, dans lequel on retrouvait les personnages des Étranges Sœurs (les trois sorcières déjà responsables de la chute de la reine Grimhilde et qui semblent tirer en arrière plan les ficelles de bien des contes), voici un troisième opus consacré à Ursula, la très connue sorcière des mers de La Petite Sirène (adaptation de 1989 du conte d'Andersen, avec une fin bien différente). Cet ouvrage marque un tournant dans la saga "Disney Villans" puisque Serena Valentino fait à partir de ce titre non plus une collection seulement consacrée aux grands antagonistes de l'univers Disney, mais une série dans laquelle les tomes sont chronologiquement reliés les uns aux autres... Bonne ou mauvaise idée? Cela dépend de vos attentes.

Double couverture de l'édition originale

    Reprenons tout d'abord le personnage d'Ursula. Reconnaissons que si les adaptations Disney édulcorent fortement les textes, elles ont le mérite de donner aux méchants un charisme et une personnalité souvent absents des contes d'origine : un nom, une allure, une voix... ainsi personnifiés, il devient très amusant d'essayer de deviner quelle pourrait être leur histoire. Cela marche pertinemment bien avec Ursula : dans le long-métrage animé, la sorcière, qui alterne les shows dignes d'une diva, laisse entendre qu'elle a autrefois fait partie de la cour avant d'en être exclue, rejet qui semble expliquer sa volonté de renverser Triton. Pourquoi pas. Mais admettons que Serena Valentino parvient à réutiliser cette matière pour la bonifier totalement en imaginant de nombreuses autres justifications à la vengeance de la sorcière.
 


    En effet, comme dans le musical Disney adapté de la Petite Sirène (mais resté assez peu longtemps à l'affiche outre-Atlantique compte-tenu d'un succès tout relatif), Valentino fait d'Ursula la sœur cachée de Triton. Une sœur bannie très tôt pour son physique étrange (on pense alors au sort réservé à la jeune Elphaba dans Wicked à cause de sa peau verte), mais à qui le droit de gouverner et des pouvoirs égaux à ceux de son frère ont été donnés (ce qui permet de donner une origine au collier coquillage, pendant du trident de Triton). Écartée du trône par le roi des sirènes, élevée par un pêcheur qui l'a prise sous son aile mais que les humains ont assassiné parce qu'il protégeait cette monstrueuse créature qu'était Ursula, la bien nommée sorcière des mers est prête à tout pour prendre sa revanche. Quitte pour cela à sacrifier la fille cadette de Triton et, par la même occasion, prendre la place aux côtés du prince Eric. Gouverner la terre et la mer. Synopsis séduisant.
 
The Little Mermaid, musical éphémère...
 
    Il y a donc de l'idée et de la tenue dans cette histoire qui se lit sans déplaisir, en plus d'être plutôt bien écrite et bien traduite (l'auteure use d'une belle plume et glisse ça et là des références qui démarquent son roman de la franchise creuse qu'il risquait d'être, même si on est loin du très emballant Fairest of all), mais la volonté de faire de "Disney Villains" une série amène à diluer quelque peu les éléments qui nous intéresseraient le plus. En effet, en réinvitant des personnages secondaires (et assez fades, qui plus est) créés pour L'histoire de la Bête, l'auteure tisse donc des liens entre les différents tomes de sa saga, en même temps qu'elle semble annoncer les événements des opus à venir (cf le cliffhanger de la fin, qui annonce Maîtresse de tous les maux, centré sur le personnage de Maléfique). Si elle arrive à établir des connexions entre le destin d'Ursula, celui des Étranges Sœurs, et celui des autres protagonistes, on a surtout l'impression de lire trois histoires différentes, chacune avec leur enjeux, qui se racontent en parallèle... En 112 pages, autant dire que chaque récit tient dans un mouchoir de poche

Ursula vue par la photographe Annie Leibovitz

    La présence des Étranges Sœurs aurait suffit à enrichir l'univers sur lequel brode Serena Valentino, sans qu'il soit utile de développer autant de personnages d'aussi peu d'intérêt. Évoquant les Parques de la mythologie, ces triplées aux allures de poupées de porcelaine gothiques restent en effet une des meilleures créations de l'auteure. On en apprend beaucoup plus sur elles dans ce titre, notamment sur leurs pouvoirs et même leur maison, dont la description n'est pas sans évoquer la chaumière de Madame Mim dans Merlin (et à connaitre Serena Valentino, on se dit que ce ne peut être un hasard).


En bref : Sympathique sans bien sûr être le roman de l'année, cette réinterprétation du classique Disney propose de bonnes idées scénaristiques et une bonne utilisation du personnage d'Ursula. On regrette cependant que les trop nombreux personnages et que les intrigues secondaires, destinés à faire de ces livres une série avec sa mythologie propre, diluent le principe de base de cette collection pourtant enthousiasmante sur le papier.
 
 
 
Et pour aller plus loin:
 
- Découvrez la saga "Disney Villans" : Fairest of all/Miroir, Miroir, et L'histoire de la Bête.

2 commentaires:

  1. Je ne suis pas sûre de le lire mais il plaira sûrement à ma fille dans quelques années. Ceci dit, même avec un roman moyen tu arrives à faire un billet passionnant ! J'ai aussi découvert grâce à toi ce musical qui a peu duré... et quel dommage quand je vois ces décors somptueux !

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    1. Les musicales disney sont toujours assez époustouflants, je pense que je serais vraiment capable de perdre le contenu de mon porte-monnaie en places de théâtre ! :-D
      Le souci avec cette collection, c'est que d'un postulat de base extra (raconter la vie des méchants en leur donnant des circonstances atténuantes), on tombe dans la franchises (personnages et intrigues secondaires insipides qui se suivent d'un tome à l'autre et forcent à lire dans l'ordre), qui s'écarte par là même du concept très séduisant de base... c'est trop bête ! Du coup, ta fille devra les lire les deux précédents opus avant celui là... :-/

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