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samedi 14 août 2021

Entretien avec Eric Senabre : Chapeau melon et pile de livres...

(Source : Didier Jeunesse)
 
     
    Il y a quelques semaines de cela, nous avons partagé avec vous cette pépite qu'est A la recherche de Mrs Wynter, dernier roman jeunesse d'Eric Senabre. Hommage de génie à la série télévisée Chapeau Melon et Bottes de Cuir et déclaration d'amour à son actrice star Diana Rigg (inoubliable Emma Peel, qui nous a quitté fin 2020), ce road trip anglophile pétillant imagine la rencontre entre un jeune adolescent des années 90 et la comédienne (renommée Beryl Doncaster), pour qui il voue un véritable culte. Parce que nous célébrons cette année sur le blog les 60 ans de Chapeau Melon et Bottes de Cuir (En première place de notre top 3 des séries télévisées), mais aussi et surtout parce que nous avons adoré le roman d'Eric Senabre, nous avons pu lui poser quelques questions... 
 
  

Pedro Pan Rabbit : Comment vous est venue l'idée de cette histoire? Quelle a été la genèse du roman ?


Eric Senabre : C'est une idée que j'avais depuis un moment déjà ; cela faisait bien trois ou quatre ans que cela me trottait dans la tête, mais que le projet avait dû être repoussé au profit d'autres livres plus « évidents », dans lesquels je sortais peut-être moins de ma zone de confort : roman d'aventures ou avec des aspects de science-fiction. J'ai en effet écrit jusqu'ici beaucoup de romans de « genre » ; même Star Trip, s'il est en lien avec une série télévisée aussi, bascule dans la littérature de genre à un moment donné de l'intrigue. Et puis, avant d'être un auteur, je reste fondamentalement un fan. C'est notamment en tant que fan qui se laisse dire que ce livre peut être une façon de se rapprocher d'une de ses idoles que le projet est né. Au départ l'idée etait que, peut-être, le livre tomberait entre les mains de Diana Rigg, sait-on jamais... 
 
PPR : Le décès de Diana Rigg a-t-il eu un impact sur l'écriture ? Le livre n'était pas encore terminé à cette date ?
 
ES : Le livre était commencé mais l'intrigue était encore à ses débuts. J'avais ébauché un premier jet, très différent, plus dans l'humour et écrit à la première personne, mais qui ne fonctionnait pas. J'ai donc repris ma copie à zéro, ce qui m'a fait perdre un peu de temps sur le démarrage. Lorsque cette chère Diana Rigg est décédée, je venais juste de retravailler les pages que j'avais déjà écrites. Je me rappelle que j'étais au téléphone avec une de mes éditrices lorsque j'ai reçu un texto de mon plus vieil ami, qui me disait simplement « Je suis désolé ». Il aurait pu être désolé pour n'importe quoi mais j'ai tout de suite compris de quoi il voulait parler : j'ai fait une recherche internet sur Diana Rigg dans la foulée et j'ai appris la nouvelle, confirmant mon intuition. J'ai été complètement mortifié. Peut-être que ce décès survenu en cours d'écriture m'a rendu encore plus nostalgique. 
 
Diana Rigg... Ou serait-ce Beryl Doncaster ?
 
 
PPR : L'histoire met en scène Medhi, un adolescent fan de Talons hauts et Veste de Tweed, amoureux de l'actrice principale Beryl Doncaster. Medhi, c'est un peu vous, non ?
 
ES : Pas uniquement et pas totalement. On peut retrouver beaucoup de moi en Medhi mais c'est aussi un mix de mes copains de jeunesse. Le fait qu'il ait des origines marocaines et belges est un clin d'oeil direct à l'un de mes amis qui était lui aussi très fan de Chapeau Melon et Bottes de Cuir, par exemple. C'était le garçon le plus cool du lycée, qui faisait partie d'un groupe de Rock. Medhi n'est pas aussi cool que lui car j'ai rajouté un peu de moi au mélange. Cela dit, il est vrai que je n'ai jamais mis autant de moi dans un personnage. 
 
Le départ d'Emma Peel dans la série...
 

PPR : Alors, question de fan : peut-on en déduire, comme Medhi dans le livre, que votre épisode préféré est The House that Jack built (L'héritage diabolique en VF) et que le départ de Diana Rigg a été, je cite votre héros, « un drame personnel » ?
 
ES : Le départ d'Emma Peel a été un drame absolu. Je l'ai revu il n’y a pas très très longtemps, c'était atroce. À vous fendre le cœur.
Pour The house that Jack built, en effet, j'adore cet épisode. D'ailleurs, on ne voit quasi exclusivement qu'Emma. Steed arrive à la fin, après avoir pris tout son temps et bien consulté sa carte routière ! Je crois que cet épisode a énormément compté dans mon imaginaire. Mon roman La seizième clef lui doit énormément, notamment par le côté « maison dont on ne s'échappe pas ».
 
The house that Jack built :
un épisode tout entier à la gloire d'Emma, piégée dans un labyrinthe psychédélique et angoissant...
 

PPR : Le sujet principal de votre roman est une série télévisée des années soixante que les jeunes lecteurs d'aujourd'hui ne connaissent que très peu, voire, malheureusement, probablement pas du tout. Comment votre éditeur a-t-il accueilli ce projet très atypique ?
 
ES : La responsable de Didier Jeunesse ne connaissait pas la série et ce n'était pas son univers, mais c'est quelqu'un d'ouvert et ça a été un réel avantage. Si elle l'avait connue, elle aurait pu par exemple me dire « J'aime beaucoup cette série aussi mais ça ne va pas parler aux jeunes, il ne vont pas connaître ». Dans la mesure où elle ne connaissait pas non plus, elle a pu apprécier le projet dans sa globalité. Il faut aussi reconnaître à cette maison d'édition de ne pas hésiter à porter des projets atypiques pour le plaisir de faire un bon livre ou un bel album. Je crois que le concept Harold et Maud qui ressortait de l'intrigue lorsque je l'ai présentée à l'équipe a beaucoup plu et on m'a laissé carte blanche.

PPR : Pour ce qui est des personnages, avez-vous envisagé ne serait-ce qu'un temps de les mettre en scène sous leur vrai patronyme ou alors le choix de les rebaptiser était clair depuis le début du projet ?
 
ES : Non, il n'y a jamais eu ce projet de conserver les noms réels. Je ne me sentais pas de faire intervenir la vraie Diana Rigg car je ne peux pas réécrire son histoire ; je ne suis pas adepte de la méthode tarantinienne qui consiste à réinventer les faits. Je préfère imaginer des sortes d'univers parallèles, cela me permet d'être plus libre.
 


PPR : En effet, sans divulgâcher, c'est cette liberté qui vous permet de donner une direction totalement différente à la relation entre Patrick MacNee et Diana Rigg. Ce choix-là était-il une façon de concrétiser le fantasme que de nombreux fans projettent sur ce duo ?
 
ES : Oui, c'est tout à fait ça. Il y avait à travers ce rebondissement l'idée de réparer ce que je considère être une grande injustice !

PPR : Pourquoi avoir choisi les années 90 comme cadre temporel de votre roman ?
 
ES : Il y avait plusieurs raisons. Tout d'abord une question d'âge pour les personnages : cela m'arrangeait que ma Beryl Doncaster ait cet âge-là, comme Diana Rigg dans les années 90. Si ça s'était passé de nos jours, ça ne fonctionnait plus : il ne pouvait plus y avoir cette séduction, cette ambiguïté dans la relation. Évidemment, j'aurais pu dire que la série ne datait plus des années soixante et décaler la chronologie mais elle est beaucoup trop sixties dans son essence pour qu'on se décide à faire un tel choix. L'année 1994 permettait d'être en cohérence avec l'âge de mes héros, et puis aussi, j'aimais bien que cela se déroule avant l'Eurostar. Le fait de prendre le ferry symbolise deux époques : l'avant et l'après des voyages en Angleterre.
 

 
PPR : Et en plus de la nostalgique, l'absence de smartphones et d'internet rend la quête des personnages plus intéressante : plus difficile pour eux mais plus sympathique pour nous.  

ES : Tout à fait. Dans mes autres romans aussi, je me débarrasse assez facilement de la technologie, même quand l'action se déroule à notre époque.
 
PPR : Et actuellement, travaillez-vous sur un autre projet ?
 
ES : Oui, je termine ce que j'appelle ma "trilogie japonaise" ; il n'y a pas de liens entre les trois romans en question si ce n'est la tranche d'âge et le pays où l'histoire se passe. L'intrigue tournera autour des films de monstres géants japonais ; c'est l'histoire de deux papys japonais racontée à travers les yeux de leurs petits-enfants. Ils sont en maison de retraite et perdent un peu la tête : l'un soutient qu'il a incarné Godzilla à l'écran tandis que l'autre affirme être Ultraman et ils se chicanent à longueur de temps, au grand désespoir du personnel. Leurs petits-enfants vont les aider à s'évader pour qu'ils puissent prouver ce qu'ils avancent. Cela se passe de nos jours, mais toujours avec des références à une culture populaire antérieure...
 

    Nous remercions infiniment Eric Senabre d'avoir bien voulu répondre à nos questions et nous souhaitons sincèrement que son livre rencontre le succès qu'il mérite. Peut-être Diana Rigg, de là où elle est, est-elle actuellement plongée dans sa lecture... Car d'une certaine façon, les héroïnes sont immortelles, n'est-ce pas ? Ce n'est certainement Eric Senabre qui nous contredira ! ;-)
 
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2 commentaires:

  1. Pouchky Annette Ficelle for Ever19 août 2021 à 06:10

    Comment ça "une direction totalement différente à la relation entre Patrick MacNee et Diana Rigg"???

    Ca va pas de faire teasing comme ça?

    Sinon, pour moi aussi le départ de Mrs Peel fut dramatique, et en plus je ne comprenais pas pourquoi le fait de retrouver son mari disparu l'empêchait de poursuivre ses investigations avec Steed.

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    1. J'ai dit que je ne divulgachais pas, ce qui ne m'empêche pas de faire du teasing. ;-)
      Je me souviens encore de la première fois que j'ai visionné l'ultime épisode avec Mrs Peel. Je devais avoir 9 ans, j'étais au bord de la dépression...

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