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mardi 28 avril 2015

Vert Emeraude (La trilogie des gemmes #3) - Kerstin Gier

Smaragdgün (Edelstein Trilogy #3), Arlena Verlag GmbH, 2010 - Editions Milan, collection Macadam (trad. de N.Lemaire), 2012.


  « Elle est le Rubis, la douzième, l'ultime voyageuse.
Avec elle, le cercle est refermé, le secret révélé.
Un secret qui remonte à la nuit des temps. »

   Gwendolyn a-t-elle jamais été une lycéenne comme les autres ?
   Pour son premier vrai chagrin d'amour, en tout cas, elle aimerait bien faire comme toutes ses copines : pleurer des heures au téléphone et se gaver de chocolats.
   Mais pas question, les Veilleurs du temps ont besoin d'elle.
Pire, c'est avec Gideon lui-même, celui qui lui a brisé le cœur, qu'elle doit repartir en plein XVIIIe siècle, affronter un drôle de comte, soi-disant immortel.

   Plus question de pleurer, il faut agir ! 
  Troisième et dernier tome d’une trilogie exceptionnelle. Après Rouge rubis et Bleu saphir, voici Vert émeraude. Une histoire qui mêle délicieusement trois thèmes : l’adolescence, l’amour et le fantastique. Un ton très drôle et décalé. Des ventes exceptionnelles en Allemagne. Une série déjà vendue dans toute l’Europe et aux États-Unis.

***


 Couvertures des éditions allemande, suédoise, et japonaise.

  Il m'aura fallu presque trois ans avant de me lancer dans l'ultime tome de la sage "Rouge Rubis", alias la Trilogie des gemmes. Pourquoi avoir attendu si longtemps? Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire avec Le livre perdu des sortilèges, les trilogies littéraires ont toujours ce triste effet sur moi lorsqu'elles me plaisent : une fois les deux premiers tomes dévorés, je retarde le moment de lire le dernier, pour repousser le plus loin possible cet instant où il me faudra quitter pour toujours des personnages auxquels je me suis attachés, mais aussi face à la crainte des révélations finales et d'une éventuelle déception... Mais face à la sortie imminente du film Bleu Saphir en France, je n'ai pu tenir plus longtemps et, débordant de curiosité, allais exhumer Vert Emeraude de ma PAL...Attention, spoilers!

 Les vrais dragons de Temple Lane, à Londres, le quartier des Veilleurs...

    On retrouve donc Gwen là où s'était terminé le tome précédent : persuadée d'avoir été manipulée depuis le début par Gidéon, elle se sent désormais très seule face à la mission qui lui est confiée par le Cercle, et dont elle met de plus en plus en doute le bien fondé. Mais la jeune fille n'est pas de ces potiches qui passent un an cloitrer dans leur chambre à pleurer leur ex petit ami et décide, au contraire, de reprendre du poil de la bête. Tant pis pour ce triple imbécile tout juste bon à porter des collants jaune canari pour ses missions à l'époque Rococo, elle a d'autres chats à fouetter : Le comte de Saint Germain attend sa prochaine visite au XVIIIème siècle, au grand bal donné par Lady Lavinia où il faudra lui remettre le sang des derniers voyageurs du temps. Selon la prophétie des Veilleurs, une fois le sang des douze voyageurs collecté, le Chronographe est sensé produire un objet, une substance ou du moins un produit capable de miracles. La pierre philosophale, peut-être? Car ne dit-on pas que le Comte de Saint Germain était immortel? Et si la légende venait justement de cet enchainement d'événements que Gwen vit aujourd'hui : si le Comte était  devenu éternel parce que, dans le lointain passé du siècle des Lumières, elle-même avait fait un bond depuis notre temps pour lui fournir ce précieux élixir de longue vie? Si elle était la cause même de ce prodige? Mais voilà qu'une autre prophétie, celle-là concernant Gwen, semble révéler une interdépendance entre sa propre survie et l'immortalité de Saint Germain . Persuadée qu'un danger approche, le temps lui est compter pour éviter à tout prix que le cercle du sang ne se referme, cet objectif que Lucy et Paul avaient également poursuivi en leur temps, et pour lequel ils s'étaient vus accuser de traitrise. Mais qui dit que, dans l'ombre de notre présent, le Comte de Saint Germain ne serait pas toujours en vie, et prêt à tout pour que ses sombres desseins s'accomplissent?...

 Couvertures alternatives préparatoires de l'édition française et couverture de l'édition polonaise.

  Vous l'aurez compris, ce tome promet son lot de rebondissements! Et quels rebondissements! Vraiment, K.Gier termine sa trilogie en apothéose, avec un enchainement d'événements et de retournements de situation qui nous conduisent de surprises en surprises! Tout d'abord, on retrouve avec grand plaisir Gwendolyn et son ironie légendaire, à mille lieues des héroïnes si mièvres de la young adult classique. Elle apporte la fraicheur vive et moderne au roman, son sarcasme si caractéristique qui nous gratifie de belles répliques et perles légendaires. Mais parce que l'auteure sait aussi mettre de l'eau dans son vin et ne sombre jamais dans la parodie facile, elle ajoute tout de même la juste dose d'émotion dans son bain d'humour mordant habituel, et l'on se sent plus que jamais proche de cette héroïne qu'on suit maintenant depuis plusieurs tomes.

 Couvertures des éditions américaine, britannique, 
chinoise, et indonésienne.

  Sans compter qu'on a à peine le temps de reprendre notre souffle : nous voilà déjà embarqués dans une enfilade de rocambolesques aventures en costumes d'époque, leitmotive encore plus jouissif que dans les précédents volumes. Au rythme de ces allés et retours dans le temps, les différents événements (parfois même les plus anodins) survenus dans les deux autres tomes se relient et trouvent comme une concordance : pas de doute, ça sent la fin en grandes pompes! Kertstin Gier joue alors à merveille des codes de la chronologie et de la logique pourtant complexe entre les actions survenues dans le passé et leurs conséquences dans le présent. Tout ce qui arrive est-il vraiment déjà arrivé? Quelque soient les décisions que prendra Gwen pour échapper au Comte, le résultat sera-t-il le même, puisque le temps n'est qu'un éternel retour? Progressivement, une vraie tension s'instaure et le rythme s'accélère en même temps qu'on voit le nombre de pages restantes diminuer...

Le véritable Comte de St Germain.

  Les révélations de ce tomes tombent comme de véritables couperets : si certaines étaient plus ou moins prévisibles, d'autres sont réellement inattendues et donnent à cet ultime opus de la saga tout son parfum de Final avec un grand F! Alors que j'ai souvent été déçu des fins de nombreuses séries ou romans, je trouve que Kerstin Gier a vraiment mener sa barque avec talent d'un bout à l'autre, en se créant une mythologie propre et des codes jamais croisés dans d'autres séries. Le style comme la forme se sont affirmés et affinés, notamment dans les reconstitutions historiques et la restitutions des différentes époques. Bals, duels, costumes... On s'y croirait, on se régale, bref on dévore la fin magistrale de cette trilogie, "ovni" à plus d'un titre.
 
Un petit tour en Chronographe?

En bref : Humour tordant, émotions et révélations. Un ultime tome plein de surprises à la conclusion réussie et savamment orchestrée malgré la complexité narrative de ces incessants voyages temporels. Un final en apothéose qui ne nous fait regretter qu'une chose : Pourquoi c'est finiiiiiiiiiii? 

"Le Cercle du sang enfin accompli, La pierre des sages à jamais le lie. En habit de jeunesse, une force nouvelle donne au porteur du charme un pouvoir éternel. Mais la douzième étoile se lève, Le destin céleste s’achève. [...] La douzième étoile en allée, L’aigle atteint son but à jamais. Sache qu’une étoile d’amour s’éteint, En cherchant librement sa fin. »

(jamais, d'un bouquin apparemment tout juste potable trouvé dans une poubelle, je n'aurais cru devenir aussi accro, à la façon dont je pouvais l'être quand je lisais des roman à l'adolescence! Merci pour cette petite régression =P)

Et pour aller plus loin :

vendredi 24 avril 2015

Cendrillon - Un film de Kenneth Branagh pour les studios Disney



Cendrillon (Cinderella)
Un film de Kenneth Branagh pour les studios Disney,
d'après le conte de Perrault et le classique animé des studios Disney de 1950.

Avec : Lily James, Helena Bonham Carter, Cate Blanchett...


  Après la mort tragique de sa mère et pour l’amour de son père, Ella accueille bienveillamment sa nouvelle belle-mère, Lady Tremaine, et ses filles Anastasie et Javotte. Mais lorsque son paternel disparaît à son tour, la jeune fille se retrouve à la merci de sa nouvelle famille, jalouse et cruelle...

***

  Depuis son Alice in Wonderland par Burton en 2010 et la mode sur le retour des contes de fées, les studios Disney se sont glissés dans la brèche d'adapter en live-action les contes merveilleux classiques. Le problème de ce genre de filon est souvent que les premières réalisations débordent d'originalité avant que la mode soit revue à toutes les sauces et sombre dans la banalité. Tant va la cruche à l'eau qu'elle se casse, en sommes, et on pouvait tout craindre de ce Cinderella façon Disney. Certes, les visuels entrevus en previews étaient des plus jolis, mais rien ne semblait vraiment sortir de la version animée de 1950...
 
Du live action qui a comme un air de déjà vu....

  Je suis donc allé voir ce film en mode mi-figue, mi-raisin et j'en suis ressorti... mi-figue mi-raisin. Le presque-désastre était couru d'avance et largement annoncé par les premiers trailers : rien ou peu de choses dans ce film ne s'écarte du dessin-animé Disney original, qui sert davantage de source d'inspiration que les textes de Perrault ou Grimm. En s'adaptant eux-même, les studios ont peut-être cherché à répéter le succès de Maléfique, ce petit chef-d’œuvre qui détournait habilement le Sleeping Beauty animé de Disney. Ici, il n'y a ni angle, ni concept, ni complexité qui ajouteraient un quelconque philtre narratif original, et l'ensemble est un copié-collé -parfois à la scène près- du dessin-animé.

Du copié collé, on vous dit...

  L'histoire est par certains détails légèrement étoffée : le début s'attarde ainsi sur l'enfance de l'héroïne, du temps où sa mère était encore en vie. Cet ajout vise à expliquer le pourquoi d'une telle docilité de la jeune fille face à la cruauté de sa marâtre : entreprise intéressante si elle avait pu convaincre, mais comment donner foi à la version proposée par le scénario? Eh oui, si Cendrillon se laisse ainsi malmener, c'est qu'elle avait promis à sa maman d'être toujours biiiieeeen sage et biiieeeen gentille, quoi qu'on puisse lui faire! A mille lieue de l'émancipée et pourtant plus jeune et plus gracile Aurore de Maléfique, cette Cendrillon trop classique (je meurs d'envie de dire has been) ferait enrager toute féministe qui se respecte (Même la Blanche-Neige très rose-bonbon de Tarsem Singh, avec ses robes à froufrou et sa pop colorée, elle, elle se battait, non d'une pipe!) et nous donne envie de la sortir de sa douce léthargie à coup de gifles. On lui préfère mille fois la Cendrillon garçon manquée férue de lecture et de philosophie de A tout jamais, une héroïne digne de ce nom!
   Ce bémol pourrait presque passer si le film ne s'engluait pas dans un premier degré qui frôle le ridicule. J'en reviens au Blanche Neige de Tarsem Singh ; dans une esthétique de bonbonnière proche de ce Cendrillon, cette adaptation de Grimm avait le mérite de jouer le contre-pied de l'ambiance archie-sucrée grâce à une bonne dose d'humour qui tempérait cette atmosphère rococo et pâte de sucre. Car non, décidément, cette Cendrillon live-action qui cause "pour de vrai" à des souris (qui, d'ailleurs, ne lui répondent pas - enfin, un peu de crédibilité tout de même!) on n'adhère pas vraiment.

  Le seul aspect original vient dans le dernier tiers du film, lorsque Lady Trémaine, qui a démasqué Cendrillon, tente d'ourdir un complot à son encontre avec l'aide du grand duc : là, enfin, la pulpe décolle du fond et le film se pare soudain d'une dimension intéressante. Car vraiment, la seule à tirer son épingle du jeu dans tout ce magma de bons sentiments, c'est Cate Blanchet en Marâtre! Est-ce le concept de Maléfique et la mode transversale " du côté des Méchants" qui nous contamine? Peut-être, en tout cas, la prestation de l'actrice est tout en glace et en élégance : froide et digne, cette Lady Trémaine impeccable rappelle autant la Reine Elizabeth I déjà jouée par C.Blanchet que la sournoise Marquise de Merteuil des Liaisons dangereuses, qui jouait si bien de son apparence et de sa réputation de femme du Monde pour mieux tromper son monde...

   Car côté casting, même Helena Bonham Carter déçoit. Non que sa prestation soit ratée à proprement parler, mais elle ne donne pas à voir un jeu particulièrement marquant. Sa version doux-dingue aux allures pompettes de la bonne fée est amusante, mais l'actrice ne se surpasse pas. Le reste du casting est correct mais pas époustouflant non plus : le prince sort d'une publicité pour dentifrice et les deux sœurs, trop caricaturales, n'ont même pas un tiers du charisme de leurs homologues animés. Enfin, Lily James elle-même ne m'a pas totalement convaincu : là encore, sa performance est passable mais elle me semble déjà trop mûre pour être crédible en jeune fille innocente, et j'aurais préféré une actrice adolescente de l'âge réel de l'héroïne pour plus de fraîcheur et de candeur.

  Reste l'esthétique du film : même si les décors peuvent pâtir d'une surenchère de baroque rococo archi sucré à tuer un diabétique, il faut reconnaitre que l'ensemble laisse imaginer un travail gigantesque et en même temps minutieux en amont. La charte graphique, au croisement des XVIIIème et XIXème siècles européens, offre quelques jolies réussites, à la façon de la scène de bal, dont le visuel était volontairement inspiré du Guépard de Visconti. 

 Le Léopard vs Cendrillon

  Enfin, impossible de ne pas évoquer les costumes, dont on ne peut qu'admettre la magnificence : signées Sandy Powell, les tenues sont là aussi au carrefour des époques. Etrangement, celles de Cendrillon sont peut-être les moins audacieuses (les souliers de verre ont l'air d'énormes serre-livres en cristal de Baccara et la robe de bal est trop... "costume de carnaval achetée en disneystore".) mais le superbe costume très "Marie-Antoinette" d'Helena Bohnam Carter évoque la Bonne fée illustrée par E.Dulac, et la garde-robe de Lady Trémaine, inspirée des années 20 à 40 et des lignes Art-Déco, souligne merveilleusement bien le ton cassant du personnage.

Dessins préparatoires de S.Powel pour la confection des costumes.

  En bref: Cette Cendrillon, banale redite live du classique animé de 1950, peine donc à exister pour elle-même et reste une fable trop convenue au manque criant de l'anti-conformisme d'un Maléfique. Tout juste plaisante, cette production trop premier degré ne satisfera que les plus jeunes fillettes rêvant de princesses et, peut-être, les plus âgés qui voudront décortiquer chaque scène pour jouer aux "7 erreurs" avec le dessin-animé.

Et pour aller plus loin...

mercredi 22 avril 2015

Les secrets des Hauts Murs - Lulu Taylor.


The Snow Angel, Pan McMillan, 2014 - City éditions, 2014.

  Emily a tout pour être heureuse : une grande maison, deux beaux enfants et un mari attentionné. Jusqu’au jour où ils ont un grave accident de la route. Lorsqu’elle se réveille à l’hôpital après la tragédie, elle réalise qu’elle a tout perdu. Elle apprend aussi qu’elle vient d’hériter d’une maison à la campagne. Pour Emily, ce pourrait être la chance de recommencer sa vie à zéro. Mais qui est la femme qui lui a léguée cet héritage et pourquoi ? Quels secrets dissimulent les hauts murs de la propriété presque à l’abandon ? Des générations plus tôt, un étrange trio a vécu là : une jeune femme, un peintre et son épouse. Et un drame s’y est déroulé. Dans les méandres de l’histoire d’une famille, Emily va chercher à découvrir les secrets de son passé…
 
Trois femmes, deux générations. Une histoire d’amour et de secrets. 
 
***
 
  Une maison, une héroïne, plusieurs générations qui se mêlent autour d'un secret... des thèmes dont on sait qu'ils attisent ma curiosité! Alors quand je suis tombé par hasard sur cet ouvrage doublé d'une couverture pour le moins attrayante, je n'ai pu résister bien longtemps! Tout d'abord un petit retour sur l'histoire avant de vous dire mon avis...
 
 Couvertures de l'édition originale et de l'édition audio.
 
  Angleterre, de nos jours : Après un accident de voiture volontairement provoqué par un époux violent et suicidaire, Emily sort de l'hôpital pour apprendre que son mari, maintenant dans le coma, a dilapidé l'argent du couple. Alors qu'elle décide de repartir de zéro avec ses deux enfants, voilà que le hasard tourne en sa faveur : elle hérite soudain d'une ancienne demeure, Le cottage de Décembre. Léguée par une inconnue du nom de Catherine Few, cette maison aurait autrefois appartenu à la tante d'Emily, raison pour laquelle elle lui revient aujourd'hui. En allant vivre dans cette demeure perdue dans la région du Cumbria, elle pense donc redémarrer une vie nouvelle... Mais en arrivant sur place, elle ne tarde pas à découvrir de mystérieux tableaux et qu'un drame tenu secret se serait déroulé entre ces murs...
  Années 1950 : Cressida "Cressie" Fellbridge, jeune fille éprise d'idéaux féministes, tente d'échapper à l'autorité patriarcale. Pour faire bonne figure auprès de son père, elle accepte cependant de ce dernier d'aller poser pour un jeune peintre du nom de Ralph Few. Cressida fait alors connaissance de l'artiste et de sa mystérieuse femme, Catherine, et ne tarde pas à tomber amoureuse du portraitiste. Les sentiments de la jeune fille ne sont pas sans réciprocité, et ce malgré la charismatique Catherine et l'étrange emprise qu'elle semble avoir sur son époux... La relation secrète des deux amants prend alors une tournure étrange et dangereuse, marquée du sceau d'un terrible secret...

Le cottage de décembre, perdu dans le décor du Cumbria?

  Verdict? Vous l'aurez compris, beaucoup de choses alléchantes dans cette histoire dont l'intrigue a, à ma grande surprise, lentement lorgné du côté de ces "intrigues artistiques" que j'aime tant. Cet aspect a par ailleurs compensé des éléments moins heureux, notamment dans l'alternance des époques et l'inégale qualité de ces deux parts du récit. En effet, les immersions dans l'Angleterre des années 1950 étaient captivantes : le personnage de Cressida, jeune féministe enthousiaste désireuse d'émancipation, est une héroïne intéressante à plus d'un titre et se retrouve aspirée dans une relation amoureuse tortueuse et marquée de zones d'ombre qu'elle même peine à comprendre, ce qui nous tient en haleine avec une vraie délectation. Le couple Few m'a tour à tour amusé, intrigué, puis fasciné : le personnage dominateur et tout à la fois charismatique de la sombre et élégante Catherine, ainsi que la symbiose qu'elle semble former avec son époux dans la vie à la fois artistique et conjugale... Comme "lâchée" dans cet étrange univers, Cressida devient malgré elle l'héroïne dramatique  d'une relation vénéneuse aux allures de thriller hitchkockien...

L'étrange trio amoureux -quasi hitchockien- du roman : 
Ralph, l'envoutante Catherine, et la lumineuse Cressida...?

  Parallèlement, en revanche, l'histoire qui se déroule à notre époque est d'un ennui quasi-mortel, et les personnages frôlent par moment le ridicule de manquer ainsi de crédibilité. Emily, à mille lieues de Cressida, est une héroïne assez fade est les passages qui la mettent en scène s'engluent dans des intrigues secondaires annexes totalement inutiles et beaucoup trop tirées par les cheveux à mon goût (Oh, son frère et ses délires mystiques... ni fait ni à faire...). Sans compter que l'écriture, si elle est sommes toutes correcte, souffre parfois d'un ton très "féminin" si je puis dire, disons de ce style un peu trop dramatico-sentimento-romanesque façon collection Harlequin, *ahem*. Heureusement, les deux intrigues se relient progressivement pour nous faire oublier les aspect négatifs des passages "au présent" et mieux nous captiver de cette mystérieuse affaire survenue cinquante ans plus tôt, qui nous tient tout de même en haleine jusqu'au bout!

 Deux portraits de William Orpen, le peintre qui a inspiré l'auteure pour le personnage de Ralph.
... On pourrait presque croire aux portraits de Catherine et Cressida décrits dans le roman...

En bref : Un roman à l'écriture inégale qui souffre parfois de passages trop simplistes et peut-être trop "féminins", mais qui se lit sans déplaisir grâce au ton quasi-hitchkockien de son intrigue et à l'univers à la fois poétique, énigmatique et hypnotique de la peinture...

vendredi 17 avril 2015

Cendrillon - D'après C.Perrault, illustré par Marianne Barcilon.


Texte d'Anne Royer d'après C.Perrault, illustrations de Marianne Barcilon, éditions Lito, 2014.


   « Il était une fois un gentilhomme dont la femme mourut subitement, lui laissant une enfant déjà grande. Douce et gentille, cette enfant était également si belle que le soleil en pâlissait de jalousie dès qu'il l'apercevait. Son père se remaria rapidement, mais fit l'erreur de choisir une épouse ayant deux filles au coeur aussi sombre que celui de leur mère... » 



***

  On ne présente plus l'histoire : il s'agit bien là du célèbre conte de Perrault, que les éditions Lito parent d'un tout nouveau visuel et sous un élégant grand format : un ouvrage qui ne pouvait que figurer à la sélection cendrillonnesque. Le texte est celui de la version originale, légèrement revu par Anne Royer (qui a déjà adapté les textes de la collection "minicontes classiques") mais, surtout, mis en images par l'illustratrice Marianne Barcilon. Cette dessinatrice aux multiples talents (diplômée de l’École des beaux Arts, elle a notamment étudié le dessin-animé), a déjà signé de nombreux album chez Lito et l'Ecole des Loisirs.


  Il faut avouer que son coup de crayon fait toute la différence : loin de l'esthétique Disney, Marianne Barcilon revisite le conte de son style pétillant et moderne, un graphisme original car totalement inattendu pour cette histoire! En effet, proches de la BD humoristique, ses dessins ont quelque chose de gentillement caricatural, un style contrebalancé juste ce qu'il faut par une mise en couleur à l'aquarelle.


  L'utilisation de cette technique confère une vraie légèreté aux dessins et son association à la "patte" de l'illustratrice et à ses bouilles lutinesques en font un style original et unique : les personnages sont "croqués" avec drôlerie et finesse, qu'il s'agisse du visage mutin de Cendrillon ou même des mines patibulaires de ses affreuuuuses demi-sœurs! L'ensemble respire l'humour et la féérie, des images pétulantes d'une grande douceur qui enchanteront les enfants dévoreurs d'albums.


En bref : Un coup de crayon plein d'humour mais au style en même temps très élégant grâce à la légèreté de l'aquarelle. Une mise en images drôle et féérique de Cendrillon!


mardi 14 avril 2015

Les incorrigibles enfants de la famille Ashton, #1 : "Une étrange rencontre" - Maryrose Wood.

The incorrigible children of Ashton Place, book 1 : The Mysterious Howling, Harper Collins Publishers, 2010 -Editions ADA Inc. (trad. de N.Grenier) - Editions Flammarion, 2015.



  Pénélope Lumley obtient un poste de gouvernante au Domaine des Ashton et écope d’une mission très particulière. Elle découvre que les enfants dont elle a la charge ne sont pas ordinaires : il s’agit d’enfants trouvés dans la forêt, encore à moitié sauvages. Grâce à sa patience et à sa gentillesse, Pénélope les apprivoise et leur apprend à bien se comporter en société… Mais la vie paisible des trois enfants est bouleversée par un mystérieux individu. Pénélope mène l’enquête…



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   Voilà un roman qui me faisait de l’œil depuis sa sortie en VO! Aussi m'était-il impossible de résister lorsqu'il m'a été proposé en partenariat par les éditions Flammarion : l'occasion était trop belle de découvrir enfin ce petit bijou! 


  L'histoire prend place au milieu du XIXème siècle britannique : Penelope Lumley, jeune orpheline, sort tout juste de l'Académie Agatha Swanburne avec son diplôme de gouvernante en poche. Alors engagée à Ashton Place, là voilà missionnée d'éduquer non pas la progéniture du couple Ahston à proprement parler, mais les trois enfants sauvages que le maître de maison à trouvé sur son domaine, en pleine partie de chasse! Timide, sensible et discrète, Penelope est aussi téméraire et décidée et voilà qu'elle se lance avec conviction et affection dans l'éducation des trois enfants pour tenter de les socialiser. L'entreprise, ardue, semble tout en même temps indifférente à Lord Ashton et n'est pas vraiment du goût de sa jeune épouse, plutôt du genre pimbêche mondaine que mère attentionnée. Penelope doit donc développer toutes ces compétences pour enseigner aux enfants la difficile pratique d'être et paraître en société, ce qui n'est pas sans de burlesques mésaventures!


  J'ai pris énormément de plaisir à lire ce roman, qui s'écarte des thèmes exploités actuellement en littérature jeunesse pour lorgner plutôt du côté des références classiques. Impossible, en effet, de ne pas songer à Jane Eyre avec cette jeune héroïne gouvernante (et pour cause, l'auteure y fait une référence évidente en post-face!) faussement candide et aussi courageuse que discrète. Par le biais de Penelope, on s'attache comme elle aux trois enfants "sauvages" que l'on découvre progressivement, et dont on souhaite tout aussi secrètement découvrir l'origine. Ont-il réellement été élevés par des loups, comme le laissent à penser leurs hurlements et jappements? Ont-ils été enlevés à leurs parents ou abandonnés volontairement? Ont-il un lien direct avec le Manoir Ashton, et dans ce cas, quel secret semble les attirer ainsi vers le grenier...? Rapidement, un léger parfum de mystère s'installe et nous donne envie de poursuivre la saga pour en savoir plus!

 Ashton Place et Miss Penelope dans les allées du domaine?

  Avec ce premier tome de cette nouvelle série, Maryrose Wood joue à merveille des codes des classiques victoriens qui l'ont inspirée et écrit dans un style empreint juste ce qu'il faut de désuétude et  relevé de notes anachroniques piquantes et enjouées. Cet esprit vif et pétillant se marie à merveille avec les illustrations de Jon Klassen, dont les lignes naïves mais adorables m'ont rappelé quelque chose de Peynet ou des illustrations de littérature jeunesse des années 50.


"Si on pouvait facilement y résister, ça ne s'appellerait pas du gâteau au chocolat."
Proverbe de l'académie Agatha Swanburne.
  Le thème des "enfants sauvages" et des grands pédagogues qui se sont confronté à leur éducation m'a rappelé les bases historiques que j'avais étudiées en formation d'Educateur Spécialisé, mais aussi à mon métier actuellement : je n'ai pu m'empêcher de songer, avec humour et affection, à la joyeuse bande de petits "incorrigibles" que je fréquente moi aussi chaque nouveau jour de travail... (^^).

En bref: Empreint d'une charmante désuétude et d'un humour rafraîchissante, cet adorable roman jeunesse jouant des codes classiques victoriens est un régal.La fin, en suspens, nous donne envie de poursuivre l'aventure et il me tarde déjà de connaître la suite. Une série pas banale, drôle et prometteuse!


Un grand merci aux éditions Flammarion pour cette découverte!


Pour aller plus loin:

dimanche 12 avril 2015

Gourmandise littéraire : Les "pasties" (ou friands irréguliers et grumeleux) cuisinés par Lily à l'institut Fell.



  Dans Lily et le dragon d'argent, second tome de la saga Lily de Holly Webb, la petite héroïne et sa sœur Georgie sont envoyées de force à l'Institut Fell, un pensionnat pour enfants magiciens revêches où ils sont rééduqués pour entrer dans le moule de la normalité. Aussi, tout est bon pour leur faire renier leurs pouvoirs : chocolats drogués, potions aux effets hypnotiques, et... cours de pratiques ménagères! Leçons de jardinage, de couture et... de cuisine, autant de manières imaginées par Miss Merganser, l'austère directrice, pour dompter les jeunes sorciers. D'ailleurs, à peine arrivée que Lily doit se conformer à ce nouveau mode de vie : ni une ni deux, là voilà revêtue d'une blouse et d'un tablier puis envoyée avec ses camarades dans les gigantesques cuisines de l'Institut pour prendre sa première leçon culinaire, un pasty, friand traditionnel britannique.

"Les cuisines étaient basses et sombres, mais elles sentaient bon, et les domestiques qui y travaillaient n'étaient ni aussi effrayants que Miss Merganser, ni aussi vociférants que Mrs Fanshawe. Une femme marmonna tout de même que la magie ne valait rien, surtout si on essayait de cuisiner avec, mais il était propable qu'on lui ait ordonné de le dire à chaque cours, et qu'elle lançait cet avertissement pour le principe, tout en pétrissant la pâte. Personne n'y prêta grande attention.

  Les friands irréguliers et pleins de grumeaux qu'elles contribuèrent à confectionner furent servis au déjeuner."

Lily et le dragon d'argent (Lily #2), Holly Webb, Editions Flammarion, 2012, chapître 7.

Fillettes en plein cours de cuisine dans un orphelinat... 
Peut-être Lily et ses camarades de l'institut Fell?

  Grâce à quelques tuyaux transmis par la traductrice du roman elle-même, j'ai eu confirmation que ces "friands" étaient appelés dans le texte original des "pasties", célèbres pâtés en croûte de légumes et de viande de la cuisine britannique ancestrale. Traditionnellement formés en chaussons, ces pâtisseries salées seraient originaires de Cornouailles (d'où appellation courante de cornish pasties), où ces gourmandises bénéficient aujourd'hui du label AOP. Leur apparition daterait de l’Ère industrielle, à l'époque où ces pâtés étaient le pic-nique des mineurs : la pâte n'était pas mangée mais servait à maintenir la garniture chaude jusqu'à l'heure du repas, mais aussi pour que les ouvriers ne la salissent pas de leurs mains souillées du travail souterrain. Une fois ouverts et leur contenu dévoré, la pâte était d'ailleurs tout bonnement jetée! Heureusement, dans les maisonnées disposant de cuisines, ou même de nos jours, on dévore les pasties en entier! 
  Prêt à tenter l'expérience, comme Lily? Alors voici la recette traditionnelle :





Pour 10 Cornish Pasties :

-1kg de pâte brisée,
-2 rutabagas,
-3 petites pommes de terre (essayez la fantaisie en y mettant de la couleur : prenez des vitelottes!),
-2 oignons moyens,
-300 grammes de faux filet de boeuf,
-Sauce Worcestershire,
-Persil,
-Sel & poivre du moulin.
-Un jaune d’œuf dilué dans un peu d'eau.

A vos tabliers!

- Faire revenir les oignons émincés dans une sauteuse puis les réserver dans un récipient.
- Couper les rutabagas et les pommes de terre en petits cubes puis les passer quelques minutes à la sauteuse, pour les attendrir. Salez, poivrez, ajoutez 4 cuillères à soupe de sauce Wocestershire. Ajouter les oignons émincés puis le persil ciselé. Réservez le mélange.
- Détaillez la viande en petits dés et la faire revnir rapidement sur feu vif. Ajoutez là au mélange précédent, remuez le tout puis laissez refroidir.
- Étalez la pâte en dix cercles d'environ 20 cm de diamètre.
- Garnir chaque disque de pâte de quelques cuillères du mélange légumes/viande puis les refermer et les souder en forme de chaussons, en prenant soin de percer une cheminée.
- Une fois les chaussons formés, les badigeonner de jaune d'oeuf puis enfourner pendant trente minutes à 180°C.


  Une fois cuits, ces délicieux pasties sont à déguster chauds ou tièdes, pourquoi pas accompagnés d'une salade ou de crudités...