The chaperone
Un film de Michael Engler écrit par Julian Fellowes d'après Un été avec Louise (The chaperone) de Laura Moriarty.
Avec Elizabeth McGovern, Haley Lu Richardson, Victoria Hill, Géza Röhring, Blythe Danner, Campbell Scott, Miranda Otto...
Sortie américaine : 29 mars 2019
Avant de devenir la légende des années 1920, Louise Brooks a commencé
comme danseuse. A l'âge de quinze ans, elle est envoyée à New York pour
étudier la danse. Sa mère insiste pour qu'elle ait un chaperon. Tandis
que la première commence sa carrière artistique, la seconde retourne se
confronter à son passé...
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Il y a quelques semaines, nous avons partagé avec vous notre lecture du très fort Un été avec Louise (The chaperone en VO) de Laura Moriarty, qui raconte de façon romancée le périple new-yorkais de Cora Carlisle, mère de famille comme il faut, engagée comme chaperon pour la jeune et future star de cinéma Louise Brooks. Le roman, best-seller du New York Times dès sa sortie, a rapidement été repéré pour une éventuelle adaptation. Ce projet de transposition à l'écran, on le doit à l'actrice Elizabeth McGovern (inoubliable Cora Crawley, comtesse de Grantham, dans Downton Abbey) qui, tombée amoureuse du livre et du personnage principal, demanda en 2013 à Julian Fellowes (le célèbre créateur de Downton Abbey) d'en écrire le scénario. Il faut cependant attendre 2017 pour que le tournage débute, une fois trouvé le réalisateur approprié pour diriger le film ; sans surprise, c'est le cinéaste Michael Engler, comparse de Julian Fellowes (il a notamment réalisé plusieurs épisodes ainsi que le film de Downton Abbey – encore!), qui accepte de relever le défi.
Bande-annonce du film.
On ne pouvait donc envisager équipe plus prometteuse pour ce film. Elizabeth McGovern, également productrice, hérita comme prévu du rôle de Cora Carlisle (renommée Norma pour éviter toute confusion avec son personnage de Downton Abbey) qui lui tenait tant à cœur. Bien que vingt ans séparent l'interprète de son rôle (dans le roman, Cora a 36 ans, un âge déjà avancé et synonyme d'expérience il y a encore un siècle), Elizabeth McGovern sert une prestation convaincante de la mère de famille accomplie et mille fois plus crédible que ne l'aurait été une comédienne plus jeune. Face à elle, la juvénile Haley Lu Richardson campe Louise Brooks, un rôle on ne peut plus difficile en raison de l'aura iconique de la célèbre star. D'autant que si H.L.Richardson présente quelques similitudes physiques avec la véritable Loulou, elle livre surtout une prestation confondante de réalisme et son jeu d'actrice excelle dans toutes les nombreuses nuances du personnage. Les moues, la gestuelles, les œillades et les efforts chorégraphiques témoignent d'un travail conséquent au regard du jeune âge de la comédienne, qui confia s'être préparée de façon très intense en seulement trois semaines avant le début du tournage.
Haley Lu Richardson, bouleversante Louise Brooks.
Le scénario de Fellowes est une très belle adaptation du roman de Laura Moriarty. S'il choisit de raconter l'histoire par un long flash back (lequel démarre en 1942 après une scène d'introduction que tous les lecteurs du livre identifieront), il ouvre les événements de 1922 sur une scène réinventée pour l'occasion mais qui s'avère une excellente idée pour poser les bases de l'intrigue et les personnages : un spectacle de danse organisé à Wichita en l'honneur de la jeune Louise Brooks, qui vient d'être acceptée à l'école new-yorkaise de Denishawn. Ce passage imaginé par Fellowes est un judicieux stratagème pour amener en peu de temps tous les éléments nécessaires et atteste de ses talents incontestables de scénariste : sa façon de rejouer les scènes fortes du roman ou d'enchainer passages clefs et dialogues percutants témoignent d'un réel sens dramatique (dans le sens stylistique du terme). Il en va ainsi de la relation entre Louise et Norma : si l'adaptation conserve les nombreuses tensions qui l'habitent, Fellowes met en exergue les instants de complicité qui émergent ça et là au fil de l'histoire (le spectacle de Jazz et la promenade qui suit, la déchirante discussion lorsque Louise revient ivre d'un speakeasy, le dialogue à la veille de quitter New York ou encore celui, bouleversant, qui les réunit en 1942) afin de montrer comment ils influencent, au-delà de leurs nombreuses différences, le destin de ces deux femmes qu'on pourrait croire si opposées. Fellowes s'amuse à ce titre à enchaîner les confrontations entre les deux femmes (souvent relatives à des questions d'éthique ou de valeur morale) avec les passages montrant que Norma, jusqu'ici si inflexible, s'inspire finalement des stratégies peu recommandables de sa jeune protégée pour arriver à ses fins dans la quête de sa famille naturelle.
Fellowes prend donc peu de libertés avec le roman original. Cependant, parmi les ajouts intéressants (et loin de trahir le livre de Laura Moriarty), on citera les scènes de danse qui se tiennent à l'école de Denishawn. En plus de mettre en avant une symbiose totale entre le scénario et la mise en scène lorsqu'il s'agit d'offrir au spectateur des "pauses" esthétiques qui maintiennent l'émotion en suspens (la chorégraphie, simple mais tellement intense, qui suit la rencontre entre Norma et sa mère), ces passages offrent l'opportunité de découvrir davantage le couple véridique de Ruth Saint Denis et Ted Shawn, qui dirigeaient réellement l'école de Denishawn à cette époque. Les quelques dialogues qui les mettent en scène témoignent assurément de sérieuses recherches sur ce duo iconique de la danse moderne, bien au-delà des informations glissées dans le roman initial. La seule "trahison" que l'on peut reprocher à Julian Fellowes est, pour les besoins de son scénario, d'amener dès le début du film Norma à confier qu'elle a été adoptée petite, un aveu qui ne ressemble pas du tout à la psychologie du personnage et aux mœurs de l'époque.
Miranda Otto et Robert Fairchild campent le couple de danseurs St Denis-Shawn.
Michael Enlger filme cette histoire de façon très classique mais avec une authenticité qui nous rappelle à chaque plan Downton Abbey. Bien que les sujets soient différents, le contexte social, opposé, et que le décor n'ait rien à voir avec l'Angleterre, on est plongé dans le New York de 1922 avec ce même délice qu'on éprouve à suivre sa caméra dans le château de Highclere. A l'évidence, l'équipe Fellowes/Engler est un duo gagnant.
En bref : Le créateur et le réalisateur de Downton Abbey adaptent avec brio le roman de Laura Moriarty. Le scénario, porté par la "patte" inimitable de Julian Fellowes, rend un hommage juste au livre original et à l'iconique Louise Brooks. Le casting ne démérite pas non plus avec, en tête de file, une Elizabeth McGovern bouleversante et la jeune Haley Lu Richardson, qui campe avec talent les nombreux visages de la célèbre star. Un petit bijou encore inédit en France qui aurait pourtant mérité une sortie ou une diffusion dans l'hexagone...
Oh oh je note cette adaptation so "Downton"... :-)
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé l'interprétation de ce film. Par contre le dvd n'est pas évident à trouver...
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