Un hijo, La Galera, 2016 - Editions Le cherche midi (trad. de V.Capieu), 2020.
C'est l'histoire de Guille... C'est l'histoire d'un petit garçon
débordant d'imagination qui voue un amour sans bornes à Mary Poppins.
L'histoire d'un père un peu bougon, qui vit seul avec ce fils sensible
et rêveur dont il a du mal à accepter le caractère. D'une institutrice
qui s'inquiète confusément pour l'un de ses élèves qui vit un peu trop
dans ses rêves. D'une psychologue scolaire à qui on envoie un petit
garçon qui a l'air d'aller beaucoup trop bien. Quel mystère se cache
derrière cette apparence si tranquille, et pourtant si fragile ?
Un roman choral aussi tendre que bouleversant, qui emprunte à l'enfance toute sa sincérité désarmante pour dire l'amour, le vide, le rêve et la puissance de l'imaginaire.
Après Une mère et Tout sur mon chien, Alejandro Palomas nous surprend encore avec cette histoire qui peut faire penser à Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foer, tant elle est hors norme.
Un roman choral aussi tendre que bouleversant, qui emprunte à l'enfance toute sa sincérité désarmante pour dire l'amour, le vide, le rêve et la puissance de l'imaginaire.
Après Une mère et Tout sur mon chien, Alejandro Palomas nous surprend encore avec cette histoire qui peut faire penser à Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foer, tant elle est hors norme.
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Il y a des titres, aussi bien que des couvertures, qui vous convainquent immédiatement que vous serez séduit. Quand le synopsis est, qui plus est, aussi prometteur que le reste, cela met la barre plus haut encore : la lecture sera-t-elle à la hauteur?
"Nazia et moi on prenait notre goûter chez elle. Sa cuisine, elle est toute petite, elle n'a pas de fenêtres, et c'est aussi la salle à manger, le salon, et là où dorment ses parents, parce qu'ils ont un canapé qu'ils ouvrent le soir, avec le matelas et tout. Nazia ne me l'a jamais dit mais moi je crois qu'il est magique comme un tapis volant, parce que sûrement qu'au Pakistan des fois ils ont des tapis pour quand Aladin vient et d'autres fois ils ont des canapés pour se reposer."
Guillermo, surnommé Guille, est un enfant trop joyeux et trop secret à la fois. Lorsque son enseignante demande à la classe ce que souhaitent faire les élèves quand ils seront grands, après plusieurs footballeurs, danseuses et gagnants de The Voice, Guillermo répond à son tour : il veut être Mary Poppins. Pourquoi? Pour des tas d'excellentes raisons, des plus prosaïques aux plus profondes : elle vole, elle peut sortir des meubles gratis de son sac de voyage, ranger les chambres d'enfants en claquant des doigts... et puis surtout, elle est magique. Et ça, Guille en est sûr depuis que sa maman, hôtesse de l'air, l'a emmené voir la vraie Mary Poppins sur scène à Londres avant qu'elle ne parte pour plusieurs mois de travail à l'étranger et le laisse seul avec son père. Son père, c'est tout l'inverse de la maman de Guille : autant elle était lumineuse et mettait de la magie dans tout, autant Manuel est sombre et triste. Inquiète pour son élève qui se réfugie beaucoup trop dans son imaginaire, Sonia, l'enseignante, l'aiguille vers Maria, la psychologue scolaire. Le lecteur passe alors d'un personnage à l'autre, d'une voix à l'autre : Guille, sensible et vrai, Sonia, attentionnée et inquiète, Maria, humaine et perspicace, et Manuel, sanguin et taiseux. Peu à peu, cependant, le voile des apparences se lève.
"Les princesses, elles doivent toujours être à un endroit, sans bouger et sans parler, avec leur voile, comme ma maman à la caisse du magasin mais sans magasin, avec un mari qui est là tout le temps à te surveiller."
Alors, à la hauteur? Pour ce roman espagnol de Alejandro Palomas, qui s'est déjà fait connaître en France par deux de ces précédents écrits – Une mère et Tout sur mon chien – , c'est un grand OUI. L'auteur met en scène des personnages très ordinaires aux aspirations extraordinaires dans une histoire qui mêle avec subtilité le pouvoir de l'imaginaire et les aspérités de la vie. Guille est un enfant différent, particulier, (des termes qui veulent tout et rien dire, sur lesquels les personnages s'attardent d'ailleurs au début du roman, façon pertinente aussi de la part de l'auteur de mettre un coup de pied dans les prétendues normes) d'une grande sensibilité, à l'imagination débordante, qui voue un culte sans bornes à Mary Poppins et à son univers. Quelque soit la difficulté qu'il rencontre où les problèmes auxquels il se heurte, Mary Poppins et son Supercalifragilisticexpialidocious sont la réponse unique, la promesse d'un mieux. Comme souvent dans les cas d'enfants qui donnent l'impression de se réfugier dans un monde intérieur et se fient à leur pensée magique, Guille n'en est pas moins d'une perspicacité parfois sidérante, laquelle évoque une intelligence précoce et son lot d'autres difficultés.
"Elle me lisait des passages de Mary Poppins, pas celle du film, qui s'appelle Julie Andriouse parce qu'elle est anglaise comme maman, mais celle des livres, qui est différente mais pas pareille."
Si l'on voit poindre progressivement la révélation finale, on félicite l'auteur de réussir à nous surprendre où on ne l'attend pas forcément, notamment dans l'évolution des quelques intrigues secondaires, et dans le déroulement que suit son histoire. Si le sujet, les personnages, et le scénario sont bien pensés et d'une grande pertinence, l'écriture est le point culminant de ce sublime ouvrage : A.Palomas passe d'un narrateur à l'autre au rythme de plusieurs voix toutes restituées avec un égal réalisme, chaque personnage s'exprimant dans le style propre à son caractère. La plume de l'auteur, d'une grande subtilité, (et celle de la traductrice, confrontée à la même difficulté de rendre compte de la même pluralité de voix et de personnalités) parvient ainsi à saisir ce qui fait l'essence de chacun, en particulier la flamme spontanée, vivante et quasi magique de l'enfance, aussi bien que la mélancolie et la rudesse du père, le tout en échappant à tout cliché.
"— Papa dit que c'est une conseillère d'orientation.
— Ah.
— Oui.
— Peut-être que c'est parce qu'elle vient d'Orient, comme les Rois mages, a dit Nazia (...).
— Non, on dit "conseillère d'orientation" parce que... parce que devant sa fenêtre il y a une girouette noire en forme de coq, j'ai expliqué, et que quand tu t'assois sur la chaise la girouette tourne vers l'est, qui est l'orient d'après le monsieur de la météo du soir."
Il serait criminel d'en dire trop sur ce roman particulièrement vibrant afin de ne pas gâcher le plaisir de la découverte, mais ce qu'on peut dire, en revanche, c'est qu'Alejandro Palomas remet en perspective notre regard sur le monde des enfants et sur celui des adultes comme peu d'auteurs l'ont fait avant lui, le tout en rappelant qu'aller se réfugier dans son imagination, ce n'est pas forcément fuir la réalité, c'est parfois aller chercher les clefs d'une résilience. On attend avec impatience Un secreto, du même auteur, encore non traduit, qui s'attache à suivre un autre personnage de la même histoire.
"Les films préférés de maman c'est les films où on chante tout le temps, surtout ceux avec des femmes blondes. Il y en a beaucoup qu'elle aime mais celui qu'elle préfère c'est La mélodie du bonheur, qui est avec Mary Poppins déguisée en bonne sœur ; là aussi elle s'appelle Marie mais les enfants de la famille Trapp ne savent pas que c'est elle parce que comme ils sont autrichiens, alors évidemment..."
En bref : Un petit bijou de finesse et de justesse, un roman qui touche profondément. L'auteur dresse des personnages fouillés, des voix vibrantes d'émotion et de sincérité ; il met en relief tout ce qui fait à la fois la complexité et la simplicité de l'enfance : son honnêteté, son imagination et son intelligence. Une grande œuvre... supercalifragilisticexpialidocious!
Un grand merci aux éditions le cherche midi et à NetGalley pour cette lecture!