vendredi 13 juin 2014

La Maison du Magicien - Mary Hooper

At the house of the Magician (#1), Bloomsbury Publishing, 2007 - Éditions Gallimard Jeunesse, trad. de Bee Formentelli, 2009 - Éditions Folio Junior, 2011, 2013.

  En Angleterre, à l'époque d'Elizabeth Ire, Lucy, une jeune gantière, rêve de trouver une place dans une maison de l'aristocratie et de pouvoir échapper ainsi à la tyrannie de son père. Voici que par un mystérieux tour du Destin, elle est engagée chez le Dr Dee, magicien et conseiller personnel de Sa Majesté. Intriguée par l'étrange métier qu'exerce son maître, Lucy ne résiste pas à l'envie de satisfaire sa curiosité. Elle se retrouve alors dépositaire d'un terrible secret. Il en va de la vie de la reine... 

  Distillant savamment la magie et le danger, Mary Hooper signe un roman particulièrement prenant, à l'atmosphère envoûtante, ancré dans une période historique à la fois troublante et passionnante


***

Portrait du véritable Dr Dee (artiste inconnu).

  Parce que je traverse actuellement une petite crise "Elizabethan Era", j'ai éprouvé le besoin il y a quelques temps de m'offrir un petit saut dans le temps télévisuel. Intérêt né suite à ma lecture de l'Ecole de La nuit de D.Harkness, ma curiosité pour l'Histoire royale du XVIème anglais m'a amené à égrainer les divers films et séries s'y rapportant, pour mieux me délecter de leur ambiance. Après avoir visionné The Virgin Queen, le biopic de la BBC sur Elizabeth I (tourné simultanément à l'excellente version d'HBO avec Helen Mirren), j'ai voulu poursuivre ma plongée à la cour d'Angleterre elizabethaine. Et quel roman s'y prêtait mieux qu'un ouvrage de l'excellente Mary Hooper (auteure de fictions historiques pour la jeunesse, dont les quasi-irréprochables Waterloo Necropolis et Velvet), qui m'avait été si chaudement recommandée par Pouchky/FicelleForever? Ce premier tome d'une trilogie dégotée à 5 centimes l'unité en bourse aux livres était tout indiqué, non? =D

 Une fête dans le milieu paysan de l'Ere elizabethaine... à la façon d'une des multiples scènes de marché du roman de M.Hooper.
(Marriage Fete at Berdmonsey, J.Hoefnagel, 1569)

  Si ses autres ouvrages parus en France aux Éditions des Grandes Personnes m'avaient habitué à l'époque Victorienne, ce roman m'a entrainé avec une égale qualité dans le XVIème anglais. Nous démarrons l'histoire dans le milieu modeste des artisans : Lucy, seize ans, fuit la maison familiale pour échapper à son ivrogne de père. En chemin, le hasard l'amène jusqu'au hameau de Mortlake, où elle sauve deux fillettes de la noyade ; les raccompagnant chez elles, elle découvre qu'elles sont ni plus ni moins que les filles du Doctor Dee, le célèbre alchimiste, magicien, devin et nécromancien de la Reine Elizabeth d'Angleterre! Ce titre ne lui rend pas la vie plus aisée car son épouse, à la santé fragile, est constamment alitée, d'autant plus qu'elle vient de mettre au monde un troisième enfant. Or, la maisonnée perdue en pleine campagne n'a qu'une seule domestique pour s'occuper de tout : Mrs Midge, cuisinière haute en couleurs qui ne serait pas contre un peu d'aide. Qu'à cela ne tienne, voilà Lucy engagée comme bonne d'enfants! Ainsi introduite dans la demeure du magicien le plus célèbre du pays, elle assiste aux visites des nobles qui viennent se faire tirer les cartes ou communiquer avec les défunts. Mais bien vite, la jeune fille découvre qu'il y a anguille sous roche car on lui demande bientôt de participer à une séance de spiritisme et de se faire passer pour un esprit! Le Docteur Dee serait-il un charlatan? Parallèlement, Lucy fait des rêves de plus en plus étranges, où la vie de leur glorieuse souveraine est menacée... la jeune fille aurait-elle le don de double-vue? Et si la reine est en danger, peut-elle la sauver?

Peinture représentant une visite d'Elizabeth I et de sa Cour chez le Dr Dee pour une séance d'alchimie.

  Ecrit en 2007 et arrivé de ce côté-ci de la Manche deux ans plus tard, La Maison du Magicien est de ces grandes sagas qui, à la façon des œuvres de Celia Rees (Journal d'une Sorcière) ou de la Française Annie Pietri (Les orangers de Versailles), font la part belle à l'Histoire et la place à hauteur du jeune lecteur en l'utilisant comme tremplin romanesque. Une fois encore, cet exercice est accompli avec talent et Mary Hooper sait trouver le juste milieu entre les éléments propre à la fiction et ceux qui témoignent de recherches et études intenses de son sujet. Le cadre historique est maîtrisé : le vocabulaire d'époque (expliqué dans un glossaire pour les terme les plus complexes), les termes de mode et de vêtures, les coutumes sociales ou, mieux encore, les habitudes alimentaires et plats de la Renaissance anglaise, tout, absolument tout, concourt à restituer avec minutie le siècle Elizabethain sans tomber dans la leçon d'Histoire Barbante.

 Derniers vestiges de la maison du Dr Dee, en lieu et place de laquelle se trouve aujourd'hui un pub (à gauche);
Vestiges du cimetière de Mortlake (à droite).
  
  L'intrigue, si elle reste simple (mais rappelons-le, nous sommes dans un roman jeunesse), n'en est pas moins fort bien rédigée et palpitante, ne serait-ce que par l'approche intimiste de cet intriguant personnage qu'était le Docteur Dee. Grâce au personnage de Lucy, dans lequel peut s'identifier le lecteur, on entre dans l'univers privé de cet homme mystérieux et on fouille les squelettes cachés dans ses placards... Côtés orientations et rebondissements de l'histoire, il est amusant de retrouver certains thèmes et événements avant-coureurs des romans à venir de l'auteure (le commerce funéraires et les pleureuses, ou encore le spiritisme de supercherie, qui annoncent respectivement Waterloo Necropolis et Velvet). Le seul reproche que j'aurais à faire est que la fin, un peu abrupte, laisse l'impression que ce roman est davantage une "introduction" à la suite des aventures de Lucy, mais l'effet de suspense a le mérite de faire mouche et on tarde à se plonger dans le tome 2!

 Gravure représentant le Dr Dee et son assistant invoquant un esprit défunt dans le cimetière de Mortlake (à gauche);
Une gravure d'époque du hameau de Mortlake (à droite).

  En bref: Un roman historique palpitant qui nous plonge avec réussite dans l'Angleterre Elizabethaine. Évitant de tomber dans la leçon d'Histoire barbante ou, au contraire, une évocation trop simpliste de l'Histoire britannique, Mary Hooper montre une fois de plus qu'elle maîtrise son sujet et sa façon de le mettre à disposition du jeune lecteur. Passionnant.




Pour aller plus loin:


-Si vous avez aimé ce livre...

  -Poursuivez la saga avec le tome 2 (mon avis ICI) et le tome 3 (Chroniqué ICI) de cette trépidante trilogie élisabéthaine:

  -Découvrez d'autres romans historiques jeunesse de Mary Hooper: Velvet ou encore Waterloo Necropolis.



  -Visitez le site officiel de l'auteure ICI.

5 commentaires:

  1. Ce n'est pas moi qui te reprocherais ta petite crise "Elizabethan Era". J'aime beaucoup cette période historique aussi :D (toute la période Tudor en fait, mais il faut avouer qu'Elizabeth Ire fut une souveraine absolument fascinante!). J'ai adoré "The Virgin Queen" (la BBC fait vraiment des period drama fantastiques... mais est-il encore nécessaire de le préciser depuis le temps? ^^). Je possède également la version avec Helen Mirren que je n'ai, en revanche, pas encore visionnée. Il faudra que j'y remédie!
    "La Maison du Magicien" fait partie de ma pile de livres sur la période élisabéthaine; et après lecture de ton avis, je pense que c'est une histoire qui va me plaire! :) En plus, ce sera l'occasion pour moi de découvrir Mary Hooper (et autant dire que vu mon amour pour l'époque Victorienne et depuis le temps que je lis des critiques dithyrambiques sur tous ses romans, j'ai presque honte de n'avoir encore rien lu d'elle ^^" )

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    1. Comme je te comprends, je suis moi-même un fan des programmes de la bbc ou de toute fiction télévisée british qui se respecte! =D En parlant de romans se déroulant à l'époque elisabethaine, j'ai vu que tu avais lu "le cercle des confidentes", qui me fait irrésistiblement de l'oeil depuis sa parution! Il faut absolument que je lise ton billet pour voir si je peux me laisser tenter sans crainte =P. Sinon, côté téléfilm sur Elizabeth I, je te conseille vraiment la version avec Helen Mirren, que je place en première position face à la version de la BBC et aux films avec Cate Blanchett. Helen Mirren exprime le tempérament de feu de cette reine avec une humanité et à la fois une poigne qui force l'admiration et ferait presque tirer les larmes dans les passages les plus forts. Elle joue cette Reine comme elle jouerait du Shakespeare, avec toute l'intensité d'une grande comédienne dramatique, vraiment, elle est juste prodigieuse dans ce rôle! ;)

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    2. Je t'ai déjà répondu sur mon blog mais je réitère mes propos (histoire d'enfoncer le clou =p), tu dois vraiment lire le "Cercle des confidentes"! Le contexte de l'époque élisabéthaine y est très bien restitué. L'auteure est une passionnée de cette période et ça se sent! (Et t'as vu tous les points d'exclamation que je mets pour insister ^^!)
      Ta remarque sur le téléfilm avec Helen Mirren et la manière dont tu évoques le jeu de l'actrice me donne plus que jamais envie de voir cette version. Je vais m'y plonger sans tarder! =D

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    3. Bravo! Tu as fini par me convaincre! =D Bon, pour m'offrir le plaisir de la lecture à moindre coût, j'ai opté pour la version numérique, un peu moins onéreuse que le format papier. L'été approche, et donc les vacances et peut-être les voyages, cela sera l'occasion de sortir la liseuse dans le train! =D J'attends ton avis sur le téléfilm avec Helen Mirren avec impatience, tiens moi au courant ;)

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  2. Ce livre est destiné à un lectorat plus jeune que celui de Velvet, Waterloo Necropolis, et la Messagère de l'au-delà. Et oui, c'est le commencement d'une série et l'épisode se termine sur une suite à venir. Mais c'est une lecture de qualité et je plussoie ton article.

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