mercredi 30 août 2017

Petits secrets des ducs de Lorraine au XVIIIème siècle - Pascale Debert

Gérard Luis éditeur, 2016


« Le vrai bonheur consiste à faire des heureux ». Cette maxime écrite par le roy de Pologne illustre bien l’esprit qui règne au XVIIIe siècle à la cour de Lorraine. Léopold et Stanislas, derniers ducs régnants, profitent de cette période de paix pour embellir leur duché et agrémenter la vie de leurs courtisans ! Anecdotes, libertinage, curiosités historiques, de Voltaire à Diane de Beauvau-Craon en passant par Adélaïde et Victoire de France, ce petit livre renferme plus de 100 articles illustrés permettant de découvrir, de manière décalée, Nancy et Lunéville, cités rayonnant à travers toute l’Europe, mais aussi des endroits lorrains moins connus, tous certifiés 100% XVIIIe siècle !

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  Originaire de l'Est de la France, Pascale Debert a été directrice artistique à Paris avant de venir s'installer en Lorraine pour y devenir graphiste en freelance. Egalement illustratrice et photographe, elle se passionne pour la mode rétro et ... le XVIIIème siècle! XVIIIème siècle marqué sur sa terre natale par la cour de Lorraine et ses deux rois successifs : Leopold et Stanislas...

 Place Stanislas, Nancy.

  Et il faut avouer que la cour de Lorraine vaut bien celle de Versailles. Ne l'appelait-on d'ailleurs pas le "Versailles Lorrain"? De nombreuses personnalités de l'époque y ont fait des passages remarqués -Voltaire et Emilie du Châtelet en tête-, faisant de cette cour l'une des plus prisée de l'Europe, centre d'activités culturelles, artistiques et littéraires d'importance. Mais parce que la grande Histoire se raconte mieux que jamais avec ses petits détails, Pascale Debert consacre depuis quelques années le blog Histoire galantes à toutes les délicieuses et drôlatiques petites anecdotes concernant les figures et lieux historiques du duché de Lorraine. Le présent livre est une compilation des articles publiés, un florilège de curiosités érudites qui témoigne d'un travail de recherche des plus conséquents, admirable : un travail qui méritait bien une publication. Devenue une référence en la matière, Pascale Debert a par ailleurs participé au cycle d'expositions Emilie(s) (dont je parle ici), consacré à la Marquise du Châtelet à Lunéville.

 Le blog très original de Pascale Debert, savoureux!

  Ainsi, on croisera dans ce pétulant florilège de notes historiques Voltaire,  Emiliedu Châtelet, le bon Roy Stanislas, ou encore l'épistolière Mme de Graffigny. On voyagera au château de Commercy, au palais des Lumières de Lunéville, ou encore dans les Rues de Nancy. On prendra un carrosse à trois roues inventé par Stanislas, on apprendra d'où vient l'expression "monter sur ses grands chevaux", et on goutera aux délices du cannaméliste Gilliers et aux autres douceurs de Lorraine. Le tout est servi dans une prose qui joue avec les références et les jeux de mots anachroniques, parfait clin d’œil aux jeux de langage chers au XVIIIème siècle.

En bref : Un recueil d'anecdotes, instants choisis, et répliques qui nous racontent les petites histoires de la Grande Histoire. Entre personnalités, Arts, Littérature, froufrou et polissons, un petit ouvrage documentaire érudit et savoureux à la fois. Un régal!

 Une chronique motivée par le cycle d'expositions "Emilie(s)".

samedi 26 août 2017

Gourmandise Littéraire : Salade Russe version 1920's (Pique-nique aux jardins de Melbourne avec Miss Fisher)


  Dans la série des Folles enquêtes de Phryne Fisher (connue aussi sous le nom de Miss Fisher enquête!), l'auteure Kerry Greenwood nous plonge dans le Melbourne criminel des années 1920. Pour offrir au lecteur une immersion totale, elle n'hésite pas à glisser de nombreux détails sur la gastronomie phare de l'époque, et parfois dans des décors clefs du patrimoine melbournais. C'est le cas dans Cocaïne et tralala (Cocaïne blues), le premier tome de la série : Récemment revenue en terre australienne et déjà plongée dans une enquête, Phryne Fisher embarque sa femme de chambre Dot et ses deux hommes de mains, Bert et Cec, aux Jardins de thé, situés dans les gigantesques et superbes jardins botaniques de Melbourne, pour un pique-nique.
  Le pique-nique, qui signifie étymologiquement "picorer des petites choses", est une pratique qui remonte à l'Antiquité mais qui connait son apogée à la fin du XIXème siècle : l'ère industrielle voit naitre de gigantesques villes et l'on veut fuir le cadre urbain maintenant très bruyant. Le déjeuner sur l'herbe est dès lors une habitude célébrée par la littérature et l'art, au point de devenir une mode très tendance dès les années 20. C'est ce pique-nique qui connait aujourd'hui un véritable regain d'intérêt : des repas entre improvisation et sophistication, du grignotage chic dans des cadre bucoliques.  

 Les jardins botaniques de Melbourne.

 " Sur l'autre rive, les jardins des maraîchers s'étendaient à perte de vue. Dot aperçut au milieu des étendues de choux et de brocolis les chapeaux de paille plats des travailleurs chinois.
- Oh, on va aux jardins de thé! s'exclama Dot. (...)
  Le plan de ces jardins avait été minutieusement conçu, et l'on avait exploité le sol fertile des berges en plantant des massifs de plantes exotiques qui ajoutaient à l'agrément des acacias et des bosquets de caoutchoucs embaumant un parfum citronné. (...)
  Bert et Cec soulevèrent le panier, Dot rassembla le plaid et les sacs. Ce ne fut qu'une fois installés, dans un confort relatif, devant des assiettes garnies de faisan, de jambon et de salade russe que Phryne aborda le sujet.
- J'ai besoin de votre aide, messieurs, et vous avez besoin de la mienne. Encore un peu de salade?
  Bert, pour qui la salade russe était une nouveauté qu'il aurait volontiers adoptée, accepta d'un hochement de tête."


Cocaïne et tralala, K.Greenwood, chapitre 10, éditions 10/18, 2006.



  La salade russe est une salade composée de dés de différents légumes cuits à l'eau et consommés froids. Egalement appelée "salade Olivier", elle est inventée en 1860 par Lucien Olivier, chef cuisinier belge du célèbre restaurant l'ermitage à Moscou. Très vite, ce plat remporte un succès inimaginable, de par sa présentation et sa sauce inimitable, sorte de mayonnaise améliorée. Longtemps copiée, jamais égalée (même par son assistant Ivan Ivanov qui tenta de faire son succès avec une version plagiée de la recette mais sans réussir à la restituer totalement), la salade russe a depuis traversé les époques et les pays pour à chaque fois connaître quelques modifications. Elle s'est peu à peu simplifiée pour devenir un plat facile et peu onéreux qui correspondait aux besoins et surtout aux denrées disponibles au sortir de la Révolution Russe de 1917 et sa pénurie alimentaire.
  Afin de restituer une version qui se situe au croisement des différentes adaptations de la recette et surtout la plus proche possible de celle préparée pour le pique-nique de Phryne, je vous propose l'interprétation suivante, directement inspirée d'un livre de cuisine de 1930 :

Ingrédients pour 4 personnes:

- 5 carottes moyennes,
- 3 petits navets,
- 3 pommes de terres moyennes à grosses,
- une petite boite de petits pois,
- une betterave déjà cuite,
- 2 œufs ,
- 3 cuillères à soupe d'huile d'olive,
- 3 cuillères à soupe de vinaigre balsamique,
- sel, poivre,
- mayonnaise maison ou du commerce.


A vos tabliers!

- Eplucher et laver les carottes et les navets, les détailler en petits cubes de taille équivalente. Les plonger dans une casserole d'eau bouillante salée et laisser cuire 15 minutes (ils doivent rester légèrement croquants). Egoutter et rincez, réserver.
- Eplucher les pommes de terre, les laver et les faire cuire dans l'eau bouillante puis les détailler en dés de la même taille que les précédents légumes.
- Couper la betterave de la même manière puis la mettre de côté, égoutter les petits pois.
-Mélanger dans un saladier ou plat creux les cubes de carottes, navets et pommes de terre, ainsi que les petits pois. Ajouter l'huile, le vinaigre, saler, poivrer et bien remuer.
- Faire cuire les oeufs dans l'eau bouillante salée une dizaine de minutes, les écaler et les couper en quartiers.
- Parsemer le dessus de la salade de cubes de betteraves puis disposer les quartiers d’œufs en étoile.
- Servir bien frais accompagné de mayonnaise.



  Il ne vous reste plus qu'à charger le coffre de l'Hispani-Suiza de votre plus belle vaisselle, de couvertures confortables, et d'aller vous installer dans un joli décor naturel pour le plus cosy des pique-niques.

mardi 22 août 2017

Meurtre dans le boudoir (Voltaire mène l'enquête #2) - Frédéric Lenormand

Editions J.C.Lattès, Editions France Loisirs, 2012 - Editions du Masque, 2013 - Editions Le livre de Poche, 2014

  Alors qu’il est sur le point de faire paraître ses Lettres philosophiques anglaises, écrit subversif qu’il nie avoir écrit, Voltaire s’empêtre à nouveau dans des crimes qu’il n’a pas commis. Un assassin s’en prend à des hommes d’importance, de préférence en aimable compagnie, et les élimine suivant des mises en scène inspirées d’ouvrages licencieux. Soucieux d’amadouer le lieutenant de police Hérault, voici Voltaire contraint de hanter les maisons de passe, les librairies clandestines et les bureaux de la censure sur les traces d’un illuminé qui qui semble s’être pris de haine pour les libertins. L’aide du bon abbé Linant et de la brillante Émilie du Châtelet ne sera pas de trop pour tenter de garder en vie l’esprit le plus pétulant de son siècle.

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"Nous avons plus de chance de voir la Sainte Vierge réciter la bulle Ugenitus entre les colonnes de Saint-Gervais en face que d'entendre la police annoncer une bonne nouvelle. La Sainte Vierge ne s'étant pas manifestée de l'autre côté des carreaux, mieux valait se préparer à recevoir le diable."

  Inspiré par la récente exposition Emilie(s) sur l'Art de vivre au XVIIIème et la fantastique Emilie du Châtelet (évoquée ici), j'ai repris la lecture de la truculente série Voltaire mène l'enquête par F.Lenormand. Dans ce second tome, on retrouve le philosophe toujours aussi peu apprécié des forces de l'ordre à la veille de publier ses Lettres Philosophiques, dont il dément pourtant fermement être l'auteur (il faut dire que ledit ouvrage pourrait l'envoyer directement à la Bastille). Puis voilà qu'on retrouve, dans les maisons closes et même dans les Grandes Maisons, des gens qu'on croyait respectables assassinés dans des mises en scène mêlant libertinage et orientalisme. Il s'avère rapidement que tous ces crimes sont inspirés d'un recueil de contes érotiques imprimé clandestinement et qui fait grand bruit dans les ruelles sombres et sous les alcôves réservées au plaisir charnel. Comment s'intitule-t-il, ce bouquin, déjà? Le tapis d'Orient? Le buffet de Bizance? Ah, oui, voilà : Le tabouret de Bassora! Les forces de police s'efforcent de retrouver l'auteur du roman licencieux et le lieutenant Hérault a choisi le coupable idéal en la personne de Voltaire. A moins que ce dernier ne trouve le véritable assassin. Qu'à cela ne tienne, voilà notre grand philosophe mangeur de lentilles et malade imaginaire qui embarque sa maîtresse de scientifique la Marquise du Châtelet et son secrétaire l'abbé Linant dans l'affaire. Mais pour s'infiltrer dans le milieu du libertinage, il ne faut pas hésiter travailler "sous couverture" et mettre sa réputation en danger en faisant tomber la chemise.

"Vous, un philosophe, un homme cultivé, vous devez bien connaître tous les tordus et les obsédés de Paris..."


"Quand il était désespéré, Voltaire allait prendre son café chez Madame du Châtelet. Elle avait fait préparer de la chicorée. Il fit la moue.
- La chicorée, c'est amer, le thé, c'est fade, et le chocolat me dérange l'intestin. Ce ne sont pas des boissons pour les philosophes.
Elle promit de lui procurer de la ciguë à sa prochaine visite."

  On retrouve avec plaisir le siècle des Lumières facétieux de Frédéric Lenormand, au croisement de faits historiques et hystériques. Tout en choisissant un contexte des plus véridiques construit sur des bases bien réelles, l'auteur brode une intrigue policière qui brille de l'esprit subtile des Lumières et de leurs mots d'esprit. Après avoir imaginé un whodunit à la française dans le premier opus, F.Lenormand nous entraine ici dans l'univers du Libertinage, aussi représentatif du XVIIIème siècle que sa philosophie.

"Il sentait qu'il lui était attaché comme jamais, peut-être parce que cette femme-là ne ressemblait à nulle autre."

Voltaire et Emilie du Châtelet, personnages historiques et héros de fiction.

"Il jaugea le buisson de roses campé à coté de lui.
- Changez vous donc! Dès que l'on voit paraître un pompon, on sait que vous êtes dans les parages. Qu'avez-vous besoin de vous arranger de la sorte? Vous êtes mathématicienne, physicienne, astronome, que voulez-vous être de plus?
- Une femme, répondit la marquise."

  Mais cette fois encore plus que dans le premier tome, l'intrigue policière passerait presque au second plan. Il faut admettre qu'elle est ici de plus en plus complexe au fur et à mesure qu'on progresse dans la lecture, au point de s'y égarer soi-même. On perd d'autant plus le fil que l'enquête est régulièrement entrecoupée de passages humoristiques, portés par le cocasse des situations que vivent nos héros en frayant avec les coquins et les dévoyés. Le plus drôle étant qu'on ne s'en plaint même pas : on délaisse volontiers l'affaire criminelle pour s'offrir deux ou trois fou-rires (si ce n'est plutôt quinze ou seize). Et pour le reste, on reprendra la chasse au meurtrier plus tard!

"On perdait des tas choses, dans ces petites soirées : ses vêtements, sa pudeur, sa vertu, sa réputation, et éventuellement, la vie."

  On sent effectivement que l'auteur s'amuse comme un fou avec ses personnages. Parmi les scènes les plus croustillantes, on retiendra celle où Voltaire et Emilie s'infiltrent en tenue d'Adam et d'Eve à un repas chic mais non moins nudiste, ainsi qu'une course poursuite en vinaigrettes (ces petites chaises à porteur affublées de roues, ancêtres du taxi dans le Paris de l'époque) qui parodie avec audace la course de chars de Ben-Hur! Et n'oublions pas le dialogue de Voltaire s'entretenant avec un groupe d'admirateurs britanniques dans un franglais absolument tordant.

"Pour honorer ses visiteurs, il s'adressa à eux dans ce qu'il estimait être leur langue. 
-Please, frogive my accoutrement and the bric à brac of my décor. It is so kind of to visit me in my cul-de-sac. If I had known you were coming I would have changed chemise and bonnet instead of receiving you in my déshabillé."


  Enfin, applaudissons le style : parodique jusqu'au bout, l'écriture pastiche sans aucune limite le phrasé précieux et nous sert de la périphrase à l'excès. Cette plume volontairement ampoulée ajoute encore un peu plus au burlesque des situations tout en témoignant d'une maîtrise poussée de la langue.Quand la légèreté de l'histoire s'accompagne de jeux de mots et de tournures intelligentes pour parler de grivoiseries, on ne peut qu'applaudir l'ensemble pour être à la fois aussi érudit et hilarant.

Un repas chez les libertins...


"Quand la révolte gronde, la règle est de commencer par pendre les bouffons, ils déconsidèrent le pouvoir avec une arme imparable : le ridicule."

En bref : Humour érotique et polarisant au siècle des lumières, une enquête menée avec gouaille et élégance du verbe. Malgré l'intrigue policière un peu trop cortiquée, on s'attache avec joie aux personnages et aux dialogues absolument savoureux.

 Une lecture motivée par le cycle Emilie(s)


Et pour aller plus loin:

dimanche 20 août 2017

Phryne et les anarchistes (Les folles enquêtes de Phryne Fisher #4) - Kerry Greenwood

Death at Victoria dock (Phryne Fisher #4), Poisoned Pen Press, 1992 - Editions 10/18 , éditions De La Loupe, (trad. de P.Haas), 2007.

  Lorsqu’un soir de pluie sur les docks de Melbourne, un beau jeune homme blond meurt dans ses bras, l’intrépide détective Phryne Fisher ne peut se résoudre à laisser cette affaire aux mains de la police locale, un peu trop nonchalante à son goût. Pour tout indice, un tatouage du symbole anarchiste et le nom d’une ville lointaine : Riga. Il n’en faut pas plus à la téméraire jeune femme pour plonger, arme au poing, dans l’univers opaque et violent des anarchistes russes qui, pendant ces tumultueuses années vingt, font la Révolution en plein coeur du continent australien ! Toujours élégante et toujours survoltée, aussi à l’aise dans les salons mondains que dans les bouges malfamés, la plus glamour des détectives devra affronter bien des épreuves pour sortir indemne de cette ténébreuse affaire...

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 Et revoilà notre fabuleuse Miss Fisher! Après un troisième tome un peu trop convenu, l'appelle des Années Folles s'est avéré le plus fort. Je me suis laissé convaincre une fois encore par la couverture et sa silhouette de flapper très Art-Déco pour suivre la détective la plus connue du Melbourne des années 20 dans sa nouvelle enquête.


"Vous savez ce que je pense des beaux garçons : étant donné qu'ils ne sont pas nombreux de par le monde, on ne peut pas se permettre de les laisser supprimer sans raison"
Pryne Fisher.

  Et comme souvent dans cette série, Kerry Greenwood lance son héroïne dans deux enquêtes parallèles, ce qui n'avait pas toujours fonctionné dans les tomes précédents : l'une paraissait toujours moins développée ou trop vite expédiée, quand elle ne témoignait pas d'un total manque d'intérêt. Cette fois, les deux intrigues menées par l'Honorable Miss Fisher sont d'égale qualité bien que se situant chacune dans des milieux très éloignés l'un de l'autre : Une affaire menée dans les cercles communistes d'une part, et l'enlèvement de la fille d'un riche industriel de l'autre. On alterne ainsi entre le contexte socio-politique d'après guerre animé de coups d'état anarchistes  -une reconstitution historique de qualité!- et la sphère domestique de la vieille bourgeoisie -dont les mœurs s'avèrent gangrenées jusqu'au trognon (Et oui,  Tout se perd, ma bonne dame!). Si la première enquête, assez sombre, nous emmène dans les repères les plus inquiétants du Melbourne des révolutionnaires et la seconde jusqu'à un asile assez effrayant, Kerry Greenwood n'oublie jamais de glisser çà et là quelques notes de légèreté. On assistera ainsi à une séance de spiritisme slave réservant quelques surprises (même pour Phryne) et on rencontrera une religieuse qui s'avèrera pleine d'humour (avec un penchant pour la citronnade allongée au gin).

Victoria Dock, le port de Melbourne dans les années 1920, là où commence notre histoire...

"Face à la méfiance, seule l'audace paye."

  Ce quatrième opus gagne en maturité sans perdre de sa fougue habituelle : K.Greenwood arrête de porter son héroïne aux nues toutes les deux lignes et laisse le lecteur se faire sa propre opinion en suggérant un peu plus subtilement l'admiration qu'elle veut susciter. Ce ne sera pas difficile : la Belle est toujours aussi merveilleuse et on s'imagine sans peine son joli visage encadré d'un carré à la Louise Brooks sur une silhouette drapée de Chanel tandis qu'elle traque les malfrats, armée d'un beretta et de ses seuls talons aiguilles. Ah, le pouvoir du romanesque! On retrouve aussi les personnages secondaires récurrents avec plaisir, un peu comme une drôle de petite famille, exactement ce qu'est le groupe de proches qu'a réuni Phryne sous le toit de sa villa : de ses deux pupilles au potentiel de détective à sa femme de chambre Dot, sans oublier les Butler (majordome et cuisinière) ou encore Cec et Burt, ses deux hommes de main. On fait également connaissance avec l'agent Hugh Collins, qui est loin de laissé Dot indifférente et qui deviendra un personnage principal de l'adaptation des romans en série télévisée.


En bref: Un quatrième opus réussi des enquêtes de Miss Fisher, garçonne détective émancipée dans le Melbourne des années 1920. Le caractère extraordinaire de son héroïne trouve à s'équilibrer dans cette histoire avec une intrigue historique et politique de qualité qui recontextualise très bien les tensions révolutionnaires de l'entre deux guerres.



 Et pour aller plus loin :

samedi 19 août 2017

Quand on aura le temps - Cédric Bonfils

Editions l'Harmattan Jeunesse, 2017.

  Une route en Picardie, une aire de repos, un village. Une enfant sort d'une caravane et avance dans le champ voisin. Un enfant du village l’aperçoit de sa fenêtre, et, curieux, va à sa rencontre. Enfant du voyage et enfant sédentaire, tout les oppose: leurs origines, les choix de vie de leurs parents, et plus encore, les préjugés... Auront-ils le temps d'être amis?

 Cédric Bonfils, après une formation au département d'écriture dramatique de l'ENSATT de 2003 à 2006, anime aujourd'hui des ateliers d'écriture, de théâtre, et de lecture à voix haute, ainsi que des formations pour les professionnels. Il travaille régulièrement auprès d'un public défavorisé.
Il tient le blog Le divers et l'absolu.


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  J'ai évoqué précédemment ce titre dans un article un peu spécial (ici), qui rappellera comment il m'est tombé dans les mains. Il faut dire qu'on a - ou en tout cas que j'ai moi-même - peu l'occasion de lire du théâtre contemporain. On découvre les classiques au lycée et s'ils gagnent souvent une place dans nos cœurs de lecteurs, on oublie que l'écriture de la dramaturgie ne s'est pas arrêtée à Shakespeare ou Edmond Rostand, aussi parce que le théâtre actuel n'est souvent diffusé sous sa forme imprimée que dans des milieux très restreints (professionnels, arts du spectacle ou cercles purement pédagogiques). Je suis, il est vrai, le premier à dire qu'une pièce est rédigée avant tout pour être jouée mais, fort heureusement, il en existe encore qui n'ont pas besoin d'être finalisée d'une représentation pour qu'on puisse apprécier la beauté du texte. Quand on aura le temps est de celles-là.

  Sur une aire d'accueil de gens du voyage limitée à 24 heures, une jeune fille sort de sa caravane, s'amuse à prendre des photos avec son téléphone. Un jeune garçon du village voisin l'aborde, elle l'ignore. Il insiste, elle le fuit. Tenace, curieux, le garçon ne cède pas mais se trouve pris à son propre piège lorsque sa pertinente interlocutrice lui retourne ses questions : qui est-il, d'où vient-il, pourquoi n'est-il pas à l'école? Il semble sage, presque trop, tandis qu'elle est effrontée, sur ses gardes. Pourtant, au fil des différents décors et recoins secrets qu'elle s'est appropriée depuis son arrivée sur l'aire de caravanes, tous deux vont apprendre à s'ouvrir l'un à l'autre.


  Construite en cinq scènes et un seul acte, cette courte pièce se concentre autour du dialogue très animé de deux enfants que tout oppose : lui, l'enfant du village, enfant sédentaire et 'ordinaire', et elle, l'enfant du voyage, celle qui est autre. La discussion qui s'amorce, derrière son caractère simpliste et innocent, met en scène une véritable confrontation des cultures et du percevoir le monde, au cours de laquelle l'enfant du voyage, sans qu'on en prenne tout de suite conscience, ouvre le jeune garçon et le lecteur/spectateur à sa philosophie.

  La force du dialogue réside dans les petits riens qui veulent dire beaucoup et tout ce que le texte et les personnages transmettent entre les lignes. En s'inspirant de son expérience d'ateliers d'écriture auprès de collectivités de gens du voyages, Cédric Bonfils nous livre un texte en fait très profond sur la différence, l'éphémère et la naissance d'une rencontre. Un récit avec lequel on prend la mesure du temps et qui nous fait méditer, raconté dans une nature omniprésente qui m'a rappelé l'ambiance des films de Jean Becker.

En bref: Une pièce de théâtre à la fois épurée et profonde, qui aborde avec fraîcheur et poésie la rencontre entre culture manouche et univers sédentaire. Très abordable pour le lectorat jeunesse et le milieu pédagogique, elle sera tout aussi pertinente pour les lecteurs adultes. A découvrir et à faire découvrir.

dimanche 13 août 2017

Thrice Burned (Portia Adams adventures #2) - Angela Misri

Fierce Ink Press, 2015.

  Portia vient tout juste de découvrir que sa tutrice récemment nommée, Mrs Jones, non contente d'être en réalité la célèbre aventurière et ennemie numéro 1 Irène Adler, est également sa grand-mère. Et comme si cela ne suffisait pas, la jeune fille a appris simultanément que Sherlock Holmes était nul autre que son grand-père paternel, secret emporté dans la tombe par sa défunte mère.
  Pour éviter broyer du noir à la suite de ces révélations, Portia se plonge à corps perdu dans de nouveaux mystères, dont le vol annoncé d'une statue antique et la disparition de jeunes filles à Whitechapel. En enquêtant sur une série d'incendies criminels, elle rencontre la jeune journaliste Annie Coleson, qui lui propose un échange de bons procédés : Si Portia accepte de lui donner la primeur des informations concernant ses investigations, Annie veut bien lui révéler des indices qui peuvent les aider à retrouver la trace du pyromane. Malgré des débuts difficiles, les deux jeunes filles deviennent amies et Annie garde le secret de l'identité de Portia dans la presse, évoquant seulement l'intervention d'un certain détective consultant du nom de P.C.Adams. Mais c'est sans compter l'apparition rapide d'un usurpateur, qui risque de détruire la réputation de la jeune enquêtrice et la pousser à révéler sa véritable identité...

Si vous jouez avec le feu, vous risquez fortement de vous bruler...

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  Quel plaisir de retrouver le petit monde holmesien de Portia Adams après le très prometteur premier volume! Fidèle aux recueils de nouvelles typiques de Conan Doyle, Angela Misri propose une nouvelle compilation de trois courts romans policiers suivant son héroïne, la jeune Portia Adams, descendante de Holmes et Watson dans le Londres des années 30. Comme dans l'opus précédent, si chaque récit a son histoire propre, l'auteure continue de distiller en toile de fonds des axes narratifs qui s'inscrivent dans la longévité de sa série et la rendent d'autant plus addictive!


  On aurait en effet pu craindre que le soufflé ne retombe après les révélations faites à la fin du premier volume, mais c'est sans compter le talent de l'auteure Angela Misri, qui se plait à créer de nouveaux personnages et à broder autour d'eux, souvent pour notre plus grande surprise! C'est le cas avec l'apparition de la journaliste Annie Coleson, particulièrement tenace et décidée à découvrir le secret de Portia : d'abord présentée comme ennemie potentielle, elle se dévoile peu à peu au point de devenir la plus fidèle amie de l'héroïne, et un personnage très attachant. Attachant au point de bousculer le petit monde du 221b Baker Street, puisqu'elle est loin de laisser insensible le jeune agent Brian Daws, qu'on rêvait jusqu'ici parfait prétendant pour Portia. Cette dernière tente de noyer les questions qu'elle se pose quant à leur relation en s'investissant totalement dans ses investigations, et se rapproche un peu plus de Gavin Withaker, étudiant en médecine qui lui vient ponctuellement en aide.
  Côté enquête, Portia tente d'apprendre un peu plus de la méthode de Sherlock Holmes pour perfectionner ses techniques d'investigation, et réunit sa propre bande de Baker Street Irregulars avec un petit groupe de gamins des rues qui lui sera d'une aide précieuse. Investigations qui prennent progressivement des allures plus officielles : même le sergent Michael de Scotland Yard, autrefois réfractaire à son activité de détective amateur, commence à faire appel à ses lumières... 

 Lancaster House

  Si la qualité des récit est parfois inégale, la réussite de la série se maintient donc dans les intrigues plus intimes et les relations entre les protagonistes qui s'écrivent en superposition des histoires policières. Angela Misri confirme ainsi ce qu'elle laissait promettre dans le précédent volume, à savoir un véritable intérêt au delà de l’œuvre de Doryle, pour laquelle elle constitue davantage un hommage. L'autre plaisir des Portia Adams adventures est de nous plonger dans une époque alléchante et des décors attrayants, deux éléments pour lesquels l'auteure s'est abondamment documentée. Outre son affaire de pyromanie inspirée d'un véritable fait divers criminel, elle nous entraine ensuite dans le cadre de la fastueuse Lancaster House -à l'époque véridique annexe du British Muséum- pour le vol d'une nom moins véridique statue antique... Le tout contribue à bonifier l'ambiance globale.
  Et tout comme le dénouement du précédent recueil, ce second volume se termine sur un coup de théâtre des plus palpitants...

La statuette qui a inspiré l'auteure.

En bref: Avec son mélange de romance, d'anecdotes historiques, et d'enquêtes menées tambour battant, ce second tome des Portia Adams adventures confirme son potentiel. Vivement le troisième (oh, et au risque de me répéter, vivement une édition française)!

 L'actrice Cathy McGrath, 
qu'aime à visualiser Angela Misri pour son personnage de Portia...

Et pour aller plus loin...

samedi 12 août 2017

Gourmandise littéraire : Un repas italien avec Miss Fisher.



  Dans la série des Folles enquêtes de Phryne Fisher, également connue sous le titre de Miss Fisher enquête! depuis son adaptation en géniale série télévisée, Kerry Greenwood restitue tout le charme voluptueux et pétillant des années folles, y compris le faste des bonnes tables. Dans le tome 3, Trafic de haut vol, notre détective très émancipée est amenée à interroger un artiste peintre pour les besoins de son enquête. Parce qu'il n'est pas insensible au charme de la jeune femme, il l'invite dans un charmant petit restaurant italien installé dans une pittoresque cave à vin en plein Melbourne!

 Murder & mozzarella 
 (Miss Fisher murder mysteries, saison 3, ep3)

"Trois serveurs escortèrent Phryne à une table avec cérémonie. Après l'avoir débarassée de son manteau, ils apportèrent une bouteille et deux verres, du Lambrusco, un vin rouge pétillant de la vallée du Po. Exactement ce qu'il fallait pour une soirée glaciale (...). Guiseppe déposa un plat d'étranges pâtes vertes, mélangées à de l'huile d'olive, des olives, des foies de poulet, des oignons et des champignons. Ça sentait tellement bon."

Trafic de haut vol (Les folles enquêtes de Phryne Fisher #3),K.Greewood, éditions 10/18, 2006, chapitre 6.

  Si les pâtes constituent l'élément le plus symbolique de la cuisine italienne, certaines recettes moins connues sont toutes aussi typiques de la Botte! Outre les traditionnelles pastas du plat servi à Phryne, c'est avant tout une recette de Foies de Volaille à la vénitienne (aussi appelée foie de volaille à l'italienne ou à la toscane), une façon originale et raffinée d'accommoder ces deux aliments. Si vous vous y connaissez en recette de pâtes fraîches (et que vous possédez tout l'attirail nécessaire -machine, robot...- pour les faire), n'hésitez pas à confectionner vos propres pâtes vertes, souvent colorées à base d'épinard. Bien évidemment, à défaut de les préparer vous même et pour gagner un temps considérable, il est possible d'en acheter en épicerie italienne ou magasin bio.

 

Ingrédients (pour trois personnes):

-300g de foies de volaille (sous-vide),
-300g de pâtes vertes,
-1 oignon rouge, émincé,
-huile d'olive,
-vin blanc,
-vinaigre de framboise,
-1 gousse d'ail, émincée,
-pulpe ou purée de tomate,
-120 g environ de petits champignons de Paris en conserve,
-olives noires dénoyautées et grossièrement hachées,
-feuilles de basilic frais,
-sel et poivre.

A vos tabliers!

-Mettez sur le feu une grande casserole d'eau salée. Lorsque l'eau commence à frémir, ajoutez-y une cuillère à soupe d'huile et les pâtes. Laissez les cuire environ 8-9 minutes avant de les égoutter.
-Pendant ce temps, faites revenir dans une cuillère à soupe d'huile l'oignon émincé. Lorsqu'il commence à dorer, versez trois cuillères à soupe de vin blanc puis remuez jusqu'à ce qu'il soit évaporé.
-Ajoutez les foies de volailles (vous pouvez les émincez au préalable si vous considérez les morceaux trop gros). Laissez cuire trois minutes.
-Profitez-en pour faire la sauce tomate: faites revenir dans une petite casserole l'ail émincé, arrosez-le de vin blanc. Une fois évaporé, versez la pulpe de tomate, les champignons et les olives. Salez, poivrez, retirez du feu et réservez.
-Une fois les foies bien dorés, déglacez-les au vinaigre de framboise, salez, poivrez.
-Servez dans chaque assiette les pâtes parsemées de morceaux de foies de volaille, le tout nappé de sauce aux champignons et aux olives. Décorez de basilic.


Savourez ce plat entre deux chasses à l'assassin, accompagné d'un verre de lambrusco!


Et pour aller plus loin...

jeudi 3 août 2017

Premier amour, un conte gothique - Joyce Carol Oates

First love : a gothic tale, Ecco, 1996 - Editions Acte Sud (trad. de S.Porte), 2006 - Editions Philippe Rey, 2015.

  Elle a onze ans et se retrouve par un été humide et chaud dans l’immense maison de sa grand-tante Ester, « la maison du Révérend » à Ransomville, un bourg de campagne « où tout le monde va à l’église mais où personne ne croit en Dieu ». Négligée par sa mère qui s’est séparée de son mari pour des raisons non avouées, la petite fille, isolée et sevrée d’affection, est fascinée par son cousin Jared, 25 ans, étudiant en théologie, un être mystérieux et d’une cruauté raffinée.
  Dans ce désert des âmes et des sentiments, que hantent un grand serpent noir, un vautour prédateur et des portraits de Jésus, Josie se laisse emmener par le diabolique Jared au bord du crime et d’une sordide histoire d’amour – dont seule une Joyce Carol Oates, au plus efficace de ses talents de magicienne, pouvait la sauver.

***

  Après Sexy, j'avais hâte de découvrir un autre récit de la talentueuse Joyce Carol Oates. De toute sa bibliographie, j'ai une fois de plus choisi un de ces titres les plus dérangeants...



  Pour des raisons qui lui sont inconnues, Josie, âgée d'une dizaine d'années, suit sa mère qui abandonne le domicile conjugal. Sans ressource, la femme fraichement divorcée entraine avec elle sa fille dans la maison de sa tante Esther, matriarche par excellence qui habite dans la demeure de son défunt mari, la "maison du révérend". Car telle est la vocation des hommes de chaque génération. Jared, 25 ans, fils d'Esther et cousin éloigné de Josie, n'échappe pas à la règle : récemment entré au séminaire, ce jeune garçon impassible aux chemises impeccables fait la fierté de la famille et de toute la petite bourgade. Josie, elle, se sent attirée tel un papillon vers la lumière par son mystérieux cousin, qui exerce sur elle une dangereuse fascination. Un jour qu'elle se retrouve en tête à tête avec lui au bord de la rivière, il l'initie dans le plus grand secret à des jeux et des mœurs d'un genre particulier... 
  Très vite, partagée entre désirs et craintes, Josie sombre dans une spirale infernale qui l'invite à répéter elle-même les actes dont elle s'est fait la victime consentante... Y trouvera-t-elle une issue?

  De nouveau un titre trompeur, à moins qu'il ne recèle une énigme. En fait d'amour, il y a cette fascination quasi morbide que Josie, presque adolescente encore pétrie des pensées magiques de l'enfance, aime à confondre avec un sentiment plus fort. "Conte gothique", le sous-titre oublié sur la couverture, en dit plus sur l'esprit de ce récit entre roman et nouvelle : le style, onirique et entêtant, laisse s'insinuer lentement une tension, une angoisse qui va croissante.

  Et c'est tout le talent de cette plume propre à Joyce Carol Oates qui rend le récit entendable: elle aborde une fois encore une réalité que la Belle Amérique puritaine se refuse à voir et que le lecteur bien pensant ne peut même pas imaginer. Aussi fallait-il tout son talent de conteuse pour nous aider à regarder en face ces schémas humains et leurs monstruosités ordinaires, qu'elle évoque ici dans l'écrin d'une nature sauvage omniprésente et symbolique.

 "Si tu pénétrais dans le marais, tu livrais ton corps. Tu n'étais plus toi-même, tu avais pour nom toi, elle, petite. Tu étais entourée d'imperceptibles bruits de succion. De grognements de crapauds. Pareils à des grognements d'homme - tu avais entendu des hommes grogner et ahaner, ahaner et grogner, il y a longtemps de cela, alors que tu n'étais pas censée écouter. Tu savais ce que c'était, déjà en ce temps-là : la pulpe animale cherchant à s'extraire de force de son carcan. Suintant, bouillonnant, jaillissant enfin."

  Car dans l'atmosphère faussement dévote d'une petite ville américaine moite et ennuyeuse, c'est la figure du Sauveur en chemise amidonnée qui dissimule le vrai visage de grand méchant loup. Mais Oates va encore plus loin en plaçant face au Monstre une martyre volontaire d'une dizaine d'années et en évoquant l'impensable : son éducation au sadisme. Josie, enfant solitaire qui cherche un sens à sa vie, a malheureusement trouvé Jared. Mais comme souvent chez Joyce Carol Oates, on s'approche avec ses personnages au bord du gouffre, on joue très dangereusement avec l'équilibre, puis on se rappelle notre libre-arbitre. Et c'est d'ailleurs une fois encore le salut qu'elle offre à son héroïne.



En Bref : Puritanisme, vanité, et faux-semblants se confrontent avec brutalité à la fin de l'enfance dans ce récit d'apprentissage violent et capiteux. Un conte poétique et immoral à la fois qui ne peut laisser le lecteur indifférent.