samedi 30 septembre 2017

La Soupe de Kafka - Mark Crick

Kafka's soup. A Complete History of World Literature in 14 recipes, Libri Publications LTD, 2004 - Flammarion (1ere édition), 2006 - J'ai Lu, 2008 - Réédition complétée, Baker Street, 2017.

  Si vous alliez dîner chez Marcel Proust, Gabriel Garcia Marquez, Virginia Woolf ou Raymond Chandler, que vous offriraient-ils à table ? Mark Crick répond à la question en nous donnant à lire une série de savoureux pastiches de quelques-uns des plus grands écrivains du monde. Chaque texte est une plongée dans un univers différent, racontée d'une voix semblable à s'y méprendre à celle de l'écrivain lui-même. S'inscrivant dans la tradition des Pastiches de Proust et rappelant les Exercices de style de Queneau, le livre de Mark Crick est un véritable tour de force, bientôt publié dans dix-huit pays. L'auteur a également illustré chacun de ces fins morceaux de sa propre main, proposant autant d'hommages à des artistes célèbres.

Ce qu'ils en ont pensé:

"Difficile à avaler" (Franz Kafka)
"Ca m'est resté en travers de la gorge" (Raymond Chandler)
"Interminable" (Marcel Proust)
"Qu'il pourrisse en enfer!" (Graham Greene)

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  Imaginez que les plus grands auteurs de la Littérature aient écrit des livres de cuisine ou dicté des recettes. Imaginez qu'ils l'aient fait, non pas en énumérant platement les ingrédients et actions à suivre, mais en les racontant. En les racontant comme ils auraient raconté une de leurs célèbres histoires. Cela donnerait probablement cet ouvrage, dont on ne sait trop s'il est un pastiche, un livre de gastronomie, ou une excellente farce.


  Ainsi, au fil des pages de cette réédition agrémentée de trois recettes - euh, récits - inédites, laissez vous conter la confection du Pudding, du gâteau breton ou encore de la tarte à l'oignon, tantôt par Homère, Graham Greene ou, bien sûr, Kafka. Mark Crick se glisse dans les chaussons - ou plutôt dans la plume - de Jane Austen pour nous raconter les œufs à l'estragon comme elle aurait écrit un intermède amoureux entre Miss Bennett et quelques charmant soupirant, avant d'emprunter à La Rochefoucaud le style bien connu de ses Maximes pour coucher sur le papier les étapes du Pain Perdu. Et que dire de son parfait simulacre de Flaubert, qui ressuscite une Emma en pleine préparation de gâteau, tandis qu'elle se pâme d'amour pour le président qui fait entendre sa voix à la radio.


  Peu importe que l'on se demande ce qu'on est en train de lire, tant l'exercice de style est inattendu à se porter ainsi sur les arts culinaires : la symbiose avec les auteurs dont s'inspire Mark Crick force l'admiration. Le fantaisiste écrivain pousse même le vice jusqu'à jouer des crayons, en accompagnant chaque recette d'une illustration originale calquée sur le graphisme d'un artiste célèbre. Aucune surprise, alors, que la Soupe de Kafka ressemble à une œuvre de Pop Art ou que le dessin qui accompagne le Tiramisu de Proust évoque furieusement du Matisse. Même l'esprit gravure de Gustave Doré est de la partie!

 Mark Crick

  On notera également que l'édition française a eu l'excellente idée de traduire chaque recette par un auteur/traducteur différent, dont certains de renom!

En bref : Un ouvrage absolument improbable qui se réclame autant du pastiche que de l'exercice de style. Exercice totalement abouti, en tout cas assez pour se permettre de se porter sur le thème inattendu de la nourriture. Une déclaration d'amour pleine de fantaisie à la Littérature et à la gastronomie.

Avec un grand merci aux éditions Baker Street!

vendredi 29 septembre 2017

Conversations gourmandes avec Madame de Pompadour - Michèle Villemur

Michèle Villemur (auteure), Valery Drouet (styliste), Pierre-Louis Viel - Le Cherche-Midi, 2013.

« Sensible et tendre Pompadour, car je peux vous donner d’avance ce nom qui rime avec l’amour, et qui sera bientôt le plus beau nom de France.. » Voltaire
 
  La  belle et audacieuse Madame de Pompadour n’a pas seulement été l’une des femmes les plus spirituelles de son temps et une grande amoureuse. Elle a inspiré et façonné le "goût français" : elle a ainsi soutenu des grands cuisiniers, élaboré l’art du menu, imposé le champagne et les truffes, lancé  la porcelaine de Sèvres, dessiné le potager de l’Élysée…
  Ces Conversations gourmandes nous invitent à découvrir sous un nouveau jour celle qui fut davantage que l’incontournable égérie d’un roi : celle d’un  siècle. Les 50 recettes de cet ouvrage sont  inspirées des plats que la divine marquise aurait pu servir lors de ses élégantes réceptions, à Versailles bien sûr, mais aussi à Choisy-le-Roi et Paris, à  l’hôtel d’Évreux, le futur palais de l’Élysée.
  Langoustines sauce au beurre et à la vanille Bourbon, soupe de truffes, collier d’agneau aux champignons ou encore sorbet aux pêches de vigne, autant de délicieuses et délicates recettes, faciles à réaliser, qui s’adaptent à nos palais modernes. Chaque recette est également l’occasion d’évoquer l’univers raffiné du siècle des Lumières par des anecdotes et des éclairages inattendus, pour offrir au lecteur un parcours à la fois gourmand et culturel.

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  Rares sont les ouvrages culinaires qui tirent leur épingle du jeu et savent offrir autre chose qu'un simple inventaire de recettes, même si celles-là sont réunies sous le sceau d'une thématique originale. Cet ouvrage, que je souhaitais présenter depuis un moment déjà, a qui plus est l'intérêt du style, la beauté de la mise en page, et de l'anecdote historique! Un livre présenté dans la continuité du cycle Emilie(s), qui inspire résolument le blog cette année.


  Journaliste culinaire et femme de diplomate, Michèle Villemur est aussi passionnée d'Histoire et, si l'on en croit ses derniers ouvrages, du XVIIIème siècle en particulier. Après Tables d'excellence (un livre des recettes phares du château des Breteuils, oui, oui, le berceau de la famille d'Emilie du Tonnelier de Breteuil, Marquise du Châtelet) et A la table de Marie-Antoinette, elle nous présente ici les recettes de la Marquise de Pompadour.


  Plus qu'une simple maîtresse royale, Jeanne-Antoinette Poisson est certainement l'incarnation la plus vivante du conte de Cendrillon : cette simple roturière entrée à Versailles comme décoratrice, en sort Marquise et favorite attitrée de Louis XV. Une condition qu'elle honore en se faisant rapidement grande mécène des Arts et les Lettres, mais aussi de la gastronomie et des plaisirs de la table. C'est d'ailleurs ce que ce superbe ouvrage  s'attache à montrer, au-delà de son simple caractère culinaire : en se rapportant aux lieux qu'elle a habités en guise de trame (De Versailles au palais d'Evreux, en passant par Choissy le Roi), Michèle Villemur réinvente des recettes phares du siècle des Lumières ou des mets inspirés des goûts et des thèmes fétiches de cette époque.


  Chaque page, chaque recette, éclaire alors un aspect de la vie passionnante et érudite de la Marquise : la mousse de courgette au poisson vient taquiner ses origines modestes et son nom de naissance, les lentilles Van Loo à l'orientale évoquent le portraitiste favori de la dame et l'engouement pour les "turqueries", sans oublier les truffes au cacao de Voltaire et les premières versions du chocolat chaud, servi dans la porcelaine de manufacture française largement diffusée par Madame de Pompadour!   Le tout est mis en valeur par de sublimes photographies, rehaussées de peintures et gravures d'époques pleines de préciosité.



En bref : Un magnifique ouvrage qui tient autant du livre de cuisine que de la biographie historique. Fin, délicat, et précis, agrémenté de photographies à tomber, c'est l'alliage parfait de l'érudition et de la gourmandise. Une déclaration d'amour à l'art culinaire, au XVIIIème siècle et à la Pompadour, femme de goût dans tous les sens du terme.

 Une chronique motivée par le cycle Emilie(s).

 

dimanche 17 septembre 2017

Un été encore plus émilien...

Pedro Pan Rabbit accompagnant la Marquise Emilie aux forges des Du Châtelet, XVIIIème siècle.


  L'été n'est pas officiellement terminé que nous sommes contraint d'en faire déjà le deuil. Ma seule consolation est peut-être que, pour une fois, cette dégradation météorologique ne se limite pas à ma seule région mais à la France toute entière, qui semble traversée de part en part par une belle dépression automnale. En attendant l'été indien qu'on espère éclatant de couleurs rouges et orangées, petit récapitulatif de mon été encore plus Émilien, soit comme mon printemps : branché XVIIIème! De la métallurgie, du tourisme littéraire, et de la cuisine Pompadour, c'est ici!

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Une ballade aux forges de la marquise (enfin presque):



  Dans la continuité du cycle d'exposition Emilie(s) consacré à Emilie du Châtelet, je tenais à visiter des forges à l'ancienne comme celles que possédaient les Du Châtelet près de leur château de Cirey, où Emilie résida avec Voltaire plus de quinze ans. Ce dernier y fit même quelques expériences sur la nature du feu dans le cadre d'un mémoire qu'il présenta à l'Académie des science (sans savoir que sa chère et tendre concourrait également contre lui dans le plus grand secret), et de là venaient aussi les structures de nombreuses fenêtres et du belvédère du château. Si les forges de Cirey ne sont plus en activité depuis belle lurette et fermées au public, le secteur environnant, riche de son héritage métallurgique, propose une belle alternative : une ancienne forge toute proche transformée en musée, Metallurgic Park. Très ludique et très visuel, avec des sons et lumières très impressionnants qui plongent dans l'atmosphère d'un haut-fourneau, le tout dans un cadre très bucolique. A voir absolument!

Illusion d'une coulée de fonte en fusion  on y croirait!

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Italie et tourisme littéraire:


  On s'éloigne à présent des robes à paniers et des perruques poudrées pour une nouvelle escapade en Italie. Changement de décor, donc, et aussi de thème, puisque l'amie qui me recevait sur place et moi-même avons fait une visite projetée depuis un an, inaugurant en même temps notre concept de tourisme littéraire. Vous ne comprenez rien à ce que je raconte? Pas de panique, Pedro explique. Au terme d'une semaine italienne en août 2016, mon amie m'a fait découvrir une série de livres encore non traduite, lue en VO et présentée sur le blog cet été : les aventures de Portia Adams. Le plus amusant : dans le troisième tome, toute une aventure se passe dans un château qui existe réellement, situé tout prêt de notre pied à terre italien. Le jeu : lire la série d'ici l'été suivant et se rendre sur place pour visiter le château sur la base de notre lecture en guise de guide touristique. Ce château, c'était bien sur celui de Racconigi, palais d'été de la famille royale de Savoie, au centre d'une enquête du tome No matter how improbable dont j'ai abondamment parlé ici.


  Après une discussion animée et une visite passionnée (mon amie expliquant même aux guides sur place pourquoi nous étions venus, lorsque nous nous désolions de ne pas pouvoir visiter la bibliothèque décrite dans le roman), je projette de lancer une nouvelle série d'articles de tourisme littéraire qui, à la façon des gourmandises, se pencheraient sur ces lieux réels racontés dans la littérature - il faut dire qu'il y a de quoi : Le 221b Baker Street, l'aiguille creuse d'Arsène Lupin, l'opéra Garnier du fantôme de l'opéra... 



  En attendant, je partage ci-dessous quelques images de ce superbe palais baroque tout de marbre et de pierres, avec en clou du spectacle LES CUISINES ABSOLUMENT MAGNIFIQUES (on se demande bien pourquoi ça me met dans tous mes états, hein!) et des lustres tous plus clinquants les uns que les autres (avant de faire le tri dans mes photos, je ne réalisais pas que j'avais autant mitraillé les luminaires. Mais très honnêtement, cela ne m'étonne qu'à moitié : ces arabesques de cristal et de loupiotte, ça me rend tout chose...).

 (cliquez pour voir en grand)


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 Revue de presse XVIIIème:

Article publié sur la page Facebook de Histoires Galantes.

  Parce que cela ne fait pas de mal de s'envoyer des fleurs, et pour continuer dans la lignée d' Emilie(s), je relaie ici mon propre article sur Petits secrets des ducs de Lorraine au XVIIIème siècle, présenté sur le blog cet été, celui-là même relayé par son auteure Pascale Debert sur Facebook. Parce que j'admire vraiment le travail qu'elle fait sur le blog histoires galantes et que cela fait très plaisir d'avoir pu échanger ensuite avec une personne aussi passionnée! Merci à elle, mille fois.

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Du bruit dans ma cuisine:

  Dans ma cuisine (beaucoup moins grande que celle de la famille royale italienne vue plus haut), il y a eu beaucoup d'activité cet été. Presque tout penaud de me retrouver en vacances si subitement et de ne plus savoir quoi faire de mon temps, à une première journée de prostration a suivi une explosion de gamelles et autres casseroles. Je me suis en effet souvenu qu'on m'avait offert, à mon anniversaire, le super hachoir t*pperware et que je ne l'avais pas encore inauguré! Qu'à cela ne tienne, j'ai fait une recette qui me faisait de l’œil depuis quelques années que je survolais souvent dans le livre de cuisine écrit par Gwyneth Paltrow : des steaks hachés de dinde aux épices et sirop d'érable, que j'ai accompagnés d'un flan de courgettes feta-menthe.


  Saison des courgettes oblige, j'ai exploité le filon jusqu'au bout, d'abord avec un crumble salé de légumes grillés au quinoa, puis des courgettes farcies au boursin et jambon grillé sur lit de tomates, recette vite-faite refilée par une collègue adepte des popotes rapide pour grande tablée. Une façon sympathique et simple d’accommoder les courgettes en utilisant ce qu'on a de restes dans le frigo. Toujours avec des courgettes mais dans un registre plus chic et plus... eh bien plus émilien, j'ai enfin testé une recette assez sophistiquée issue du livre Conversation gourmande avec la marquise de Pompadour (dont il faudra que je parle vraiment sur le blog : un ouvrage de recettes adaptées des plats favoris de la Marquise de Pompadour ou des tables époques Louis XV) : Une mousse de courgette au basilic et au cœur de colin. Raffiné et délicieux!



  Toujours du livre de Gwyneth Paltrow, une autre recette qui me faisait envie depuis longtemps : la salade club au homard! Le homard, que j'ai remplacé par de la chair de langouste - eh oui, scuse me Mrs Paltrow, je n'ai pas votre porte-monnaie ;). Dans un registre plus street food, l'achat d'un moule à donuts m'a permis de tenter une première approche salée, au petits pois et au chèvre frais. Quelques temps plus tard, après un classique de mes fourneaux (quiches à la moutarde à l'ancienne), j'ai décidé d'utiliser les premières tomates cerises du jardin dans un clafoutis tomates-pignons-pesto-chèvre, l'une des surprises les plus gustatives de cette saison!



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 Sur ma table de travail :

  Pas beaucoup le temps de me poser au regard de mes nombreux déplacements, mais quand même quelques boucles d'oreilles à offrir et un gribouillage d'une Miss Fisher toute en fourrures. Je planche actuellement sur la création d'un blog d'illustrations, dans la continuité de mon premier contrat de couverture (souvenez-vous, je vous en parlais ici). Pas encore d'images en lignes mais la page est créée, je vais tâcher de la remplir très prochainement. Le lien sera bien sûr indiquer par ici ;).


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Achats, cadeaux et acquisitions...

  Oui, j'ai encore rapporté de jolies choses de mes vacances! Tout d'abord, de la part d'amis qui, à l'évidence, ne m'ont pas du touuuuut cerné : un mug thermos à l'image du lapin d'Alice (pas de doute, je sens que je vais faire sensation à siroter là-dedans pendant mes réunions) et cette supeeeeeeerbe théière en forme de citrouille avec support, qui évoque autant celles de l'époque Louis XV que les samovars de la Grande Catherine. Comme dit une de mes amies, "on ne sait pas si elle va se transformer en carrosse ou servir le thé"! Je sens que je vais trouver à l'utiliser tôt ou tard dans une décoration à thème ou une gourmandise littéraire (si tu me lis, merci Juju! =D ).



  Côté bibliothèque, j'ai déniché l'un des derniers tomes de Miss Fisher édités en France chez City, même s'il m'en reste encore d'avance à lire. Côté nouveautés, je me suis offert l'intégrale de la bande-dessinée Sabrina the teenage witch, qui a inspiré la série de mon enfance Sabrina l'apprentie sorcière, et que je compte présenter dans le cadre du prochain challenge Halloween, et l'un des derniers tomes parus de la série Agatha Raisin enquête. Côté occasion, j'ai déniché un roman de l'excellente Helen Oyeyemi, qui m'avait complètement chamboulé avec Le blanc va aux sorcières il y a cinq ans, et le roman graphique Hugo Lachance, illustré par le talentueux Chris Riddell, un de mes "maîtres à penser dessiner".


  Et puis comme je suis incorrigible, je n'ai pas résisté lorsque Moleskine a sorti sa collection de carnets Peter Pan, et en ai profité pour leur commander un agenda Alice au pays des merveilles, celui-là aussi en édition limitée.


  Tout ça pour mener vers LE craquage de l'été : l'énorme coffret intégrale de la série Agatha Christie's Poirot, dont j'ai surveillé toutes les vacances une annonce à un prix abordable sur tous les sites de shopping en ligne possibles et imaginables. Ma ténacité a fini par être récompensée! Maintenant, il me faut l'intégrale Miss Marple...


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  Voilà donc quelles ont été mes occupations et pérégrinations estivales, qui me semblent aujourd'hui bien loin. Je me console en me disant qu'avec l'Automne viendront aussi les cucurbitacées, les amours en cage, les flambées dans l'âtre, la soupe, les premières écharpes, le velours côtelé, les feuilles jaunies, les mitaines, les chaussures en cuir, Halloween, les histoires de fantômes, les sorcières, et... chut, je me tais, sinon je risque de vous spoiler sur le prochain article saisonnier!

(Oui, quand je vous parle du jardin, c'est CE jardin! =D )