dimanche 14 février 2021

Never say Nerverland - Bilan (très tardif) de nos fêtes peter-panesques.

 

    Nous honorons notre réputation de Lapin blanc : à la mi-février, voilà seulement que nous venons clôturer nos publications de fêtes et, en même temps, notre participation au Challenge Christmas Time de Mya Rosa, celui-là même officiellement terminé depuis plusieurs semaines. Pas de doute, nous sommes officiellement en retard.
 
    Pas de récrimination, s'il vous plait, nous pouvons justifier d'être resté si longtemps dans notre Winter Wonderland Neverland. La faute en est aux études et aux examens B.U.S.E. du premier semestre (oui, rappelez-vous : on a repris nos études à Poudlard). La majorité des articles du Challenge avait été commencée en avance mais les révisions puis les épreuves ne nous ont pas laissé le temps de les compléter et de les publier, si ce n'est au compte-gouttes entre deux heures de bachotage...

Fabrication : Mother Rabbit
 
    Cela ne doit pas nous empêcher de conclure dignement cette période de lectures et de publications pleine de magie et de nostalgie. Après un article introductif destiné à poser le décor, nous avons donc...

- Lu quelques livres :
 
Un hiver sans fin, de K.Millwood Hargrave ; roman jeunesse à la façon d'un conte nordique hivernal. 

Peter Pan, le classique de J.M.Barrie.

L'habit rouge de Peter Pan, la suite officielle commandée par les ayant-droits de Barrie à G.McGaughrean.

Son espionne royale et les douze crimes de Noël, un nouveau tome des enquêtes de Lady Gorgiana dans une atmosphère délicieuse de Noël british d'antan!
 

- Visionné des adaptations peter-panesques :

Hook, le classique de Spielberg qui imagine une suite à Peter Pan.
 
Peter Pan, le film de P.J.Hogan de 2003.
 
Neverland / Peter Pan et le Pays Imaginaire, mini-série de 2011 proposant une préquelle à l'histoire de J.M.Barrie. 

 
- Cuisiné des gourmandises :
 
Le Wasail (cidre chaud aux épices) de Yule, d'après Chilling adventures of Sabrina.

Le gâteau au sucre vert du Capitaine Crochet (d'après le livre de J.M.Barrie, évidemment).


Et enfin, nous avons  fêté Noël chez les Darling, dans le décor enchanteur de la nursery...
 
 ***

 
    Situation sanitaire oblige, le réveillon s'est une fois encore fait en très (TRÈS) petit comité, ce qui n'était pas une excuse pour ne pas prendre le temps de faire une jolie table, en accord avec le thème qui occupait manifestement le reste du Terrier. Peter Pan était absolument partout (dans le sapin, sur le buffet...), alors pourquoi pas aussi dans la salle à manger? Du lierre ainsi que quelques photophores home made (enfin, made in Mother Rabbit) ont très bien fait l'affaire...


    Le pied du sapin a été très généreusement garni cette année, avec un grand sac digne de la hotte du Père Noël, débordant de multiples bricoles (le dernier album de Woodkid étant une bricole non négligeable, mais bien sûr, les carnets de toutes les tailles et de toutes les formes sont également toujours les bienvenus... seulement, on ne sait pas trop comment prendre cette carte de France ;-) ).

    Une amie animatrice d'ateliers d'écriture récemment rencontrée m'a offert aux veilles des fêtes deux de ses lectures préférées, que j'ai hâte de commencer dès qu'un moment se présentera : un roman de Jim Harrison et Lorna Doone, classique anglais de R.D. de Blackmore (avec un nom pareil, ça ne peut qu'attiser ma curiosité livresque) ; pour accompagner ces futures immersions littéraires, un couple d'amis libraires m'a envoyé de délicieux nougats artisanaux rapportés de leurs pérégrinations, à grignoter tout en lisant. Étant un adepte des auto-cadeaux, je me suis également offert quelques menus présents à l'occasion des fêtes : Le livre de cuisine de Noël de Downton Abbey, un sympathique album jeunesse sur 100 femmes qui ont fait l'histoire, et la saison 1 de The Great, variation complètement barrée autour de la vie de la Grande Catherine (avec Elle Fanning dans le rôle titre).

    Ayant participé à quelques concours organisés par mes collègues blogueuses, j'ai eu l'immense joie pour la toute première fois de remporter plusieurs prix : auprès des organisatrices du Challenge Halloween, tout d'abord, la revue Bifrost consacrée à la grande Shirley Jackson, et auprès de Jane Austen Lost in France, un colis débordant de surprises : le Jane Eyre illustré de Tibert Editions, des marques-page, un tote-bag, des cartes postales et des tas de goodies de chez Tibert ; merci, merci, merci ! Jane Austen Lost in France m'ayant par ailleurs envoyé, quelques temps avant les fêtes, un paquet déjà bien rempli : du thé, des chocolats et un superbe petit album des 12 jours de Noël, en clin d’œil au Christmas Special de Miss Fisher que j'aime tant.

    Enfin, sont venus rejoindre mes étagères quelques cadeaux de dernières minutes qui m'ont on ne peut plus enchanté : un roman de Willa March que je voulais acheter depuis déjà plusieurs années (merci Pouchky/Ficelle!), un carnet (encore!) Benjamin Lacombe (encore!) et, de la part d'une amie auteure, son propre exemplaire du dvd The Lost Boys, la mini-série de la BBC consacrée à James M. Barrie (un cadeau très précieux qui m'a énormément touché).

     Comme souvent, nous avons également confectionné pour notre amie Pouchy/Ficelle le traditionnel colis de saison. Pas de thème peter-panesque pour elle mais un petit retour à notre thématique de l'an dernier, même si nous lui avons déjà envoyé il y a plusieurs années de cela un premier paquet Miss Fisher / Années 1920. Puisque nous n'avons pas pu nous offrir le film ensemble sur écran géant, le dvd, accompagné de quelques présents dans les tons art-déco bleu et doré, nous ont semblé de circonstance...


    Nous n'avons évidemment pas pu lire, relire et publier toutes les lectures peter-panesques que nous souhaitions partager avec vous. Fort heureusement, puisque la nouvelle version live action Disney Peter Pan & Wendy n'est prévue qu'en fin d'année, cela nous laisse le temps de peaufiner nos articles sur le sujet pour vous les proposer au fur et à mesure des mois à venir...


    Avant de vous quitter, puisque cela fait plusieurs fois qu'on vous donne un indice sur le thème du Noël prochain, voilà une image qui devrait vous donner matière à méditer. Un indice supplémentaire? Très bien : on parle d'un phénomène de pop culture qui fête cette année ses 60 ans...

    Cela étant dit, on vous laisse sur ces joyeuses pensées pour vous envoler... jusqu'à l'année prochaine!


***

dimanche 7 février 2021

Neverland ; Peter Pan et le Pays Imaginaire - une mini-série de Nick Willing d'après J.M.Barrie.

Neverland / Peter Pan et le Pays Imaginaire

(Neverland)


Une mini-série réalisée par Nick Willing d'après les personnages de Peter Pan de James M. Barrie.

Avec : Rhys Ifans, Anna Friel, Charles Dance, Bob Hoskins, Charlie Rowe, Keira Knightley (voix uniquement)...

Première diffusion américaine : 4 et 5 décembre 2011 (Syfy)
Première diffusion britannique : 9 et 16 décembre 2011 (Sky)
Première diffusion française : 30 décembre 2011 (M6)

Sortie dvd française : 18 juin 2013 (chez M6 vidéo)

    Londres, 1906. Peter entraîne sa bande de pickpockets dans le cambriolage d’une boutique. Lorsqu’un globe de cristal propulse les enfants dans un monde mystérieux, Peter doit partir à leur recherche… Pirates, indiens et fées, Peter découvre avec le Pays Imaginaire un univers magique incroyable. Les amitiés se forment, les masques tombent et le jeune garçon entre dans la légende. Peter Pan est né !
 
***
 
    A ne pas confondre avec le biopic éponyme de 2004 sur James M. Barrie, la mini-série de 2011 Neverland, rebaptisée Peter Pan et la Pays Imaginaire lors de sa sortie en dvd, propose une préquelle aux aventures du garçon qui ne grandit pas et imagine ses origines. Ce concept, repris pour le film Pan sorti sur grand écran en 2015, avait donc déjà été exploité par le petit écran quelques années plus tôt, et le résultat était assez honorable pour qu'on y consacre aujourd'hui quelques paragraphes...

 
    L'histoire nous entraîne dans les rues mal famées du Londres de 1906 ; une bande de garçons des rues joue les pickpockets pour le compte de leur protecteur, Jimmy, maître d'arme et bourgeois déchu qui cherche par tous les moyens à retrouver sa place dans la haute société londonienne. Il accepte pour cela la mission que lui confie un mystérieux cercle d'hommes à la recherche d'une relique aux pouvoirs fantastiques, un globe de verre conservé chez un antiquaire anglais. Jimmy met sa bande de petits voleurs sur le coup, dont Peter, son protégé et celui amené à lui succéder, mais l'affaire se complique : une fois main mise sur l'objet tant convoité, il s'avère que la sphère est extrêmement sensible et que le moindre choc peut la faire s'activer. Une mauvaise chute et catastrophe, voilà toute la bande propulsée dans un monde parallèle, île exotique au milieu d'un océan infini. Jimmy, Peter et les autres garçons découvrent que d'autres groupes de personnes ont été envoyés ici dans des circonstances similaires mais à des époques différentes : un bateau rempli de pirates du XVIIème siècle, et une tribu indienne plus ancienne encore. Depuis leur arrivée, tous ont mystérieusement cessé de vieillir... Tandis que Jimmy décide de s'allier aux pirates et à leur capitaine, la dangereuse Elizabeth Bonny, Peter et les garçons préfèrent se ranger du côté des Indiens, qui leur sauvent la vie plus d'une fois. Ils découvrent alors que l'île abrite également des fées, lesquelles détiennent une poussière magique à protéger à tout prix des pirates...
 

    Mini-série en deux parties typique des productions télévisées fantastiques prévues pour Noël, Neverland est encore régulièrement diffusée à la télévision pendant les fêtes ; bien que cette réalisation soit restée très discrète en France, le tournage et la sortie prochaine du nouveau Peter Pan & Wendy en live action par Disney (prévu pour fin 2021) justifie qu'on jette un œil à cette création télévisée plus réussie qu'on pourrait le croire. Production déjà d'une certaine envergure, Neverland est écrite et réalisée par Nick Willing, à qui l'ont doit plusieurs téléfilms fantastiques dont certains très appréciés par les téléspectateurs. Outre un premier Alice au Pays des Merveilles tourné en 1999 (avec une pléiade d'acteurs anglais et Whoopi Goldberg en chat du Cheshire), N.Willing a également tourné un détournement du même roman de Lewis Caroll en 2009, mais aussi le remarqué Deux princesses pour un royaume (qui revisite le Magicien d'Oz) en 2006. Après avoir puisé dans ces classiques de la littérature jeunesse, il semblait évident que Peter Pan ne pouvait que l'inspirer également. Aussi, plutôt qu'une adaptation fidèle au livre de James Barrie ou une relecture du mythe, il propose un préquel...
 

    Les origines de Peter Pan, pourtant racontées par J.M.Barrie lui-même dans Peter dans les Jardins de Kesington, ont été réinventées à plusieurs reprises, souvent pour leur préférer une version alternative de vie de garçon des rues. C'est en effet le postulat de base de plusieurs ouvrages comme la BD Peter Pan de Loisel, l'album jeunesse Le journal de Peter de S.Perez et M.Manez, ou encore le roman Peter et la poussière d'étoiles. Nick Willing opte ici pour un choix similaire et fait de son Peter un orphelin, membre d'une troupe d'autres enfants voleurs (amenés à devenir les garçon perdus), sous la protection d'un père de substitution qui les héberge et les nourrit en échange de menus larcins : James "Jimmy" Hook (évidemment). Le futur Capitaine Crochet, présent ici dès le début de l'histoire, est ainsi présenté sous un jour plutôt sympathique et la relation qu'il entretient avec Peter est sans équivoque celle d'un père et d'un fils.
 

    C'est l'un des premiers intérêts de cette version : au-delà des libertés amenées par le scénario très fantasy de N.Willing, la relation Peter/Jimmy mise en scène dans cette mini-série puise directement dans la dualité Peter Pan/Crochet du livre de James Barrie et sa symbolique si particulière. La métaphore du père et du fils avait déjà été soulevée dans de nombreuses lectures psychanalytiques de l’œuvre originale, inspirant là encore les intrigues imaginées par Loisel ou S.Perez dans leurs propres réadaptations, évoquées ci-dessus. Le scénario de Neverland parvient à montrer la dégradation de cette relation et expliquer, à terme, le dégoût de Peter pour les adultes en usant de ressorts psychologiques intéressants.


    De Londres à Neverland, N.Willing imagine les engrenages dramatiques qui vont conduire les différents personnages de son scénario à devenir ceux de James Barrie : la place que Hook prend peu à peu au milieu des pirates grâce aux faveurs de la capitaine Bonny (probablement inspirée de la réelle pirate Anne Bonny), la convoitise de la poudre de minéral qui motive le conflit entre les pirates et les indiens, et même les choix de Peter, qui vont malgré lui l'amener à devenir l'enfant "innocent et sans cœur" que l'on connait. Garçon très ordinaire au début de la série, ce Peter est en effet très loin du fanfaron immature à la mémoire altérée qui viendra toquer un soir à la fenêtre des enfants Darling. Le scénario vient cependant expliquer cette évolution de façon assez satisfaisante au regard de l'univers réinventé par N.Willing. Neverland nous permet aussi de retrouver des personnages clefs de l'univers de Barrie, dont Smee et Starkey, déjà membres de l'équipage de Bonny avant l'arrivée de Jimmy, et Tiger Lily (justement traduit "Lys Tigrée" ou Aaya, de son nom indien). Le traitement de cette dernière est particulièrement bien pensé : on découvre une jeune femme forte et courageuse bien plus charismatique que dans la plupart des adaptations précédentes, véritable amie et alliée de Peter. Enfin, parmi les autres pièces du puzzle qui se mettent en place pour annoncer l'intrigue de Barrie, le scénario de N.Willing nous offre LA scène de combat entre Peter et Hook, celle au cours de laquelle la main droite du (futur) pirate sera tranchée et servie au crocodile.
 
 

    Esthétiquement, la mini-série propose des visuels plutôt réussis : malgré quelques effets numériques parfois facilement décelables, l'ensemble est correct et témoigne d'une recherche graphique intéressante, à défaut d'être toujours totalement aboutie. Le décor de la forêt enneigée au sol morcelé est plutôt convaincant, un peu moins la gigantesque cité "parfaite" faite de végétaux que rejoignent Aaya et Peter au terme d'un long périple, et qui souffre d'un abus des images de synthèse. Les costumes sont crédibles, tant dans l'authenticité des vêtements de ville usés des garçons perdus que dans les touches de fantaisies audacieuses des tenues de la capitaine Bonny, en passant par la crédibilité sobre des tenues indiennes. De façon générale par ailleurs, il est important de noter que la représentation de la tribu indienne recherche une certaine fidélité historique et esthétique, s'écartant ainsi pertinemment des représentations caricaturales dont on avait l'habitude.



    Enfin, le casting est l'un des autres points positifs de cette mini-série, à la tête de laquelle on retrouve notamment des acteurs de grande qualité. Rhys Ifans campe un Hook inhabituel mais intéressant dans son développement, avec cette insolence froide so british qui convient tout à fait au personnage ; Anna Friel (délicieuse Chuck dans Pushing Daisies) endosse ici un rôle à contre-emploi avec le personnage inédit et tonitruant de Elizabeth Bonny, et on a l'immense plaisir de retrouver dans le rôle de Smee/Mouche Bob Hoskins, qui l'interprétait déjà vingt ans plus tôt dans Hook, ou la revanche du capitaine Crochet. Parmi les acteurs de renom, Charles Dance incarne avec sa classe habituelle un personnage d'alchimiste mi mage, mi dandy, Keira Knightley prête sa voix à Clochette en VO, et Q'Orianka Kilcher (Pahocantas dans Le nouveau monde de Terrence Malick) prête sa beauté magnétique à Tiger Lily. Dans le rôle principal, le jeune Charlie Rowe campe un Peter plutôt convaincant : de l'enfant ordinaire du début à l'insouciance de la fin (même si elle est encore très loin du tempérament propre au Peter de Barrie, on imagine qu'il s'agit là d'un processus qui se poursuit au-delà de la fin de la mini-série). Charlie Rowe (qui a depuis joué au théâtre aux côtés de Ruppert Everett, et plusieurs rôles au cinéma et à la télévision) n'en est pas moins crédible dans les différentes émotions du personnage et prouve par là qu'il était un choix intéressant pour incarner ce Peter avant Pan.
 



En bref : Une proposition de préquelle au Peter Pan de J.M.Barrie très fantasy mais intéressante à plusieurs titres. Le traitement du personnage de Peter en garçon des rues, dans la lignée de Loisel et consorts est intéressant et fonctionne plutôt bien, de même que les différents éléments du scénario qui s'emboitent à merveille pour préparer le terrain aux évènements à venir dans Peter Pan. On apprécie ce que le réalisateur et scénariste N.Willing fait des différents protagonistes, tous très bien joués, et de la psychologie qu'il insère dans la relation Peter/Hook. Le résultat se regarde avec grand plaisir.
 


 

samedi 6 février 2021

Son espionne royale et les douze crimes de Noël (Son espionne royale mène l'enquête #6) - Rhys Bowen.

The twelve clues of Christmas
(Her Royal spyness #6), Berkley, 2012 - Editions Robert Laffont, coll. La Bête Nore (trad. de B.Longre), 2020.

Sa mission : empêcher que noël ne tourne au cauchemar.
 
    Écosse, 1933. Tandis que son cher Darcy se la coule douce en Amérique du Sud pour les fêtes de fin d'année, et que sa mère s'est réfugiée dans le hameau perdu de Tiddleton-under-Lovey en compagnie du drolatique dramaturge Noel Coward, Georgie, elle, se retrouve coincée au château de Rannoch suite à une tempête de neige. C'est donc pour elle un miracle de Noël lorsqu'on fait appel à ses services pour animer une sauterie entre aristocrates à Tiddleton. Ce paisible village tout droit sorti des pages du Chant de Noël de Dickens connaît hélas une succession de tragiques événements : après qu'un enquiquineur du coin s'est cassé le cou en tombant d'un arbre, deux autres soi-disant accidents font deux nouvelles victimes... Se pourrait-il qu'un vent mauvais souffle au pays des merveilles ?

Entre Downton Abbey et Miss Marple, une série d'enquêtes royales so British !
 
***

    Sortie attendue avec impatience depuis notre lecture du tome précédent l'été dernier, ce sixième opus de la pétillante série Son espionne royale mène l'enquête tombait à pic avec sa publication aux veilles de l'hiver, l'intrigue se déroulant pendant les fêtes de Noël. Pour rappel, Son espionne royale, c'est une de nos lectures guilty pleasure : le milieu de l'aristocratie (désargentée) anglaise des années 1930, une jeune héroïne (35ème dans la liste d'accession au trône) inexpérimentée, et... des meurtres. Cosy mysteries vintage et enlevés, les livres de Rhys Bowen nous offrent toujours quelques délicieuses heures de détente. Après deux tomes sympathiques mais un peu moins bien construits, on avait hâte de découvrir cette nouvelle enquête...
 

    Terrifiée à l'idée de devoir passer les fêtes au château de Rannoch avec son horrible belle-sœur, Georgie se trouve une solution de secours en parcourant le journal du matin : une petite-annonce passée par une dénommée Lady Hawse-Gorzley, vivant dans le village de Tiddleton-under-Lovey dans le Dartmoor. Cette dernière recherche une jeune personne de bonne famille pour l'aider à occuper ses nombreux convives pendant les fêtes. Parfait ! C'est justement à Tiddleton que Claire Daniels, la mère de Georgie, a prévu de s'enfermer dans un gîte aux côtés du charismatique Noel Coward pour travailler sur une nouvelle pièce ; la jeune fille pourra ainsi la voir pendant son séjour. Une fois sur place, Georgie découvre un charmant village tout ce qu'il y a de plus typique : ses légendes et ses coutumes locales, une femme sauvage vivant à l'écart des habitations, le jeune simplet du faubourg, et les vieilles filles dévouées à l'entretien de l'église. Partout dans ce décor de carte postale, les habitants préparent les fêtes et Georgie s'investit avec enthousiasme pour seconder Lady Hawse-Gorzley. Mais alors que les nombreux invités s'apprêtent à arriver, on déplore déjà une série de morts accidentelles fort suspicieuses... Des prisonniers se seraient récemment évadés de la prison de Dartmoor : y aurait-il un lien avec tous ces décès? Tout le monde met ces drames sur le compte de la Malédiction de la Lovey, sort jeté plusieurs siècles plus tôt par une sorcière brûlée en place publique. Pour Georgie, cependant, un lien existe certainement entre les différentes victimes, même si elles semblent toutes avoir décédé dans des circonstances différentes...
 
 
"— Il est survenu un drame atroce, Noel, expliqua maman. Hier soir, l'oncle de Rosie est tombé d'un pont et s'est noyé.
— Ah, l'éphémère de la vie, dit-il en laissant échapper un soupir dramatique. Extrêmement navré pour votre oncle, Rosie chérie, mais pourriez-vous pleurer un peu plus discrètement, je vous prie ? Ma muse m'inspirait merveilleusement il y a encore dix minutes, avant qu'elle ne s'envole par la fenêtre et disparaisse en quelques battements d'ailes.
— Vous voulez que j'aille vous la chercher, m'sieur? proposa Rosie. C'est une sorte d'oiseau de compagnie, hein?"


    Les blogueurs et chroniqueurs anglo-saxons n'ont pas menti : ce sixième opus est réellement le meilleur de la série à ce jour! Rhys Bowen renoue ici avec un plaisir évident avec la tradition des polars vintage de Noël qui nous font alterner entre neige féérique, vin chaud, et ... frissons. En effet, outre l'enfilade de meurtres incongrus dans un décor de Noël blanc, l'auteure n'oublie pas de glisser ça et là les petits éléments qui apportent tout le sel de l'intrigue, autant de petits détails qui ont leur importance, et qui ne sont pas sans rappeler l'atmosphère de certains romans de la Grande Dame du Crime, Agatha Christie. L'ambiance délicieusement pittoresque de Tiddleton avec son histoire de sorcière locale nous évoque tantôt Mon petit doigt m'a dit, tantôt Le cheval Pâle, tandis que d'autres éléments renvoient à ces classiques que sont Le Noël d'Hercule Poirot ou Dix Petits Nègres. L'anecdote des prisonniers échappés de la prison du Dartmoor et les nombreux bourbiers et tourbières nous rappellent évidemment Le chien des Baskerville, auquel Georgie elle-même fait allusion tandis qu'elle se perd sur la lande brumeuse...
 

"— Les Wexler m'ont demandé si nous avions des bas de Noël. Qu'entendent-ils par là?
— Ils souhaitent sans doute les accrocher pour le père Noël.
— Les accrocher où donc?
— Au-dessus de la cheminée du salon, je suppose.
— Ma chère, avec tout ce monde, l'endroit prendrait vite l'aspect d'une blanchisserie chinoise, vous ne croyez pas?"

    Lady Hawse-Gorzley souhaitant offrir à ses invités des fêtes de Noël traditionnelles, ce livre est un véritable festival du Noël anglais d'antan, coutumes et cuisine y compris. On passe ainsi beaucoup de temps aux côtés de Georgie à décorer la maison de houx et de gui, on ouvre des christmas crackers pour y trouver des chapeaux en papier coloré, on occupe ses soirées en faisant des mimes ou des pantomimes costumés, on va chanter des christmas carols d'une porte à l'autre le soir du 24, et on se régale de mince pies, d'oies et de dindes farcies, de thé, et de beaucoup de grogs. On regrette que l'édition française ne comporte pas le petit supplément compris dans l'édition originale, un guide du Noël à l'ancienne avec des recettes, des goodies et des jeux de fêtes délicieusement désuets.
 

"— Tiddleton est incroyable, n'est-ce pas? Une femme sauvage, un idiot, des vieilles filles... C'est presque une carricature du vieux village anglais d'antan. J'ai du mal à croire que l'endroit est réel."

    Ce qui fonctionne aussi particulièrement bien dans ce tome c'est qu'en dépit de la place prise par la culture anglaise des fêtes de Noël, l'enquête commence beaucoup plus tôt que dans les livres précédents (où le décor mettait toujours un certain temps à se planter avant que ne survienne le premier mort). Ici, Rhys Bowen parvient à merveilleusement maîtriser le rythme de son intrigue et à équilibrer parfaitement ambiance, éléments secondaires, et suspense. Et le tout sans renier le pétillant qui a fait le succès de cette série : on retrouve évidemment la catastrophique femme de chambre de Georgie et le séduisant Darcy, avec qui les choses vont prendre une nouvelle tournure (enfin, c'est pas trop tôt)...
 

    Les fans de Miss Fisher ne pourront que penser à l'épisode final de la saison 2, Les douze jours de Noël, et remarquer les similitudes avec le roman de Rhys Bowen, la célèbre chanson des Twelve days of Christmas étant le ressort principal aux deux intrigues, qui présentent ainsi des ressemblances certaines. Alors qui, de l’œuf ou de la poule? Ce roman étant sorti alors que la saison 2 de Miss Fisher enquête! était seulement en cours d'écriture, on pourrait supposer que le livre a inspiré la série de D.Cox et F.Eagger... à moins que ce soit là pure coïncidence...


En bref : Avec ce sixième tome on ne peut plus réussi, Rhys Bowen s'amuse des codes du polar vintage de Noël en plongeant ses lecteurs dans un village pittoresque et ses traditions locales délicieusement désuètes. Le tout est servi dans une ambiance de fêtes hivernales d'antan qui apporte une vraie plus-value à l'histoire, d'autant que l'intrigue policière est rondement menée. Un vrai plaisir de saison! On a déjà hâte de lire le prochain...
 
 
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mardi 2 février 2021

Gourmandise littéraire : Le gâteau au sucre vert du Capitaine Crochet.

 

 
    On vous entend déjà d'ici : "Comment ça, un gâteau dans Peter Pan?!?". Eh oui, il suffit pour cela de remettre le nez dans le roman original de James Barrie (ce n'est pourtant pas faute de vous l'avoir conseillé avec insistance). Si le texte fait ici ou là référence à quelques gourmandises de façon assez brève, l'auteur revient par deux fois sur une histoire de gâteau qu'il développe avec tellement de détails qu'on aurait du mal de ne pas y faire attention. Et on y a tout intérêt, par ailleurs, car ce gâteau est... empoisonné! Enfin, disons qu'il est tellement riche qu'il est sensé en être mortel, si on en croit le Capitaine Crochet en personne...
 
    Petite remise en situation : Crochet vient tout juste de découvrir la cachette souterraine de Peter et des garçons perdus. Malheureusement, impossible d'y entrer : les passages, prévus pour des enfants, sont bien trop étroits pour les pirates! Persuadé qu'il trouvera malgré tout à vaincre son ennemi, le capitaine réfléchit avec un plaisir non dissimulé aux différentes possibilités criminelles qui s'offrent à lui. Parmi les options, il envisage de déposer à l'attention des enfants un gâteau ultra riche "au sucre vert" (!), dont l'indigestion causerait leur mort...
 


"— Retourner au bateau, répondit Crochet entre ses dents, et préparer un gros gâteau bien épais avec une jolie couche de sucre vert au-dessus. Il peut y avoir plusieurs pièces en dessous mais il n'y a qu'une cheminée. Ces petites taupes stupides n'ont pas pensé qu'ils n'avaient pas besoin d'une entrée chacun. Cela montre qu'ils n'ont pas de mère. Nous laisserons le gâteau sur la plage du Lagon des Sirènes. Ces garçons sont toujours à se baigner par-là et à jouer avec les sirènes. Ils trouveront le gâteau et ils l'avaleront tout entier parce que, n'ayant pas de mère, ils ne savent pas combien il est dangereux de se gaver de gâteau trop gras et trop sucré.
    Il éclata de rire. Pas un rire lugubre cette fois, mais un rire ordinaire.
— Ha! Ha! Et ils mourront!
    Smee l'avait écouté avec une admiration croissante.
— C'est le plan le plus exquis et le plus scélérat que j'ai jamais entendu, s'exclama-t-il."

Peter Pan, J.M.Barrie (trad. de M.Laporte), livre de poche jeunesse.

    Si le plan n'est pas mené à exécution dans l'immédiat, le gâteau est évoqué plus tard, dans la liste des nombreuses aventures vécues par Peter, les enfants perdus, et les Darling, que résume l'auteur en quelques paragraphes :

"Ou encore l'histoire du gâteau que les pirates préparèrent pour que les garçons perdus le mangent et meurent d'indigestion, et qu'ils laissèrent bien en évidence à des endroits stratégiques. Seulement Wendy arriva toujours à temps pour l'arracher des mains des garçons jusqu'à ce que le gâteau finisse par ne plus être appétissant du tout et devienne dur comme un caillou. Finalement, il servit de projectile : Crochet trébucha dessus, dans l'obscurité, et s'étala."

Peter Pan, J.M.Barrie (trad. de M.Laporte), Livre de poche jeunesse.

    L'épisode du gâteau n'apparait pas dans l'adaptation animée de Disney ou des récentes transpositions cinématographiques, mais inspire néanmoins un passage d'un court-métrage animé australien non autorisé de 1988 (souvent commercialisé en dvd à petit prix dans les discounts ; surveillez les têtes de gondole, c'est collector!) : le gâteau, empoisonné, est laissé à l'attention de Wendy par les pirates devant la cachette des garçons perdus et c'est Clochette qui la sauve in extremis de la mort (scène probablement également inspirée de la tentative d'empoisonnement du remède de Peter dans le livre). 

Le gâteau empoisonné dans une version animée australienne de 1988.

    Mais cela ne nous dit pas exactement ce qu'il en est de ce gâteau, et encore moins ce que peut-être ce "sucre vert". James M. Barrie ne donnant pas plus d'indications, c'est à nous d'enquêter et de nous faire notre propre avis sur la question. Pour imaginer de quel genre de gâteau il pourrait s'agir, il n'y a qu'à se replonger dans le contexte historique du livre et dans le passé du capitaine : l'époque victorienne. On sait en effet par quelques bribes d'information laissées ici ou là dans le roman que Crochet a probablement été éduqué dans une école privée britannique de grande classe, style Eton ou Oxford. Nulle doute, aussi, qu'il connait les traditions anglaises et qu'il a en son temps participé à un high tea digne de ce nom, au cours duquel lui aurait été servi un Victoria Sponge Cake.

    Qu'est-ce qu'un Victoria Sponge Cake? Mais enfin, c'est cette célèbre génoise à étages garnie de confiture de framboise et de crème fouettée qu'aimait tant la Reine Victoria avec son thé! Rappelez-vous, on vous en en déjà parlé à l'occasion de quelques gourmandises inspirées de Mary Poppins ! Quoi qu'il en soit, il nous semble que le Sponge cake corresponde tout à fait à l'idée que se fait Crochet d'un gâteau, qu'on réinvente un peu pour l'occasion. On imagine la version chocolatée de la génoise (une variante presque aussi célèbre que l'original), le tout avec quelques saveurs exotiques qui évoqueraient les plages lointaines arpentées par les pirates du Pays Imaginaires ; une chantilly de coco et, pour le mystérieux "sucre vert", du zeste de citron vert bien frais...
 
  
Ingrédients (pour 6 garçons perdus) :

Pour une génoise (à multiplier par deux):
- 4 œufs 
- 125 g de sucre
- 90 g de farine
- 2 c-à-s de cacao amer en poudre
- 1 c-à-c d'extrait de vanille
- 1 pincée de sel

Pour la garniture et le décor:
- 100 g de chips séchés ou de copeaux de noix de coco
- les zestes de 3 citrons verts
- 30 cl de lait de coco
- 3 c-à-s de sucre en poudre
- 1 c-à-s de sucre glace

A vos tabliers!

- La veille, préparer les deux étages de gâteau. Commencer par une première génoise : séparer les blancs des jaunes d’œufs puis battre énergiquement les jaunes avec le sucre jusqu'à ce que le mélange blanchisse. Monter ensuite les blancs en neige ferme avec le sel puis les ajouter délicatement à la spatule à la préparation précédente. Ajouter la farine et le cacao, mélanger délicatement.
- Graisser un moule rond d'environ 22 à 24 cm de diamètre puis y verser la pâte chocolatée. Mettre au four préchauffé à 200°C pour environ 25 minutes. Une fois cuite, sortir la génoise et la laisser refroidir une quinzaine de minutes avant de la démouler. Répéter la recette pour un second étage de génoise puis laisser les deux gâteaux reposer jusqu'à complet refroidissement.
- Toujours la veille, placer dans le bas du réfrigérateur le lait de coco, un saladier et les batteurs à œufs.
- Le lendemain, commencer par râper le zeste des citrons verts et les mélanger aux trois cuillères à soupe de sucre en poudre. Réserver.
- Sortir du réfrigérateur le lait de coco, les batteurs et le saladier.Y verser le lait avec le sucre glace puis faire monter le tout en chantilly au batteur électrique (tout comme le lait concentré, le lait de coco se prête très bien à cette expérience) jusqu'à obtenir un mélange onctueux et épais.
- Sur le plat de service, déposer le premier étage de génoise au chocolat. Le tartiner d'une épaisse couche de chantilly.
- Déposer délicatement sur le dessus le deuxième étage de génoise au chocolat. A la spatule coudée, tartiner généreusement le pourtour du gâteau de chantilly, puis y coller les chips de noix de coco.
- Terminer la décoration en saupoudrant le dessus du mélange de sucre et de zeste de citron.
- Conserver au réfrigérateur jusqu'au moment de servir.
 

A savourer entre deux chasses aux pirates et aux indiens...
 
 
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