vendredi 31 décembre 2021

Too Many Christmas Trees : Merry Christmas and Best Wishes from the Avengers !


    Big-Ben, les horloges de la City, et les montres à gousset de tous les gentlemen anglais n'ont de cesse de tictaquer : rouages et mécanismes s'acheminent lentement mais sûrement vers la fin d'année. Il est plus que temps de mettre le champagne au frais, brosser son chapeau melon et aiguiser la canne-épée de son parapluie. Il est plus que temps de célébrer (just in time) nos habituelles festivités d' "entre-deux fêtes".

 
    Pour cela, rendez-vous à Stable Mews, au n°3. Poussez la porte de l'élégante bâtisse de briques rouges qui fait l'angle de la rue et grimpez l'escalier qui, en son temps, fut célèbre pour avoir été le théâtre du passage de flambeau entre l’inénarrable Mrs Peel et la jeune Tara King. Au premier étage, prenez le couloir jusqu'à la porte verte encadrée de boiseries ; impossible de la manquer et si vous avez un doute, vérifiez le nom du propriétaire des lieux sur la sonnette.
 

    Inutile de toquer ou de sonner, inutile de briser la vitre pour entrer de force, inutile encore de chercher le ressort secret qui déverrouille le loquet (cela ne fonctionne que chez Mrs Peel). Contentez-vous d'entrer, vous êtes attendus.
 
 
    Le plus kitsch des sapins, tout droit sorti des sixties, a été dressé : boules en verre aux couleurs flashies et guirlandes pailletées comme seuls en portaient les arbres de Noël des années 60. Au sommet, on reconnait l'ange improvisé par Steed himself, perché sur sa cime et revêtu de son seul bikini. A moins que ce soit là une farce d'un invité pendant l'une de ses (nombreuses) soirées (trop) arrosées. 
 
    Au pied du sapin, de nombreux colis et paquets emballés de papiers brillants et dépareillés à motifs délicieusement vintage se disputent la place avec les crackers de Noël. Tous seraient-ils pour John Steed ? C'est ce qu'indique le carton à son nom, par ailleurs tout droit échappé d'une enquête hivernale des plus effrayantes... Et si Noël n'était finalement pas de tout repos, cette année encore ?
 
    Il semble que notre célèbre agent britannique ait déjà reçu quelques cartes de vœux ; il faut dire que tous les ans, c'est une avalanche de mots doux en provenance de ses nombreuses connaissances féminines qui arrive dans la boîte à lettres. Cette année ne fera pas exception. Pour l'instant, il n'y a que les vœux de Cathy Gale (qui écrit depuis un mystérieux séjour à Fort Knox...) et une carte anonyme au graphisme étrange, comme issue d'un vieux cauchemar... Mauvais souvenir de Noël 1965, peut-être ? Too many Christmas trees, isn't it ?

 
    Tout cela ne dit rien qui vaille. Peut-être est-il temps de solliciter l'aide précieuse de quelque partenaire à bottes de cuir afin d'affronter les potentiels Diabolical Masterminds qui prévoient de saccager le réveillon de leurs plans machiavéliques ? Aucune présence de la subtile Mrs Peel, ni de la réjouissante Miss King, cependant : ne restent sur les lieux que l’œil robotisé qu'on trouvait sur la porte d'entrée de la première (une amoureuse des progrès scientifiques et des gadgets cybernétiques) et les initiales stylisées dont la seconde ornait son appartement (un goût pour le pop-art que n'a jamais vraiment compris notre cher ami Steed, d'ailleurs).
 


    Aucun doute qu'un plan diabolique s'ourdit dans l'ombre : comme dans une autre de leurs célèbres aventures, voilà que l'iconique Bentley de Steed a été miniaturisée ! Impossible de rejoindre les quartiers du Ministère pour faire notre rapport à Mère-Grand (Comment ça, "Qui est Mère-Grand ?" Vous ne connaissez donc pas le supérieur hiérarchique des services secrets britanniques ?). Il va falloir avoir recours aux grands moyens...




    Vite, empressons-nous de laisser un message d'appel à la plus talentueuse des partenaires de Steed : en pigeon voyageur, transmis par ondes radios, sous la lunette d'un microscope, ou encore projeté à l'écran de sa télévision, rien de ne sera de trop pour prévenir Mrs Peel qu'on a besoin d'elle !
 


    Armons-nous d'un melon renforcé en métal (un coup sur le nuque de votre assaillant, et il fera de beaux rêves pendant quelques heures) et, en cas de dernière nécessité, d'un revolver (mais en véritable gentlemen, nous préférons évidemment tous pratiquer l'auto-défense au parapluie, n'est-il pas ?).
 
    Enfin, pour garder la tête froide, rien de mieux que de commander du champagne bien frappé !


    Ainsi parés à toute éventualité, nous pouvons désormais en toute quiétude vous souhaiter avec chaleur et sincérité...

 
Un très Joyeux Noël
(avec un petit retard)
et
Une très Bonne Année !
(avec une légère avance)
 
 



    Installez-vous confortablement à nos côtés dans le très chic Chesterfield du salon et faisons sauter le bouchon !
 

Cheers !

***


mercredi 29 décembre 2021

The Avengers : Steed and Mrs Peel (The comic strip adaptations #1) - une série audio de Ken Bentley.

The Avengers : Steed and Mrs Peel

The comic strip adaptations #1
 
Une série audio réalisée par Ken Bentley
Avec : Julian Wadham et Olivia Poulet

La réadaptation des aventures de Steed et Mme Peel parues en bande-dessinée dans le magazine Diana en 1966 et 1967 :

Return to castle De'Ath
Steed reste en suspens, Emma paie le joueur de cornemuse

The Miser
Steed se fait une frayeur, Emma est sous pression

The golden dresses
Emma touche à la haute-couture, Steed est à marée basse

The Norse code
Steed prend le taureau par les cornes, Emma prend son temps
 
Sortie : Avril 2016

***

    On en parle depuis un moment déjà : Chapeau Melon et Bottes de Cuir a entraîné dans sa continuité de nombreuses réadaptations sous toutes les formes possibles, notamment en BD mais aussi en pièces de théâtre ou en épisodes radiophoniques. De 1971 à 1973, une station de radio britannique sud-africaine transpose par exemple la célèbre série en fiction audio mettant en scène Steed et Mrs Peel, alors interprétés par deux comédiens expatriés : Donald Monat et Diane Appleby.

Diane Appleby et Donald Monat, pour la première adaptation radiophonique en 1971-73.

    Les feuilletons radiophoniques mais aussi les pièces de théâtre radio ou encore les radio-dramas sont autant de formats de fictions audios qui ont eu la part belle sur les ondes dans la première moitié du XXème siècle, jusqu'à ce que la télévision se popularise dans les foyers et que l'écran ne leur vole la vedette. Actuellement, dans l'hexagone, c'est surtout France Culture qui est connue pour son offre en la matière, notamment en adaptant en versions sonores de nombreux classiques, parfois enregistrés en live. A distinguer du livre-audio, le feuilleton ou la fiction radio n'est pas une simple lecture de l’œuvre originale mais bien une adaptation portée par une véritable mise en scène, avec autant d'interprètes que de personnages, et dont les bruitages et la dimension immersive doivent se substituer à la nécessité d'une narration descriptive ou explicative.
 
Visuel des "comic strip adaptations" par Big Finish.

    Très populaire outre-Manche, la mode des fictions audios a perduré au point d'exister au-delà de leur simple diffusion à la radio et de se commercialiser (en CD ou disponibles en téléchargement), un filon dont s'est emparée la société Big Finish, maison de production britannique qui conçoit depuis 1996 des feuilletons sonores principalement adaptés de séries télévisées à succès comme Doctor Who, Le Prisonnier, ou les Thunderbirds. En 2013, Big Finish propose ainsi une version audio des épisodes disparus de la saison 1 des Avengers, laquelle mettait alors en scène Steed et le Dr Keel, bien avant que n'arrivent les avengergirls. Face au succès rencontré par les sept volumes audios réalisés, Big Finish a rapidement envisagé de poursuivre l'aventure en introduisant le personnage de Mrs Peel. Pour cela, la production a puisé son inspiration dans les nombreuses BD adaptées de Chapeau Melon & Bottes de Cuir.
 

    C'est ainsi que les huit histoires imaginées et dessinées par l'artiste Emilio Frejo (dont on vous parlait dans notre précédent article) publiées dans la revue pour adolescents Diana en 1966 et 1967 ont connu leur transposition en fictions sonores en 2016 ! Pour l'occasion, Julian Wadham, qui interprétait déjà Steed dans les épisodes disparus, a repris le rôle de l'agent au chapeau melon. Ce comédien de cinéma, de télévision et de théâtre a fait ses armes aux côtés de Rupert Everett et de Kenneth Branagh et il est apparu dans de nombreuses réalisations de qualité, notamment Dowton Abbey. A ses côtés, parmi de multiples prétendantes au rôle, c'est Olivia Poulet qui s'est vue confier le personnage d'Emma Peel. Cette scénariste et actrice de télévision britannique a joué dans de nombreuses fictions du petit écran, de Sherlock à The Musketeers ou encore Meurtre au Paradis.
 
Julian Wadham
 
    Ce premier volume des "comic strip adaptations" comprend une version audio des quatre premières histoires d'Emilio Frejo. Big Finish ne s'est pas contenté de mettre en voix le comics : le producteur David Richardson et le réalisateur Ken Bentley ont engagé de talentueux scénaristes afin de transformer les aventures illustrées de quelques pages en fictions de cinquante minutes chacune, comme l'étaient les épisodes télévisés. En respectant les trames des histoires conçues par E.Frejo, les auteurs ont ainsi augmenté, étayé et enrichi les intrigues ; cela passe le plus souvent par la création de personnages secondaires, le redéploiement des rebondissements ou l'ajout de scènes d'introduction et de conclusion, toujours dans le pur style de la série télévisée.
 
Trailer pour la sortie du volume 1
 
    Le résultat, particulièrement enchanteur, a un goût de madeleine de Proust. Les scénaristes sont tous de grands fans de la série (on peut lire leurs témoignages à ce sujet dans les différents livrets contenus dans les boitiers CD) et ont tenu à honorer le matériau d'origine. Chaque épisode sonore s'ouvre ainsi sur la musique du générique composée en son temps par Laurie Johnson, à laquelle suit une scène de mise en situation restituant le crime initial (une attaque, un meurtre, un fait inexpliqué...) puis, pour le plus grand plaisir des auditeurs, Steed et Mrs Peel sont introduits par le gimmick "Mrs Peel, we're needed". Cette célèbre accroche, déclinée sous toutes les formes possibles au cours de la saison 5, est ici adaptée en format audio – une entreprise ô combien ardue, mais tout particulièrement réussie. Alistair Lock, compositeur attitré des réalisations Big Finish, recréé des mélodies d'ambiance et de transition qui rappellent beaucoup celles de la série (notamment de la saison 4) mais qui, probablement pour des raisons de droits, ne sont pas des reprises identiques (on regrette à ce titre l'absence du célèbre thème tintinabulant qui accompagnait les scènes "Mrs Peel, we're needed"). Ce léger manque est compensé par l'omniprésence du champagne (ah, tous ces délicieux "POP" tellement sonores !), lequel était particulièrement absent dans les BD d'E.Frejo.

Séquence nostalgie : tous les "Mrs Peel, we're needed" de la saison 5 !

    La dimension immersive des épisodes est bluffante : sans aucune narration, les bruitages et l'atmosphère sonore suffisent à contextualiser les scènes et donner vie à des histoires complètes, aux décors et aux transitions. La qualité audio est la preuve que Big Finish est bel et bien passé maître en la matière. Quant au casting, c'est là aussi une réussite totale. Qu'on soit habitué au doublage français ou aux voix originales de Patrick McNee et Diana Rigg, il peut être perturbant d'imaginer d'autres voix incarnant les mêmes personnages, surtout lorsque la dimension sonore est le seul support. Et pourtant, Julian Wadham propose une prestation qui, sans chercher l'imitation, fait véritablement écho à la tessiture et à l'accent de Patrick McNee. Olivia Poulet ne démérite pas non plus : sans avoir le timbre de voix de Diana Rigg et sans chercher à le copier, elle parvient à trouver le rythme, les modulations et le ton qui redonnent vie à la personnalité de l'héroïne. Stupéfiant !
 
Olivia Poulet
 
    Tout comme dans leur version BD, nous avons eu une préférence pour les adaptations sonores de "Return to Castle De'Ath" et de "The Norse code". Les scénaristes font du premier la suite de l'épisode "Le fantôme du château De'Ath" de la saison 4, une occasion de susciter la nostalgie (des personnages comme des fans) et de s'appuyer sur les ressorts de cet épisode pour augmenter le scénario initial de la BD. On vit ce séjour en pleine Écosse enneigée comme si on y était : le vent sur les pistes de ski, le bruit des pas dans la poudreuse et l'écho effrayant des tunnels secrets du château... Un régal, avec une mention spéciale pour l'ajout d'un nouveau personnage : Béatrice de Bourgogne, comtesse française en séjour au château qui réserve bien des surprises. Concernant "The Norse code", on se retrouve immergé par la simple magie des bruitages sur un petit village côtier, le tout agrémenté de nombreuses mélodies entraînantes ; l'histoire est augmentée d'une dimension historique pertinente quant au passé viking de cette région de l'Angleterre, ce qui donne de l'épaisseur à cette enquête palpitante.
 

En bref : Superbement mis en scène et en son, ce premier volume des "comic strip adaptations" est un bijou d'immersion sonore qui sublime la BD d'Emilio Frejo et fait honneur à la série originale. On est réellement épaté par la prestation des acteurs principaux et la qualité des enregistrements. Une vraie pépite qui nous fait regretter que cette transposition n'existe qu'en VO. On a déjà hâte de découvrir le second volume !




samedi 25 décembre 2021

The Avengers : Steed and Mrs Peel ; eight vintage stories from the "Diana" comic - Emilio Frejo (textes et dessins).

The Avengers comic strip, D.C.Thomson, Diana Magazine (issue 199-224), 1966/67 - Big Finish, 2016.
 
    En 1967, l'éditeur de presse D.C.Thomson a conclu un arrangement avec ABC Television Ltd pour adapter Chapeau Melon & Bottes de Cuir en une série de bandes-dessinées inédites pour la revue Diana. Les superbes illustrations de cette création ont occupé les numéros 199 à 224 du célèbre magazine au rythme d'une double-page par semaine.
    Cinquante ans plus tard, la société de livres audios Big Finish passe un contrat avec Studio Canal, qui détient désormais les droits de la série culte, pour adapter à son tour cette bande-dessinée en feuilleton audio, avec les comédiens Julian Wadham et Olivia Poulet dans les rôles de Steed et Mme Peel. Ce livre rassemble aujourd'hui les huit épisodes originaux en BD, intégralement restaurés, ainsi que les secrets de création et des entretiens avec le casting de l'adaptation audio.

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    On en a parlé il y a peu : Chapeau Melon & Bottes de Cuir, comme nombre de séries à succès, a connu de multiples adaptations, tant en roman qu'au théâtre, ainsi qu'en bande-dessinée. Avant le comics Steed and Mrs Peel créé au tout début des années 90 pour fêter les 30 ans du feuilleton, The Avengers avait déjà connu de nombreuses transpositions sous forme de strips dans la presse. L'une des plus connues outre-Manche est celle parue dans la revue britannique Diana, destinée à un lectorat adolescent : huit histoires inédites écrites et illustrées par l'artiste d'origine espagnole Emilio Frejo, publiées au rythme d'une double-page par numéro hebdomadaire entre 1966 et 1967.
 

    Restée dans les mémoires de nombreux fans mais jamais rééditée depuis, cette BD a connu une renaissance bienvenue tout récemment, grâce à la société Big Finish. Big Finish ? What is it ? Inconnue dans l'hexagone, cette maison de production britannique conçoit et diffuse des audiobooks mais, surtout, des feuilletons et pièces radiophoniques. Ce genre quelque peu tombé dans l'oubli en France (excepté sur Radio France, notamment France Culture, qui continue d'en enregistrer quelques très beaux exemples, souvent adaptés de classiques de la littérature) est resté un média très prisé en Angleterre. Depuis sa création en 1996, Big Finish a enregistré aussi bien des adaptations audio de grandes œuvres littéraires que (et c'est depuis devenu son activité principale) de séries télévisées célèbres. Principalement connue pour ses nombreux épisodes audio et spin-off de Doctor Who, cette société s'est lancée en 2013 dans l'enregistrement et la commercialisation en audio des épisodes disparus de la saison 1 des Avengers dont les scripts, à défaut des bandes vidéos, existaient toujours. Très vite, la production a souhaité poursuivre l'aventure avec les personnages de Steed et Mrs Peel, pour lesquels la matière première était toute trouvée : Big Finish allait transposer en épisodes s les nombreuses BD publiées depuis la création de la série.
 

    Ainsi le comics de Diana est-il ressorti de la naphtaline ! L'éditeur D.C.Thompson, qui possédait alors les droits de la BD d'Emilio Frejo, a non seulement accepté le projet avec grand enthousiasme, mais il a également donné son accord pour une réédition des huit épisodes illustrés sous forme d'un album. La société Big Finish s'est chargée de cette publication, non sans avoir restauré les magnifiques planches d'origine, complétant l'ouvrage d'éléments de contexte et d'interviews de l'équipe de production et du casting audio. Qu'on choisisse ou non d'acquérir simultanément les épisodes sonores conçus par Big Finish, cela nous offre en tout cas la très belle opportunité de (re)découvrir ce comics d'une grande qualité.
 
Campagne publicitaire pour les épisodes audios.

    Ces histoires ne possédaient initialement pas de titre mais, par souci de précision et d'accroche narrative, chaque épisode s'en est vu attribuer un à l'occasion de cette réédition. C'est ainsi sur une intrigue particulièrement enthousiasmante que s'ouvre ce recueil : "Return to castle De'Ath", présenté comme une suite du célèbre épisode télévisé "Le fantôme du château De'Ath" de la saison 4. Si on réalise qu'il s'agit là d'une réinterprétation créée tout exprès pour la version audio (malgré les points communs évidents, rien n'indique réellement dans la BD qu'il s'agit du même château), l'effet d'annonce fait son œuvre à merveille et on se laisse totalement emporter par l'univers familier des Avengers.
 
 
"Return to castle De'Ath"
 
    Sur ces huit aventures d'un format très court (deux à quatre doubles-pages selon les épisodes), certaines plus que d'autres parviennent à se réapproprier les codes et l'atmosphère propres à la série. "Return to Castle de'Ath", évoqué à l'instant, est à ce titre une petite merveille. On y retrouve nos deux agents chargés de protéger un prince oriental en séjour dans un château écossais aménagé en station de ski (ambiance hivernale totale, une lecture parfaite pour la saison !) qui fourmille d'agents ennemis - un récit qui fonctionne totalement et qu'on imagine aisément porté à l'écran au cours de la saison 4. Malgré d'excellentes idées, la sauce prend moins bien dans l'épisode "The Miser" ou le pourtant prometteur "The Golden dresses", même si les clins d’œil à la série sont plaisants. Le premier, outre un Diabolical Mastermind qu'on découvre être un ridicule petit bonhomme complexé par sa taille (un méchant digne du show), nous donne à voir une Mrs Peel retenue prisonnière sous une presse à cidre, comme dans l'épisode "Dans sept jours, le déluge". Le second met en scène une maison de couture servant d'écran de fumée à des activités criminelles ;  le ressort principal consiste en des robes tissées d'or répondant à des ondes électriques afin de contrôler à distance les femmes qui les portent (on pense alors aux célèbres cybernautes de la série, évidemment). Autre légère déception malgré ses nombreuses ressemblances avec "Le tigre caché" (saison 5) : "The Antagoniser" (intrigue centrée sur l'invention d'un savant fou qui parvient à faire resurgir des instincts meurtriers chez l'animal même le plus sage) reste très convenu et un peu cheap.


    Effets garantis, en revanche, pour les épisodes "The Norse code", "Playtime is over" ou "The Mad Hatter". Le premier évoque une version viking de l'épisode de la saison 3 "Cette grandeur qu'était Rome" et met en scène des criminels grimés en Vikings, voyageant en Drakkar en pleine campagne anglaise (!). Le second joue avec style et audace avec les codes de l'enfance, un univers souvent utilisé dans la série, si bien qu'il est impossible de ne pas songer à "Rien ne va plus dans la nursery", faisant de cette histoire un potentiel excellent épisode de la saison 5. On y suit Steed et Mrs Peel face à une troupe de sept nains de cirque déguisés en enfants, commettant des crimes pour le compte de Black Heart, leur vénéneuse chef de gang. Cette grande méchante aux allures de vilaine reine opère depuis son QG caché dans dans un magasin de jouets et communique avec ses sbires via des écrans dissimulés dans des miroirs. Les références à Blanche-Neige et les objets féériques détournés en gadgets montrent que l'auteur avait tout cerné des codes du show
 

    Enfin, "The Secret Six", s'il ne semble pas faire l'unanimité sur la toile, nous a en revanche plutôt convaincu. Cet ultime histoire de l'album a en effet été critiquée pour son univers trop éloigné de l'atmosphère de la série, mais certains très bons épisodes du show pouvaient parfois l'être et, même, se démarquaient justement ainsi. A ce titre, tout comme l'épisode "Le dernier des sept" (saison 5) qui se voulait un hommage assumé aux Dix petits nègres d'A.Christie, "The Secret Six" est un clin d’œil appuyé au roman Les Quatre de la Grande Dame du Crime. En ce qui nous concerne, nous avons donc été pris au jeu par cette intrigue de bal masqué pendant lequel sont mis à jour les "Secret Six", six grands criminels internationaux parmi les plus recherchés par les autorités du monde entier.
 

    De façon générale, on a donc ici des intrigues globalement fidèles à la série originale, pour la plupart à l'atmosphère de la saison 4. Le format parvient, malgré sa brièveté, à glisser quelques dialogues intéressants entre nos deux héros même si cela n'est pas aussi savoureux ou exploité que dans d'autres adaptations. En effet, la concision reste de mise afin de respecter le peu de place laissée dans la revue Diana : l'auteur a ainsi recours à de nombreuses ellipses et se trouve obligé d'user et d'abuser de cartouches narratifs et récitatifs pour commenter ou raconter l'avancée de l'enquête plus rapidement. Enfin, lectorat jeunesse oblige, Emilio Frejo troque l'iconique coupe de champagne finale contre... une (triste) tasse de café !
 

    Ces quelques défauts sont en revanche compensés par un atout de taille, qui fait de cette adaptation en BD l'une des plus réussies : les illustrations. Diplômé de l'école de comics de Valenciennes, Emilio Frejo s'inspire directement de photos promotionnelles ou de clichés d'épisodes pour redessiner les visages de nos deux héros. Le résultat est d'une rare finesse et d'une élégance admirable : les faciès et silhouettes de Diana Rigg et Patrick McNee sont particulièrement reconnaissables et les reliefs et jeux d'ombre, saisissants de réalisme. Si E.Frejo n'a pas veillé à reproduire avec fidélité ces décors emblématiques que sont les appartements de Steed et Mrs Peel, il a par contre reproduit leur garde-robe avec une fidélité qui mérite les honneurs. On reconnait ainsi de nombreuses tenues portées par Emma dans saison 4 ainsi que quelques emmapeelers de la saison 5.
 

    Enfin, le découpage des cases et la mise en scène (ou devrait-on dire "mise en planche"?) sont quasi cinématographiques : certaines vignettes offrent des prises de vues dignes des meilleures films d'action (et certainement alors impossibles pour le petit écran), à l'image de la scène très intense du télésiège dans l'Ecosse enneigée de "Return to castle De'Ath". Une merveille visuelle qui sert totalement le scénario.
 
Un découpage et des angles de vue extraordinaires !
 
En bref : Une merveilleuse transposition en comics de Chapeau Melon & Bottes de Cuir ! Vintage à souhait et portée par une mise en image d'une rare élégance, cette BD méritait sa réédition. On a à présent hâte de voir (enfin, d'écouter) ce que donnera l'adaptation en épisodes radiophoniques de ces aventures hautes en couleurs !