jeudi 26 avril 2018

Un hiver résolument émilien...

Pedro Pan Rabbit et la divine Emilie, ou luge sur la Blaise gelée.

  
  Voilà le billet de blabla saisonnier retardataire coutumier! C'est que pour clore officiellement l'hiver, nous avons attendu ici que nous quittent définitivement les températures hivernales... pour passer directement à l'été (puisque nous voulions du soleil, nous somme servis, et nos pauvre thermomètres ne sont pas loin d'exploser). Petit récapitulatif de cette hiver 2017/2018, résolument émilien.

 Image de Pascale Debert pour sa conférence sur Émilie.

  Pourquoi émilien? Parce qu'il y a eu la sortie tant attendue du livre de Pascale Debert, Emilie du Châtelet, philosophe des Lumières, sortie marquée quelques semaines plus tôt par une conférence de l'auteure sur la divine marquise : Emilie du Châtelet, une marquise avant-gardiste! Quelle joie de rencontrer enfin cette grande spécialiste du XVIIIème siècle et chroniqueuse du pétillant blog historique Histoires Galantes! Pour marquer l'occasion, j'avais emmené avec moi un petit flacon de Parfait Amour maison en cadeau : un présent lourd de sens lorsqu'on sait qu'il s'agissait de l'une des boissons préférées d'Emilie..


Visites érudites et promenades givrées:

  Pour persévérer dans la docte atmosphère des Lumières, j'ai continué de creuser le sujet des sciences et techniques made in XVIIIème siècle en faisant un tour par Paris et son très beau musée des Arts et Métiers : s'il on regrette le manque d'explications sur les objets exposés, on en prend quand même plein les yeux. Des sphères armillaires au laboratoire de l'Abbé Nollet puis des Lavoisier en passant par les premières machines à calculer, c'était un petit voyage dans le temps de l'érudition et des techniques de Jadis. Avant de partir, je n'ai pas oublié de faire un détour par la machine volante qui plane dangereusement au-dessus du grand escalier et de jeter un œil au pendule de Foucault qui continue d'osciller mystérieusement depuis déjà quelques années.


  Après les sciences, les curiosités : direction le Musée de la Chasse et de la Nature (!) car, oui, derrière son nom si peu sexy se cache un lieu digne du cabinet d'étrangetés. Entre les animaux naturalisés et les armes exposées, c'est une atmosphère fantastique et mystérieuse qui habite cet ancien hôtel particulier du XVIIème siècle. Outre leur superbe papier peint totalement improbable (ces adorables bambis décapités feraient merveille dans un récit de Stephen King...) et ses galeries de portraits capiteuses dignes du Phantom Manor de Disneyland, il y avait une exposition de Sophie Calle délicieusement dérangeante, et ce même si l'on ne comprenait pas toujours où elle voulait en venir (mais j'ai adoré le cerf déguisé en petit chaperon rouge ^^'). 

Hum... curious and curiouser...




  Ajoutons à cela un petit tour chez les ducs de Lorraine (Nancy), puis un dernier weekend hivernal sous une épaisse couche de neige (il aurait été dommage de passer au printemps sans une vraie et belle chute de flocons!), et la saison était faite (enfin! Adieu froid, givre, humidité...).





Popotes et casseroles:

  Moins d'essais culinaires exceptionnels et de nouveautés que d'habitude, par manque de temps. Ceci dit, on ajoutera au cahier de recettes du Terrier ce crumble de potiron plutôt convainquant et les courges Délicatas farcies au risotto, sans omettre le velouté de Butternut à la poudre d'amande (c'est fou qu'après tant d'années à réinventer les cucurbitacées on trouve encore des recettes inédites! :-D ). Dans les mêmes couleurs, n'oublions pas une réconfortante purée de patates douces, cuisinée par kilos (oui, parce que c'est comme son nom, la patate douce, c'est réconfortant, donc il en faut plein en hiver). Côté poissons, à part les habituelles papillotes, on a essayé la quiche au saumon, histoire d'oublier une horrible quiche au saumon de cantine et pour ne pas rester sur un mauvais souvenir. Conclusion : c'est toujours mieux quand c'est fait maison, mais ça on le savait! Enfin, pour le sucré, nous avons préparé par dizaine des pots de cotignac, une confiture issue des cuisines de la divine Emilie dont je vous parlerai plus avant dans une prochaine gourmandise littéraire!





Bricoles et fariboles... ou pas... ou bien...

    Peu ou pas de temps, en effet, pour s'atteler à de quelconques bricolages ou créations manuelles. Je suis en effet tout occupé à un projet professionnel culturel/historique qui me prend tout mon temps depuis quelques mois (dont de nombreuses heures en nocturne sur l'ordinateur, parce que ces maudites journées n'ont pas assez d'heures et qu'il y a des échéances à respecter...). Pour autant, la créativité n'a pas été mise de côté, loin de là, car il y a beaucoup de créations informatiques! Je ne vous en dis pas plus maintenant mais dévoile quelques visuels (et en plus il y a ENCORE Emilie! ;) ).

 Emilie du Châtelet fashion victim, Voltaire gagnant du loto, et Louise Michel Wonder Woman...

Acquisitions livresques:

  Pas le temps de lire, mais on compense en achetant à profusion. Si ma boulimie acheteuse livresque est le signe d'un trouble ou d'un manque émotionnel, je pense être bon pour quelques séances chez le psy...


  Des carnets illustrés de Benjamin Lacombe, un ouvrage sur la Comtesse de Simiane (petite nièce d'Emilie... voui, voui, encore), la suite de Petits meurtres à Mangle Street, La BD Mauvais Genre, adaptée de la Garçonne et l'assassin, un roman de la délicieusement british Willa Marsh, la biographie rééditée d'Emily Bronte, le roman Shirley de sa sœur Charlotte, L'amusante et inattendue BD C'est une pastèque, le comics Bandette (américain mais qui puise son inspiration dans les récits d'aventures franco-belges... et une héroïne qui ressemble beaucoup à notre Fantômette nationale!), la suite des Sorcières du Clan du Nord, le roman à paraître La maison en partenariat avec l'éditeur, et, pour retourner dans le XVIIIème, Deux hommes de bien, d'A.P.Reverte.

  Eh bien oui, quoi, on ne sait jamais si on ne pas être à court à un moment donné...

***

  Voilà pour cet hiver émilien! Avec le printemps arrivent doucement les échéances de fin d'année scolaire, et on se sent déjà dans la dernière ligne droite. Malgré le gros projet en cours, j'ai quelques lectures qui attendent leur chronique et le blog ne sera pas abandonné, même si les publications se feront peut-être un peu en pointillés d'ici Juillet. Je viendrai vous rendre compte des résultats au prochain article saisonnier... D'ici là profitez bien du printemps et des premières lectures au soleil!


mercredi 4 avril 2018

Un assassin de première classe (Les enquêtes trépidantes du club Wells & Wong #3) - Robin Stevens

First Class Murder (Wells & Wong #3), Corgi, 2015 - Editions Flammarion Jeunesse (trad. de Faustina Fiore), 2018.


«Nous étions au milieu du wagon, trop loin de la porte pour partir en courant. Nous devions nous cacher, sinon ils nous surprendraient! Nous n’avions pas le choix. J’ai plongé sous la nappe et Daisy s’est enfoncée près de moi comme un lapin dans un terrier.»

Hazel et Daisy partent en vacances à bord de l’Orient-Express avec M. Wong. Une seule interdiction : jouer les détectives.
Alors qu’un espion se cache dans le train, une riche héritière est assassinée dans une cabine verrouillée de l’intérieur. Le club de détectives est obligé de reprendre du service! Attention, elles ne sont pas les seules sur l’affaire...


***

  Après Un coupable presque parfait et De l'arsenic pour le goûter, on retrouve avec plaisir Daisy Wells et Hazel Wong, les deux collégiennes anglaises férues de mystères et d'affaires criminelles, pour un voyage à bord de... l'Orient-Express



  Après les tragiques événements du second tome, Mr Wong, le richissime père d'Hazel, propose d'emmener les deux jeunes filles en voyage à bord de l'Orient Express pour un tour de l'Europe. S'il souhaite leur changer les idées, il espère surtout les tenir éloignées de toute forme d'énigmes et d'affaires mystérieuses, encourageant Hazel à servir d'exemple à l'impétueuse Daisy. S'il savait à quel point sa fille, même lorsqu'un meurtre fait ressurgir les côtés les plus timorés de sa personnalité, aime désormais mener l'enquête autant que son amie! Et quel meilleur cadre pour un crime que ce train luxueux, véritable huis-clos doré sur rails? A peines embarquées, les deux adolescentes reconnaissent leur ancienne préceptrice -accessoirement espionne au service secret de sa Majesté- sous une nouvelle identité, et font connaissance d'un couple people , Mr et Mrs Daunt, autour duquel tourne un essaim de personnes plus ou moins recommandables : une gouvernante peu amène, un frère fauché comme les blés et auteur de romans policiers à la petite semaine, une voyante un peu perchée, une comtesse russe qui les accuse du vol de son collier, et un magicien de renom. Alors lorsqu'on retrouve Mrs Daunt assassinée dans son compartiment, le club de détective Wells et Wong décide de reprendre du service! Parviendront-elles à mener l'enquête sans éveiller les soupçons de Mr Wong?... Pour cela, peut-être pourront-elles compter sur l'aide d'Alexander, le charmant petit-fils de la comtesse, lui-même détective amateur...


  Quel régal de retrouver notre pétillant duo de petites détectives! Si l'univers de Robin Stevens est un hommage assumé à Agatha Christie, ce tome est bien évidemment un clin d’œil appuyé au célèbre Crime de l'Orient-Express, l'un plus célèbres romans de la grande dame du crime. Si j'ai craint au départ que l'intrigue de Stevens ne ressemble trop à celle d'A.Christie, la poursuite de son histoire s'en détache totalement. En effet, elle y sème tout d'abord quelques références (Daisy lit le roman pendant le voyage puis s'en sert à un moment donné comme source d'informations), mais on finit par oublier totalement le Crime de l'Orient-Express. Robin Stevens aura sans doute anticiper ces mêmes craintes chez ses lecteurs puisqu'elle glisse dans son histoire un personnage d'auteur raté qui est justement en train d'écrire un roman policier qu'il plagie sans honte aucune sur le roman d'A.Christie! Si ça n'est pas de la mise en abyme...


  L'intrigue est comme toujours très bien conçue et Robin Stevens construit parallèlement deux mystères qui se chevauchent : le meurtre de Mrs Daunt et la présence d'un espion ennemi dans le train. Entre les nombreux suspects hauts en couleurs et les pièges qu'elle sème à l'attention de ses deux enquêtrices comme de ses lecteurs, l'auteure nous offre un passionnant jeu de piste, un whodunit classieux et fouillé. Comme dans ces deux précédents ouvrages, elle ne sous-estime pas son lectorat en proposant un polar trop léger mais sert un scénario qui a tout des grands mystères littéraires. Aussi, pour ne pas choquer ni trop alourdir son roman, elle ne cesse de faire des allers et retours entre les éléments purement policiers et le regard distancé que posent dessus nos deux jeunes héroïnes, entre humour et perspicacité.

En bref: Un nouveau whodunit réussi made in Wells & Wong! Dans cet hommage au Crime de l'Orient Express, Robin Stevens construit une intrigue entre référence et originalité toujours impeccablement bien conçue. On attend avec impatience le prochain tome de cette série génialissime!

Un grand merci aux éditions Flammarion pour cette lecture! 

 
 

lundi 2 avril 2018

Miasmes - Elisabeth Sanxay Holding, illustrations de Leonid Koslov

Miasma, 1929 - Editions Baker Street (trad. de J.Stabile), 2018.

  Lorsqu’il accepte un poste d’assistant du Dr Leatherby, le jeune médecin Alexander Dennison trouve l’ambiance étrange. Logé dans la grande maison du Dr Leatherby, il n’arrive pas à mettre le doigt sur les sources de son malaise.
  Des allées et venues secrètes, des personnes au comportement et aux paroles contradictoires, un patient qui meurt mystérieusement peu après une consultation… Plus il cherche à comprendre et plus il se trouve confronté à l’hostilité des uns et des autres. Mais Dennison va s’accrocher à la recherche de la vérité, et se trouvera pris dans une spirale de plus en plus vertigineuse…

  Paru en 1929 et inédit en France, Miasmes est le neuvième roman d’Elisabeth Sanxay Holding, mais sa première incursion dans le domaine du suspense. Holding fait déjà preuve d’une ingéniosité diabolique dans la construction d’une intrigue dont il est impossible de décrocher.
  Des illustrations distinctives et percutantes accentuent l’ambiance délétère et suprêmement ambiguë.

***

  Attention redécouverte! Avec Miasmes, les éditions Baker Street proposent aux lecteurs un roman jusqu'ici inédit en France, mais originellement publié pour la première fois en 1929 en Amérique. On le doit à Elisabeth Sanxay Holding, perçue comme la "marraine" du thriller psychologique. Pourtant, rien ne la prédisposait à faire succès dans le suspense, n'y même à s'y essayer : après une première carrière reconnue dans la littérature romantique dans les années 1920, la crise financière de 1929 l'amène à changer radicalement de ligne de tir. C'est à l'aube de cette période trouble qu'elle écrit et publie Miasmes, récit policier à la psychologie omniprésente. Elle est dès lors acclamée par les plus grands du genre, Raymond Chandler (auteur du Grand Sommeil) en tête.
  E.S.Holding fait donc d'un coup d'essai un coup de maître. On peine à croire qu'il s'agit en effet d'une "première fois" tant elle semble maîtriser les codes du roman noir avec ce récit, que n'aurait d'ailleurs probablement pas renié Hitchcock lui-même tant l'atmosphère toxique qu'elle distille colle à sa filmographie. 


  Comme le célèbre réalisateur, elle parvient à faire s'insinuer le doute dans un décor et une situation initiale élégante et chaleureuse qui ne devraient pourtant pas être sujets à suspicion. Dès lors, le lecteur se trouve pris dans la même spirale que le personnage principal, essayant tantôt de se convaincre que rien d'étrange ne se trame, avant de penser tantôt le contraire. Cette alternance incessante revient tel un ressac, tandis que la tension grimpe et que les motivations qu'on ne prêtait même pas à certains protagonistes s'avèrent de plus en plus obscures. A qui faire confiance? La solitude évidente de Dennison face à cette situation renforce l'ambiance anxiogène parfaitement instaurée par l'auteure, qui nous mène par le bout du nez jusqu'à la révélation finale. Fausses pistes et faux semblants sont de la partie.

 Les illustrations de L.Koslov viennent souligner avec style et pertinence les accents mystérieux du récit...


  La psychologie des personnages est particulièrement travaillée et à ce titre, Dennison est déjà tout un programme a lui seul. Bien qu'étant le protagoniste majeur du récit, il a ceci de particulier qu'il ne suscite pas davantage la sympathie. D'un naturel défiant et méfiant, parfois taciturne, E.S.Holding ne l'a pas créé pour plaire au lecteur, et cela ajoute encore un peu plus à l’ambiguïté qui émane de son histoire. Les personnages féminins sont également très intéressants, et encore plus pour l'époque (on observe alors une nouvelle image de la femme, celle des débuts de l'émancipation portés par les années 20) : Hilda, derrière son apparence de sage secrétaire, se révèlera plus complexe qu'elle ne l'est de prime abord, et surtout, Evi, future Mrs Dennison, apportera la surprise. Son incursion soudaine dans le dernier tiers du livre (elle n'était jusqu'ici présente qu'à travers la correspondance postale avec Dennison) malmène quelque peu le rythme du scénario, mais on découvre une personnalité furieusement moderne avec cette fille de juriste prête à ruer dans les brancards pour éclaircir le mystère. Les accents les plus romantiques du personnage évoqueront par ailleurs quelques relents de la littérature sentimentale que venait tout juste de quitter l'auteure, mais auxquels elle mêle les talents d'une potentielle héroïne détective. On regrette presque qu'elle ne soit que de passage...


  Bien que rédigé il y a près de 90 ans, il est ainsi surprenant de constater à quel point le récit est furieusement moderne. Parce qu'elle ne s'encombre pas de fioritures qui pourraient scléroser son histoire - et son style - dans une époque donnée, E.S.Holding confère à son roman une universalité et longévité assurées.

En bref: Un des premiers romans noirs de la littérature! Avec Miasmes, Elisabeth Sanxay Holding signait sa première incursion dans le genre du suspense et une œuvre qui marquerait l'Histoire du thriller psychologique. Dans ce récit que n'aurait pas renié Hitchcock, elle use d'une écriture moderne et d'éléments particulièrement avant-gardistes qui en font une curiosité à redécouvrir. 

 Un grand merci à Baker Street pour cette découverte!