vendredi 29 décembre 2017

Un Noël divinement Emilien - Voeux d'entre-deux fêtes comme au château des Du Châtelet...


  Comme je l'avais annoncé dans mon article de présentation et conformément à l'année Emilie(s) consacrée à la Grande Marquise du Châtelet -première femme de sciences française et physicienne des Lumières, traductrice de Newton et muse de Voltaire avec qui elle vécut en couple plus de quinze ans- le terrier s'est rhabillé en son honneur pour les fêtes! Par ici toiles de Jouy, moulures baroques et chandeliers : c'est un Noël au XVIIIème siècle que nous allons fêter...


  ... ou que nous avons fêté. Car comme chaque année, je viens vous présenter mes traditionnels vœux d'entre-deux fêtes :

Joyeux Noël
(avec un léger différé)
et
Bonne année
(avec une petite avance)!

  Que le nouveau cycle qui commence vous apporte de palpitantes lectures (la joie et la santé viendront certainement avec)! Et puisque nous sommes là à papoter, je vous offre une petite visite guidée des quartiers de la Marquise : le tout en bleu et jaune, ses couleurs fétiches...


  Tout d'abord un sapin d'inspiration XVIIIème siècle, tel que présenté à Versailles à Noël 1738 par la Reine Marie Leczinska, fille du roi Stanislas et épouse de Louis XV : cette mode importée d'Europe de l'Est et déjà bien répandue en Alsace et Lorraine pour les fêtes de fin d'année avait vu naître les premiers sapins décorés, à l'époque de rubans et de pommes.


   Comme je le disais dans mon article de présentation, il y a de fortes chances qu’Émilie, avant-gardiste comme elle l'était, ait entendu parler de cette coutume nouvellement importée et même qu'elle ait voulu la suivre. Connaissant la divine Marquise et son goût prononcé pour les froufrous et les dorures, elle aurait très certainement ajouté une petite touche personnelle à son propre sapin... voilà donc quelques pommes scintillantes, clochettes dorées, et une couronne éclatante d'or et de diamants en guise d'étoile (car chacun sait que la Marquise était loin, très loin, d'être dévote... -demandez donc à Voltaire- donc on l'imagine sans peine troquer l'étoile de Bethléem pour un colifichet symbolique de son rang).


Compas, sablier, astrolabe, balance... un cabinet de physique digne de la Marquise!

"Jamais une femme ne fut si savante qu’elle, et jamais personne ne mérita moins qu’on dît d’elle : c’est une femme savante. […] Elle ne parlait jamais de science qu’à ceux avec qui elle croyait pouvoir s’instruire, et jamais n’en parla pour se faire remarquer."
(Voltaire)

  Car avant tout, et même avant d'être la maîtresse de Voltaire, la Marquise est une scientifique dans l'âme! Enfant précoce éduquée par son père comme un garçon (ce qui signifie à l'époque avoir droit aux meilleurs précepteurs et un enseignement complet, dont l'escrime), elle fait à l'âge de sept ans des merveilles en mathématiques et en physiques, déplorant en devenant adulte qu' on lui refuse le statut de scientifique parce qu'elle est femme. Elle écrit pourtant quelques œuvres aujourd'hui reconnues dont un mémoire sur la nature du feu et, surtout, traduit du latin (qu'elle parlait couramment, tout comme l'anglais et plusieurs autres langues) les Principes mathématiques de Newton en les corrigeant. Sans la qualité de ses travaux, Einsten n'aurait jamais pu mettre à jour son célèbre E=Mc2! Dans son château de Cirey où elle vit presque maritalement avec Voltaire, elle passe des nuits entières sans dormir à travailler dans le laboratoire que lui a offert son amant, composé de nombreuses pièces achetées au physicien l'abbé Nollet.
  Non contente d'être une scientifique, la divine Émilie est aussi philosophe : elle travaille sur un discours sur les religions et une étude approfondie de la bible, ainsi que sur un très moderne discours sur le bonheur encore disponible aujourd'hui en librairie.


  Mais la femme de sciences était aussi une femme de goût : outre le bleu et le jaune or qu'elle adorait ( couleurs du blason des Breteuil, sa famille de naissance), un autre de ses symboles et qu'elle plaçait absolument partout était l’œillet : les archives de son château de Cirey témoignent de commandes de semences et de gerbes, elle aimait poser pour ses tableaux un œillet à la main, et en avait même fait broder sur les tentures de sa chambre... bleus sur fond jaune, évidemment.
  Les archives font aussi preuve d'achat de graines et nourritures pour perroquets. Avoir des oiseaux exotiques (perroquets, perruches...) était une grande mode de l'époque, en lien avec l'intérêt pour les chinoiseries et turqueries ou l'attrait global des arts pour la culture orientalisante. Évidemment, Émilie du Châtelet ne faisait pas exception à la règle et en possédait un qu'elle emmenait partout.


     Mais la Marquise aime aussi le divertissement. Plus que ça, elle souffre d'une réelle dépendance aux jeux d'argent! Combien n'a-t-elle pas perdu aux tables de biribi, cavagnolle, roulette et autres jeux de cartes et de hasard ... La dame n'en n'était pas moins écolo puisqu'elle recyclait lesdites cartes à jouer en feuilles de notes et de pense-bête : l'ancêtre du post-it!


  "Son esprit est très philosophe et son cœur aime les pompons" disait Voltaire, qui avait surnommé sa muse "Mme Pompons-Newton". Car si elle ambitionnait d'être considérée comme l'égale de l'homme, Émilie prouvait par tous les possibles qu'elle était aussi une femme, une vrai, parant coiffures et robes de pompons, diamants, broches et pierreries dont elle se couvrait et recouvrait littéralement. On devine des lettres envoyées par Madame de Graffigny, célèbre épistolière qui logea quelques temps chez elle, que la divine Émilie devait avoir un côté blingbling : "Elle m'a montré son bijoutier (...), des montres de jaspe, avec des diamants des étuis, des choses immenses! des bagues, des pierres rares, des breloques sans fin et de toute espèce."
  Une anecdote amusante raconte qu'à Paris, prise dans un embouteillage de deux-mille carrosses, elle n'hésita pas à sortir "couverte de diamants" pour appeler à l'aide, remonter la rue sans même se faire détrousser et aller commander une poularde chez le rôtisseur du coin en attendant que la circulation reprenne. Imaginez un peu le cocasse de la scène!


  Parmi ses bijoux les plus célèbres dont les textes, archives, et inventaires ont laissé trace, on a entre autre connaissance d'un "collier de diamants estimé à trois mille livres" mais surtout d'une broche, "un nœud de diamants à quatre bouts", qu'elle porte sur certains tableaux et, par dessus tout, d'une bague de cornaline (pierre de la famille des Du Châtelet) offerte par son époux. Le chaton de la bague dissimule un espace où l'on peut glisser une miniature... Émilie avait pris l'habitude d'y placer le portrait de son amant en cours (que personne ne se moque : la photo de qui choisit-on le plus souvent en fond d'écran de smartphone?...Ah, vous voyez qu'elle était furieusement avant-gardiste! ;) ). Aussi, le jour de sa mort, Voltaire s'était empressé d'aller faire chercher la bague pour y ôter son portrait... lequel avait déjà été remplacé par celui du Marquis de Saint-Lambert, dernier soupirant en date de la Marquise. Toujours philosophe, Voltaire aurait déclaré "Ainsi va la vie : un clou chasse l'autre!".


"Nous sommes au temps, j’ose le dire, où il faut qu’un poète soit philosophe, et où une femme peut l’être hardiment."

" J'ai perdu un amy de vingt-cinq années, un grand homme qui n'avait de défaut que d'être une femme, et que tout Paris regrette et honore"

(Voltaire à propos d’Émilie)


  Parce qu'elle aimait autant les fanfreluches que la mode en général, il était difficile de ne pas penser aux nombreuses tenues que devait compter sa garde-robe (l'inventaire après son décès à Lunéville recensait presque trente robes, et il ne s'agissait que de celles qu'elle avait emportées en voyage!), d'où cette création unique, pièce-maîtresse de cette crèche made in Émilie : un corset cousu d'après un patron de l'époque et des paniers, structure que l'on portait alors sous les robes à la française (les matériaux d'origine n'étant plus disponibles pour leur fabrication, je vous laisse deviner comment ceux-là ont été faits ;) les paris sont ouverts!).


  Voilà pour ce petit tour au pays de Noël d'une marquise féminine, féministe et érudite du Siècle des Lumières. Nous espérons que le voyage vous aura plu, en attendant quelques gourmandises littéraires de Noël chères à Émilie à venir. En attendant, la fine équipe du terrier et votre humble serviteur vous souhaite de nouveau de belles fêtes de fin d'année...


"- Mais c'est Noël?
- Ma chère, à Cirey, ce sera tous les jours Noël..."
(Emilie et Voltaire dans le film biopic Divine Emilie).

 

mercredi 27 décembre 2017

L'inconnue de Queen's Gate (Une enquête de Beth Huntly #1) - Anne Beddingfeld.

Éditions Marabout, 2015 - Éditions France Loisirs, 2016.

  Noël approche en cette année 1899 lorsque Elizabeth Huntly, fille de cuisine dégourdie et créative, remplace la cuisinière de l’aristocratique famille Hewes, qui vient d’être victime d’une chute. Christmas Pudding, entremets vanille, consommé au stilton : dans la liste des ingrédients ne figure aucun meurtre. Et pourtant… Sortie fumer discrètement un cigare au jardin, Beth découvre le corps d’une femme, poignardée avec un kriss malais appartenant à Lord Hewes. Mais c’est Rajiv, le valet indien amant de Beth, qui est embarqué par la police : un coupable bien commode… Beth se retrouve malgré elle en première ligne pour éclaircir la situation… et sauver sa place. Quitte à risquer sa vie. 

 Prenez une enquête atypique menée par une cuisinière au grand cœur ; ajoutez-y le passionnant combat des suffragettes de l'Angleterre victorienne. Vous obtiendrez un savoureux polar... à déguster. 

***

  Qu'il s'agisse de certains récits historiques de Mary Hooper, des romans Mary Reilly, Albert Nobbs, ou même des ouvrages de jeunesse Rose d'Holly Webb et de l'enthousiasmant Sauver Noël de Romain Sardou, j'ai toujours adoré les livres qui nous plongent dans le quotidien de la domesticité  - en particulier des grandes maisons victoriennes. Alors quand ce roman m'a été offert sous le sapin l'an dernier, j'y ai vu un ouvrage a présenter absolument au prochain challenge Christmas Time et l'ai précieusement conservé pendant un an...


Couverture de la première édition chez Marabout et couvertures alternatives inédites.

 " Il est des informations qu'un domestique se doit de garder pour lui. Si nous racontions toutes les frasques de nos employeurs, toute la bonne société anglaise se déliterait en un clin d’œil. Nos patrons sont d'excellents donneurs de leçons, mais il est rare qu'ils se les servent."

  L'auteure qui se dissimule derrière le pseudonyme d'Anne Beddingfeld n'est ni plus ni moins que la très française Anne Martinetti, éditrice mais aussi auteure sous son vrai nom de nombreux ouvrages de cuisines adaptés d'univers polarisants (recettes inspirées d'Hercule Poirot ou Sherlock Holmes) et de livres consacrés à Agatha Christie. Est-ce ce patronyme très anglophone qui lui confère comme par magie le talent d'une romancière anglaise, ou ses lectures et sa passion pour le polar britannique ont-ils suffi à alimenter sa plume? Toujours est-il qu'à aucun moment on imagine que cette intrigue tellement so british est racontée par une française pure souche : contrairement à celles et ceux qui se sont prêtés au même jeu, Anne Beddingfeld ne cherche jamais l'effet de style qui ajoutera à son atmosphère ou a son écriture, ne tombe jamais dans le trop... et pourtant son roman semble naturellement, profondément, anglais.

 Des domestiques bien curieux...

"Quand on est domestique, on sait que toute vérité est bonne à cacher
."

  D'une écriture sobre et sincère, elle nous immerge dans le Londres Victorien d'une grande maison, celle de la famille Hewes, et de ses domestiques. Upstairs, downstairs : tandis que les maîtres, derrière la richesse et l’opulence, dissimulent quelques habitudes scandaleuses ou jugées comme telles (fréquentation assidue des maisons closes pour Monsieur, réunions de suffragettes pour Madame), les gens de maison fourmillent d'activité dans les communs. Allers et retours dans les escaliers de service, travail en cuisine, préparatifs des fêtes de Noël... au sein de cet univers finement reconstitué, l'auteure a eu l'excellente idée de ne pas concevoir une énième héroïne avant-gardiste. Ne nous méprenons pas : les protagonistes à contre-courant  font de merveilleux romans, mais comme il est rafraîchissant de redécouvrir avec Beth un personnage tout ce qu'il y a de plus simple et ordinaire! Humble cuisinière, elle n'a que peu d'instruction et ne sait par ailleurs pas lire, connaissant les recettes de son répertoire par cœur et tablant sur une excellente mémoire. Mémoire et répertoire dont elle fait d'ailleurs part au lecteur, l'inondant de plats et de mets victoriens des plus appétissants...

 Une cuisinière au XIXème...

"J'estime que pour se noyer, il faut enjamber la rambarde à au moins cent mètres de l'une ou l'autre rive. La cuisine, peu de gens le savent, c'est l'art de la mesure."

  L'intrigue policière évolue quant à elle dans les milieux de la prostitution et des suffragettes, empruntant également à l'Histoire de l'Angleterre et à des éléments clefs de l'évolution sociale au tournant du XXème siècle. Si Beth s'y trouve plongée malgré elle en voulant innocenter son amant de valet, accusé du crime qui a eu lieu dans le jardin des Hewes, elle ne devient pas à proprement parler une "détective amateur". Les chapitres alternant entre une narration faite par Beth et une narration omnisciente, le lecteur en apprend très vite plus que Beth elle-même en ce qui concerne les tréfonds de l'affaire, d'autant qu'elle vient à toucher des milieux assez hauts placés. Pour autant, cela conserve là encore un certain réalisme et renforce l'image et la crédibilité de cette humble jeune femme qui, souhaitant venir en aide à ses proches, sombre dans un univers dont elle ne connait pas tous les tenants et aboutissants.

Noël victorien.

" C'est bien parce que le mariage est l'union des contraires qu'il ne m'intéresse guère. Mélanger l'huile et le vinaigre est un art. Il faut beaucoup de vigueur pour y parvenir."

En bref : Quand Downton Abbey rencontre Jack l'éventreur aux veilles de Noël. Un polar victorien très sympathique et sans prétention : en jouant la carte de la fidélité historique -notamment en ce qui concerne les positions et schémas sociaux- l'auteure met en scène une nouvelle héroïne criante de sincérité qu'on a hâte de retrouver dans un prochain tome. 

dimanche 17 décembre 2017

Dick Whittington et son chat - Grégoire Vallancien, d'après un conte traditionnel anglais.

Lire c'est partir, 2017.


  Il existait à Londres une étrange taverne. Toute la journée, Dick devait éplucher les pommes de terre, nettoyer le sol, récurer les casseroles. Jusqu'au jour où il recueillit un petit chat... qui allait changer sa vie.



***


  Ce premier ouvrage présenté dans le cadre du challenge Christmas Time est aussi pour moi l'occasion de parler d' une maison d'édition un peu particulière : Lire c'est partir est en fait une association créée en 1992 dans le but de favoriser et faciliter l'accès à la lecture. Depuis 1998, Lire c'est partir édite des livres, romans, albums, et récits audios vendus au prix unique de... 80 centimes! Ces livres, dont on peut vous assurer qu'ils sont bien neufs, peuvent être des textes originaux (certains même écrits par des auteurs jeunesses connus, à l'image de Gudule) ainsi que de célèbres classiques, souvent mis en images par de talentueux illustrateurs ou dessinateurs prometteurs. Ne les cherchez pas dans les librairies : les livres Lire c'est partir sont vendus par l'association au cours de ventes itinérantes dans toute la France, le plus souvent en partenariat avec les écoles locales. Alors pour plus d'informations et pour accéder au catalogue en ligne de cette pétillante et inattendue maison d'édition, c'est sur le site officiel de l'association ICI.


  Ce très bel album écrit et mis en images par l'illustrateur Grégoire Vallancien (un habitué de Lire c'est partir, mais aussi des éditions Hatier Jeunesse), reprend ici un conte traditionnel anglais peu connu de ce côté-ci de la Manche : la légende du chat de Whittington. Ce récit médiéval existe sous plusieurs versions auxquelles on reconnait néanmoins une trame commune : celle d'un garçonnet orphelin dont le chat particulièrement intelligent et doué de parole lui permet de faire fortune. Une version anglaise du Chat Botté? Pas exactement, car ce mythe est en fait dérivé d'un fait historique véridique, l'histoire de Richard Whittington, qui devint immensément riche et fut nommé plusieurs fois député-maire de Londres. Si les portraits qui restent de lui aujourd'hui le représentent effectivement avec un chat (venant ainsi corroborer la légende), il s'agirait d'une interprétation du mot cat (chat), homonyme d'un bateau de l'époque servant au transport de marchandises - dès lors la métaphore se dessine d'elle-même, et on devine que l'homme a fait sa fortune grâce au commerce maritime. Devenue très vite une fable, cette histoire fut rapidement adaptée en pièce de théâtre, encore donnée en représentation aujourd'hui.

 Illustration originale du conte (à gauche), portrait du véritable Richard "Dick" Whittington et de son chat (à droite),
Affiche de la pièce de théâtre adaptée du conte (ci-dessous).

  Bien que le récit d'origine se situe dans un cadre médiéval, Grégoire Vallancien a eu l'audace et l'excellente idée de recontextualiser le célèbre conte en plein XIXème siècle hivernal. Si cela n'est pas clairement écrit ou énoncé, les illustrations nous renvoient sans aucun doute possible au Londres de la fin des années 1800. Dès lors, ce personnage d'orphelin maltraité par une aubergiste et les décors des docks londoniens et de la capitale anglaise enneigée nous renvoient immédiatement à un conte de Noël à la Dickens, façon David Copperfield et Oliver Twist (les couleurs, les ambiances, notamment, m'ont renvoyé au musical adapté de ce célèbre roman vu l'an dernier). Cette excellente analogie ajoute toute son atmosphère à ce très sympathique album.



En bref : un conte traditionnel médiéval anglais judicieusement réinterprété à la sauce dickensienne dans un Londres victorien enneigé. Des dessins sympathiques pour une histoire qui l'est tout autant.

 

lundi 11 décembre 2017

Un Noël au siècle des Lumières : un hiver en Emilie et Voltaire à venir...

Création graphique d'après La mécanique des dessous.

   Alors que l'Automne touche à sa fin et que les illuminations de Noël sont déjà bien installées dans nos contrées, je viens moi-même rejoindre la préparation des festivités de fin d'année! La meilleure façon de se mettre dans l'ambiance est d'accorder ses lectures à la saison, et puisque plus on est de fous, plus on rit, je rejoins pour la troisième année consécutive le Challenge Christmas Time de Mya Rosa, pour lequel cet article sert également de billet de présentation.  


  Comme vous le savez certainement, je planche depuis quelques temps sur ma décoration éphémère, dont le thème a déjà été choisi depuis un an environ. Après La Belle et la Bête l'an dernier, Noël 2017 se fera donc sous le signe de ... *roulements de tambours*... Émilie du Châtelet et le siècle des Lumières! 
  En effet, tout comme mes billets saisonniers rythmés par l'année commémorative de cette femme d'exception en terres lorraines (en particulier le cycle d'expositions lunévillois Emilie(s), qui s'est écoulé de Fin 2016 à l'Automne 2017), j'ai choisi d'en faire le thème de mes fêtes de fin d'année.



  A quoi devons-nous nous attendre? Outre des références à la divine Émilie, première femme de sciences française en plein siècle des Lumières, je vous propose un petit retour dans le temps, à l'époque des tous premiers... sapins de Noël! En effet, on l'a oublié, mais en France, l'apparition du sapin de Noël tel qu'on le connait remonte au XVIIIème siècle et plus encore, chez des contemporains de la Marquise. Explications...

 Robe de chambre et bonnet de nuit XVIIIème comme en portait Voltaire,
parfait pour les longues soirées d'hiver au coin du feu!

 Si l'on fêtait déjà Noël depuis bien longtemps (célébrations religieuses obligent), la tradition du sapin est importée d'Europe de l'Est par ... Marie Leczinska, reine de France et épouse de Louis XV, qui l'introduit à Versailles en 1738. En effet, on trouvait quelques traces de cette coutume en Alsace depuis le XVIème siècle, mais elle était surtout répandue en Allemagne, Lorraine, et... Pologne, patrie d'origine de la reine Marie et de son père Stanislas Leczinski, à qui Louis XV offre justement les terres du duché de Lorraine et de Bar où il s'installe au très beau château de Lunéville.

  A l'époque, les décorations du sapin sont à la fois plus simples et plus naturelles qu'aujourd'hui : pas de réelles guirlandes ou de boules scintillantes mais des rubans et de belles pommes brillantes suspendues aux branches. Pommes de pin et fuseaux parfumés complètent le tout. Il n'empêche, on tient là la première version la plus proche de notre sapin de Noël actuel!

 Sapin à la mode d'Emilie conçu dans le cadre du cycle Emilie(s) par J.L.Janin-Daviet,
photographies de A.Marchi.

  Émilie du Châtelet, lorraine par son époux, fréquente la cour de Versailles et a déjà rencontré Marie Leczinska. Elle rend également plusieurs fois visite au père de cette dernière, le "bon roi" Stanislas, qui aime recevoir à la cour de Lunéville (surnommé le Versailles lorrain) la crème de la crème des Lumières et qui porte une affection sincère à l'encontre d’Émilie et Voltaire. De là, donc, à imaginer qu’Émilie a nécessairement eu vent de cette coutume du sapin, il n'y a qu'un pas. De là à imaginer qu'elle aurait pu en faire un elle-même en son château de Cirey, également.

 Noël de Marquise XVIIIème siècle au château de Sézanne (source)

  C'est donc dans une atmosphère d'érudition propre à la divine Marquise que se fera ce Noël : dans les teintes bleu et or fétiches de son blason familial, entre préciosité de l'esprit XVIIIème siècle et sciences des Lumières, et bien évidemment avec un authentique sapin à la Marie Leczinska! La Lorraine d’Émilie et de Stanilas s'invitera également à la table du Réveillon avec les traditionnelles madeleines de Commercy et les fameux macarons de Nancy (oui, oui, tous les deux ont bien été inventés à la cour de Stanislas), le célèbre Baba au rhum (conçu par le pâtissier attitré de Stanislas également), sans oublier un petit verre de Parfait Amour, la liqueur qui faisait fureur à la cour de Lorraine!


Château de Cirey, demeure d’Émilie, sous la neige.


Sortez vos robes à paniers, enfilez vos casaques, poudrez vos perruques,
et que la fête commence!

 Scène du film biopic Divine Emilie.