mardi 5 décembre 2023

La Chambre de pierre et autres nouvelles surnaturelles australiennes - une anthologie proposée par Jacques Finné.

 
Éditions Terre de Brume (coll. Terres Fantastiques), 2023.
 
    C’est vrai qu’elle est loin, l’Australie ! Mais l’éloignement a-t-il un jour empêché les fantômes d’effrayer les vivants ? Gorgée de la ghost story victorienne, la colonie s’en est enivrée. Ils sont là, les spectres vengeurs, quémandeurs, sadiques, voire bienfaiteurs. Et pourquoi pas une ville fantôme… Et pourquoi pas un vampire (bien particulier) ? La littérature fantastique australienne serait-elle alors un simple reflet de la littérature victorienne ? Non, car ces fantômes-ci sont préparés à la mode locale. L’Australie était déjà terre de peurs. Le bush aride, peuplé d’Aborigènes mystérieux, le bush avide d’où bien des explorateurs ne sont jamais revenus, le bush est omniprésent dans le surnaturel australien, avec sa faune et sa flore inconnues, avec ses déserts, avec ses mares d’eau croupie où guette le bunyip, la créature mythologique de ces lieux maudits. Et au-dessus de tout, volettent les spectres des bagnards, les premiers habitants du continent, ceux qui ont bâti les fondements des villes modernes…
    Fantômes de toutes sortes, bush en leitmotiv lancinant, spectres des bagnards-bâtisseurs, le fantastique australien offre décidément bien des saveurs aussi originales qu’enivrantes…
 
***
 
    Les fantômes errent-ils au pays des kangourous ? C'est à cette étrange question que l'auteur, traducteur et critique littéraire Jacques Finné ambitionne de répondre avec ce recueil de nouvelles surnaturelles australiennes unique en France. Les éditions Terre de Brume – longtemps spécialisées dans les mythes et légendes bretons et celtes avant d'étendre leurs publications à d'autres contrées et thématiques de l'imaginaire – nous offrent ici une délicieuse sélection d'histoires de fantômes des antipodes, antipodes dont la littérature (comme la culture au sens large) reste aujourd'hui encore trop méconnue.
 

    En effet, si nous avons découvert la littérature australienne grâce à Kerry Greenwood (Les folles enquêtes de Phryne Fisher / Miss Fisher enquête !) et à Joan Lindsay (Pique-nique à Hanging Rock), avant de nous y intéresser davantage (notamment via Rosalie Ham, Felicity McLean ou encore Sarah Schmidt), tout le monde n'a pas l'occasion de croiser quotidiennement des auteurs du 5ème continent. La raison ? Négligées voire tout à fait oubliées, les lettres australiennes souffrent par extension des mêmes maux que la terre qui les a vu naître : contrée colonisée ("palimpseste", pourrait-on dire), contrée récente, et contrée considérée par tous comme britannique. Bref, amalgamée sans distinction avec le tout-venant de la culture anglo-saxonne. L'Australie, de fait, c'est un peu l'enfant sauvage adoptif (mais indompté) de la Perfide Albion, "le caniveau le plus crasseux du Royaume", crache un insupportable lord dans le film Miss Fisher et le tombeau des larmes.


    Alors au milieu de tout ça, la littérature fantastique australienne, n'y pensons même pas. Et pourtant. Nous avions déjà eu l'occasion, avec Pique-nique à Hanging Rock et Vengeance haute-couture, de parler de gothique australien, qui était bien plus qu'un gothique anglais revu au soleil du bush. Il en est de même pour le registre du surnaturel en général qui, s'il n'émerge qu'à partir du XIXème siècle sur ces terres arides, n'est pas qu'une évocation ensoleillée, désertique et suffocante des victorian ghost stories. Parti à la recherche de textes comme on part en expédition, Jacques Finné fait ici un travail de collecte, de traduction, et d'analyse qui force l'admiration. Admiration suscitée notamment par les passionnantes préfaces et postfaces, mais aussi par les nombreuses notes de bas-de-page (éléments de traduction ou de culture générale) et les biographies détaillées, en fin d'ouvrage, des auteurs et autrices rassemblés dans cette anthologie.
 

    De ces 14 nouvelles, on retiendra principalement des crimes crapuleux doublés de fantômes vengeurs, une configuration furieusement en écho avec la réalité de l’Australie au XIXème siècle, puisqu'elle servait principalement de terres d'expulsion pour des prisonniers anglais. Tiraillés entre le souhait de retourner au pays et la possibilité de s'acheter une exploitation dans le bush après avoir purger leur peine, les anciens criminels se rachètent une conduite et une fortune avant de gagner en même temps la jalousie (et les envies de meurtre) de leurs plus proches amis. Le tout se finit en disparition, jusqu'à ce qu'une manifestation spectrale vienne dénoncer le crime ou, plus effrayant encore, faire justice elle-même. Les nouveaux riches avides de terres lointaines sont aussi représentés dans ce recueil, et subissent le plus souvent des sorts similaires. Les couples n'ont pas la belle vie très longtemps, eux non plus, et le souvenir fantomatique de crimes conjugaux continue longtemps de hanter les murs.
 

    Si les textes australiens sont trop souvent assimilés aux écrits anglais ou confondus avec les textes américains, en matière de fantastique, on doit avouer avoir beaucoup plus frissonner avec cette anthologie qu'avec n'importe quelle histoire de fantôme d'outre-Manche ou d'outre-Atlantique. Fidèlement à une terre où tout est plus brutal et plus violent, le visage de la terreur prend moins le manteau de la métaphore et les oripeaux de la suggestion que dans les autres écrits de souche anglo-saxonne. Le surnaturel australien n'a pas peur de faire dans la sauvagerie, se manifeste sans détour, parfois de manière sanglante, mais toujours avec style et modernité.

 
    Parmi ces nombreuses nouvelles, nos préférences vont à deux récits de vampire très audacieux et délicieusement dérangeants (L'atroce pureté du blanc et La chambre de pierre), au pendant australien de La légende de Sleepy Hollow (Le spectre du Marais Noir, avec son cavalier sans tête), à une histoire de maison hantée racontée avec un sens de la description et de l'évocation tel qu'on voit les images apparaître sous nos yeux (La Maison de nulle-part), et à une affaire d'assassinat quelque part entre spectres réels et fantasmés (Le troisième meurtre). L'aspect sauvage et indomptable de l'Australie y a laissé son empreinte particulière, entre familiarité et exotisme.
 


En bref : Une anthologie aussi inattendue que nécessaire, probablement unique dans l'Hexagone. Jacques Finné sert ici un travail de collecte, de recherches et de traduction qui nous permet de savourer le meilleur du fantastique australien, tout en apportant un éclairage érudit sur cette littérature à part entière. La sélection de textes est de grande qualité et les nouvelles choisies, de vraies pépites. Un régal.
 

Un grand merci à Babelio et aux éditions Terre de Brume pour cette lecture !

dimanche 3 décembre 2023

Derniers coups de pieu avant le lever du soleil : clôture (tardive) du Challenge Halloween.

    Toutes les bonnes choses ont une fin. Après avoir repoussé cette année encore les limites de la clôture du Challenge (bien malgré nous en vérité cette fois-ci : plusieurs vilains virus – vampiriques, peut-être ? – sont venus perturber notre planning de publications), il est temps de faire nos adieux aux enfants de la nuit et de laisser le jour se lever.

    Le retour au cinéma du vampire le plus célèbre de la littérature (et de la pop-culture!), avec les films Renfield, Le dernier Voyage du Demeter et, prochainement, le remake de Nosferatu, avait suggéré l'idée qu'il était plus que temps de mettre Dracula et ses amis buveurs de sang à l'honneur. L'idée était semble-t-il bonne, car elle a également séduit nos ensorcelantes hôtesses annuelles pour le Challenge Halloween, les désormais bien connues Lou & Hilde.
 

    Aussi, après avoir annoncé la couleur dans un article d'introduction on ne peut plus sanglant, puis après un petit tour thématique de nos archives, nous avons réussi à tenir la quasi totalité du programme annoncé, présenté comme un tour du monde de la chasse aux vampires.

    Nous avons ainsi poursuivi Dracula à travers le temps et les contrées, partant pour cela du roman initial de Stoker, avant de le traquer dans les différentes adaptations et réécritures possibles : une version illustrée par François Roca pour l'école des loisirs, mais aussi une BD de Pascal Croci, ou encore un concert-fiction produit par Radio France. Du côté des préquels et des extrapolations autour du sanglant personnage, nous avons notamment découvert une possible version de sa jeunesse dans L'enfance des Méchants, des vilaines et des affreux, mais aussi les prémices du mal dans Les filles qui ne mouraient pas et Ann Radcliffe contre Dracula (dont nous avons également interviewé l'autrice), ou les augustes débuts de la première tueuse de vampire de l'Histoire.
 

    En parlant de tueuse de vampires, nous avons célébré la plus populaire d'entre elles via l'essai, Buffy, baroque épopée, venu rappeler, 20 ans après la fin de l'iconique série télévisée, que la chasseuse de monstres est une héroïne avec un grand H, et son univers, une parfaite évocation du baroque et... de l'épopée (tout était dans le titre).

    Mais puisque tous les vampires ne sont pas néfastes, nous avons passé quelques très agréables heures de lecture en compagnie du plus adorable de leur espèce : le jeune Rüdiger, dans Le petit vampire déménage, deuxième tome de la désormais rarissime série d'Angela Sommer-Bodenburg. Puis nous nous sommes envolés pour Oxford, où nous avons retrouvé le charmant Matthew Clairmont, vampire de A discovery of Witches, pour la série adaptée de la trilogie de Deborah Harkness (saisons 1, 2 et 3), avant de nous attabler avec lui pour un délicieux dîner
 

    Nous avons également célébré le 31 octobre dans une atmosphère digne du roman de Bram Stoker, quelque part entre Londres et les Carpates, entre tapisserie à motif de chauves-souris, portrait de seigneur sanguinaire, et kit de chasseur de vampires digne de Van Helsing himself !

    Enfin, outre les vampires, nous avons chroniqué quelques ouvrages, disons, hors-série : La maison vénéneuse, qui explore le thème infini de la maison vivante, et l’inénarrable Sauvage, qui aborde la part d'animalité en chacun de nous. Part d'animalité que nous avons pu questionner, grâce à une interview de l'autrice, Joan Mickelson, qui a accepté de répondre à nos interrogations sur son œuvre.


    Nous n'aurons cependant  pas eu le temps de remettre le nez dans l'univers de Dark Shadows, comme initialement prévu, ni de chroniquer l'adaptation en BD de L'île du crâne, dévorée en cours de route, mais nous ne pouvons guère étirer davantage les festivités et lectures horrifiques (quoi que...). Nul doute que nous trouverons d'autres occasions de vous en parler (ou que nous les inventerons).

    Mais pour l'heure, alors que les premiers rayons du soleil pointent à l'horizon, il est temps de remiser pour l'année à venir notre matériel de chasseur de vampires : ail, pieu, eau bénite et crucifix. Les monstres et autres créatures de la nuit retournent sous terres pour plusieurs mois de repos, avant de venir de nouveau fouler le sol des vivants en octobre prochain. En attendant, d'autres festivités se préparent... le temps de boucler la saison automnale, et c'est en chasse de sapin qu'il faudra partir...

    Un grand merci à Lou et Hilde, meneuses du Challenge Halloween, de nous réunir tous les ans pour partager lectures, chroniques et articles divers autour de cette période de l'année qui nous plait tant (autant si ce n'est plus que Noël). On a déjà hâte de remettre le couvert l'année prochaine !

See you next year !
 
 



Dracula, de Bram Stoker - un concert-fiction Radio France de Cédric Aussir & Stéphane Michaka.

 

Dracula, de Bram Stoker

 
Un concert-fiction Radio France réalisé par Cédric Aussir
Adapté par Stéphane Michaka d'après le roman de Bram Stoker
Avec l'orchestre national de France
Musique de Didier Benetti

Avec : Maud le Grevellec, Yann Collette, Laurent Poitrenaud, Féodor Atkine...

Enregistré en public les 26 et 27 juin 2014 au studio 104 de la Maison de la Radio
Disponible gratuitement en podcast sur France Culture ICI ou ICI.

    Une adaptation en musique, avec l'Orchestre National de France, du chef-d'œuvre de Bram Stoker. Au plus près des sensations de l'héroïne Mina qui, en cette fin de XIXe siècle, est la proie-fétiche du comte Dracula débarqué en Angleterre...
 
    Transylvanie, 1893. Invité du comte Dracula dans son château des Carpates, Jonathan Harker ne tarde pas à comprendre qu’il est prisonnier de son hôte. Dracula signe l’acte de vente qui le rend propriétaire d’une abbaye en Angleterre, puis il embarque sur une goélette avec des dizaines de caisses chargées de terre. Dans l’hôpital où il est soigné après son terrifiant séjour chez Dracula, Jonathan est rejoint par sa fiancée, la ravissante Mina. Rentrés à Londres, Mina et Jonathan reçoivent la visite d’un certain Van Helsing. Il leur apprend que Dracula a débarqué en Angleterre. Pour Mina Harker, c’est le début d’une lutte à mort avec le vampire… mais aussi avec ses propres démons.
 
*** 

    On a eu l'occasion d'en parler avec les adaptations audios de Chapeau Melon & Bottes de Cuir, il y a quelques années : on a une véritable passion pour les fictions radiophoniques et autres feuilletons audios en tous genres. Bien plus que les simples livres audios, ces "pièces de théâtre à écouter" proposent des immersions sonores où la mise en son se substitue à la mise en scène, et où dialogues, bruitages et musiques doivent suffire à la visualisation complète par l'auditeur, sans qu'une narration soit nécessaire. En bref, tout le talent de la fiction audio, c'est de provoquer le même plaisir que si on regardait un film, mais avec ses oreilles, et sans avoir besoin d'ouvrir les yeux pour en comprendre l'intrigue. 
 

    Si ce média est resté très populaire outre-Manche (où l'on commercialise des centaines de feuilletons audio en téléchargement et au format CD tous les ans, sans compter ceux diffusés sur la station de la BBC, souvent adaptés de classiques de la littérature), il est resté très discret en France, et ce alors qu'il a précédé dans les foyers les soirées que les familles passeraient plus tard devant la télévision. Radio France, cependant (et plus précisément France Culture), a continué d'entretenir la mode du feuilleton audio sans discontinuer. On trouve aujourd'hui en podcast gratuit leurs transpositions de Tintin, de Sherlock Holmes ou encore des Liaisons dangereuses, quand il ne s'agit pas de scénarii inédits de Fabrice Colin.

    Il y a quelques années, dans la continuité des feuilletons radiophoniques déjà existants, Radio France s'est alliée avec l’Orchestre National de France afin d'initier une série de fictions audios mises en musique et enregistrées en direct. Ce projet se voulait un hommage au grand Orson Wells qui, à New York en 1938, enregistrait tous les dimanches soirs on air l'adaptation d'un grand classique joué par une troupe de théâtre et accompagnée d'un orchestre.
 

    Réalisateur de fictions audios pour France Culture depuis 2010, Cédric Aussir est chargé de la direction des opérations aux côtés de Stéphane Michaka, auteur de plusieurs romans et déjà adaptateur de fictions pour la radio. Ce dernier, fasciné par les nombreuses lectures possibles du mythe de Dracula, confiait ceci au moment de l'enregistrement de ce concert-fiction : "Le roman de Bram Stoker, écrivain et secrétaire du célèbre acteur Henry Irving, a été publié en 1897. J’ai toujours été frappé par la concomitance entre ce roman, qui fourmille de notations troublantes sur l’émancipation des femmes, le mariage et la sexualité à l’ère victorienne, et la parution à Vienne, deux ans plus tôt, des fameuses Études sur l’hystérie de Freud et Breuer. De là à voir en Mina, proie-fétiche de Dracula, une victorienne emblématique des névroses de son temps, il n’y a qu’un pas. C’est cette idée qui m’a guidé pour cette libre adaptation de Dracula."
 

    En resserrant l'action sur un laps de temps très court, il choisit de commencer l'adaptation audio au milieu du livre, lorsque le Professeur Van Helsing intervient dans l'histoire, alors que Lucy se meurt. Narrée par Mina, l'intrigue amène ensuite les éléments antérieurs via ce que la jeune femme rapporte du journal de Jonathan, qui permet d'introduire sa rencontre avec le comte Dracula sous forme d'un flash-back saisissant. Construite comme une poupée russe, cette adaptation aux récits enchâssés les uns dans les autres offre la possibilité de voir ici Dracula comme une enquête qui commencerait avec le décès de Lucy, dont il faudrait comprendre le mystère en reliant entre eux les récits des uns et des autres pour remonter jusqu'à la figure du vampire comme seul et unique coupable, avant de se lancer à sa poursuite.

    L'autre intérêt de cette approche, c'est bien évidemment la mise en lumière du personnage de Mina, dont Stéphane Michaka semble vouloir faire une héroïne (ou rappeler l'héroïne qu'elle était déjà). L'immersion dans sa psyché permet de saisir toute la sensibilité mais aussi la force du personnage original, particulièrement bien mis en valeur par cette adaptation. Adaptation pourtant très libre par certains côtés, à l'image du final, glaçant, qui tend à suggérer quelque terrifiante suite à l'intrigue (on pense alors aux directions prises par Dacre Stoker dans Dracula, l'immortel).
 
 

    Le casting est plutôt convainquant, en particulier Maud le Grevellec en Mina, qui porte le plus gros de cette fiction sur ses épaules, ou encore le talentueux Yann Collette (bien connu des grand et petit écrans, mais aussi de la scène) en Van Helsing, dont on nous épargne l'accent allemand parfois entendu dans d'autres versions. Mais la prestation la plus remarquée est bien évidemment celle de Féodor Atkine dans le rôle de Dracula. Ce comédien français d'origine russo-polonaise, habitué du cinéma et du doublage, prête une voix mémorable au célèbre vampire, voix qui n'est pas sans évoquer le doublage de Gary Oldman dans le film de Coppola. Le résultat, très impressionnant, captive l'auditeur autant qu'il le fait frissonner.

    S'il y a peu de bruitages en comparaison des feuilletons radiophoniques habituels, l'accent de ce concert-fiction est en revanche mis sur la musique. Difficile de traduire autrement les choses que par "ça en jette", tant le résultat est envoutant à souhait. Les compositions originales de Didier Benetti font parfois penser à la bande-originale de Wojciech Kilar pour le long-métrage de Coppola, probablement en raison de la formation classique de ces deux musiciens. On songe également aux intronisations musicales des grands films américains de l'âge d'or d'Hollywood. Omniprésente, la bande-son accompagne dialogues et rebondissements comme un personnage à part entière.


En bref : Une adaptation immersive à souhait, à la mise en son délicieusement classique (dans le sens le plus noble du terme) et au scénario aussi audacieux qu'original. D'une grande qualité, cette double production Radio France et Orchestre Nationale de France magnifie le roman de Stoker grâce à un casting de choix (Féodor Atkine en tête, terrifiant Dracula) et à une musique absolument envoutante. Un régal à dimension quasi cinématographique.




Et pour aller plus loin...

Dracula - Pascal Croci & Françoise-Sylvie Pauly d'après Bram Stoker.

EP Editions (coll. Atmosphères), 2007.
 
    Après l'évocation du personnage historique avec l'archiviste du British Museum, l'écrivain Bram Stoker écrit son récit : "Invité par le comte Dracula, un jeune anglais, Jonathan Harker, va devenir la victime du Prince des Carpates...".
    Dans une atmosphère terrifiante, "la figure du vampire" n'est jamais montrée, car celle-ci est omniprésente sous la forme d'une ombre menaçante, d'une voix, ou d'une tentation morbide...
 
    Nourri à la littérature fantastique et au cinéma gothique, Pascal Croci rend un vibrant hommage au mythe du vampire. Si bien que cet album totalement hors norme et aux graphismes sublimes est à classer parmi les chefs-d’œuvre du genre.
 
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     On a eu l'occasion, par le passé, de tomber sur plusieurs bandes-dessinées adaptées du roman de Bram Stoker. Si toutes présentaient un intérêt certain (qu'il soit graphique ou scénaristique), aucune n'était aussi réussie que celle de Pascal Croci et Françoise-Sylvie Pauly, publiée chez EP en 2007. On se rappelle l'avoir achetée immédiatement après n'avoir feuilleté que quelques pages au beau milieu de la librairie, des pages dont les visuels nous avaient de suite hypnotisé. Cette impression est aujourd'hui toujours aussi vive lorsqu'on le sort de notre bibliothèque pour admirer les planches de Pascal Croci, dont l'amour pour le mythe de Stoker transparait à travers la plume et le pinceau.
 

    Projet mûri pendant près de vingt ans par l'illustrateur, ce Dracula donne toute sa justification à l'appellation de "neuvième art", tant les images se réclament de véritables tableaux. Pascal Croci raconte dans un dossier en fin d'album les origines de cette création, nourrie dans l'enfance par la lecture du roman de Stoker (ainsi que la fascination exercée à l'époque par la couverture du livre aux éditions Marabout, qui lui a inspiré quelques planches du présent ouvrage) et par son visionnage de films tels que La marque du vampire ou Le bal des vampires, qui ont tout particulièrement infusé son imaginaire.
 

    Plus qu'une bande-dessinée classique, il s'agit-là davantage d'une sorte de roman graphique. Les bulles, en effet, sont rarement là pour donner la parole aux personnages illustrés, mais reprennent principalement la narration du texte de Stoker, comme une voix off qui accompagnerait les images. Des images dans lesquelles on voudrait se perdre. Loin des scènes très pragmatiques auxquelles l'Art de la BD a habitué ses lecteurs, Pascal Croci propose de gigantesques paysages et panoramas, tous couverts d'une épaisse couche de neige qui renforce le sentiment de frisson.


    Les cadrages, dignes du cinéma fantastique, vacillent et basculent, participant encore un peu plus à cette impression de délicieux vertige. Les personnages, grandes silhouettes aux visages pâles et émaciés, laissent claquer leur robe ou redingote au gré du du vent, tandis qu'ils défilent entre les tombes d'un ancien cimetière ou dans les ruines d'un vieux château. Ils errent, groggys, au milieu de ces grandes étendues de poudreuses et de vieilles pierres, où les sculptures d'angelots et de vierges semblent s'animer en cachette ou dissimuler dans leurs ombres des créatures sournoises toutes en griffes et dents. L'ensemble est coloré dans des teintes froides qui évoqueraient presque le noir et blanc des vieux films, mais où se démarquerait le rouge écarlate du sang. On songe à la photographie des meilleurs Burton, Sleepy Hollow et Sweeney Todd en tête.

 
   Nourris de voyages en Roumanie et en Angleterre, Pascal Croci et sa compagne Françoise-Sylvie Pauly (qui a participé au scénario et signe également quelques planches, en milieu d'ouvrage) proposent ici une expression poétique et artistique du roman de Stoker. Le plus bel hommage au texte d'origine réside par ailleurs dans l' "absence" de Dracula : celui qui n'avait pas voix au chapitre dans le roman n'apparait ici jamais vraiment sur les planches. Il est une voix, le plus souvent. Parfois une ombre, dont on devine les mains griffues qui s'étalent, sans fin, sur les murs ou les moulures du château. Son omniprésence, glissée en creux, provoque une terreur froide renforcée par tout ce que la BD s'amuse à suggérer sans jamais le montrer frontalement, laissant l'inconscient du lecteur faire le reste.


En bref : Une version illustrée magnifique de l'histoire imaginée par Stoker. Dans une esthétique froide et hypnotique, les longues silhouettes aquarellées de Pascal Croci mettent en scène le roman original avec une densité jamais atteinte auparavant. Les paysages couverts de neige, les ruines et les tombes abondent d'une page à l'autre et nous capturent dans un univers aussi glacial que séduisant. Dracula, que l'on ne voit jamais à l'image, reste pourtant omniprésent grâce à un audacieux jeu de cache-cache où auteur, illustrateur et autrice s'amusent avec notre inconscient. Superbe et terrifiant à la fois, un vrai coup de cœur. 


samedi 2 décembre 2023

Dracula - Bram Stoker (texte abrégé de B. Moissard) & François Roca (illustrations).

L'école des loisirs (coll. "Illustres classiques"), 2020.

    Jonathan Harker, jeune clerc de notaire britannique, est envoyé par son étude dans un sinistre château de Transylvanie pour négocier avec un certain comte Dracula l’achat d’une propriété en Angleterre. Retenu prisonnier par son hôte, il ne tarde pas à découvrir son effroyable secret. Cette créature est un mort-vivant, un vampire qui repose dans un cercueil dont il sort la nuit pour étancher sa soif de sang. Le comte Dracula part pour l’Angleterre où il choisit comme première victime Lucy, une amie de la fiancée de Jonathan qui devient rapidement la suivante sur sa liste…
    Un roman gothique au procédé narratif novateur : lettres, extraits du journal de Jonathan, articles de presse, et même transcription d'enregistrements phonographiques ! La chasse au vampire est ouverte...

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    Maison iconique de littérature jeunesse française, L'école des loisirs continue d'inventer et de se réinventer depuis sa fondation en 1965. Théâtre, romans, albums, grands et petits formats, auteurs classiques ou nouveaux auteurs, cet éditeur à plus de 6000 titres et 1000 auteurs à son catalogue est resté, malgré le passage du temps, un acteur majeur du monde du livre. Parmi les nombreuses collections à son actif, celle dédiée aux classiques (souvent abrégés, afin de permettre aux jeunes lecteurs une entrée plus facile dans la grande littérature) a récemment donné naissance à une collection de grands formats illustrés. Le portrait de Dorian Gray, Jane Eyre, Les hauts de Hurlevent, Les quatre filles du Dr March... quelque part entre l'album et le roman, ces très beaux ouvrages voient à chaque titre leur mise en images confiée à quelque illustre artiste : Pierre Mornet, Charlotte Gastaut, Daphné Colignon, ou encore Sébastien Pelon.
 

    Pour cette édition illustrée de Dracula, c'est le talentueux François Roca qui s'y colle. Né à Lyon en 1971 et nommé Chevalier des Arts et des Lettres en 2017, on ne présente plus François Roca, dont les créations embellissent depuis plusieurs décennies déjà des albums qui ont nourri l'imaginaire de nombreux jeunes lecteurs. L'indien de la tour Eiffel, Le pompier de Lilliputia, Anoukhet, Rose et l’automate de l'Opéra... sans compter ses illustrations de couverture toujours très attrayantes. Alternant son activité entre l'édition jeunesse et l'huile sur toile qu'il expose dans les galeries, François Roca propose des univers visuels qui évoquent aussi bien l’impressionnisme de la Belle Epoque que les toiles léchées d'Edward Hopper.
 

    Pour ce Dracula, l'artiste propose des clairs-obscurs fascinants où la pâleur des corps et des visages tranche avec la nuit et l'ombre des décors. Dracula, lui, semble toujours se fondre dans la densité des arrières-plans, à l'image de l'illustration de couverture où il retient entre ses griffes une Mina virginale aux allures de Blanche-Neige. Un faux air de Winona Ryder ? Rien n'est moins sûr : l'actrice avait elle-même prêté son doux visage à ce personnage dans le film de Coppola adapté du roman de Stoker, au début des années 90. On avait déjà pu noter que l'univers visuel de cette adaptation, restée indétrônable à bien des égards, avait considérablement infusé dans l'imaginaire des créateurs qui s'étaient emparés du mythe. L'album Dracula publié chez Auzou en 2012 et illustré par l'excellent Jérémie Fleury, par exemple, témoignait de cette influence manifeste.


    Cette influence, on la retrouve de façon plus mesurée dans les superbes peintures à l'huile de François Roca : Mina, comme on a pu le voir à l'instant, Jonathan Harker également (sosie de Keanu Reeves), mais surtout Dracula lui-même. Moustache, longue chevelure, allure de dandy avec chapeau haut de forme et canne à pommeau... difficile de ne pas songer à Gary Oldman ! Pour le reste, là où Coppola était dans la profusion et l’esthétique baroque à la limite du rococo, François Roca privilégie l'épure. Les vêtements des personnages sont sobres, il y a peu de fioritures, et l'accent est mis sur les ombres, les corps et les visages pour traduire l'émotion de l'instant saisie par le dessin, comme une photographie.


    Le texte abrégé de Boris Moissard est celui de l'édition classique précédemment publiée par L'école des Loisirs. Interviewé à propos de ce travail de révision du roman de Stoker, l'auteur et traducteur confiait qu'il n'avait jamais lu Dracula avant d'avoir à en fournir une version abrégée pour son éditeur. Le résultat est évidemment beaucoup plus concis que le matériau original relativement imposant, mais conserve la "patte" de Stoker ainsi que l'essentiel de l'histoire pour garantir un accès plus aisé au jeune lecteur.
 

En bref : La toujours excellente École des Loisirs propose avec cet opus de sa collection "Illustres classiques", un Dracula mis en images par le talentueux François Roca. Le clair obscur des illustrations, dont certains visuels peuvent rappeler le film de Coppola, met particulièrement en valeur les corps et les visages pour focaliser l'attention sur les émotions des personnages, capturées par la magie du pinceau. Un très bel ouvrage.



Et pour aller plus loin...

vendredi 1 décembre 2023

Gourmandise littéraire : Dîner avec un vampire.

 


"Rien dans mon expérience de cuisinière ne m'avait appris quoi préparer à un vampire qui venait dîner."
Le livre perdu des sortilèges, Deborah Harkness, 2012.


    Il y a de cela plus de dix ans, nous avons découvert avec un enthousiasme partagé l'excellent Livre perdu des sortilèges, premier tome de la trilogie All Souls de Deborah Harkness, exemple particulièrement original et audacieux de fantasy urbaine. Fantasy urbaine, oui, mais d'un certain niveau : enseignante chercheuse spécialisée dans l'alchimie et la Renaissance anglaise, l'autrice avait alimenté son roman de nombreux éléments historiques qui lui donnaient une aura toute particulière. Associé à une plume particulièrement évocatrice, Le livre perdu des sortilèges s'était révélé extrêmement convainquant.

    Outre le style très plaisant et l'intrigue particulièrement addictive, Deborah Harkness cultive l'art de nous mettre l'eau à la bouche via de nombreuses scènes culinaires, où explosent les parfums et les saveurs. Parmi celles-ci, on a gardé une mémoire quasi sensorielle du chapitre 12, qui relatait l'invitation à dîner de Diana Bishop (héritière d'une puissante lignée de sorcières américaines) à Matthew de Clairmont (vampire franco-britannique de plusieurs siècles) et qui confrontait la jeune femme à cette étrange question : que mange un vampire (si ce n'est du sang) ? La question du paranormal, toujours traitée avec pragmatisme par Deborah Harkness, donnait lieu à une scène de repas aussi alléchante qu'intéressante, de la composition du menu à sa réalisation aux fourneaux...


"Je passai près du dôme de la Radcliffe Camera, où les nouveaux lisaient la bibliographie, puis les murs médiévaux de Jesus College, pour aller faire mes courses au marché couvert. Liste à la main, je m'arrêtais chez le boucher pour acheter du gibier et du lapin, puis chez le poissonnier pour du saumon écossais (...). Grâce à mon mobile, je pus appeler le département de zoologie pour m'enquérir des habitudes alimentaires des loups (...). Après m'avoir débité une longue liste de savoureux mammifères en expliquant que c'étaient leurs 'mets de prédilection', la voix de mon interlocuteur m'expliqua que les loups gris mangeaient également des noix, des graines et des baies (...). Le marchand de primeur me vendit les dernier cassis de l'été et quelques fraises des bois parfumées. Un sachet de châtaignes vint grossir mon sac."
Le livre perdu des sortilèges, Deborah Harkness, 2012.
 

"Une fois rentrée, je débarrassais la table XVIIIème qui me servait de bureau et la poussai près de la cheminée. Je la dressai méticuleusement avec l'argenterie et les lourds verres en cristal, vestige de la vaisselle édouardienne naguère utilisée dans la salle commune, sur la nappe et les serviettes immaculées que les dames de la cuisine m'avait prêtées."
Le livre perdu des sortilèges, Deborah Harkness, 2012.

    Saumon fumé, gibier, châtaignes, fruits rouges et noix... Inspirée par le régime alimentaire des loups gris, Diana compose un dîner qui fait sens dans l'esprit des lecteurs, des plus vampirologues aux moins initiés au sujet. Pour ceux qui, comme nous, ont salivé à la lecture de ce passage, nous vous proposons aujourd'hui la marche à suivre pour préparer ce repas entièrement validé par Matthew de Clairmont.



"Je retournai dans la cuisine pour sortir deux assiettes du réfrigérateur. Le premier plat était le saumon fumé saupoudré d'aneth frais avec des câpres et des cornichons, que l'on pouvait considérer comme une décoration si les vampires ne mangeaient pas de légumes verts."
Le livre perdu des sortilèges, Deborah Harkness, 2012.

    Bien entendu, nous n'irons pas jusqu'à donner la recette du saumon fumé et du carpaccio, dont la préparation requiert un savoir-faire certain. Mais n'hésitez pas, comme Diana, à vous rendre auprès de votre poissonnier et de votre boucher afin de bénéficier des meilleurs pièces. A l'instar de l'héroïne de Deborah Harkness, demandez un saumon d’Écosse (que vous servirez accompagné de câpres et de cornichons) et un carpaccio frais (nous vous déconseillons les carpaccio surgelés), à présenter saupoudré de parmesan râpé, agrémenté de fines rondelles de betterave crue, et arrosé d'un filet d'huile d'olive. Une fois l'entrée passée, attaquons le plat de résistance (que vous accompagnerez bien évidemment d'une carafe de côte-rôtie) et le dessert...
 

"Je me levai pour débarrasser, heureuse de voir que Matthew avait tout mangé sauf la garniture. Il se servit du vin pendant que je sortais le plat suivant du réfrigérateur. C'était un carpaccio de gibier en tranches si fines qu'on voyait presque à travers (...). Je déposais au centre de chaque assiette de la betterave et du parmesan râpé (...). Nous entamâmes le gibier.
— Il vient aussi d’Écosse, précisai-je.
— Du cerf, dit-il après avoir goûté. Un jeune animal des Highlands, d'après le goût. (Je secouai la tête, fascinée)."
Le livre perdu des sortilèges, Deborah Harkness, 2012.
 


"J'apportai une carafe de vin rouge qui attira aussitôt l'attention de Matthew.
— Vous permettez ? demanda-t-il avant de remplir nos verres et de porter le sien à ses narines. Un côte-rôtie, reprit-il, ravi. L'un de mes préférés."
Le livre perdu des sortilèges, Deborah Harkness, 2012.




"Le plat principal était le seul qui devait être réchauffé, mais très peu. J'avais fabriqué une sorte de biscuit avec des châtaignes écrasées. Il ne me restait qu'à saisir un peu le lapin. La recette prévoyait du romarin, du céleri et de l'ail, auquel je décidai de renoncer (...). J'écartai aussi le céleri, ayant constaté que les vampires n'aimaient effectivement pas les légumes. Les épices ne posant apparemment pas de problème, je gardai le romarin et poivrai un peu pendant que je sautais le lapin (...).
— Cela sent délicieusement bon. Des châtaignes ? interrogea-t-il en goûtant une bouchée.
— Rien que des châtaignes, de l'huile d'olive et un peu de levure.
— Et du sel. De l'eau, du romarin et du poivre, ajouta-t-il."
Le livre perdu des sortilèges, Deborah Harkness, 2012.


Biscuit de châtaigne :

Ingrédients (pour 4 à 5 personnes) :

- Une conserve de châtaignes pelées (environ 500 g égouttées)
- Une branche de romarin
- Huile d'olive
- Sel, poivre

A vos tabliers !

- Égoutter les châtaignes à l'aide d'une passoire, puis les écraser grossièrement à la fourchette.
- Dans une casserole, faire revenir les châtaignes concassées avec un filet d'huile d'olive et les brins de romarin.
- Saler, poivrer, puis retirer du feu.
- A l'aide d'un petit cercle à pâtisserie, monter dans chaque assiette l'écrasé de châtaigne en petite galette bien tassée.

 
Émincé de lapin au romarin :

Ingrédients (pour 4 à 5 personnes) :

- 500 g de filets de lapin
- Un oignon rouge
- Une branche de romarin
- Huile d'olive
- 2 cuillère à soupe de sauce soja
- 3 cuillère à soupe de sirop d'érable

A vos tabliers !

- Éplucher et émincer finement l'oignon, puis le faire revenir dans une sauteuse avec un filet d'huile d'olive avec les brins de la branche de romarin.
- Émincer les filets de lapin puis les ajouter dans la sauteuse. Une fois cuits, ajouter la sauce soja et le sirop d'érable. Laisser cuire encore deux minutes avant de retirer du feu et de servir.

 


"Le dîner étant presque achevé, je commençai à me détendre. Nous bavardâmes à propos d'Oxford pendant que j'apportais le fromage, les fruits rouges et des châtaignes rôties (...). Matthew savoura le parfum des fraises des bois."
Le livre perdu des sortilèges, Deborah Harkness, 2012.

Fruits rouges au sirop et aux fruits secs :

Ingrédients (pour 4 à 5 personnes) :

- 600 g de fruits rouges mélangés
- 25 cl d'eau
- 100 g de sucre
- Un citron
- Mélange de fruits secs (noix, noisettes, amandes)

A vos tabliers !

- Dans une casserole, porter à ébullition l'eau, le sucre et le jus du citron puis retirer du feu pour laisser refroidir.
- Si le mélange de fruits rouges est frais, les laver rapidement et couper en deux les fruits les plus gros.
- Les placer dans un plat creux et les arroser du sirop froid. Couvrir et placer pour 30 minutes au réfrigérateur.
- Au moment de servir, disposer les fruits rouges au sirop dans la moitié de chaque coupe à dessert, puis remplir l'autre moitié du mélange de fruits secs.
 
***

 
    Il ne vous reste plus qu'à sortir votre plus belle argenterie et à dresser votre table en attendant votre mystérieux invité. A défaut de dîner dans un décor typiquement oxfordien, on ne doute pas que ces recettes suffiront à vous faire voyager...
 
 

mardi 28 novembre 2023

Le petit vampire déménage - Angela Sommer-Bodenburg.

Der Kleine vapir zieht um
, Rowohlt Taschenbuch Verlag, 1979 - Editions Hachette, coll. Bibliothèque Rose (trad. d'A.Royer), 1982, 1990.

    Une vague lueur crépusculaire tombait des soupiraux du garage. Anton finit par distinguer deux silhouettes enveloppées dans une cape et aux visages blancs comme de la craie. Des vampires ! Il reconnut son ami Rüdiger, le plus maigrelet des deux.
"Rüdiger ? demanda Anton, vaguement inquiet.
— Oui... Viens t'asseoir à côté de nous sur le cercueil !"
    Cette grande caisse était donc un cercueil !
    Un horrible soupçon traversa l'esprit d'Anton. Il avait lu des histoires de gens en bonne santé devenus vampires tout à coup...
"Voilà, dit Rüdiger, gêné. Je suis interdit de caveau. Je viens loger chez toi."
    Un hôte bien encombrant pour Anton ! Comment cacher la chose aux parents ?

***

    Il y a quelques années, on découvrait cette pépite aujourd'hui (malheureusement) tombée dans l'oubli – sauf bien sûr pour celles et ceux qui l'ont connue il y a de cela quelques décennies. Peu rééditée, la série du Petit Vampire d'Angela Sommer-Bodenburg (à ne pas confondre avec la BD de Joann Sfar), c'est un bonbon au goût d'antan, et ce alors qu'elle n'a pas pris une ride. Encore très populaire en Allemagne, Le petit vampire est notamment connu dans le reste du monde par les adaptations télévisées puis surtout les adaptations cinématographiques qui ont vu le jour. Après avoir savouré le premier tome il y a de cela déjà dix ans, on vous parle aujourd'hui du second opus de cette série devenue aussi rarissime que cultissime.
 

    Anton est devenu ami avec Rüdiger, un vampire. Un vrai de vrai. Évidemment, ses parents, deux adultes très "comme il faut" (c'est à dire très terre à terre), ne sont pas au courant. S'ils l'apprenaient, ils préféreraient voir là une élucubration inspirée par les lectures horrifiques de leur fils, qui aime dévorer pendant de longues heures des romans mettant en scène monstres et créatures. Mais les deux mondes risquent une confrontation de taille lorsque Rüdiger s'installe avec son cercueil, sa brosse à dents et son oreiller dans la cave d'Anton ! Expulsé de son caveau familial parce qu'il fréquente trop les humains, le petit vampire n'a eu d'autre choix que de se réfugier ici. Combien de temps durera la sentence ? Comment tenir les parents d'Anton éloignés de la cave ? Le pauvre garçon n'est pas au bout de ses peines, d'autant que Tante Dorothée, vampire sanguinaire à l'origine de la terrible sanction, sait où il vit, et ne serait certainement pas contre se repaitre de son sang...
 

 
    La lecture de ce deuxième tome a renforcé notre affection pour les protagonistes imaginés par Angela Sommer-Bodenburg, de même qu'elle a confirmé notre intérêt pour cette série pleine de charme. Le jeune lecteur se reconnaîtra à travers le personnage d'Anton et frissonnera à ses côtés dans ses différentes mésaventures : au bal des vampires où il devra se faire passer pour l'un d'entre-eux, ou lors de ses promenades nocturnes au cimetière, où il faudra éviter de se faire capturer par Tante Dorothée. Comme le jeune héros, on se laisse totalement gagner par la panique à l'idée que quelqu'un tombe sur le cercueil dissimulé à la cave et on partage sa joie à chaque nouvelle stratégie qui s'avère victorieuse.
 

    On rit des situations cocasses dans lesquelles le petit vampire entraîne son ami, ainsi que de l'écart – disons culturel – qui les sépare l'un et l'autre et qui est souvent la source de quiproquos et de rebondissements. Mais on est aussi touché par le personnage d'Anna, petite sœur de Rüdiger, qui ne laisse d'ailleurs pas Anton insensible et qui rêverait très certainement d'être humaine tout comme lui. Les chapitres qui la mettent en scène donnent ainsi à voir des passages particulièrement émouvants.
 

    L'édition française de ce deuxième titre est toujours illustrée par Denise et Claude Millet, également connus pour leur travaux pour la revue Astrapi. Leur univers visuel, aussi simple qu'identifiable, donne vie au monde du petit vampire avec son charme suranné au goût de madeleine de Proust. Alors que la littérature enfantine a continué de mettre en scène l'archétype du gentil vampire à travers de nouvelles séries qui n'ont jamais réinventé le concept, on regrette vivement la disparition de celui-là, probablement premier modèle du genre.

 
En bref : Oubliez toutes les séries et les sagas de littérature enfantine mettant en scène de gentils petits vampires : Salut les vampires, Amelia Fang, Globuline, Isadora Moon et leurs autres sosies. Le petit vampire d'Angela Sommer-Bodenburg reste probablement leur inspiration première. La lecture de ce second tome confirme que le personnage conserve toute sa légitimité et sa place aux côtés de ses nombreux successeurs, faisant ainsi regretter l'absence de réédition de cette série pleine de charme.