mardi 26 février 2019

Les oscillations du coeur - Anne Idoux-Thivet

Éditions Michel Lafon, 2019.


  Discrète et fleur bleue, la Japonaise Aïko Ishikawa est une designer textile talentueuse. Veuf inconsolable, l'écrivain Jean-Marc Poulain se définit lui-même comme une " ancienne gloire de la littérature ". Quant à la déroutante Angélique Meunier, elle est mathématicienne au CNRS.
   Que peuvent bien avoir en commun ces trois personnages ? En apparence rien, sauf peut-être leur amour pour de curieux petits jouets vintage appelés culbutos. Par hasard, ils découvrent que certains de ces joujoux renferment de mystérieux messages : " Le phare m'appelle ", " Les amants sont des âmes sœurs ", " Demain je pars "...
   Lié par cette étrange trouvaille, l'étonnant trio parviendra-t-il à percer cette singulière énigme ?

***

  L'an dernier, nous avions découvert L'atelier des souvenirs, de la même auteure : un roman tout d'abord auto-édité via la plateforme librinova, avant d'être repéré et diffusé par Michel Lafon. Si on ne tenait pas là le nouveau Goncourt (mais après tout, ce n'est pas du tout ce qu'on recherchait, fort heureusement!), l'écriture fluide et le ton feel good à la française en avaient fait une lecture des plus agréables, remplissant fort bien ce qu'on en attendait. La parution en début d'année d'un tout nouveau livre à la couverture pétillante et au titre joliment poétique ne pouvait que retenir notre attention...


  L'histoire suit d'abord les destins de trois personnages que rien ne prédispose à se rencontrer à jour : Aïko, jeune designer d'origine japonaise fan d'une chanteuse quasi-oubliée des yéyés, Jean-Marc, ancien auteur has been de la littérature, et Angélique, autiste et mathématicienne. La première, tout autant fan de culbutos que de sa chanteuse favorite Claudine Casserole, trouve un jour dans l'un de ses jouets vintage un mot tapé à la machine à écrire. A plusieurs kilomètres de là, l'ex-écrivain se remet péniblement de la mort de sa femme, dont le culbuto d'enfance révèle un autre papier en se brisant accidentellement. De son côté, la réservée Angélique trouve l'apaisement dans le balancement des culbutos depuis toute petite, jusqu'à ce que l'un d'eux tombe au sol et dévoile une nouvelle énigme également. Chacun en possession d'un fragment du mystère, ils se mettent au défi de remonter la piste de ces petits papiers. Le hasard, à moins que ce ne soit le destin, ne va pas tarder à les réunir : Jean-Marc use du forum spécialisé dans les romances de gare "Colombine" tenu par sa défunte femme pour diffuser l'histoire mystérieuse des culbutos, sans savoir qu'Aïko est l'une des lectrices assidues de la plateforme. De même, une autre contributrice du forum n'est autre que la mère d'Angélique, qui fait rapidement le lien avec la découverte faite dans le culbuto de sa fille et dans celui du webmaster. En très peu de temps, ces trois inconnus que tout sépare se retrouvent pour mener l'enquête ensemble. Une enquête qui leur apprendra autant sur eux-même que sur l'auteur des mystérieux petits mots des culbutos...


  A la façon d'un roman choral qui se transforme en véritable road-trip sur les routes de France et de Navarre, Les oscillations du cœur se révèle être une sacrée bonne surprise! Si on ne pouvait que s'attendre à quelque chose de sympathique, on n'avait pas pensé à un roman aussi abouti. Oui, abouti. Car on sent que l'auteure a encore gagné en maturité dans son écriture, dans la façon d'appréhender ses personnages, et dans la manière de distiller une ambiance bien à elle. La narration, omnisciente, pourrait de fait paraître un peu surannée mais elle est particulièrement bien employée à présenter, décrire et suivre nos trois personnages on ne peut plus atypiques. Avec une distance et un phrasé minutieusement choisis qui permet d'instaurer une légère ironie, l'auteure nous raconte finalement ses protagonistes et leur mésaventure avec fantaisie et bienveillance, le tout n'étant pas sans évoquer la narration d'un film de Jean-Pierre Jeunet.


  Car comme dans un fabuleux destin "à la Amélie Poulain", il y a des personnages extravagants, des situations improbables et un altruisme chaleureux. Il y a à la fois de la drôlerie et de la douceur, des scènes de carte-postale et un  Happy End. Même l'enquête très intime dans laquelle se jette nos anti-héros, et qui trouve sa source dans de vieux jouets pour enfants, rappelle le charme un peu désuet propre à l'univers du cinéaste. On se prend nous aussi au jeu de ces investigations en amateur, au fil d'un voyage en coccinelle orange qui trimbalera le plus mal assorti des trios du Jura jusqu'en Normandie. On infiltrera non sans enthousiasme les ruines d'une usine de culbutos à la recherche de la machine à écrire qui a servi à taper les messages, on fouinera dans les archives du personnel pour imaginer qui en est l'auteur, et, même, on finira par établir avec nos adorables protagonistes un lien étonnant avec un célèbre film de Truffaut!

 Les deux Anglaises et le continent, film de Truffaut qui se trouve au centre de l'intrigue...

 Mais pourquoi cela fonctionne si bien, alors que présenté ainsi, tout ça paraîtrait presque trop convenu, trop sage? Parce que l'enchevêtrement des histoires et le déroulement du fil rouge sont fichtrement bien construits, et que le puzzle des intrigues et des personnages s'emboite parfaitement bien. Notons par ailleurs la présence (tellement rare en littérature, de quelque nature qu'elle soit) d'un personnage autiste, raconté avec fraîcheur et sympathie, inspiré par le propre fils de l'auteure (rappelons que son premier ouvrage était un témoignage sur le sujet). Le tout est comme un système dans la pure définition du terme, c'est à dire dont la coordination et l'association de tous les éléments assurent un équilibre évident, impeccable.


En bref: Un roman rafraîchissant, débordant de fantaisie et d'un charme délicieusement désuet. On s'attache aux personnages autant qu'à leur quête des plus saugrenues, le tout étant porté par une écriture légère et une construction très habile. Une très bonne surprise dans l'esprit d'une histoire à la Jean-Pierre Jeunet!

Un grand merci aux éditions Michel Lafon pour cette lecture

dimanche 24 février 2019

La malédiction de la maison Foskett (Les enquêtes de Middleton & Grice #2) - M.R.C.Kasasian

The curse of the house of Foskett (The Gower St detective #2), Head of Zeus, 2014 - City éditions (trad. de M.Desoille & F.Tolron), 2017, 2018 - éditions France Loisirs, collection Piment noir, 2018.

  Sa dernière enquête a mené un homme innocent à la potence. Autant dire que le détective Sydney Grice n'est plus vraiment en odeur de sainteté à Londres. Boudé par ses clients, le « plus grand détective de tout l'empire britannique » dépérit. March Middelton, son excentrique acolyte du « sexe faible », commence à sérieusement s'inquiéter. Jusqu'à ce qu'un individu, membre de l’effrayant « Club du dernier survivant », fasse appel aux services de Sydney... et ait l'impudence de passer de vie à trépas dans son salon ! Les deux détectives sont bien obligés d'enquêter sur cette mort soudaine et particulièrement suspecte. Quel est donc ce club de gentlemen où le jeu est de réussir à rester en vie tout en éliminant les autres ? Les indices entraînent Grice et March dans les recoins les plus sombres du Londres victorien, jusqu’à la maison maudite de la baronne Foskett… 

***

  L'an dernier, nous nous étions régalés de la première enquête de ce duo victorien des plus surprenants : un détective mégalomane et misogyne accompagnée de sa pupille, une jeune fille tout ce qu'il y a de moins conventionnelle dans son attitude. Entre pastiche holmésien et reconstitution historique soignée, M.R.C.Kasasian nous avait totalement conquis! Nous remettons donc le couvert pour ce second opus on ne peut plus prometteur.


"- Dites au coursier qu'il n'y a pas de réponses.
- Oh, mince alors. J'y ai déjà dit d'partir. Vous voulez que j'le rattrape pour lui dire d'pas attendre ?"


  La jeune March Middleton réside toujours au domicile de son tuteur, l'extravagant, arrogant, détestable mais non moins talentueux Sidney Grice. Entre quelques enquêtes de petite importance et ses inventions toujours plus abracadabrantes, le détective tente tant bien que mal de se refaire une réputation après le scandale de sa dernière affaire. L'occasion se présente lorsque sonne à sa porte un dénommé Horatio Green : l'individu a besoin des services d'un enquêteur de toute urgence! Le petit homme appartient en effet à une société de legs mutualisés, laquelle met en commun le patrimoine de plusieurs personnes qui ne sont pas liés par le sang mais qui leur permet d'en hériter si l'un d'eux vient à mourir. Or, il se trouve que les différents signataires ont commencé à périr les uns après les autres, laissant craindre les agissements d'un tueur en série. Tous les associés de ladite société sont donc suspects et si Grice est tenté de les laisser mourir jusqu'à ce que seul le meurtrier soit encore en vie pour lui passer les menottes, il ne peut décemment pas laisser la mort d'un client entacher sa réputation plus qu'elle ne l'est déjà. Trop tard : Horatio Green meurt sous leurs yeux, empoisonné par du cyanure dont on ignore la provenance. Interrogeant tour à tour les différents signataires, March accompagne Grice jusqu'à la conceptrice de l'affaire, la baronne Foskett. La baronne n'est pas inconnue de Grice, qui était un ami de son fils et avait joué, petit, dans le vaste domaine d'une maison aujourd'hui en état de décrépitude avancée. On dit même qu'une malédiction conduirait à une mort affreuse chaque membre de la famille Foskett depuis des générations... Face aux trop nombreux suspects, notre improbable duo devra compter sur la présence de compagnons de route fort opportuns, dont une femme médecin qui ne laissera pas insensible Grice, pourtant ordinairement si misogyne!

"- Vous êtes allée au pub.
- Oui, au "Black Boy".
- Je me moque de sa couleur, de son sexe, et de son âge."


"Mon mentor éjecta son œil de verre et massa vigoureusement les contours de son orbite.
- Votre œil vous fait souffrir?
- Mon œil gît à Berlin, au cimetière de Charlottenburg.
- Vous avez fait célébrer des funérailles pour votre œil ? 
- Mon œil a pénétré dans la gorge d'un colonel de l'armée prussienne, qui en est mort étouffé."

  Ah! Quel style! Quel humour! Quel intrigue! Par quoi commencer? Ce second tome nous plonge avec une minutieuse reconstitution dans le Londres brumeux et grouillant de l'époque victorienne, l'auteur ne nous épargnant aucun détail sur l'insalubrité et la misère du décor. Il nous raconte avec un sérieux équivalent l'élégance des maisons de maître et l'horreur des hôpitaux de bas quartier, offrant une immersion quasi-sociologique en toile de fond de cette intrigue pleine de gouaille.

"- Et cherchez pas à nous mettre ça sur le dos ! cria-t-il derrière moi. J'ai des amis hauts placés.
- Des singes dans les arbres ? demandai-je poliment avant de sortir."

  Car de la gouaille, il en faut pour contrebalancer élégamment l'horreur des coupe-gorges victoriens, et fort est de constater que l'auteur maîtrise avec talent l'art de la dérision. A la parodie trop lourde, M.R.C.Kasasian préfère donc son ton reconnaissable de pastiche plein de références, de sarcasmes, et de joutes verbales bien construites. A ce titre, on voit encore poindre derrière le duo Middleton et Grice un hommage au célèbre duo Watson et Holmes (il est fait référence, parmi les enquêtes antérieures de Grice, à une ligue de roux et à une escarboucle bleue, et la malédiction des Foskett évoque par certains côtés celle des Baskerville), si ce n'est que les personnages de Kasasian ont ce piment supplémentaire que peut se permettre un auteur d'aujourd'hui avec des personnages d'autrefois. Leur relation va par ailleurs au-delà des escarmouches déjà bien présentes dans le premier opus et gagne en psychologie, jusqu'à une révélation finale qui laisse le lecteur sur un excellent cliffhanger.

"La flatterie, m'avait un jour dit mon père, est comme le maquillage : bon marché et factice, mais si tu es amenée à en user, mets-en une bonne couche, sinon les gens verrons à travers."

 Sidney Grice et March Middleton?

"- Vous avez lu mon journal à nouveau?
- Evidemment.
- Mais je le tiens caché et j'ai toujours la clé sur moi.
- Il est impossible de me cacher quoi que ce soit. Quant aux serrures... Pfff... Un paresseux à trois orteils pourrait ouvrir la serrure de n'importe quel journal avec un navet."

  Avec son personnage de March, cette jeune femme amatrice de gin et de cigarettes (au grand dam de Grice, qui pense que les représentantes du sexe faible devraient s'en tenir au carcan social de rigueur), et avec celui du Dr Dorna Berry, M.R.C.Kasasian semble s'amuser à donner vie à des personnages féminins affranchis peu en accord avec une époque conservatrice. Et c'est heureux, car cet évocation pétillante du féminisme naissant est l'un des grands atouts de cet ouvrage, et probablement de la série. Au fil du roman, l'auteur continue également de glisser subtilement des flash-back qui nous permettent, petit à petit, de découvrir le passé mystérieux de March et de mieux cerner la jeune femme qu'elle est devenue.

" Vous savez pourquoi nous autres Anglais n'avons jamais eu d'esclaves dans nos foyers? Parce que nous en avons dix millions, que nous appelons des femmes. Si jamais un homme vous donne le choix entre une alliance et une tasse de ciguë, prenez le poison. Le résultat est le même ; l'un est juste beaucoup plus rapide."

  L'intrigue policière ne nous ménage pas : tortueuse à l'excès (peut-être un peu trop par endroit, mais on peut y voir là encore le côté pastiche holmésien totalement avoué), elle est riche en pistes trompeuses et en révélations surprenantes. Le tout mène à un dénouement d'autant plus détonant que l'auteur s'amuse, notamment via le personnage de Grice, à nous mener par le bout du nez jusqu'à la fin...

"On ne peut pas faire confiance à quelque chose d'attirant si son attirance est la seule raison de lui faire confiance."


En bref: Une série policière anglaise pleine d'allant qui rend un hommage détonant au polar victorien. Si l'intrigue est parfois trop tortueuse, on ne peut qu'applaudir l'écriture de M.R.C.Kasasian et son ton plein d'humour, ainsi que la construction et l'évolution de ses personnages, probablement LE point fort de sa série. Savoureux! On en redemande!


 Et pour aller plus loin...


mercredi 20 février 2019

De l'art de la chute...


  Non, pas la chute dans le terrier du lapin blanc. Quelque chose de beaucoup moins merveilleux, voire même de moins spectaculaire, mais de beaucoup plus dangereux (Ah, oui, avant d'aller plus loin, sachez que ceci est un article de blabla, je vais donc vous raconter ma vie, et plus précisément mes dernières rocambolesques aventures de cascadeur...).


DE GUICHE:
D'où tombe cet homme?

CYRANO:
De la lune! (...)

DE GUICHE:
N'a-t-il plus sa raison?

CYRANO:
Quelle heure? Quel pays? Quel jour? Quel saison? (...)
Mais il y a cent ans, ou bien une minute
-J'ignore tout à fait ce que dura ma chute!-
j'étais dans cette boule couleur de safran.

E.Rostand, Cyrano de Bergerac.


Je vous assure que j'étais aussi fier que lui... au départ...

  Cependant, ce n'est pas de la lune que je suis tombé, et ce même si je devais avoir un peu la tête dedans au moment où j'ai touché le sol. Juste avant de finir à l'horizontal, j'étais à la verticale, bien droit sur mon vélo, parti pour faire mes 25 km journaliers. Mais alors, aurais-je perdu la main (ou le pied), pour ainsi finir à terre après des années de pratique du pédalage? Non, juste tout sens de la raison : il semble que j'ai voulu inventer une nouvelle discipline entre le cyclisme et le patin à glace, car en vérité, il y avait du brouillard givrant dehors. Mal m'en a pris, c'était une fausse bonne idée : 

  Une plaque de verglas a eu raison de moi 500 mètres plus loin.




  Dans mon malheur, je ne suis tombé aux pieds d'un ex-pompier (!). Après m'être relevé (ce qui en réalité aurait du être impossible d'après les médecins, mais que voulez-vous : à chaud, l'adrénaline nous fait faire de ces choses...), j'ai constaté que j'avais le bassin tourné dans un sens, le reste du corps dans l'autre, et une jambe qui voulait prendre sa propre direction.


Oups.

  L'ex-pompier a appelé ses anciens collègues, qui ont du me faire passer en position allongée sans transition (impossible de m'asseoir ou de me plier, allongé toute la journée je suis donc resté, d'ailleurs). Direction le service des urgences.

  Verdict : fracture du grand trochanter, juste en dessous du col du fémur. Oui, oui, "un truc de mamie" comme me l'a dit le chirurgien en riant (ohé, on ne se moque pas! Il a ajouté: "aussi de sportifs, mais ici on a plus souvent les mamies"). Je suis donc, à 27 ans, passé à deux doigts de la prothèse, mais j'ai quand même eu droit à un clou. Et quand je dis clou, oubliez de suite le petit outil de bricolage, car en réalité, c'est un véritable piquet de tente qu'on m'a mis dans le fémur!


(Il y a encore quelques temps, si on m'avait montré ça, j'aurais parié sur du matériel de plomberie ^^)

  Je suis rentré chez moi après quelques jours au sein de l'usine (in)hospitalière (je rigole, les équipes ont été majoritairement adorables), moyennant un fauteuil roulant, un déambulateur et... une longue convalescence le temps de remettre tout ça.

Steed alité, oui, MAIS élégant.

  Le plus étrange? Cela faisait une semaine que je la visualisais, cette chute, et que je me voyais en train de taper à la machine à écrire pendant ma convalescence, usant d'une jolie canne à pommeau pour me déplacer. Bon, la vérité est moins sexy : dans ma vision, je portais aussi une très chouette tenue d'intérieur, le genre que John Steed porterait en cas d'alitement (comme le dit une amie, "Steed est élégant même pour repeindre la cuisine"), mais en lieu et place de la robe de chambre en soie avec monogramme brodé, je dois me satisfaire d'informes joggings. Et le déambulateur est nettement moins élégant que la canne, mais il n'empêche, j'ai déjà commandé ça pour mon prochain anniversaire (c'est l'occasion où jamais, non?):





  Le plus drôle est que malgré tout ça, je trouve encore quelques modèles et figures d'identification de la littérature et/ou des petit et grand écrans. Les héros estropiés et autres gentlemen en fauteuil ne font certes pas légion, mais il y en a...


 A.Leibovitz revisite Fenêtre sur cour pour Vanity Fair

  Hercule Poirot résout sa dernière énigme depuis son fauteuil roulant (Hercule Poirot quitte la scène), John Steed continue de chasser les espions malgré l'immobilisation et son plâtre (épisode "Je vous tuerai à midi"), Hitchock raconte des apprentis détectives handicapés (Fenêtre sur cour), et Lee Pace (adorable Ned de Pushing Daisies) joue les inventeurs d'histoires paralysé (The Fall, un bijou cinématographique que je vous recommande).


  Pas de doute, donc, mon avenir est assuré. Je vais pouvoir jouer au croquet avec l'une de mes charmantes partenaires entre deux enquêtes pour sauver la couronne, espionner mes voisins criminels depuis mon fauteuil roulant en galante compagnie, punir les meurtriers en me faisant passer pour plus faible que je ne le suis et, surtout, profiter de tout ce temps pour me raconter des histoires, en lire, et vous en parler...


Lee Pace, en conteur tétraplégique dans The fall (2006)
(je m'identifie sans la bouteille, hein, parce que c'est contre-indiqué avec mon traitement)

  (Je ne suis pas particulièrement content de tout ce qui m'arrive, sachez-le, mais j'ai décidé de suivre les conseils d'une amie et de "polyanniser", comme elle le dit si bien (les fans de littérature jeunesse comprendront peut-être l'allusion) en essayant de tirer le meilleur de cette expérience et en espérant que mes occupations auront quelque chose de thérapeutique. En fait, je ne l'espère pas, j'en ai déjà la certitude ;) ).


On se revoit donc très très vite!

(en attendant, je retourne à m'asseoir à ma fenêtre ;) ) 

 Fenêtre sur cour revisité pour Vogue.

La relieuse du Gué - Anne Delaflotte Mehdevi.

Editions Gaïa, 2008 - Editions Babel, 2013.

  Un lundi matin venteux, très tôt, dans un village de Dordogne. Dans son atelier encore fermé, une relieuse se prépare avec délectation à travailler sur les livres qu’on lui a confiés, lorsqu’on frappe à sa porte avec insistance. Un mystérieux visiteur lui confie un livre ancien pour restauration. Pressé, mal en point, l’homme s’engouffre de nouveau sous la pluie qui bat les pavés. Un visiteur d’une beauté renversante. La relieuse s’attelle avec d’autant plus d’ardeur et de curiosité à ce nouveau travail : un livre ancien, relié à l’allemande, constitué de dessins représentant un fanum, antique lieu de culte gallo-romain, et dissimulant une liste de noms derrière une odeur de brûlé : en un mot, une rareté.
 
  Un premier roman qui mêle l’odeur du cuir aux secrets de famille, campe des personnages attachants et parfois cocasses, et laisse une place de choix à une écriture pleine de chaleur et de sensualité.

***

  Il y a quelques années, on vous présentait Le portefeuille rouge, suite du roman la relieuse du gué qui ne nécessitait pas d'avoir lu le premier tome pour en savourer la qualité. L'intrigue, située dans le milieu des livres d'art, confrontait une jeune artiste-relieur à des manuscrits inédits révélant quelques secrets sur Shakespeare himself, la conduisant dans une enquête à travers l'Europe et le temps. L'histoire était cousue d'or et le style, magnifique. Autant dire que nous avons attendu bien trop longtemps avant de lire le premier opus, par ailleurs multi-primé...


"Le dieu du vent s'infiltrait dans mon éprouvette... Fantaisie tout aussi excitante que de déclamer pour moi toute seule les vers de mon cher Cyrano, beaucoup plus excitante que de couper en une respiration un beau papier marbré, à vue, sans mesure, et parier qu'au milimètre près la coupe soit juste. Je m'étais refusé la promenade vers le gué auquel le vent m'invitait? Le vent était venu forcer ma porte."

  Mathilde a quitté il y a peu le monde de la diplomatie parisienne pour venir s'installer en Dordogne. A Montlaudun, le petit village natal de son grand-père, elle a aussi repris l'art de son aïeul : la reliure, et a ouvert son atelier. Entre clients particuliers et municipalités lui confiant la restauration des documents d'archives, autant dire que son affaire marche assez bien. Elle s'est également liée d'amitié avec son voisin André, boulanger aux allures d'ours un peu bourru mais en vérité adorable, et s’accommode des bizarreries de se voisins. Un matin, un étranger frappe à sa porte : beau, comme échappé d'un songe, mais dépenaillé et à bout de force, il lui remet un ancien livre très abimé pour restauration, la paie en liquide et... lui tombe dans les bras. Remis de son malaise dans la minute, il refuse le médecin et laisse Mathilde sans plus de renseignement. Lorsqu'il décède quelques jours plus tard sous les roues d'un camion, tout le monde ignore encore son nom. Mathilde, qui a commencé la restauration du livre, veut coûte que coûte retrouver la famille de son étrange visiteur, dont le parfum de sous-bois hante encore les nuits. L'ouvrage pourrait peut-être la mettre sur la voie? Il s'agit d'un recueil d'aquarelles représentant des vestiges gallo-romains en pleine forêt... Dissimulée derrière la tranche, Mathilde découvre une vieille feuille annotée d'une liste de noms griffonnés à la hâte. Liste qui semble intéresser particulièrement le maire de Montlaudun, soudain très acerbe à l'égard de la jeune relieuse. Habitée d'un profond désir de vérité, la jeune femme se lance dans une enquête à la fois humaine et historique...


"Un livre et un parfum : beaucoup d'amants, en cadeau d'adieu, ont fait moins bien."

  Quel plaisir de retrouver le petit monde de Mathilde : tout comme dans Le portefeuille rouge, les descriptions de la Dordogne et du petit village de Montlaudun apportent à la lecture quelque chose de rafraîchissant, une légère tonalité locale sans jamais tomber dans les défauts d'un roman trop régional qui serait réservé à ses seuls habitants. L'importance accordée au territoire et à la nature instaure une vivifiante atmosphère de simplicité qui participe à mettre en valeur le personnage de Mathilde, cette jeune femme vraie et sensible.

"Changer de vie implique beaucoup de brouhahas, de petits tracas, qui agissent comme de la glace sur une brûlure." 

  L'exotisme est donc principalement apporté par la profession de l'héroïne et les nombreuses descriptions du métier de relieur : l'atelier, les outils, les restaurations... la manipulation des livres, le cuir des couvertures, la diversité des reliures, la couture, les couleurs, ... l'odeur, aussi. Tous les sens sont mis en éveil à travers la restitution de son art, raconté de façon quasi charnelle


" Le deuil comme une amputation, le membre absent fait mal longtemps."

  Le texte, à la plume évocatrice, est entrecoupé de passages de Cyrano de Rostand : livre de chevet de Mathilde, il semble se mettre à parler de lui-même dès qu'une citation peut éclairer une scène vécue ou un événement raconté, se faisant miroir et réflexion de l'action avec une heureuse poésie. 

" On peut lire Cyrano de Bergerac de Rostand comme on le fait d'une carte postale d'été, ou le dire tout haut, juste pour le rythme facile de la rime. On peut le lire pour rire, pour s'émouvoir, pour s'attarder sur le panache de son héros. Pour bien dormir, on peut prendre un soir, un dialogue par hasard, et faire une toilette de chat de l'esprit, juste avant de sombrer. On peut le prendre au petit déjeuner pour se donner du cœur et une âme claire, juste une lampée avec son café."

  On se laisse porter avec délice par cette belle littérature dans une enquête entre papier marbré et cuir couturé, à la recherche du nom d'un fantôme et de ruines gallo-romaines cachées quelque part au fond d'une forêt. Une lecture suave qui nous met comme entre parenthèses, nous fait prendre la mesure du temps...


"Je partageais le désert du wagon de l'express avec trois statues de sel. Nous occupions harmonieusement l'espace vide, assis à équidistance les uns des autres. Drôle de race dont les spécimens se cherchent ou s'évitent selon une alchimie obtuse. Chez les animaux, les règles de fréquentation sont beaucoup mieux établies"

En bref : Anne Delaflotte Medhevi signe ici une déclaration d'amour brûlante à l'objet livre. D'une écriture charnelle qui éveille tous les sens, elle raconte ses personnages et son intrigue avec une poésie épurée et rafraîchissante.


Et pour aller plus loin... 

lundi 11 février 2019

La maison - Vanessa Savage.

The woman in the dark, Sphere, 2019 - Editions de la Martinière (trad. de O.Marchon), 2019.

   La maison où Patrick a passé toute sa jeunesse n'est pas une demeure comme les autres. Quinze ans plus tôt, elle a été le théâtre d'un drame inconcevable : toute une famille y a été retrouvée, massacrée. Patrick garde pourtant des souvenirs irremplaçables dans ces lieux, comme seule l'enfance sait en créer. Il décide de la racheter. Sa femme, Sarah, et leurs deux enfants s'y installent à contrecœur. Le délabrement, l'atmosphère sinistre qui colle à la maison oppressent Sarah. Ses psychoses reprennent, de plus en plus sombres. Des voisins épient chacun de ses mouvements. La tension monte.
​  Dans ce roman tortueux, imprévisible, Vanessa Savage braque la lumière sur chacun des personnages, tour à tour. Patrick, Sarah – et le lecteur – sauront-ils résister à cette infernale spirale du doute et de l'enfermement ? Et jusqu'où les entraînera-t-elle ?

Toutes les maisons portent en elles une histoire.
Celle-ci est cauchemardesque.

***

  Une maison, une histoire, une famille. Encore des éléments chers à mon cœur de lecteur! Et quand en plus le communiqué de presse inscrit ce premier roman dans la lignée de Rebecca, Shining et Psychose, il y a de quoi être alléché...

... Et pourtant, soyons honnête, on est loin du coup de cœur. Mon avis sur ce roman fraîchement sorti des imprimeries sera peut-être le premier très mitigé, voire même plutôt négatif. Pourtant, je vous assure que je m'y suis lancé plein d'enthousiasme, tant ses ingrédients semblaient prometteurs...



  J'attendais quelque chose de subtile, grinçant, tout en atmosphère, bref, quelque chose de très anglais, et j'ai été assez déçu. Les personnages, déjà, m'ont paru inaboutis : l'héroïne est assez atone et même lorsqu'elle essaie de prendre les choses en main, elle n'est pas crédible. Sa passivité face à la violence émergente de son époux est réaliste par certains côtés mais devient très vite lassante, en plus d'être racontée sans grande finesse. L'auteure essaie donc de gagner en psychologie en agrémentant l'histoire de détails familiaux qui auraient pu être intéressants, mais dont on ignore toujours l'utilité une fois le livre refermé.

  Si l'ambiance brumeuse et oppressante des côtes anglaise est assez bien restituée, je n'ai pas tremblé une seule fois à la lecture des scènes se déroulant dans LA maison. Vanessa Savage utilise certes les codes du genre mais ne les dépasse pas. En fait, que ce soit pour cette bicoque ou les protagonistes, les émotions ne décollent pas des pages et n'atteignent pas le lecteur. En tout cas, je n'ai, moi, pas été atteint. Si ce n'est par l'ennui.

  Et même quand on espère un peu de rebondissements ou de suspense lorsque le mystère de la bâtisse est révélé en fin d'ouvrage, on découvre, résolument dégrisé, que l'auteure sort de son chapeau une solution toute faite que le lecteur ne pouvait deviner, tant elle se situe loin de l'intrigue. Un peu facile, tout ça.


En bref : Un roman qui veut surfer sur un certain genre mais qui reste très convenu. L'auteure utilise les bons codes, certes, mais les accumule sans se les réapproprier réellement. Le tout se laisse lire mais reste assez vide en terme d'ambiance et d'émotion. Une intrigue de papier glacé vite lue, vite oubliée. Dommage, il y avait du potentiel... Mais c'était peut-être mettre la barre un peu haut que de comparer ce livre à du Stephen King ou à du Daphné du Maurier...

Merci à l'agence Anne & Arnaud pour cette lecture.

 

jeudi 7 février 2019

Mademoiselle de Joncquières - Un film d'Emmanuel Mouret d'après Diderot.



Mademoiselle de Joncquières

Un film d'Emmanuel Mouret d'après Histoire de Madame de la Pommeraye (in Jacques le fataliste et son maître) de Diderot.

Avec : Cécile de France, Edouard Baer, Alice Isaaz...

Sortie en salle le 12 Septembre 2018.

  Madame de La Pommeraye, jeune veuve retirée du monde, cède à la cour du marquis des Arcis, libertin notoire. Après quelques années d’un bonheur sans faille, elle découvre que le marquis s’est lassé de leur union. Follement amoureuse et terriblement blessée, elle décide de se venger de lui avec la complicité de Mademoiselle de Joncquières et de sa mère... 

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   Si nous n'avions pas eu le temps d'évoquer ce film magnifique lors de sa sortie en salle en septembre dernier, nous avions pu nous attarder sur le récit dont il est inspiré : l' Histoire de Madame de la Pommeraye. Ce texte de Diderot, épisode de son grand classique Jacques le fataliste et son maître, avait acquis très tôt une renommée propre et a pu marquer les lecteurs. En mettant ainsi en valeur un personnage de femme qui s'émancipe en se vengeant de l'homme qui l'a bafouée, l'Histoire de Madame de la Pommeraye annonçait déjà Les liaisons dangereuses de C.de Laclos. Après plusieurs comédies romantiques contemporaines, le réalisateur Emmanuel Mouret se lance pour la première fois dans le cinéma en costume avec cette adaptation inattendue ; sa sortie en dvd le mois dernier est donc l'occasion de partager notre avis...


  Ne boudons pas notre plaisir : à la fois classique sans tomber dans l'académisme, Mademoiselle de Joncquières est un film habité par une fraîcheur et une modernité évidentes. Emmanuel Mouret signe une adaptation extrêmement fidèle du texte de Diderot, fidélité que l'on constate en premier lieu à travers les dialogues, au mot près tirés du récit original.. Il était en effet inutile de modifier les excellentes joutes verbales de Diderot, et les quelques ajouts tiennent à des scènes inédites que le scénario glisse ça et là entre deux passages adaptés : la scène du cadeau d'anniversaire ( une "coutume anglaise"), par exemple, ou encore les confidences de Madame de la Pommeraye à son amie en visite de Paris. Autant d'interactions qui s'insèrent sans décalage aucun dans l'histoire initiale, tant l'esprit de l'époque et la subtilité chère à Diderot y sont respectés. 
  L'amie de Madame de la Pommeraye, par ailleurs, est un ajout de taille : absente du texte de base, elle vient en fait remplacer la narration omnisciente du récit écrit en offrant par le biais des confessions la possibilité de verbaliser tout ce qui relève des intentions. Au milieu de ces deux personnages éperdus et abusifs que sont Madame de la Pommeraye et le Marquis des Arcis, ce protagoniste inédit vient aussi ajouter la note raisonnable et mesurée de l'histoire.


  La mise en scène, très travaillée sans jamais tomber dans l'excès, résulte d'une subtile réflexion esthétique, et on notera en effet un important travail des lumières et des couleurs à chacun des plans : Madame de la Pommeraye est par exemple toujours "ton sur ton", portant des tenues assorties aux décors dans lesquels elle est filmée. Les coloris pastels de ses robes à la française tournent au criard lorsqu'elle met en œuvre sa vengeance : rose pâle et bleu ciel virent à l'aigre, et le plus bel exemple est peut-être la superbe et ostentatoire robe jaune ocre qu'elle porte lorsqu'elle commence à mettre son plan à exécution... Une toilette aux accents symboliques qui n'est pas sans évoquer celle de Glenn Close dans le film adapté des Liaisons dangereuses de Frears.

 
  La caméra filme rarement de près et les scènes sont généralement des plans élargis, qui, le plus souvent tournés en pleine nature ou en présence d'une végétation luxuriante, évoquent les tableaux bucoliques de Chardin ou Fragonard. Même la scène finale, au cours de laquelle Madame de la Pommeraye et son amie prennent leur collation, renvoie fortement à l'élégante légèreté des portraits en pied de Carmontelle. Le tout évoque ainsi un petit théâtre, impression renforcée par des intérieurs épurés, une atmosphère intimiste due au petit nombre de personnages, ou encore les transitions par écrans noirs qui rappellent des tombés de rideaux.


  L'esthétisme est poussé jusqu'à la métaphore du personnage de Madame de la Pommeraye : avant même d'être quittée par le Marquis et de se lancer à corps (et à cœur) perdu dans son jeu de vendetta amoureuse, elle est constamment filmée en train d'apprêter son intérieur (elle repositionne vases et vasques en fonction des tapisseries, arranges les bouquets en cherchant le plus bel effet) ou ses toilettes (elle essaye plusieurs palatines, changent de rubans et d'accessoires), le tout en devisant avec flegme et distinction avec son amie ou le marquis. Tout dans son rapport à l'esthétique, à la "mise en scène", pourrait-on dire, la prédestinait à ce rôle de manipulatrice, d'illusionniste des faits et des situations : elle a une vision quasi-artistique du rapport au décor dans lequel elle évolue, comme de la machination qu'elle conçoit et imagine comme une œuvre


  Applaudissons à ce titre l'interprétation de Cécile de France, éblouissante. Elle donne entièrement corps au personnage imaginé par Diderot, l'incarne avec force et éloquence : la posture, le moindre geste ou déplacement, tout relève du raffinement qui sied à l’aristocratie du XVIIIème siècle sans jamais être ampoulé. Même le timbre de sa voix a été travaillé et on peine à reconnaitre la tessiture habituelle de l'actrice : elle est ici plus ponctuée, plus haut perchée, presque candide, parfaite pour les dialogues pleins de civilités auxquels elle se prête, et résonne de quelque chose de diabolique lorsqu'elle parle de sa revanche.


  L'autre excellente surprise du film, c'est évidemment Edouard Baer, que j'ai totalement redécouvert. De cet acteur que j'avais mis en boite bien trop vite, j'ai finalement dû revoir mon jugement. Son sympathique badinage se prête à merveille à son personnage de gentil libertin, et il parvient même à nous émouvoir en amoureux sincère à la fin du film. Si sa barbe semble un peu anachronique, elle peut rappeler à certains celle tout aussi incongrue d'Alan Rickman lorsqu'il jouait... le rôle de Valmont dans Les liaisons dangereuses sur les planches dans les années 80. Simple hasard ou clin d’œil? 


  Enfin, impossible de ne pas parler, même brièvement, de la bande musicale. Composée de morceaux de Vivaldi, Scarlatti, ou Bach, elle concourt évidemment à finaliser la réussite de ce superbe tableau. 


En bref : Impeccablement joué, subtilement mis en scène, Mademoiselle de Joncquières redonne toute sa gloire au film en costumes français. Ce conte d'amours assassines plein de grâce et d'éloquence est un régal pour les yeux et les oreilles. Un vrai coup de cœur, par ailleurs déjà favori des Oscars dans la catégorie "meilleur film étranger"!