mardi 31 décembre 2019

Merry murderous christmas and best roaring wishes !


  Juste à temps pour respecter la tradition, voici le tant attendu article de vœux d'entre-deux fêtes annuel, lequel met cette année à l'honneur l'honorable Miss Fisher et les pétillantes années 1920! Nous sommes ravis de vous accueillir pour cela au domicile de la détective, tel que cela avait été annoncé dans notre article d'introduction, au 221b l'Esplanade, St Kilda, à Melbourne

 Miss Fisher's house, by night...

  Ce sont les deux acolytes chauffeurs de la lady détective, Cec et Bert, qui vous déposent dans leur taxi rutilant devant la superbe demeure de Miss Fisher. Le jazz bat son plein à l'intérieur ; inutile de sonner, vous êtes attendu, contentez-vous de passer la porte. Mademoiselle Dorothy "Dot" Williams vous accueille dans le hall pour vous débarrasser de votre manteau – vous complimentant au passage sur le choix de votre tenue pour la soirée – puis vous invite à rejoindre le petit salon où sont servis les rafraichissement. Vous arrivez juste à temps, on allait trinquer, vous explique Mademoiselle Williams ; vite, vous rejoignez la pièce d'où proviennent la musique et les rires : le salon est tapissée de motifs Art-Déco vert et or que soulignent les décorations de Noël. Tout respire la joie et la bonne humeur, lorsque soudain...



PAN!

  Tout le monde sursaute, puis se fige. Que se passe-t-il? Un coup de feu? Il faut s'attendre à tout, au domicile de la célèbre détective. Mais fort heureusement, ce n'était qu'un bouchon de champagne : Mr Butler vient d'ouvrir un bouteille bien fraiche et remplit maintenant une pyramide de coupes savamment empilées les unes sur les autres dans un équilibre qui tient du prodige, transformant la construction éphémère en fontaine de cristal et de vin pétillant. Une fois tous les verres pleins, le majordome fait le tour de l'assemblée et propose une coupe à chaque invité. La maîtresse de maison entre à cet instant, vêtue d'une somptueuse robe de soirée, et lève son verre pour porter un toast :

Joyeux Noël
(avec un petit retard)
et
Très Belle Année!
(à peine en avance)


  Vous avez bien le temps de faire un petit tour du propriétaire, pendant que vous sirotez le contenu de votre coupe, n'est-ce pas? Cela ne prendra qu'un instant...


"Des paquets aux formes intrigantes, emballés de joli papier, étaient empilés sous le sapin d'or et d'argent de Phryne." 


   Commençons avec la pièce maîtresse de ces fêtes de Noël : le sapin. Phryne semble avoir sorti le grand jeu, avec cet arbre de Noël qui met en relief les tons verts de sa décoration habituelle, le tout orné de boules scintillantes bleues et vertes aux motifs géométriques représentatifs du graphisme des années 1920, et d'une audacieuse guirlande de sequins dorés comme on pourrait en broder une robe. Un sapin à la pointe de la mode, donc.


"What's in Phryne's bag?"

  La détective semble avoir laissé là un magnifique petit sac (celui-là aussi à la pointe de la mode), dont le contenu s'est renversé sur le buffet. Sans donner l'impression de fouiller, peut-être pourrions-nous jeter un œil pour en apprendre un peu plus sur l'intimité de la célèbre aventurière...?


"Phryne sourit en songeant aux trois malles-cabines, aux deux valises, au grand sac et au sac à main qui se trouvaient dans sa cabine, et aux sept grosses malles qui voyageaient en soute (...). Ses importations téméraires dans son pays natal comprenaient un petit revolver de dame et sa boite de balles."


 "Neuf dames dansant..."


"Vous savez, la première fois que j'ai volé quelque chose, la police ne m'a même pas attrapée! C'était une petite broche en forme d'hirondelle, je l'avais repérée chez le prêteur sur gages (...) J'ai dit à la police que ma grand-mère me l'avais donnée et que mon père l'avait mise au clou pour se payer une bière."

   Outre son célèbre petit revolver doré à crosse de nacre, on trouve là-dedans tout ce qui fait le personnage de Phryne, dont une multitude de bijoux : des boucles d'oreille scintillantes, et principalement des broches de diamants et de pierres précieuses. Tournesol brillant, ancre de marine étincelante... ainsi qu'une broche en laqué qui témoigne du penchant de Miss Fisher pour la mode orientale. Autre bijou qui a son importance, la célèbre petite broche hirondelle volée chez un prêteur sur gage quand Phryne était petite. On apprendra plus tard que l'excuse qu'elle avait servie alors à la police n'était pas un mensonge, et que le bijou appartenait véritablement à sa grand-mère. L'inspecteur Robinson retrouvera la broche dans les archives de la police et lui offrira en gage d'amitié. Ah, mais, qu'avons-nous d'autre? Une petite carte à l'effigie des "neuf dames dansant" de la célèbre chanson Les douze jours de Noël... la dernière fois qu'on a laissé cette carte à l'attention de Phryne, c'était une menace de mort. Espérons qu'il n'en sera pas de même cette fois-ci...

  Mais continuons notre visite...


  Palmes et plumes de paon forment des compositions annuelles là aussi très représentatives des formes et associations appréciées dans l'esthétique des Années Folles. On ne s'étonne donc pas de trouver de tels arrangements dans le salon de Phryne en ces périodes de fêtes, l'hôtesse s'affirmant comme une femme de goût autant dans son intérieur que dans sa garde-robe. Mais la garde-robe, parlons-en un peu...


"Phryne lissa son casque de cheveux noirs..."


  Car Phryne Fisher, c'est avant tout un style, un charisme, un esprit haute-couture. Fidèle à l'esprit des garçonnes de son temps, elle porte le lulu bob, c'est à dire un carré très court digne de l'actrice Louise Brooks, dont la détective aurait aussi le regard hypnotique. Véritable déclaration d'indépendance, cette coupe traduit l'audace et l'esprit libertaire de celles qui l'arborent ; le simple fait de dévoiler sa nuque était alors un symbole d'érotisme, mais devint vite celui des flappers, les premières féministes de l'après guerre. Aucun doute que l'honorable Miss Phryne Fisher en fait partie...


  Et quoi de mieux, pour mettre cette frange en valeur, que d'y poser un diadème comme la lady détective nous a habitués à en porter : chainettes dorées sous un entrelacs de feuillage et de fleurs diamantés délicieusement Art-Déco, une tiare chic digne des accessoires favoris de Phryne. Mais l'accessoire, c'est la touche finale apportée à la robe (car on ne pourrait pas sortir nu, même si on parle de fêter les scandaleuses années 1920)...


"Phryne scintillait  dans une robe en crêpe georgette de chanvre indien incrustée de paillettes et de strass."


" C'est du renard, Dot. Il n'y a rien de tel."


"Une femme doit porter une robe d'abord et avant tout pour son propre plaisir."

  Or, la mode (et en particulier les robes), on le sait, a son importance dans la vie de Phryne. Après avoir été pauvre dans son enfance et n'avoir porté que des robes de coton de seconde main usées pendant des années, elle apprécie aujourd'hui de pouvoir s'offrir des tenues dignes de ce nom. Robes d'intérieur ou de soirée, de bal ou charleston, rien n'est trop beau pour Miss Fisher, qui affectionne aussi bien les coupes moderne du prêt-à-porter (lequel fait son apparition dans les années 20) que les créations glamours des grands couturiers. Pour ce soir de réveillon, elle porte une robe de crêpe vert à franges assortie à son intérieur, surbrodée d'une dentelle à peine visible sur laquelle sont cousues perles et sequins... pour briller en toute circonstance! La tenue est complétée d'une étole en fourrure de renard ("Rien de tel", confie-t-elle à Dot quand elle va chez son modiste) et d'une léontine. La léontine, c'est le nom oublié de ce collier déjà célèbre à la fin du XIXème siècle et encore très apprécié après guerre : une simple chaine enroulée plusieurs fois sur elle même autour du cou ou nouée pour pendre élégamment (à ne pas confondre avec le sautoir, évidemment).



" Elle sortit de sa poche une cigarette, son fume-cigarette, et une allumette."

  Puisque c'est fête, Phryne décide de s'adonner sans honte aucune à tous les plaisirs déconseillés : en plus du champagne et des cocktails (leur effet s'évaporera au réveil après une bonne tasse de café turc bien serré), la voilà qui sort un fume-cigarette de son sac. Un fume-cigarette? Très célèbre chez la gent féminine dès les années 1910, il est l'accessoire souvent associé à la garçonne des années 1920. Si l'on a jamais vu la Phryne de la série télévisée fumer, il en est tout autre pour la Phryne des romans, qui ne se refuse pas cette activité...


  Mais avant de passer pour des indiscrets, regagnons vite la foule d'invités... Jane et Ruth, les filles adoptives de Miss Fisher, viennent de mettre un nouveau disque sous l'aiguille du gramophone et une musique enthousiasmante se fait déjà entendre... 


  La maîtresse de maison elle-même se laisse entrainer par cette mélodie des plus réjouissantes alors... pourquoi se priver? 


Let's dance with Phryne, a little party never killed nobody!


Belles fêtes à tous!

***

 
 

dimanche 29 décembre 2019

Gourmandise littéraire : Café turc de Miss Fisher.


  Est-il boisson plus revigorante que le café? En ces périodes de fêtes et de soirées arrosées, un bon café peut avoir quelque chose de salvateur, au réveil... et ça, Miss Fisher l'a bien compris. Elle qui ne refuse aucun plaisir de la vie, surtout pas un cocktail dansant ou une nuit de folie en... euh... agréable compagnie, n'aime rien de moins qu'être tirée du lit par l'odeur d'un bon café préparé par Dot. Pas n'importe quel café, d'ailleurs : un café à la turque, qu'elle semble apprécier tout particulièrement.

  Elle en boit plusieurs tasses au fil des tomes écrits par Kerry Greenwood, que ce soit dans Phryne et les anarchistes (où il est le bienvenu après une nuit rendue mouvementée par la mort d'un jeune inconnu qui lance la détective dans une nouvelle enquête) ou encore dans le recueil A question of death.


" Lorsque Dot vint la réveiller, avec un café turc si fort qu'on aurait pu y planter une cuillère à la verticale, Phryne eut l'impression de n'avoir dormi qu'un instant. "

Phryne et les anarchistes, K.Greenwood, chapitre 2, éditions 10/18 (2007).


  Aussi connu sous le nom de "café oriental", "café chypriote" ou "café grec" (Phryne l'appelle son "breuvage hellénique" dans A question of death), la préparation du café "à la turque" remonte au XVème siècle dans le monde musulman, avant de s'étendre progressivement aux pays méditerranéens ainsi que dans certains pays d'Europe de l'Est. Le café se fait ainsi à la turque dans les pays du Proche-Orient, dans l'ex-Yougoslavie, dans les pays des Balkans, dans les pays du Caucase ou encore en Ukraine. 

  Sa préparation, bien particulière, requière l'utilisation d'une cafetière turque appelée un "cezve". En cuivre ou en fer blanc, le cezve est une petite casserole évasée dans laquelle on faire chauffer le café avec l'eau sans la filtrer : le processus laisse les grains de café retomber au fond du cezve avant le service.

  Sa réputation et sa préparation se propagent avec les colonies dès la fin du XIXème siècle puis par goût pour l'orientalisme dans les années 1920. Aussi n'est-il pas étonnant d'en trouver chez Miss Fisher qui ne renie pas son affection pour l'exotisme, quelqu'en soit la forme. La préparation du café à la turque s'est aussi avérée être l'une des plus économiques qui soit, d'où sa popularité auprès de ceux qui l'aiment servi fort, dans sa version la plus simple.

  Un vieil ouvrage de cuisine des années 1920 (dont est extraite la recette du café turc énoncée ci-dessous) précise que, pris modérément, "le café fait circuler le sang plus facilement, stimule notre organisme, et donne, pour un temps, plus d'activité à notre cerveau." Des qualités nécessaires à un bon détective, on n'en doute pas...


Ingrédients:

- café moka moulu fin (compter une cuillère à café par personne)


A vos tabliers:

- Faire bouillir l'eau au préalable avant de la verser dans le cezve.
- Poser le cezve sur feu vif. Dès que l'eau bout à nouveau, y ajouter le café.
- Lorsque le café monte, retirer le cezve du feu et le laisser redescendre.
- Remettre la petite cafetière sur le feu, laisser le café monter à nouveau et réitérer l'opération précédente jusqu'à trois fois, au bout desquelles le café est terminé, couvert d'une belle mousse roussâtre.
- Laisser reposer le café quelques minutes et ajouter quelques gouttes d'eau froide pour favoriser la descente de la poudre de café au fond du cezve juste avant de servir.


A savourer pour vous remettre les idées en place avant de partir à l'aventure!

 

Mon loup - C.Vallat (texte) & J.Parachini-Deny (illustrations).

Lire c'est partir, 2016.




  Mariette, une petite fille, joue dans la forêt enneigée. Alors qu'elle aperçoit un lapin, elle s'enfonce un peu plus loin dans les bois pour le suivre... et se trouve confrontée à un loup...



***


  J'avais déjà eu l'occasion de parler de l'association Lire c'est partir à l'occasion d'un précédent challenge Christmas Time : avec leur publication Dick Whittington et son chat parue en 2017, j'avais présenté cette maison d'édition d'un genre un peu particulier. Lire c'est partir est une association créée en 1992 pour favoriser l'accès à la lecture en publiant, dès 1998, des livres (romans et albums) à 80 centimes l'unité sans subvention mais en couvrant toutes les charges (droits d'auteur, d'illustrateur, imprimeur, etc...). La particularité de Lire c'est partir est qu'on ne trouve pas ces ouvrages dans le commerce : les livres sont distribués par l'association à travers la France au gré de leurs déplacement sur les routes. Les points de vente sont annoncés sur le site officiel (où l'on peut aussi commander en ligne), pour ceux que cela intéresse.


  Mon loup est signé par deux auteures/artistes de la littérature jeunesse : Christelle Vallat, auteure d'une vingtaine albums, a d'abord été enseignante avant de se lancer dans l'écriture. Juliette Parachini-Deny, aussi écrivaine jeunesse, s'est lancée dans l'illustration depuis quelques années et signe ici la mise en image ; elle a participé à une quarantaine d'ouvrages. 


  Avec cet album tout doux parfait pour l'hiver, on pense à une version enneigée de Marlaguette, le célèbre livre de la collection du Père Castor. Dans la plupart des textes pour la jeunesse, le loup a le mauvais rôle, celui du monstre et du dévoreur d'enfants. La réalité est souvent bien différente et cet adorable petit ouvrage rétablit un peu la vérité en imaginant une amitié entre l'héroïne et l'animal.

  Le coup de crayon de Juliette Parachini est tout en simplicité ; c'est un style d'une jolie naïveté qui sied très bien à l'histoire et au public visé. Les couleurs froides plongent le petit lecteur dans des paysages givrés parfaits pour la saison!



En bref : Une lecture hivernale toute douce pour vos petites têtes blondes (ou brunes, ou rousses...). Un texte tendre qui, pour une fois, donne la bonne place au loup, et un style graphique simple et épuré parfait pour le lectorat visé...


jeudi 26 décembre 2019

Gourmandise littéraire : Homard mayonnaise à l'hôtel Windsor.


  Continuons notre petit tour d'horizon des recettes préférées de l'honorable Miss Fisher à l'occasion de nos fêtes de Noël so Phryne. La détective, véritable épicurienne, n'oublie jamais de se régaler entre deux enquêtes et l'auteure Kerry Greenwood semble prendre un malin plaisir à détailler par le menu ce qui constitue les petits-déjeuners, déjeuners et dîners de son héroïne. 

  Dans le premier opus, Cocaïne et tralala, Miss Fisher, tout juste débarquée à Melbourne, descend à l'Hôtel Windsor. Loin d'être une invention de Kerry Greenwood, il s'agit d'un réel établissement situé au cœur de la ville, qui plus est une véritable institution depuis maintenant plus de cent ans. A l'origine construit en 1882, c'est le seul hôtel de toute l'Australie à dater du XIXème siècle. D'abord baptisé Grand hôtel, il ne fut renommé Windsor qu'en 1920, en l'honneur de la famille royale britannique. Encore une référence aujourd'hui, l'Hôtel Windsor est connu aussi bien pour la qualité de son service que pour son architecture : le restaurant, la salle de bal, ou encore le grand escalier participent à lui donner une aura unique.

l'Hôtel Windsor au début du XXème siècle.

  Dans les années 1920, cet hôtel accueille bien évidemment une clientèle des plus aisées, mais aussi des plus extravagantes, comme Kerry Greenwood le raconte si bien dans son roman. Après une sieste bien méritée, Miss Fisher, affamée par son voyage en mer, s'empresse de se rendre au restaurant commander son plat favori...


"Elle se restaura d'un cocktail, accompagné d'un excellent homard mayonnaise. Phryne avait une passion pour le homard mayonnaise, garni de cornichons."

Cocaïne et tralala, K.Greenwood, chapitre 2, éditions 10/18, 2006.
 
 
  Existe-t-il met plus raffiné que le homard? Bien que le goût soit différent selon la variété et l'origine, sa chair reste très réputée. Avant d'être un aliment de luxe, le homard a longtemps été un produit bon marché, en raison de son abondance constatée par les colons à leur arrivée en Nouvelle-Angleterre. Ce n'est qu'à partir de la moitié du XIXème siècle qu'une société décide de profiter de la surpopulation de l'animal pour en faire des conserves, notamment pour le commercialiser à l'export dans le monde entier et en faire une source de profit.
 
 
  Le homard devient progressivement une denrée de luxe grâce à un subterfuge inventée par la compagnie des chemins de fer des Etats-Unis : on sert du homard en le faisant passer pour un met rare et couteux auprès des voyageurs qui ignorent la surpopulation de ce crustacé sur les terres américaines. Le succès est tel que les touristes se précipitent dans les poissonneries ou dans les premiers supermarchés une fois descendus de train. Un véritable cercle vertueux s'enclenche alors...
 
   ... Jusqu'à l'épuisement : dans les années 20, la pêche à outrance du homard voit sa population diminuer considérablement, en faisant ainsi un produit rare et donc, cette fois, un vrai aliment de luxe. Cité comme le plat favori de Gatsby dans le roman de Fitzgerald, il est particulièrement représentatif de la cuisine chic de la décennie 1920. On ne s'étonne donc pas de le compter parmi les recettes favorites de Phryne, qui en commande plus d'une fois au restaurant dans les différents romans écrits par Kerry Greenwood.
 
 Couverts à homard des années 1920
 
  Un détail cependant : le texte français suggère que Phryne déguste son homard mayonnaise avec des... cornichons! Drôlet d'idée, non? On vous rassure, la version originale parle bien de cucumbers, de concombres, qui s'accordent tout de même mieux, n'est-ce pas? 
 
  Autre détail, concernant la cuisson, cette fois : le homard se cuisine avec l'animal acheté vivant. Cependant, si la créature suscite chez vous des sueurs froides dignes des terreurs vécues dans le Nautilus dans une vie antérieure, vous pouvez en acheter déjà cuits et surgelés. Il vous suffira de diminuer la durée de cuisson au court-bouillon à quelques minutes seulement pour parfumer la chair. Pour une plus grande authenticité, la recette ci-dessous est tirée d'un vieil ouvrage de cuisine de 1928...


Ingrédients (pour deux personnes):
 
- Pour les homards:
 
- 2 homards 
- 40 cl de vin blanc
- 2 oignons
- 2 carottes 
- sel
- poivre 
- 2 cuillère à soupe d'huile
- 1 concombre (pour le service) 

-Pour la mayonnaise:

- 2 jaunes d’œufs
- huile
- vinaigre
- sel
 

A vos tabliers!
 
- Faire un court-bouillon pour cuire le homard : éplucher et émincer les oignons et les carottes puis les faire revenir dans l'huile dans un grand faitout.
- Remplir la marmitte d'1,5L d'eau et des 40 cl de vin blanc, saler, poivrer, laisser bouillir puis y plonger les homards. Les cuire à raison de 25 minutes par kilo, puis les laisser refroidir dans le court-bouillon de cuisson avant de les mettre à égoutter.
-Préparer la mayonnaise : déposer les jaunes d’œufs dans un grand bol avec une pincée de sel et une demi-cuillère à café de vinaigre. A l'aide d'un mélangeur, remuer les jaunes en ajoutant un quart de litre d'huile sans cesser de fouetter jusqu'à obtenir la consistance voulue.
- Servir le tout avec le concombre coupé en tranche fine et un mélange de crudité de votre choix pour la présentation.
 
 
A l'Hôtel Windsor ou à la maison, un plat chic et festif digne des héros des Années Folles...

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mercredi 25 décembre 2019

Miss Fisher enquête ! (saison 3) - Une série de D.Cox et F.Eagger d'après K.Greenwood.

Miss Fisher enquête! 

(Miss Fisher's murder mysteries)

- saison 3 (dernière) - 
 
Une série de Deb Cox et Fiona Eagger d'après les romans de Kerry Greenwood.

Avec : Essie Davis, Nathan Page, Hugo Johnstone-Burt, Ashleigh Cummings, Miriam Margolyes...

Première diffusion originale : Mai 2015
Premier diffusion française : Décembre 2015

Sortie en dvd française chez Koba film : Mars 2016
  Dans le Melbourne des années 1920, Phryne Fisher est une jeune femme audacieuse et moderne qui brave tous les dangers pour élucider les crimes les plus mystérieux. Vêtue des plus belles robes, elle se faufile dans les sombres ruelles, les clubs de jazz et les somptueuses villas à la recherche du moindre indice.
*** 


  Après une première saison majoritairement inspirée des intrigues originales de K.Greenwood et une seconde saison qui s'était imposée avec ses propres codes, l'avenir de Miss Fisher enquête! n'en était pas moins très incertain à la fin de l'année 2013. Le directeur de la chaine ABC Australia (qui produisait et diffusait la série) annonça même début 2014 qu'une troisième saison pourrait bien ne pas voir le jour, compte-tenu du coût astronomique de chaque épisode et de moyens financiers en baisse. Une rumeur qui circulait à l'époque affirmait aussi que la série n'attirait pas le jeune public vers lequel ABC souhaitait davantage se tourner. Après réflexion et délibération, il a cependant été annoncé à l'été 2014 qu'une troisième et probablement ultime saison de Miss Fisher enquête! avait été commandée. Probablement pour les raisons financières évoquées plus haut, cette dernière saison ne comporterait que huit épisodes...


  Huit épisodes, certes, mais quels épisodes! Les créatrices de la série, Deb Cox et Fiona Eagger, bien décidées à en mettre plein la vue avant de tirer leur révérence, avaient partagé dès l'annonce du tournage leur volonté d'explorer de nouveaux univers (notamment l’illusionnisme et l'armée de l'air) et promis un mariage avant la fin de la série (même si on doute fortement qu'il s'agisse de celui de Phryne - et heureusement, d'ailleurs, car ce serait un sacré coup de canif dans les codes de la série et la personnalité de l'héroïne). La bande-annonce diffusée quelques temps avant la première diffusion ménage ses effets pour un résultat réussi : saturée d'élégance, cette courte vidéo tournée dans le Block Arcade (un ancien passage couvert du vieux Melbourne par ailleurs déjà évoqué dans les romans – dans le livre Cocaïne et Tralala, c'est là que Phryne donne rendez-vous à Dot pour lui proposer un emploi) est un délicieux appé-teasing


  La promotion de la série fut complétée de magnifiques photographies du casting dans le décor de Labassa Mansion, un splendide manoir australien qui a par ailleurs déjà servi de cadre pour les intérieurs de la mini-série Picnic at Hanging Rock. Le ton, prometteur, était donné... restait à voir le résultat de cet ultime tour de piste de la garçonne détective...


  A l'unanimité, cette saison peut se résumer en un mot : magnifique. A la façon du final d'un spectacle de feux d'artifice, cette dernière cuvée de Miss Fisher fait merveille ; moins d'épisodes, certes, mais par là même un concentré quasi sans faute de tout ce qui a fait la réussite de la série. Cette fois, aucun épisode n'est adapté des intrigues littéraires de Kerry Greenwood et tous les scénarios sont inédits, s'illustrant dans la volonté des deux créatrices d'explorer des mondes alléchants et à la fois évocateurs des 1920's. Le bal s'ouvre avec La sirène miraculeuse (3.01, Death defaying acts), l'épisode promis sur le milieu de la prestidigitation ; se déroulant dans le cadre d'un spectacle de variétés qui voit l'assistante du magicien mourir sur scène, il amène Miss Fisher à la remplacer pour un numéro parmi les plus dangereux de l'histoire de la magie : se libérer d'une cuve remplie d'eau verrouillée à double tours. Esthétique à souhait, baignant dans une atmosphère chamarrée et bénéficiant d'une photographie excellente, La sirène miraculeuse a été dirigé par Tony Tilse, qui a filmé les meilleurs épisodes de la série (c'est à lui que sera confié plus tard la réalisation du film Miss Fisher and the Crypt of Tears). Le visuel et l'ambiance ne sont pas les seuls points forts de cet épisode, aussi marqué par une tension dramatique fort bien rendue dans ses derniers instants.


  Parmi les autres épisodes les plus réussis de la saison (difficile de choisir car, comme on l'a dit plus haut, tous égalent en réussite), on notera Les disparus de Collingwood (3.04, Blood and money) qui se déroule dans les bas quartiers de Melbourne où Phryne a par ailleurs grandi alors que sa famille était encore sans le sou, ce qui nous permet au passage de glaner d'autres informations sur son enfance. Les tourments de l'âme (3.05, Death & hysteria) s'amuse de son sujet tout en étant historiquement instructif : Tante Prudence a transformé son manoir en clinique privée pour femmes riches et hystériques, lesquelles se font soignées pour leurs désirs toujours plus ardents jusqu'à ce que l'une d'entre elles soit retrouvée électrocutée par... un vibromasseur vintage! Un sujet qui amène de tordants moments de gêne dans les dialogues sans jamais sombrer dans la vulgarité. Jeu, set et meurtre (3.07, Game, set, and murder) raconte la popularité du tennis dans les années 20, et plus particulièrement du tennis féminin ; l'occasion de nous servir à foison des tenues de sport vintage...


  Comme pour les saisons précédentes (même si c'était plus subtile dans la saison 2), une intrigue de fond se met progressivement en place pour cette ultime saison, qui voit arriver le retour à Melbourne du père de Phryne, le baron Henry George Fisher. Magistralement interprété par l'Anglais Pip Miller, le baron Fisher est un joueur invétéré, un menteur et un fourbe doublé d'un couard, bref, tout le contraire de sa fille et tout ce qu'elle déteste. Son retour apporte bien du remue-ménage et ne serait pas dû au simple hasard : un homme mystérieux, animé de meurtrières intentions, est à ses trousses. Ses motivations seront expliquées par la vérité sur l'origine de la fortune des Fisher (rappelez-vous : initialement plutôt pauvre, le père de Phryne a hérité d'un titre et d'un compte en banque lorsque ses lointains cousins fortunés sont tombés au front... mais ce ne serait pas tout...) et trouveront leur résolution dans le season finale.

Le baron Fisher en mauvaise posture...

  Autre intrigue – et non des moindres! – distillée en toile de fond de ces huit épisodes : la relation toujours aussi ambiguë entre Miss Fisher et Jack Robinson. Après les tensions de la saison précédente, leur histoire entre dans un nouveau chapitre lorsque tous les deux s'offrent (enfin) un premier vrai rendez-vous (qui n'est pas tant la conclusion de quelque chose plutôt qu'un premier pas vers une idylle à construire). Mais dans le monde de Miss Fisher, on ne peut jamais batifoler tranquille bien longtemps, si bien que leur date est sans cesse repoussé par des imprévus, au point de mettre ce cher Jack hors de lui (il faut dire qu'en terme d'imprévus, il imagine surtout d'autres hommes se précipitant à la porte de sa belle, et comme le mode de vie de Miss Fisher continue parfois de se battre en son fort intérieur avec ses propres convictions, l'inflexible inspecteur a quelque difficulté à se laisser aller et à faire confiance...). Les derniers épisodes accélèrent le rythme et Jack se montrera même on ne peut plus engageant... jusqu'à la  scène de conclusion du season finale, qui, dernière saison oblige, vient satisfaire trois ans d'attente des fans tout en laissant une porte ouverte à d'éventuelles prolongations (qui, nous le savons maintenant cinq ans plus tard, prendront la forme d'un film).


  Cette saison est aussi l'occasion de mesurer l'excellente évolution de la psychologie de certains personnages ou même l'attachement qu'on ressent à leur égard. On se réjouit de retrouver Tante Prudence (Myriam Margolyes) pour plusieurs épisodes et de la découvrir au-delà de son fort caractère et de son apparent conservatisme. Plus d'une fois dans cette saison elle manifeste un attachement profond et sans borne pour Phryne, même si c'est un peu à sa façon toujours très empruntée. Dorothy "Dot" Williams (Ashleigh Cummings), employée et demoiselle de compagnie, s'impose aussi comme l'un des personnages préférés des téléspectateurs : de la toute jeune bonne timorée des débuts, elle a appris, au contact de Miss Fisher, à s'affranchir progressivement et devenir une jeune femme forte en passe de s'émanciper, voire même une assistante de choix pour la détective. Le series finale lui accorde des au-revoirs dignes d'elle au cours d'un moment capital de la série et de son personnage, très TRES émouvant (ne vous avait-on pas promis un mariage...? ;) ).


  Côté esthétique (difficile de ne pas en parler), cette saison 3 fait encore très fort : décors, accessoires, costumes... Miss Fisher enquête! continue son sans faute. La costumière Marion Boyce est encore une fois nominée à l'AACTA Award (équivalent australien des Oscars, pour le cinéma et la télévision) des meilleurs costumes (elle avait été lauréate l'année précédente dans la même catégorie) grâce à ses splendides créations. Parmi ses plus belles pièces, les costumes de l'épisode La sirène miraculeuse évoquent le style oriental du styliste Paul Poiret, tandis que les tenues de tennis de Jeu, set et meurtre respirent l'authenticité. N'oublions pas les nombreuses robes de soirée de Phryne, combinaisons de soie et tuniques de dentelle, parfaite évocation des coupes et de l'élégance des années 1920.

A gauche : une tenue oriantalisante du couturier Paul Poiret
A droite : le costume de sirène miraculeuse portée dans le première épisode

  Côté décor, enfin, l'équipe s'est offerte encore quelques prestigieux lieux de tournage parmi le patrimoine architectural melbournais : Labassa Mansion (évoquée plus haut) devient un hôtel mystérieux dissimulant un casino clandestin, Rippon Lea Estate redevient le manoir de Tante Prudence et l'Observatoire de Melbourne est l'excellent cadre de l'ultime épisode. La preuve supplémentaire que cette série savait aussi se démarquer par des écrins de choix minutieusement choisis dans le paysage local...

Rippon Lea Estate (ci-dessus)
Labassa Mansion (ci-dessous)

En bref : Final en apothéose pour cette série jazzy et son héroïne mutine en diable, la troisième et ultime saison de Miss Fisher enquête! est un festival en tout point. Ces huit derniers épisodes brillent par leur reconstitution historique, la qualité de leur écriture et leur esthétique travaillée. Les acteurs sont excellents et nous tireraient presque une larme dans les derniers instants de la série, avant de nous décrocher un sourire avant le générique. Maintenant... vivement le film!