dimanche 27 septembre 2020

L'été de l'entre-deux mondes...

 (Source : Pinterest)

  L'heure du bilan est arrivée : après un printemps confiné (enfin, pas tant que cela en ce qui me concerne, mais disons que c'était le cas du plus grand nombre), l'été et ses congés, bienvenus, ont finalement été le temps de l' "entre-deux". Dans cet espace incertain où se côtoyaient le sentiment d'être sorti de quelque chose et en même temps l'appréhension de retomber dans ses méandres une fois l'heure de la rentrée annoncée, certains ont voyagé en faisant fi des recommandations sanitaires tandis que d'autres ont fait contre mauvaise fortune bon cœur et se sont contenter des beautés de l'hexagone. Au Terrier se jouaient également d'autres choses encore ; au programme de ce compte-rendu : du théâtre, de nouvelles illustrations de couverture, beaucoup de cuisine et ma lettre de rentrée pour Poudlard...
 
 
Tous en scène!
 

  A l'occasion de l'été 2019, une amie et moi avions effectué un stage de théâtre dans un charmant village médiéval (au lieu dit de 'La Tour des Villains', pour ne pas le nommer : espace culturel qui fait la part belle aux expositions et au spectacle vivant) aux côtés d'un dramaturge et metteur en scène ami de longue date. Cette année, nous avons retenté l'expérience avec la même petite troupe désormais constituée en une joyeuse équipe de happy few ; exigence supplémentaire de notre stage 2020 : une restitution au public en fin de semaine. Le cadre exceptionnel de l'endroit et le beau temps permettaient de concilier expression artistique et contraintes sanitaires en jouant en extérieur sur une scène improvisée où les lustres à pampilles suspendus aux branches voisinaient avec les ottomanes et fauteuils capitonnées plantés au milieu des hautes herbes. Thème central : l'après-catastrophe ; toute ressemblance avec une situation réelle serait fortuitement fortuite. C'était barré mais intelligent, et surtout, ça donne envie de recommencer une fois l'an prochain en mettant la barre un cran plus haut encore. Les rumeurs disent qu'on pourraient même faire ça en résidence à l'autre bout de l'hexagone... Affaire à suivre!


Balade, balade,
Paname, Paname...
 

  Comme je l'ai sûrement expliqué dans le précédent article saisonnier, je vis dans un fief à l'écart du monde où, confinement ou pas, l'atmosphère ambiante ne changeait pas tant que cela. Pour constater les vrais effets des règles sanitaires, il fallait s'aventurer sur quelques kilomètres – chose que je faisais quotidiennement pour mon travail dans des conditions assez éreintantes. Si bien que l'été arrivé, je n'étais pas mécontent de pouvoir à mon tour me confiner un peu chez moi. Autant dire qu'une fois le stage de théâtre effectué, mes vacances n'ont pas brillé par le tourisme : la chaleur aidant, je me suis contenté de mon terrier, de mes lectures et de quelques promenades par-ci par-là, à la fraicheur du soir ou du matin.

  Il m'a fallu attendre la fin de l'été pour bouger au-delà de mon rayon habituel de 30 kilomètres, pour m'offrir un long weekend à la capitale (histoire d'en profiter avant un retour obligatoire dans nos chaumières face à une éventuelle explosion des cas de grippe espagn... euh, de COVID). Quel plaisir, malgré le port du masque pas toujours confortable, de pouvoir retourner dans les musées et au théâtre! Mon amie parisienne et moi avons rattrapé, je crois, près de six mois de fermeture de lieux culturels en l'espace de deux jours! En quelques mots : le musée Marmottan Monet et ses lustres magnifiques (entendons nous bien : ce n'est pas du tout le thème du musée, mais on commence à savoir que j'ai une obsession pour tous ces jolis luminaires qui brillent..) puis le Musée Grévin (qui ne m'avait jamais trop attiré, mais que j'ai finalement eu grand plaisir à découvrir), Le porteur d'histoire de Michalik au théâtre des Béliers Parisien (magnifique, étourdissant, grisant ; il faudra que je vous en parle un jour), La cagnotte de Labiche au Lucernaire... Bref, comme l'a si bien dit mon amie pour justifier nos folies culturelles : nous sommes des gens engagés et altruistes qui voulaient soutenir l'art et les artistes, rien de plus, hein...



Les couloirs et voutes hypnotiques du Musée Grévin...
Outre de nombreuses célébrités, j'ai été particulièrement content de croiser mes deux copains Voltaire et Diderot :
 
 
  Ah, et comme on voulait aussi soutenir les restaurateurs, on s'est offert un dîner dans un authentique "Bouillon", du nom de ces toutes premières brasseries parisiennes qui faisaient chauffer en continu une marmite de bouillon dans les cuisines. Pas de bouillon en été à la carte du Bouillon Chartier (il faut attendre Novembre, une bonne excuse pour y retourner) mais une rapidité de service qui défie toute concurrence et un décor "dans son jus" (on en attend pas moins d'un Bouillon, me direz-vous ;) ) avec verrières, boiseries et portiques en laiton au-dessus des interminables rangées de tables... L'espace d'un  repas, c'était le retour à la Belle Époque!
 
(cliquer sur les images pour agrandir)

 
Bricoles et fariboles :
 

  Comme dit plus haut, ce fut (en dehors de ces deux jours très chargés à Paris), un été très sage. Le temps passé au Terrier a permis de me consacrer à quelques amours délaissées depuis un petit temps déjà. En première position : le dessin, revenu en force avec l'illustration de deux premières de couvertures de romans de Frédéric Lenormand. Je ne le remercierai jamais assez de m'accorder sa confiance pour mettre ses univers en images : cette fois, il s'agissait de refaire le design du premier tome de sa récente série Les enquêtes de Charlock le Chat et de concevoir la couverture du second tome, inédit. Les titres en clin d’œil au cinéma hitchcockien des années 50 ou à la littérature classique de cette même époque m'ont soufflé une typographie vintage façon Vertigo et un graphisme aux lignes géométriques évoquant les visuels propres au milieu du XXème siècle. Le second tome est par ailleurs parmi les titres finalistes du concours de Plumes francophones organisé par Amazon ; même si la couverture n'est pas un des critères de sélection, c'est une petite victoire pour moi aussi (comme l'a souligné l'auteur : un beau visuel donne davantage envie d'ouvrir le livre – on est bien d'accord).
  



 
  Toujours dans les papiers et les crayons : une collègue de travail m'ayant vu gribouiller au feutre sur les bords d'un cahier, elle m'a commandé un crayonné pour encadrer et accrocher au mur de son chez elle. En grande amoureuse de Louise Brooks qu'elle est, le sujet était vite choisi...
 

  Côté bricolage, enfin, j'ai confectionné à l'attention d'Anna Feisel-Leibovici, auteure de Quel Brontë êtes-vous? récemment rencontrée à Paris (un petit compte-rendu de cet entretien est en préparation et sera bientôt mis en ligne), un médaillon à l'effigie d'Emily Brontë. Je n'avais pas fait cela depuis des lustres, je suis heureux de ne pas avoir perdu la main.


Popote et casseroles:


  Les vacances estivales ont été l'occasion de retrouver le temps de m'affairer en cuisines, loisirs dont javais été quelque peu privé pendant la crise sanitaire en raison de mes horaires de travail un peu bouleversés. J'ai pu mettre les petits plats dans les grands, qu'il y ait des raisons ou pas : un séjour de ma petite sœur à la maison pour fêter son diplôme, son anniversaire, et lui faire découvrir le film Miss Fisher et le tombeau des larmes (oui, je l'ai convertie à la série depuis quelques années et elle attendait ce film autant que moi) a été l'excuse pour servir tartelettes brocolis-bacon, macarons à la framboise, clafouti de fruits rouges façon pudding et cheesecake, le tout arrosé de lambrusco (le vin favori de Phryne Fisher, soit dit en passant).


    Un dimanche ensoleillé et l'envie de voyager ont donné naissance, en un tour de main, à des bagels maison (saumon, cream cheese et guacamole, mes favoris), une salade waldorf et des potatoes home made (New York s'invitait à la maison). Un des repas les plus rapides mais aussi les plus appréciés de cet été :


  Et n'oublions pas tous les légumes de saison, lesquels ont été très largement utilisés : salade grecque à base de concombres jaunes (bon, pas une réussite ceci dit : préférez-lui le concombre vert classique), un clafouti de tomates cerises au pesto, chèvre et pignons (un classique du Terrier), le plat de polenta aux légumes d'été (classique, again), ma première ratatouille (en principe, je me contentais de manger celle, délicieuse, de Grand-mère Lapin, mais une profusion d'aubergines et de poivrons m'a incité à tenter l'expérience) et, enfin, deux essais très convaincants : une couronne feuilletée et une tresse provençale, les deux mélangeant mozarella, légumes estivaux et tranches de filets mignons fumés...

 

Acquisitions livresques : 

  Fidèle à ma réputation de bookaholic, je n'ai pu résister à quelques achats et ce malgré une PAL qui déborde de plus en plus. Parmi les récentes acquisitions, je continue de compléter ma collection d'Agatha Raisin chez France Loisir, qui a le mérite de proposer la série en format poche à moindre coût que l'éditeur original. Pour le challenge Halloween spécial contes de fées qui se prépare, une relecture de Cendrillon mettant en scène de façon historique la figure de la marâtre, le journal de voyage de Mary et Percy Shelley à travers l'Europe, le livre de mémoires historiques et humoristiques d'une véritable lady dans les années 20, en pleine décadence de l'aristocratie (fan de Downton Abbey, c'est pour vous!) et un roman de Robin Wasserman, dont j'avais adoré l'un des rares titres traduits en Français, celui-là étant passé inaperçu lors de sa publication. Ah, et n'oublions pas la récente Cranford collection parue chez les marchands de journaux : les grands classiques de la littérature en superbes éditions reliées et toilées, avec illustrations au fer à dorer...


Lettre pour Poudlard et achats au Chemin de traverse :


  La grande nouvelle de cet été, c'était celle de ma reprise d'études. J'avais raconté, dans l'article de blabla saisonnier de l'hiver dernier, mes démarches afin de reprendre les études supérieures où je les avais arrêtées : mon dossier administratif, accompagné d'un argumentaire d'une douzaine de pages, était parti par la voie des hiboux afin d'être jugé par Dumbledor lui-même. J'ai appris en début d'été que ma candidature avait été retenue et, comble de la chance, que Gringotts acceptait de financer ma reprise de scolarité. Une bonne raison d'ouvrir plusieurs fois le champa... euh, je veux dire, de trinquer à la Bieraubeurre.


  Un retour à l'école, c'est évidemment l'occasion où jamais de faire les boutiques. Direction le Chemin de Traverse afin de dénicher les fournitures de première nécessité : un joli cartable vintage et un agenda Alice in Wonderland ne seront pas de trop pour retourner sur les bancs de la fac...


  ... Et puisque le vilain virus court toujours, une trousse à masques cousue par Mother Rabbit trouvera forcément son utilité :


 

Derniers petits plaisirs avant la rentrée : lecture et dédicace...


  Après ces achats, promenades et doctes occupations, l'été s'est clôturé sur un dernier élément fort agréable : retour à la Tour des Villains pour une soirée hautement littéraire et fantaisiste avec l'auteur de génie Frédéric Richaud. Je lui ai acheté un exemplaire dédicacé du Coiffeur de Marie-Antoinette, un recueil de portraits de personnalités aussi discrètes que charismatiques de l'Histoire, puis nous avons tous eu droit à une lecture théâtralisée de son roman Jean-Jacques, égrainée entre les différents plats d'un délicieux repas sous les étoiles. Une soirée pétillante!
 
 
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   Voilà le compte-rendu finalement bien rempli de notre été au Terrier et alentours. Les températures estivales ont résolument mis les voiles et c'est désormais dans les confortables fauteuils près de la cheminée que nous devrons trouver le réconfort. Mais que personne ne s'attriste : l'heure des sorcières approche et bientôt, nous célébrerons comme tous les ans le challenge Halloween en bonne compagnie, un événement qui justifie à lui seul l'entrée dans l'Automne. Alors, à très vite pour de nouvelles lectures!
 

samedi 26 septembre 2020

Louis veut partir - David Fortems.


Éditions Robert Laffont, 2020.

La neige recouvre tout mais pas les images. Pascal voudrait s’ouvrir la tête pour les prendre à mains nues et les jeter dans la Semoy, qu’elles s’enfoncent dans la vase, dans les algues vertes et gelées de la rivière. Il se dit que c’est peut-être ça que Louis a cherché à faire. Il a cherché à tout éteindre. À faire un noir. À fuir.

Pascal, ouvrier dans une petite ville des Ardennes françaises, a toujours été fier de son fils Louis, un garçon calme et bon élève qui passe son temps dans les livres. Une passion presque obsessionnelle pour la littérature qui surprend dans leur entourage modeste. Tous deux mènent une vie tranquille, faite de silences complices. C’est du moins ce que pense Pascal jusqu’à ce que Louis soit retrouvé mort à la confluence de la Meuse et de la Semoy, où il a décidé de mettre fin à ses jours. Pourquoi un tel geste ? Que s’est-il passé ? Abasourdi et accablé, Pascal va peu à peu découvrir la vérité. Et bientôt, une évidence : son fils était pour lui un parfait inconnu.

Premier roman incisif et sensible, Louis veut partir dissèque une relation manquée entre un père et son fils. Il fait saillir l’absence tragique de communication au sein d’une famille et le caractère implacable du déterminisme social.

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  Ce n'est pas parce que, chez books-tea-pie, on aime le romanesque ou les intrigues gothiques sombres et fioriturées qu'on n'aime pas aussi la littérature contemporaine et les sujets plus sociaux. Publié à l'occasion de cette rentrée littéraire 2020, Louis veut partir est le premier roman du jeune David Fortems, originaire des Ardennes dans lesquelles il situe son intrigue.

"Puis un jour, t'es tranquille en pause déjeuner avec tes collègues à t'engueuler pour savoir si le mot fleur prend un e ou pas à la fin, t'es le seul à dire que ça n'en prend pas mais les autres insistent tellement que ça te fait douter. Tu te dis soit ils sont tous cons soit je me trompe. C'est eux qui sont tous cons. Le téléphone sonne et tu réponds à l'appel et on te dit monsieur brigade criminelle et tu réponds oui qu'est-ce qu'il se passe, mais avec ce ton, ce ton qui fait taire tout le monde dans la salle, les yeux qui cherchent les tiens, interrogatifs, et là on te dit je suis désolé mais votre fils a été retrouvé mort, il faudrait que vous veniez l'identifier."

  Très rapidement dès le début du livre, on comprend que Louis est mort. Louis, jeune garçon blond et un peu rond tout juste sorti de l'adolescence. Louis, fils d'un ouvrier syndicaliste des Ardennes, passionné d'une littérature qui, il faut le dire, détonne un peu dans le milieu social dans lequel il grandit. Louis, "différent", l'étiquette qui veut tout et rien dire à la fois. Louis, qui nourrissait certainement  des ambitions situées bien au-delà des limites posées par la Semoy, ce cours d'eau qui borde le petit espace où il résidait depuis des années. Louis, qui vivait dans un silence confortable avec son père, Pascale, afin de ne pas gêné celui-ci avec sa différence, ses ambitions et... ses secrets. Lorsque Pascal est appelé parce qu'on a repêché le corps de son fils dans la Semoy, la réalité de Louis lui explose soudain à la figure : il ne connaissait pas son fils. Cela est bientôt confirmé par un sms reçu le soir des funérailles sur le portable de l'adolescent, resté en charge. Comme un fil que l'on tire, d'un interlocuteur à un autre, Pascal part à la rencontre des quelques personnes qui constituaient l'entourage secret de Louis pour mieux comprendre qui il était vraiment et le pourquoi de son geste.

"On ne tombe jamais amoureux de quelqu'un, mais de quelque chose chez quelqu'un."

  Annoncé comme une publication majeure de la rentrée littéraire, Louis veut partir a été, rapidement, fortement comparé à deux autres œuvres assez proches : Retour à Reims de Didier Eribon et Pour en finir avec Eddy Bellegueule d'Edouard Louis. Parmi les points communs, on peut en effet évoquer l'intrigue enracinée dans un décor marqué par une certaine histoire sociale ainsi que le poids de cette dernière sur le destin des protagonistes. La différence majeure est que, contrairement à ses prédécesseurs, David Fortems ne signe ici rien d'autobiographique et ce même si son roman puise évidemment (et de son propre aveu) dans des éléments personnels et un réel reconnaissable ; Louis veut partir reste une fiction.

"Un jour, on étudiait un texte de Duras, et dedans, il y avait la phrase c'est une merveille d'ignorer l'avenir. Louis était devenu fou de rage. Sa vénération pour Duras ne l'empêchait pas de trouver que c'était la phrase la plus idiote qu'il ait jamais lue, que c'est simple d'écrire ça quand on est déjà vieille. Ignorer l'avenir, c'est beau quand l'avenir est plein de chance et de surprises et de succès comme l'a été celui de Duras."

  Fiction, oui, mais aux accents des plus réels, comme on l'évoquait à l'instant. Le choix des Ardennes comme cadre de l'action, justifié par les origines de l'auteur et le souhait de mettre en scène un décor rarement raconté dans la littérature, nous plonge dans un environnement aux accents hostiles malgré son apparence de carte postale de campagne. La distinction puis la rencontre entre le milieu ouvrier et politique rude propre au père, par qui on entre dans l'histoire, et le monde de Louis (d'abord marqué par le goût pour la littérature et l'annonce d'une réussite sociale à venir, puis qui glisse lentement sur les chemins noirs de diverses économies souterraines) sont amenées avec style et subtilité. La narration, notamment, à laquelle l'auteur donne dans le fond et dans le forme le phrasé direct et râpeux du père, est un élément particulièrement intéressant en ce qu'il rend le propos encore plus fort.

 "Tout deuil est une éclipse. Alors que luit le soleil, soudain, une lune noire vient obscurcir le jour. L'éclipse, en elle-même, ne dure qu'un temps, mais assez pour faire lever la tête vers le ciel. Puis, progressivement, la vie reprend son cours, les jours se succèdent, nuit, jour, nuit, jour, et l'ombre qui plongeait l'existence dans le noir s'en va. Le seul changement, c'est que derrière, tu laisses une part de toi. Tu survis, sans jamais plus être tout à fait entier. Vivre, c'est avant tout se fragmenter."

  Il y a ainsi de nombreux autres points positifs à cet ouvrages : outre la narration, le rythme, égrainé par les rencontres successives de Pascal dans le cercle de connaissances de Louis, permet une diversité de voix et l'annonce à venir de révélations qui tiennent le lecteur en haleine : on pensait, dès les premiers chapitres, avoir tout compris au suicide de Louis ; fort est de constater que tout n'est pas aussi simple. A travers ces dialogues et ces rencontres, on assiste à un rendez-vous manqué entre père et fils, la réalité de ce dernier se dévoilant peu à peu. Malgré les univers parfois sombres dans lesquels l'auteur nous emmène, son roman ne tombe jamais dans un tableau glauque. David Fortems ne cherche pas à dresser un portrait au vitriol ou à verser dans le sensationnel et la lumière semble toujours percer, souvent par l'incursion vivifiante et touchante de la poésie au milieu de la noirceur pourtant présente. La définition même de la mélancolie, peut-être, finement et habilement restituée.

  L'éternelle question du déterminisme est bien évidemment au centre de Louis veut partir. On espère que, plutôt que de conclure à sa réalité pleine et entière, la mort du personnage principal dès les premières pages est davantage un procédé dramatique. Histoire de nous laisser dire et espérer que la résilience et le libre arbitre restent des chemins possibles...

"Ce sont les choses qu'on tait le plus qui parlent le mieux de nous."

En bref : Un roman court, rythmé et incisif qui explore à travers le rendez-vous manqué entre un père et son fils les mailles complexes du tissus social et de la construction identitaire. Louis veut partir a recours à une narration percutante qui met ainsi en relief les incursions de poésie, les raies de lumière qui filtrent à travers la brume des Ardennes. Un livre fort et mélancolique.

 

Un grand merci aux éditions Robert Laffont et à NetGalley pour cette lecture.