mardi 21 février 2023

Son espionne royale et les conspirations du palais (Son espionne royale mène l'enquête #9) - Rhys Bowen.

Malice at the palace (Her royal spyness #9)
, Berkley, 2015 - Éditions Robert Laffont, coll. "la Bête Noire" (trad. de B.Longre), 2022.

 
    Londres, 1934.
    La ville est en ébullition. Le prince George, duc de Kent et fils du roi, doit épouser la princesse Marina de Grèce. Or il est connu pour ses nombreuses frasques. La reine confie donc à Georgie une mission de la plus haute importance : introduire Marina dans la jeune élite dorée londonienne et, surtout, empêcher que les rumeurs concernant son fiancé ne parviennent jusqu'à ses oreilles.
    Mais le soir de l'arrivée de Marina, Georgie découvre un cadavre dans la cour de Kensington Palace. La victime n'est autre qu'une ancienne maîtresse du prince George. De toute évidence, quelqu'un cherche à gâcher la noce...
 
 
Sa mission : camoufler un meurtre pour protéger la famille royale.
Entre
Downton Abbey et Miss Marple, une série d'enquêtes royales so British !
 
***
 
     Georgie nous manquait cruellement ! Comme on aime à le rappeler, un bon cosy mystery de temps à autre est toujours la promesse de quelques agréables heures de lecture. Avec la série Son espionne royale, c'est également la garantie (toujours très plaisante de surcroît) de remonter le temps jusqu'aux années 30 britanniques pour s'immerger dans le cercle de Leurs Gracieuses Majestés.
 

    On retrouve Georgie de retour de son périple hollywoodien, de nouveau à la recherche d'un logement. Belinda, qui avait prétendu lui laisser sa petite maison le temps qu'elle folâtrait aux Etats-Unis, est finalement revenue inopinément (évidemment en galante compagnie), forçant ainsi la jeune femme à se trouver un nouveau toit. Fort heureusement, la Reine la fait appeler au palais pour lui confier une nouvelle tâche : la princesse Marina de Grèce, promise au prince George, arrive en Grande-Bretagne en amont de la cérémonie de mariage prévue pour les semaines à venir. En attendant les festivités, elle sera logée avec sa cousine la comtesse Imraut au palais de Kensington, où une chambre attend également Lady Georgiana. Sa mission sera d'accueillir la jeune princesse et de lui faire découvrir la ville pendant les préparatifs. Les choses ne pourraient donc aller mieux, d'autant que Marina est on ne peut plus délicieuse, mais c'est sans compter quelque désagrément. Les locaux du palais de Kensington sont plus que rudimentaires, la comtesse Irmtraut ne comprend rien au second degré anglais et se montre tout juste agréable, et il semblerait que des esprits hantent les couloirs du bâtiment. Pire encore ? Le cadavre sur lequel tombe un soir Georgie, à deux pas de ses appartements. La victime n'est autre que Bobo Carrington, aventurière volage et connue pour avoir été la maîtresse... du prince George ! Très vite, les services secrets s'emparent de l'affaire tout en dissimulant l'incident : si la chose venait à se savoir, ce serait le scandale pour la Couronne ! Invitée à aider les agents chargés de l'enquête, Georgie commence ses investigations au palais de Kensington...


"— Comment vous portez-vous, lady Georgiana ? vous avez subi un choc éprouvant. Ne préférez-vous pas passer la journée au lit pour vous en remettre ? A la vue d'un cadavre, la majorité des jeunes femmes se seraient évanouies.
 — Je suis d'une autre trempe, major. Je suis issue d'une longue lignée de Rannoch, des chefs de clans écossais qui poursuivaient le combat même après qu'on leur avait coupé bras et jambes !"

    Après nous être éloignés du décor londonien habituel pour le soleil de la Californie, on se réjouit de retrouver l'atmosphère pluvieuse et le fog de la Perfide Albion dans ce neuvième opus. Neuvième opus particulièrement rattaché à l'histoire de la monarchie britannique puisqu'il se déroule aux veilles de la véridique union entre le prince George de Kent et la princesse Marina de Grèce. Aussi, bien que fortement romancés, de nombreux éléments de ce nouveau tome puisent dans des anecdotes réelles : le train de vie dissolu du prince (qui avait autant d'amants que de maîtresses) et le personnage de Bobo Carrington. Surnommée "la fille à la seringue d'argent" en raison de son addiction à la drogue, elle est directement inspirée de Kiki Preston, petite-amie occasionnelle de Son altesse à qui ce surnom avait également été attribué. Secrets d'alcôve et scandale monarchique sont donc au programme !
 
Kiki Preston, inspiration du personnage de Bobo Carrington.
 
    Rhys Bowen nous immerge également dans un tout nouveau décor : le palais de Kensington. Ce lieu historique, autrefois résidence de la Reine Victoria herself, était dès le XXème siècle divisé en plusieurs appartements alors attribués à divers membres de la famille royale – notamment les plus vieillissants (d'où son surnom de "aunt heap", le "débarras des vieilles tantes" en VF). Georgie y fait d'ailleurs la connaissance de lointaines parentes restées vieilles filles mais débordantes de gentillesse et de malice. On aurait d'ailleurs apprécié les voir davantage dans le roman et qu'elles occupent un rôle plus important dans l'intrigue. Autre anecdote liée au décor : ses fantômes ! Réputé hanté comme de nombreuses autres vieilles résidences anglaises, le palais de Kensignton a ses spectres attitrés, lesquels feront peut-être quelques apparitions surprises dans ce titre...
 
Le Palais de Kensington.

"— J'ai passé une mauvaise nuit, déclara-t-elle. Cette maison ne me convient pas. Je crois même avoir aperçu un fantôme.
— Vraiment ? Etait-ce une dame en blanc ?
— Non. Un gros monsieur, répliqua-t-elle sèchement. Il a traversé un mur.
— Il s'agissait certainement du roi George Ier.
— Je me moque de savoir quel souverain c'était. Je ne veux pas qu'il passe à travers les murs, voilà tout."

    Côté intrigue, on était habitué à ce que le crime ne survienne que très tardivement dans le scénario (de plus en plus tardivement au fil des tomes, ce qui pouvait parfois gâcher le rythme global). Cette fois, Rhys Bowen passe moins de temps à planter son décor et la découverte du cadavre se fait plus tôt que de coutume, ce qui permet un déroulement beaucoup plus équilibré des péripéties. Les derniers tomes usaient un peu trop (abusaient?) des ressorts comiques qu'offrait le personnage de Queenie : elle est cette fois un peu plus en retrait, ce qui permet de profiter davantage de ses apparitions tout en évitant la redite. A sa place, la comtesse Irmtraut, peu encline à l'humour anglais (et à ses métaphores), apporte une autre forme d'humour par les incompréhensions qui naissent de la barrière de la langue.
 
"Queenie m'avait attendue.
— Votre soutif est défait, remarqua-t-elle tandis qu'elle m'aidait à ôter ma robe. Vous revenez sûrement d'une petite partie d'jambes en l'air.
— Une femme de chambre n'a pas à commenter la conduite de sa maîtresse, répliquai-je d'un ton guindé. Votre tâche consiste à me déshabiller.
— On dirait bien qu'un m'sieur a déjà essayé de s'en charger, gloussa-t-elle."
 
Tour de l'horloge du palais de Kensington.

"— Puis-je à mon tour vous adresser tous mes vœux de bonheur, Votre Altesse ? reprit Gussie. Je suis un copain de votre futur mari. Un type rudement sympathique, ce vieux George. Et impayable, avec ça.
— Impayable ? Pourquoi voudrait-on payer le prince ? s’étonna la comtesse. Il n’a pas besoin d’argent.
— C’est simplement une expression, répondit-il. Quand on dit que quelque chose est « chouette », cela n’a rien à voir avec un oiseau nocturne.
— La langue anglaise est extrêmement curieuse, décréta Irmtraut.
— Oh, vous finirez par vous y faire.
— Par faire quoi ? s’enquit Irmtraut."

    La liste des suspects est plus restreinte qu'à l'accoutumée, ce qui rendra la résolution de l'énigme peut-être plus facile pour le lecteur. Le véritable mobile sera cependant une totale surprise : l'autrice parvient en effet à aiguiller notre attention vers les autres motivations possibles, ce qui permet de compenser le caractère légèrement prévisible de la révélation finale. Malgré cette petite faiblesse, ce neuvième titre de Son espionne royale se laisse lire avec plaisir : on voit les personnages récurrents et secondaires évoluer (notamment Bélinda), et on est immergé dans le bouillonnement monarchique des années 30 tel qu'il devait être aux veilles de ce mariage. Soirées avec la jeunesse dorée (mais désargentée) de la haute société et escapades au casino viennent ainsi pimenter ce neuvième opus.
 
George de Kent et Marina de Grèce.
 
En bref : Après la petite déception du huitième tome, Son espionne royale et les conspirations du palais satisfait les attentes du lecteur : Rhys Bowen parvient à éviter certains écueils des précédents opus et offre une restitution extrêmement réaliste du cercle de la couronne à l'aube du mariage du prince George. Le final quelque peu prévisible est ainsi compensé par la reconstitution historique et l'atmosphère apportée par les décors choisis pour cette nouvelle enquête. Et bien évidemment par Georgie, qui ne nous lasse jamais !

 

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