mercredi 20 juin 2012

Miss Peregrine et les enfants particuliers - Ransom Riggs

Miss Peregrine's Home for Peculiar Children, Quirk Books, 2011 - Editions Bayard Jeunesse, 2012.


Une île mystérieuse. 
Un orphelinat en ruine. 
Une étrange collection de photos.
Jacob Portman, un adolescent américain, écoute depuis toujours les récits fabuleux de son grand-père Abe. Ce dernier, juif polonais, a séjourné enfant sur une minuscule île du pays de Galles, où ses parents l'avaient envoyé pour échapper à la menace nazie. Il y avait été recueilli par Miss Peregrine Faucon, la directrice d’un orphelinat pour enfants « particuliers ». Selon ses dires, il y côtoyait une ribambelle d’enfants doués de capacités surnaturelles censées les protéger des « Monstres ».
Un soir, Jacob trouve Abe mortellement blessé par une créature qui s’enfuit sous ses yeux. Bouleversé, le jeune homme part en quête de vérité sur l'île si chère à son grand-père. En découvrant le pensionnat en ruines, il n'y a plus aucun doute: les enfants particuliers ont réellement existé. Mais étaient-ils dangereux? Pourquoi vivaient-ils ainsi reclus, cachés de tous? Et s'ils étaient toujours en vie, aussi étrange que cela puisse paraître?...

Une histoire merveilleusement étrange, émouvante et palpitante ; Un roman fantastique qui fait réfléchir sur le nazisme, la persécution des juifs, l'enfermement et l'immortalité.


**

  Quiconque me connait un temps soit peu saurait que ce livre était fait pour moi (ou que j'étais fait pour lui, enfin bref, vous saisissez l'idée) ; Mya (du blog Mya's books) m'a d'ailleurs dit ne pas être surprise quand elle a vu que j'étais plongé dedans, et je reconnais qu'il contient exactement les thèmes qui me sont chers. Tout d'abord, il faut parler de mon fort penchant pour la photographie : j'ai toujours aimé faire de la photographie (mon père en avait fait sa passion également et développait lui-même ses clichés dans le laboratoire qu'il s'était aménagé à la maison), et chiner dans le grenier de mes grand-parents les vieux albums de famille ou, plus tard, les anciens portraits sur les brocantes. Tantôt étranges, tantôt fantaisistes, ou juste emprunte de nostalgie, ces photographies issues du passé m'inspiraient des histoires, soufflaient des idées à mes oreilles ou suggéraient des songes à mon esprit.

  Je ne pouvais donc qu'être attiré par ce roman, illustré de multiples clichés en sépia et noir et blanc délicieusement énigmatiques, pleins d'étrangeté et auréolés de mystère. Mon attention avait déjà été retenue par la couverture, aperçue l'an dernier sur le net lors de la sortie du roman en version originale, mais jamais je n'aurais imaginé une telle histoire : à la fois si troublante, si belle et si fantastique.


 Jacob Portman est un adolescent banal qui mène une vie des plus normales dans l'Amérique rurale d'aujourd'hui ; Plutôt solitaire et peu compris par ses propres parents, il est surtout proche de son grand-père Abe. Ce dernier, Juifs polonais, a fui son pays alors que la Seconde Guerre mondiale faisait rage pour échapper au génocide de son peuple par l'Allemagne nazie. Depuis la plus tendre enfance de Jacob, Abe lui conte sa vie sur l'île où il s'était exilé, accueilli dans un mystérieux orphelinat tenu par une dénommée Miss Peregrine Faucon, qui aurait reçu entre les murs de sa superbe bâtisse des enfants et adolescents porteurs de dons particuliers. Photographies à l’appui, Abe parle d'un garçonnet invisible, d'une fillette capable de léviter, d'une adolescente maîtrisant les flammes ou encore de bambins aux étranges caractéristiques physiques. Mais alors qu'il grandit, Jacob croie de moins en moins aux histoires de son aïeul et apprend à les considérer comme des contes inventés de toutes pièces, illustrés de photos probablement truquées ou retouchées.
 Cependant, alors que les dix-sept ans du jeune homme approche, Abe sombre dans la démence : brusquement, il recommence à évoquer son passé "imaginaire" avec les enfants "particuliers". Il supplie Jacob de faire attention à sa vie et le prévient d'une menace, des "montres" qui le pourchassaient déjà alors qu'il était réfugié sur l'île et contre lesquels Miss Peregrine les protégeait lui et les autres enfants. Jacob se persuade que le vieil homme perd la raison, mais lorsqu'il découvre un soir son corps atrocement mutilé, et aperçoit la monstrueuse apparence de son agresseur, ses certitudes s'en trouvent fortement chamboulées.
  Hanté par d'affreux cauchemars mais aussi par le besoin de faire la lumière sur son histoire familiale et ses nombreux secrets, Jacob s'envole pour l'île d'enfance d'Abe et retrouve l'orphelinat de Miss Peregrine... Mais entre l'accueil plutôt glacial des îliens et l'atmosphère étrange de cet endroit entièrement coupé du monde, le jeune homme, comme alerté par un sixième sens, sent poindre une menace...

Le trailer officiel du roman, réalisé par l'auteur lui-même.

  Par où commencer? J'ai été fasciné par l'univers dans lequel nous plonge l'auteur : d'abord réalisateur de court-métrage (il a d'ailleurs lui-même tourné le trailer publicitaire de son roman), Ransom Riggs a collecté au-travers de ses voyages et de ses rencontres les authentiques clichés qui illustrent ce livre et lui confèrent son aura si spéciale. En effet, nombre d'entre eux rappellent les "monstres de foire" des cirques itinérants (univers qui m'a toujours fasciné) tels que pouvait les photographier l'artiste des années 50 Diane Arbus (Ah, Diane Arbus! <3) et apportent à cette fiction une dimension presque réelle, palpable, et ce malgré leurs bizarreries ou le ton fantastique de l'intrigue.



  L'atmosphère est réellement envoutante et m'a fortement évoquée l'univers du cinéaste Guillermo del Toro (imaginez un mélange de ses deux plus célèbres films, Le labyrinthe de Pan et l'Orphelinat), proposant, sous couvert d'un conte moderne, une sublime et vibrante métaphore au génocide juif (que l'on trouve assez facilement pour peu qu'on se souvienne de ses cours d'Histoire et qu'on sache lire entre les lignes), ponctuée çà et là de références à la littérature classique ( et notamment une filiation assumée avec Peter Pan et ses enfants perdus... comment pouvais-je y rester insensible?^^). Autre détail : j'ai toujours adoré les intrigues se déroulant sur des îles étranges coupées du monde ( L'incroyable histoire d'Halcyon Crane, dans un registre différent, par exemple) et le cadre de l'île galloise dépeinte par Ransom Riggs m'a énormément plu ; atmosphère humide, temps catastrophique, habitants inhospitaliers, légendes locales effrayantes, etc... tout y était pour une atmosphère comme je les aime!


  Vous l'aurez donc compris, ce livre est un vrai coup de cœur et mérite une théière d'or! J'ose même l'avouer, au risque de passer pour un énorme cœur d'artichaut: certains passages étaient d'une telle profondeur et d'une telle intensité que j'en avais les yeux qui picotaient, chose qui ne m'arrive jamais avec un livre, même lorsqu'il me touche beaucoup! C'est donc dire si celui-ci est vraiment... particulier. Je n'avais pas éprouvé de telles émotions depuis l'excellent La voleuse de livres, de Markus Suzak, lu il y a quelques années.



 En bref: Un bijou d'émerveillement et de bizarre, dans le fond comme dans la forme. Une histoire à la fois tellement fantaisiste et en même temps au fond tellement vraie, dans un univers de monstres de foire sépia où se côtoient nostalgie et croque-mitaines échappés de peurs enfantines.

 Robbie Jensen m'a couvert de honte, un jour, au déjeuner. Il avait déclaré devant une tablée de filles que je croyais aux fées. Je l'avais mérité, j'imagine, à force de raconter les histoires de mon grand-père à l'école. Mais, l'espace de quelques secondes, j'ai vu le sobriquet "Peter Pan" planer au-dessus de ma tête.
(Jacob Portman)


Et pour aller plus loin...


-Découvrez l'adaptation cinématographique par Tim Burton ICI. 
 

-En bonus, voici le making-of du trailer, commenté par Ransom Riggs. Les images montrent le voyage qu'il a effectué en Belgique pour trouver les décors de l'orphelinat que l'ont voit dans la bande-annonce. Enjoy! ;-) 


2 commentaires:

  1. Une théière d'or ! J'adore ! :D
    Il y a beaucoup de thèmes qui me sont chers également et après avoir lu ton avis, je suis encore plus certaine que je vais aimer. Je suis impatiente de m'y plonger. Moi aussi j'ai tout de suite pensé à L'Orphelinat ! Brrr ça fait froid dans le dos ! Je veux le lire ! Merci pour ce très beau billet.

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    1. Profite bien de ce roman, c'est un petit bijou! =D J'attends ton avis ;)

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