lundi 20 février 2017

Le détective détraqué, ou les mésaventures de Sherlock Holmes - Une anthologie dirigée par C.Liebow.

Editions Baker Street, 2016.

  Sherlock Holmes lui-même victime de vol… Remplacé par sa propre fille dans une enquête… Floué par Scotland Yard et par l’intrépide Frenchie Arsène Lupin… et même envoyé en prison ! De Londres à New York, en passant par Prague ou la campagne française, voilà bien des situations insolites dans lesquelles va se retrouver le célèbre détective, sous la plume de quelques élégants farceurs.

  Depuis sa première apparition il y a bientôt 130 ans, Sherlock Holmes a toujours été l’un des personnages de fiction les plus populaires au monde ; il continue de recevoir du courrier du monde entier à l’adresse mythique du 221 B Baker Street.

  Le succès de l’oeuvre d’Arthur Conan Doyle fut presque immédiatement suivi d’imitations (comme aimait à le dire Oscar Wilde, « L’imitation est la forme la plus sincère de la flatterie ») ; une floraison de pastiches, parodies et sketchs en tout genre a vu le jour dès les années 1890, et n’a jamais tari depuis, de l’hommage à l’ironie et à la caricature, voire au burlesque.

  Puisant dans cette riche réserve de littérature comique holmésienne, ce recueil présente un échantillon de récits inventifs et spirituels de la fin du XIXe siècle à nos jours. Auteurs et illustrateurs venus des quatre coins du monde, fervents admirateurs et connaisseurs de Sherlock Holmes, apportent leur touche de fantaisie pour faire de tous ces épisodes humoristiques une aventure singulière.

  Auteurs grands holmésiens, anciens et contemporains. Certains textes sont inédits.

Textes de
Alceste Peter Ashman Robert Barr J. M. Barrie
Bibliothécaires du Royal Borough of Kensington & Chelsea
Arthur Conan Doyle Frederic Dorr Steele Jacques Fortier
Jean Giraudoux Bret Harte O. Henry William B. Kahn
Frederic A. Kummer Maurice Leblanc R. C. Lehmann
Ely M. Liebow Jack London Bernard Oudin René Reouven.

***


  On dit souvent de la critique qu'elle est facile en comparaison de l'art, difficile. On pourrait faire le même reproche à bien des parodies venues se moquer des mythes et autres archétypes culturels ou littéraires, mais qu'on ne s'y trompe pas : c'est ici la fine fleur du pastiche holmesien qu'on nous propose ici! Et pourtant, Dieu sait qu'il y avait du monde au balcon : depuis la création du célèbre détective en pleine Angleterre victorienne, de nombreux auteurs par-delà les continents l'ont tantôt copié, tantôt parodié. Il suffirait pour en prendre conscience relire le chapitre "les rivaux de Sherlock Holmes" de l'excellent ouvrage Les nombreuses vies de Sherlock Holmes paru aux Moutons électriques éditeurs : pléthore de détectives et enquêteurs se sont avérés (parfois honteusement) inspirés du privé sociopathe fumeur de pipe et consommateur de cocaïne, de Herlock Sholmès créé par Maurice Leblanc pour ses aventures d'Arsène Lupin, à son pseudo alter-ego américain baptisé Harry Dickson.


  C'est donc dire si le choix était vaste. Mais pour cette anthologie, Cynthia Liebow, directrice de publication du recueil et fille de l'écrivain holmesien Ely Liebow ( auteur de Sept femmes contre Edimbourg et L'homme qui était Sherlock Holmes) - à qui est aussi dédié cet ouvrage - a pioché dans les pastiches et apocryphes parmi les plus inattendus (si on passe sur la très prévisible "Herlock Sholmès arrive trop tard" de Maurice Leblanc), couvrant ainsi plus de cent ans de publications d'inspiration holmesienne.

  Avec un plaisir délectable, on passe d'un auteur à l'autre, allant de surprise en pépite. C'est ainsi avec joie et étonnement qu'on tombe sur un récit de James Mathew Barrie (oui oui, le James Barrie de mon cher Peter Pan), qui se moque gentiment des critiques et scribouillards théatreux dont lui et Conan Doyle faisaient partie, tout en s'amusant des métaphores chères à l'auteur de Sherlock Holmes ( Watson saute tellement souvent au plafond du 21b Baker Street que celui-là s'en trouve tout bosselé!). Doyle lui-même figure au générique et s'auto-pastiche avec un plaisir jubilatoire évident : lui qui ne supportait plus son propre personnage le dépeint en colocataire insupportable jusque dans les plus brefs instants de la vie domestique (impossible pour se pauvre Watson de lire son journal du matin tranquille : son ami trop perspicace devine toutes ses pensées les plus futiles et intimes juste en décryptant ses mimiques!). La lecture se poursuit avec Ely Liebow ou encore Jack London (!) sans oublier quelques auteurs français qui ont, de ce côté-ci de la Manche, publié leurs propres séries d'aventures parallèles mettant en scène le personnage de Conan Doyle. On découvre ainsi deux courts récits de René Reouven et Jacques Fortier, respectivement auteurs holmesiens des Histoires secrètes de Sherlock Holmes et des Enquêtes Rhénanes, que ces quelques échantillons nous donnent envie de découvrir un peu plus. Enfin, on rit surtout et plus encore de l'ultime nouvelle de cette anthologie : "L'affaire du banquier pervers", qui vient pasticher avec une irrévérence pleine de style l'actualité politique, et ce sans jamais sombrer dans la farce grossière. 

  Car le point fort de ce recueil est qu'avec lui, même la parodie devient de l'art au même titre que l'original, tant les nouvelles sont dans le fond comme dans la forme pleine d'une intelligence qui fait honneur au genre du pastiche.


En bref : Une anthologie aussi savoureuse et intelligente qu'elle peut être désinvolte, mais sans jamais tomber dans la caricature trop facile. Une ouverture vers le vaste univers des apocryphes holmesiens, dans lesquels ce recueil donne envie de se plonger plus avant.


Avec un grand merci aux éditions Baker Street pour cette découverte.

2 commentaires:

  1. Aha! Je l'avais repéré en librairie, celui-là!

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    1. Je te le prêterai quand on se verra... Au quai du polar, ce sera de circonstance ;)

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