Un recueil exceptionnel: de surprenantes versions de Blanche-Neige
que l'on raconte à travers le monde, ainsi que la célébrissime version
écrite par les frères Grimm. Un choix de surprenantes versions du conte que l'on raconte à travers le monde: La Petite Toute-Belle (Bretagne), La belle jeune fille et les coupes claires (Danemark), La fille de la sorcière (Niger), Arbre d'Or et Arbre d'Argent (Ecosse), Le roi Paon (Louisiane), Lune d'Or (Grèce), Blanche Neige
(Allemagne/Grimm). L'une est recueillie par trois dragons, l'autre par
un berger, une encore par sept Kuuku...mais chacune connaît des
aventures bien singulières!
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Qui s'intéresse un tant soit peu aux contes traditionnels sait que leurs formes et leurs fonds ne sont pas figés dans le temps et l'espace. Issus de la tradition orale, les contes se sont transmis d'une génération à l'autre et d'un pays à l'autre jusqu'à ce que certains auteurs les retranscrivent dans les versions désormais les plus connues, qu'on a trop souvent tendance à qualifier d' "originales". Ainsi, Perrault, Grimm et Andersen, s'ils sont les grands noms associés aux contes de notre enfance, n'ont fait que coucher par écrit des histoires bien plus anciennes qu'eux. Il existe en effet de par le monde autant de versions de chaque conte qu'il existe de pays et, parfois, de régions, les territoires les embellissant de leurs couleurs et traditions locales. Lancée au milieu des années 2000 sous la direction de Nicole Belmont (chercheuse en sciences sociales et spécialiste des contes) pour les éditions Syros, la collection "Le tour du monde d'un conte" ambitionne de faire découvrir ces versions étrangères ou régionales alternatives. Chaque volume fait un focus sur un conte très célèbre et propose quelques variantes parmi celles qui existent dans le monde entier.
Dans cette anthologie illustrée consacrée à Blanche-Neige et à ses "sœurs" et "cousines" de contrées proches et lointaines, ce sont Gilles Bizouerne et Fabienne Morel, animés par leur double casquette d'enseignants chercheurs et conteurs, qui ont collecté 7 (chiffre magique !) versions du conte. A part celle des frères Grimm retranscrite dans sa version originale traduite par Marthe Robert, toutes les autres sont remises en forme et racontées par le duo. On découvre ainsi une version bretonne, une autre danoise, une nigérienne, une écossaise, sans oublier des variantes de Grèce et de Louisiane. La récurrence ? Comme l'explique Nicole Belmont dans sa passionnante postface, c'est la structure. Le schéma narratif, "squelette" qui reste peu ou prou le même d'une contrée à l'autre, a ainsi été identifié dans les classifications des chercheurs et folkloristes Anni Aarne et Stith Thompson au cours du premier et du deuxième tiers du XXème siècle. Leurs travaux respectifs ont donné lieu à la classification internationale Aarne-Thompson, qui rassemble et synthétise sous un système de codes les typologies communes à tous les contes recensés existants. Le conte de Blanche-Neige et de ses variantes y est répertorié sous le numéro 709, une trame qui a engendré bien trop d'enfants pour tous les restituer en un seul ouvrage ! On regrette à ce titre l'absence des versions chinoise et russe, qu'on aime personnellement beaucoup (mais dont on aura l'occasion de vous parler ultérieurement).
Ce conte n° 709, c'est l'histoire de la jeune fille persécutée par un antagoniste jaloux de sa beauté (une belle-mère le plus souvent, mais parfois une mère ou une sœur). L'héroïne, contrainte de fuir après une première tentative de meurtre par une tierce personne, se réfugie à l'écart dans la demeure d'un ou plusieurs adjuvant(s) (des nains, des génies, des dragons, ou encore un berger), où elle est victime d'une ou plusieurs attaque de son ennemie, cette dernière la laissant pour morte jusqu'à ce qu'elle soit ramenée à la vie par l'homme qu'elle épousera. Cette mort est souvent la métaphore de l'entrée dans la puberté, caractérisée d'un texte à l'autre et selon les cultures par des éléments symboliques forts (le sang, la coiffure, les vêtements, etc.).
Car comme évoqué plus haut, c'est essentiellement la culture propre à chaque pays qui, en embellissant la trame commune de départ, fait toute la différence entre ces multiples versions. Chez Grimm, les forêts et les mines de l'Allemagne constituent le décor principal, là où la version bretonne fait la part belle à la mer et invite des dragons, issus du vieux folklore marin, dans son intrigue. Le peigne empoisonné des frères Grimm (que l'on retrouve dans la version danoise) devient un couteau à coiffer dans le conte nigérien et le cercueil de verre, une chasse ou un cercueil en or. Dans les pays où l'océan et les fleuves occupent une place importante, la tombe de la princesse est souvent envoyée voguer sur les flots jusqu'à ce que le prince la découvre sur le rivage opposé.
Charlotte Gastaut, artiste connue et reconnue en édition jeunesse, propose une mise en image toute en douceur inspirée par ses multiples origines familiales étrangères, une vraie richesse pour illustrer les variantes internationales d'un même conte. Si l'on reconnait en effet sa patte d'une page à l'autre, elle adopte les codes graphiques et stylistiques propres à chaque pays pour en inspirer son coup de crayon : les tissus et imprimés africains pour la version nigérienne, ou encore le chatoiement des couleurs typique de l'art cajun pour la version louisianaise. L'ensemble, visuellement réussi, porte et restitue l'éclectisme propre aux enjeux de cette collection.
En bref : Un très beau recueil qui permet de découvrir les versions étrangères du conte de Blanche-Neige, une sélection de sept variantes issues de la tradition orale grecque, bretonne, danoise ou encore nigérienne. Complété d'une postface passionnante, ce livre offre un regard érudit sur les symboles de cette histoire et sur son évolution à travers le temps et le monde. Le tout est mis en image par la talentueuse Charlotte Gastaut, dont l'art fait la part belle aux couleurs, motifs et styles propres à chaque pays mis en lumière.
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