dimanche 13 mai 2012

Refaire le monde - Julia Glass

The whole world over, Pantheon, 2006 - Editions des Deux Terres, 2009 - Editions J'ai Lu, 2011.

Pâtissière à Greenwich Village, Greenie se consacre tout entière à son jeune fils et à sa passion, la cuisine, tandis que son mari semble plongé dans la mélancolie.
Quant à son ami Walter, il panse ses peines de coeur. De passage à New York, le gouverneur du Nouveau-Mexique, conquis par le gâteau à la noix de coco de Greenie, lui propose de devenir chef cuisinier de sa résidence. Par ambition autant que par désespoir, elle accepte et part vers l'Ouest avec leur fils en abandonnant son mari. Leur vie va être bouleversée par ce départ précipité, qui provoquera une série d'événements échappant à tout contrôle.








La première fois que j'ai vu ce roman en librairie lors de sa sortie en poche, j'ai été (forcément) accroché par sa couverture. Le résumé me laissait envisager une délicieuse lecture gourmande mais l'épaisseur du livre (environ 820 pages tout de même) m'avait alors fait craindre un éventuel ennui et je l'avais reposé sur son présentoir après avoir longuement hésité. Revenant récemment à ce que j'aime appeler les "lectures gourmandes", je me suis souvenu de ce roman, mais uniquement de sa couverture et de son résumé: pas moyen de retrouver le titre, même en faisant des recherches par mots-clefs sur le net! Rageant! Quel ne fut donc pas mon bonheur de tomber par hasard dessus lors de mon escapade au salon du livre de Paris!

Et pourtant, malgré mon enthousiasme, ma joie s'est vite trouvée freinée au bout d'une heure de lecture: j'ai eu énormément de mal à entrer dans l'histoire que je trouvais sur le coup très ennuyeuse et longue, mais alors looooongue... Le roman étant divisé en trois partie, j'envisageais de fractionner ma lecture pour la rendre plus digeste, mais dès le livre refermé, je réalisais que je m'attachais malgré moi aux personnages, aux lieux, et à l'ambiance. C'est là que j'ai commencé petit à petit à entrer dans l'histoire et à me laisser happer par la multiplicité de vies qu'elle met en scène avec, au bout du compte, un réel plaisir.

"On n'a jamais trop de chance, c'est un peu comme la purée..."

Car ce n'est pas seulement l'histoire de Greenie qui nous est racontée ici: c'est avec elle que commence le roman et, certes, peut-être autour d'elle que le livre se construit; mais au fil des pages est également relaté le parcours de ses amis, son conjoint, sa famille, ou encore de tout le petit monde qui gravite autour de ce microcosme. Greenie, donc, est pâtissière à New York, où ses desserts et autres délices ont fait sa renommée, si bien qu'elle en est en fait à tenir une micro-entreprise où elle et ses assistants ne sont pas de trop pour répondre aux multiples commandes qui lui sont passées. On réalise bien vite que derrière la petite vie apparemment agréable qu'elle mène, elle est surtout enfermée dans un quotidien répétitif et sans surprise puisque même sa vie de couple, même si elle est loin d'être désastreuse, ne se limite qu'à un enchaînement de faits et gestes habituels mais sans réelle saveur. C'est là que le gouverneur du Nouveau Mexique, charmé par un de ses desserts, la supplie de l'accompagner à Santa Fe pour devenir sa cuisinière attitrée. Répondant au brusque et jusque là inconscient désir de pimenter sa vie et de partir à l'aventure, Greenie accepte, quittant New York en compagnie de son fils pour ce job "à distance".

"Les gens n'avaient rien à voir avec les recettes de cuisine. Même avec tous les bons ingrédients, à la dose exacte, on n'avait pas la moindre garantie."

Au fil des chapitres, on suit alors sa nouvelle vie au Nouveau Mexique et, parallèlement, le quotidien de son mari resté à New York, les déboires amoureux de son meilleur ami restaurateur Walter, ou encore le parcours étrange de Saga, une jeune femme secrète amenée à les rencontrer au détour des rues de Greenwich Village. Si chacun de ses personnages me plaisait plus ou moins au départ (certains m'agaçaient même, au tout début), on apprend à les connaître et à s'y attacher comme on le ferait avec de "vraies" personnes, tant leurs sentiments, questionnements, craintes et émotions semblent réelles. On réalise alors que tous sont arrivés à un tournant de leur existence et que leurs choix prochains seront décisifs pour la suite des événements... Julia Glass, maniant la plume avec une simplicité toute à la fois déconcertante et superbe, met en images des moments de vie faits de petits riens, mais retranscrits avec une telle intensité qu'on ne peut qu'être touché par leur profond réalisme.

"L'amour épouse bien des contours, exactement comme les rivières."

J'ai trouvé le style presque "british" pour une auteur américaine et je n'ai pu m'empêcher de penser aux Chroniques d'Edimbourg (44 Scotland Street et ses suites) d'Alexander McCall-Smith, même si Refaire le monde est moins dans la comédie et plutôt dans une mélancolie légère et douce-amère (mais sans jamais tomber dans le sentimentalisme). J'ai adoré l'atmosphère de New York, que l'on découvre traversée par les saisons au travers de descriptions pleines de charme et qui me renvoyaient malgré moi aux paysages urbains du film Vous avez un message (^^ plaisir coupable que ce film que je compte parmi mes favoris).

"Un gâteau réussi est comme un mariage réussi: de l'extérieur il a l'air ordinaire, parfois même quelconque, mais il suffit d'en prendre une part et de le goûter pour savoir qu'il n'en est rien. C'est le sublime résultat d'une longue et patiente expérience, une réalisation dont le succès repose sur une profonde compréhension des goûts et des compatibilités, un respect de la mesure, de l'équilibre, de la chimie et de la chaleur, une histoire d'innombrables erreurs surmontées."

En définitif, Refaire le monde est un très beau roman malgré son entrée en matière un peu lente. J'ai refermé ce livre presque à regret et non sans une certaine tristesse à l'idée de quitter ses personnages. Comme je le disais plus haut, tous se sont finalement avérés extrêmement touchants: il sont de ceux qui continuent à accompagner nos pensées quelques temps encore après la lecture, comme des amis chers que l'on quitte après une semaine passée ensemble. Une belle découverte, donc...

"L'important chez une mère, c'est qu'elle vous montre son amour: non seulement qu'elle vous le donne, mais qu'elle vous le montre, qu'elle vous montre comment il est fait. (...) Comme une pièce de musée exposée sous une belle lumière (...), comme un plateau de pâtisseries toutes si parfaites qu'on ne sait laquelle choisir. Mais ce n'est pas grave, car quelle que soit celle que vous choisirez, elle satisfera vos besoins."

Oh, et pour finir sur une note gourmande: les nombreux menus de Greenie sont une vraie torture! Les descriptions de ses plats m'ont fait saliver plus d'une fois et j'ai maintenant une envie folle de Cheesecake* et de Coleslaw! =P


(*) Édit du 20 Mai 2012: c'est fait!... --->Par ici le bon gâteau! =p

2 commentaires:

  1. Oh non ! La présentation de ce livre m'attirait beaucoup mais le nombre de pages me faisait vraiment peur alors je l'avais un peu mis de côté en attendant ton avis. Maintenant, je suis sûre qu'il me plairait. Tu donnes terriblement envie - même si le début est un peu long - et les citations sont très alléchantes.

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    1. C'est fou, depuis que j'ai refermé ce livre, les personnage me...manquent ^^ Comme je le disais dans l'article, ils ont une dimension tellement réelle, tellement humaine qu'on ne peut que s'y attacher. Je suis content si je donne envie de le lire, il mérite d'être connu =D J'espère que tu aimeras! Pour les citations, il y en a plein d'autres que j'aurais aimé prendre en note tellement ce roman contient de petites phrases accrocheuses dans le style! Un régal! =)

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