mardi 21 juin 2016

Le temps des métamorphoses - Poppy Adams

The behaviour of moths, Virago Press, 2008 - Editions Belfond (trad. d'I.Chapman), 2009 - Editions 10/18, 2011.


  À Bulburrow Court, entre les murs épais tapissés de papillons, la vieille Virginia Stone vit recluse. Le jour ou sa soeur paraît à la porte du manoir, cinquante ans de silence vacillent. Elles ont tout à réapprendre l'une de l'autre. Mais sous les vestiges d'une enfance complice et ténébreuse, les souvenirs se muent peu à peu en de terribles révélations...

« Cette histoire fascinante de deux soeurs, au passé trouble, qui voudraient garder enfouis leurs terribles secrets continue à vous hanter longtemps après avoir refermé ce livre. »
Harlan Coben 

*** 


  Il y a des romans au titre évocateur et à la couverture séduisante qui tombent parfois dans nos mains par pure attrait esthétique. Même si cela a déjà suffi à nous convaincre d'un achat imminent, on jette un œil au résumé, comme par acquis de conscience, et alors notre curiosité se trouve renforcée. Pourquoi? Ces éléments qui nous sont familiers et si chers dans une intrigue, ceux-là même évoqués par le visuel de couverture, sont bels et biens du synopsis. Alors, réprimant un demi-sourire, on se dirige vers la caisse en freinant son enthousiasme, celui de se précipiter sans souci des convenances au-devant du libraire avec sa carte bleue, pour se hâter de rentrer chez soi se plonger dans ses pages. Et là... là, le temps n'a plus d'emprise, on sombre dans cette histoire étrange, sombre, et parfois presque malsaine à la façon d'un plaisir coupable. Le temps des métamorphoses est de ces livres qui nous possèdent et nous collent à la peau, de ceux qu'on a hâte de retrouver quand on rentre du travail, et qu'on promène avec soi pour s'y plonger en cachette dès qu'on en aurait l'occasion. Il est de ces livres bizarres, psychologiques et lugubres qui nous hypnotisent.


  L'action prend place dans une bourgade anglaise tout ce qu'il y a de plus britannique et champêtre. Dans l'imposant manoir qui surplombe le village vit recluse la désormais frêle et âgée Virginia Stone, dernière héritière d'une riche famille longtemps versée dans la science de l'entomologie, étude des papillons dont les vestiges parsèment encore les couloirs de la bâtisse aujourd'hui défraîchie. Dans cet écrin poussiéreux et glacial, Virginia se remémore les souvenirs d'antan et les malheurs qui ont parsemé son enfance : sa sœur Vivien, la mort soudaine de leur aliénée de mère Maud suite à une chute dans l'escalier, ou encore la passion presque folle de leur père pour les papillons. Nostalgie, regrets, remords... et autres sentiments de mélancolie qui flottent avec les volutes de poussière dans cet immense château figé dans le temps. Puis, un matin, Vivien rentre au bercail : Vivien, l'extrême opposé de son aînée, Vivien, vive et sophistiquée. Son retour pourtant anodin de prime abord semble changer le cours normal du temps et la confrontation des souvenirs respectifs change la donne, apportant un éclairage nouveau sur les certitudes de Virginia. Cette dernière se perd alors alors dans les dédales longtemps verrouillés du manoir, comme dans les méandres de ses souvenirs, à la recherche de squelettes trop longtemps cachés dans les armoires. Et alors, comme un papillon, la vérité commence lentement à éclore.



  Du cadre confortable à l'odeur douce-amer de naphtaline et des souvenirs d'une enfance anglaise, l'auteure nous pousse progressivement dans une ambiance plus acide et trouble. L'air ambiant vient nous picoter les narines, puis c'est un filet de sueur froide qui descend le long de notre dos... Instaurant un réel égarement psychologique et une tension dramatique comme seul aurait su le faire Hitchcock, Poppy Adams vient questionner avec talent la lucidité de tout à chacun, mise à mal par les affres du temps et l'aspect subjectif des souvenirs. Avec style également, puisqu'elle institue avec l'univers des papillons, véritable obsession des Stone, un parallèle glaçant et saisissant qui aide le lecteur à cerner progressivement le profil de ces deux sœurs que tout oppose. L'ensemble est raconté comme un huit-clos, la narration nous emprisonnant au seul et unique regard de Virginia jusqu'à l'ultime chapitre, déstabilisant à souhait.



En bref : Un roman étrange et pénétrant aux relents gothiques mais surtout profondément psychologiques et tortueux. Poppy Adams vient questionner avec style la subjectivité des souvenirs et les affres du temps, le tout instaurant un malaise fascinant qui ne quittera pas le lecteur de sitôt. 

2 commentaires:

  1. Oh c'est amusant, je l'ai justement noté dans mon petit carnet il y a quelques jours. Je suis très, très tentée. Il m'intrigue, ce roman !

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    1. Je te le recommande vraiment, c' est très très bien écrit, pesant et psychologiquement déstabilisant. Et très british, pour couronner le tout :D je suis persuadé que tu aimeras.

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