The Summer House (sous le nom de Marcia Willett), Corgi Books, 2010 - Editions Autrement (trad. d'A.Weill), 2015 - Editions J'ai Lu, 2016.
«Matt ouvrit l'enveloppe avec curiosité. Elle était vide, mis à part une
photographie. Il la prit et se trouva face à face avec son propre
visage.» Matt, jeune écrivain londonien, est en pleine crise
existentielle. Depuis le succès inattendu de son premier roman, il est
devenu incapable d'écrire la moindre ligne. La jolie Annabel lui
reproche de ne pas s'investir davantage dans leur relation. La
découverte d'étranges photos dans un coffret ayant appartenu à sa mère
libère les fantômes du passé. Qui est l'auteur de ces clichés ? Pourquoi
sa sœur n'apparaît-elle jamais à ses côtés ? Désorienté, Matt retourne
à Exmoor, sur les lieux de son enfance. Chassés-croisés amoureux,
secrets de famille et scones à volonté : un roman délicieusement british
!
***
Après le très bon Meurtres au manoir et sa couverture délicieusement dérangeante il y a quelques années, c'est de nouveau le visuel de ce dernier roman de la même Willa Marsh qui m'a poussé à l'achat.
"- Tu crois aux fantômes?
- Je crois que, partout où il y a eu des émotions fortes, des échos demeurent."
Matt, trentenaire rêveur, est devenu en moins d'un an l'auteur le plus connu de la littérature fantastique grâce à un premier roman best-seller inspiré de ses peurs enfantines. Mais alors que sa mère, qui avait depuis longtemps sombré dans la démence, décède, l'angoisse qui l'habitait petit resurgit. Un sentiment qui se fait plus fort lorsqu'il ouvre le coffret légué par la défunte, contenant toute une série de photographies de lui qu'il ne connait pas, et qui provoque chez lui étrangeté et perplexité. Afin de prendre la distance nécessaire sur cette situation qui lui échappe, il rejoint sa famille de cœur, ceux qui les ont élevés lui et sa sœur Imogen : Milo et Lottie. Le vieil homme et sa belle-sœur qui résident ensemble depuis de nombreuses années avaient accueilli sous leur toit les deux enfants à la mort de leur père. Lottie, ce substitut de grand-mère bienveillante, cette femme aimante dont le regard semble toujours porter plus loin que le commun des mortels... comme un don de double vue?
Alors que Matt les rejoint dans la campagne anglaise, retrouvant en même temps tout le petit monde qui gravite autour d'eux, il sent qu'un voile s'apprête à se lever sur plusieurs secrets de famille qui sommeillent depuis trop longtemps.
"Sa réputation avait grandi autour d'elle, un peu comme les broussailles autour de la Belle au bois dormant ; elle fascinait les autres, mais les tenait également à distance."
Quel plaisir de retrouver le style si caractéristique de Willa Marsh, tout en illustrant un univers différent de ses précédents romans. Exit le mélange de soap-opera pastiché et de thriller familial gothique de Meurtres au manoir ; ici, on a quelque chose de beaucoup moins carnavalesque et malsain, et en même temps tout aussi fin et réussi. Sa plume s'avère aussi aiguisée pour l'écriture caustique que pour la mélancolie, qu'elle véhicule avec subtilité pour conter cette histoire de famille atypique.
"C'est pour ça que nous écrivons. Nous créons à partir de notre vide, c'est ce manque d'une chose essentielle qui nous pousse à inventer des mondes parallèles."
"On a peur du silence, n'est-ce pas? On allume la télé, on prend un livre, on passe un coup de fil. Tout plutôt que rester dans le silence. On cherche toujours à échapper à l'endroit où on est, à l'ici et maintenant. On pense que la vie va commencer demain, ou quelque part ailleurs. Mais parfois attendre patiemment, en silence, laisse entrevoir les choses."
Une histoire qui pourrait être très classique, tant elle déborde des aspects du réel. Et pourtant, parallèlement, Willa Marsh égraine çà et là ces petits éléments qui lui sont propres : un personnage de vieille lady grinçante, l'omniprésence d'une nature luxuriante et poétique, des maisons chargées d'Histoire(s) et, surtout, l'évocation de la frontière entre le visible et l'invisible, mais toujours à peine devinée - voire juste caressée - pour ne pas briser la solidité profonde de sa trame.
L'autre intérêt de Double secret est de se pencher sur un sujet que j'aime tout particulièrement, à savoir celui de la psychogénéalogie : l'idée que certains non-dits se transmettent insidieusement d'une génération à l'autre et que les situations se répètent parfois sur plusieurs descendances. Mais elle est surtout évoquée , et il est presque dommage que Willa Marsh ne creuse pas cette voie plus avant.
"J'ai toujours eu la sensation d'avoir une case en moins qui m'empêche de communiquer avec le reste des humains. C'est extrêmement gênant et on se sent très seul. Il me semble que tout le monde parle une langue que je ne peux pas tout à fait comprendre et observe une série de règles que personne ne m'a jamais expliquées. Je tâtonne, en tâchant de les saisir au fur et à mesure, mais je n'ai jamais très bien réussi."
Les lecteurs rodés aux intrigues familiales parviendront probablement à deviner le secret de famille au centre de l'histoire avant la révélation finale. Mais ce n'est pas là un point faible du récit qui, au contraire, sème les indices tout exprès à l'attention des lecteurs. La conclusion reste par ailleurs bien pensée, même si elle nous est amenée au terme d'une narration au rythme parfois inégal. Fort heureusement, c'est un élément que notre attention oublie vite, tant on est captivé par la superbe galerie de protagonistes tous impeccablement brossés et captivants.
"L'espoir est-il pareil que l'optimisme? Les optimistes ont des attentes concrètes, non? Que le temps se dégage, que la situation politique s'améliore... L'espoir, lui, tient de la foi - cette "démonstration des choses qu'on ne voit pas " ."
"- Nous sommes tous plus ou moins perturbés d'une manière ou d'une autre, annonça-t-elle. Certains arrivent plus facilement à surmonter leur handicap - et beaucoup les nient.
- C'est une mauvaise chose?
- Pas tant qu'ils ne méprisent pas ceux qui les acceptent..."
Et pour aller plus loin
J'ai très envie de le lire et je te recommande "Le Journal secret d'Amy Wingate" que j'ai adoré.
RépondreSupprimerJ'avais ADORE "meurtres au manoir" et en lisant celui-là, je me suis rendu à quel point j'aimais cette auteure et j'ai vraiment envie de découvrir ses autres ouvrages Tu me conseilles donc "le journal d'Amy Wingate" pour la prochaine fois? Je note et je retournerai voir ton billet sur le roman ;)
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