mardi 2 juillet 2019

Miss Fisher enquête ! (saison 1) - Une série de D.Cox et F.Eagger d'après K.Greenwood


Miss Fisher enquête!

(Miss Fisher's murder mysteries)

Une série de Deb Cox et Fiona Eagger d'après les romans de Kerry Greenwood.

Avec : Essie Davis, Nathan Page, Hugo Johnstone-Burt, Ashleigh Cummings, Miriam Margolyes...

Première diffusion originale : Février 2012
Premier diffusion française : Juin 2012

Sortie en dvd française chez Koba film : Septembre 2013

  Dans les années 1920, en Australie, marquée par la disparition de sa jeune sœur et les errements de l'enquête, Phryne Fisher devient détective privé. Armée de son revolver et d'un solide aplomb, la jeune femme infiltre cabarets et clubs de jazz de Melbourne. Elle y entraîne à contrecœur l'inspecteur Robinson qui lui permet parfois de se tirer d'un mauvais pas, mais peut également compter sur Dot, sa femme de chambre, ses chauffeurs Albert "Bert" et Cecil "Ces", ainsi que son majordome Butler

*** 

Une pose qui n'est pas sans rappeler Uma Thurman dans Pulp Fiction, non?

  Pourquoi vous parler de cette série près de huit ans après sa diffusion? On sait que j'ai parfois du retard dans mes chroniques, mais tout de même! Plusieurs raisons l'expliquent : tout d'abord, nous célébrons cette année le centième anniversaire de notre entrée dans les "Années Folles" (lesquelles, si on les appelle aussi plus sobrement les "Années 20", ont débuté en 1919 après l'armistice de novembre 1918, marquant le début d'une ère de fête et d'insouciance), ce qui justifie plus que jamais de parler d'une série qui met en images cette période. Ensuite, après vous avoir présenté plusieurs romans des Folles enquêtes de Phryne Fisher et en attendant l'adaptation cinématographique du personnage (Miss Fisher and the crypt of tears, prévu dans les salles fin 2019), il était plus que temps de faire ce petit retour sur la transposition télévisuelle des romans de Kerry Greenwood...




  Dans l'Australie des années 1920, la libre et émancipée Miss Phryne Fisher jouit d'une fortune colossale. Après une jeunesse plus que modeste dans le Melbourne de 1910 puis à travers l'Europe, la Première Guerre mondiale décime quelques cousins fortunés et permet à ses parents d'hériter d'un titre et d'un beau compte en banque. Lorsqu'elle revient en terre australienne après une longue croisière en mer, ce n'est pas pour y retrouver sa guindée tante Prudence ni pour le plaisir de bavarder avec Mac, son amie médecin. Murdoch Foyle, meurtrier présumé de sa petite sœur Jane alors qu'elles étaient enfants, s'apprête à être jugé, et Miss Fisher veut s'assurer qu'il ne sera pas libéré. Alors qu'elle retrouve d'anciennes connaissances de la haute société melbournaise, la jeune femme se trouve confrontée à un mystère qui éveille sa curiosité pour les affaires policières et s'improvise détective, ce qui n'est pas sans créer quelque concurrence avec le séduisant inspecteur Jack Robinson...


  Décors, costumes, reconstitutions... cette série nous en met plein la vue dès le premier épisode en nous plongeant avec faste dans l'Australie des années 1920. Kerry Greenwood avait fait de nombreuses recherches historiques pour les besoins de ses romans, les équipes de tournage ont recherché la même authenticité pour leur adaptation à l'écran. De nombreuses scènes ont été filmées dans les décors naturels rescapés du Melbourne historique patrimonial (l'hôtel Windsor, la maison Wardlow -demeure historique qui devient la résidence de l'héroïne-, la Old Melbourne Gaol devient la prison de Murdoch Foyle...) et les décors reconstitués en studio séduisent le téléspectateur de leurs lignes art-déco saturées d'élégance.

Wardlow House devient dans la série la résidence de Phryne, au 221B (!) à St Kilda.

  La photographie, particulièrement soignée, met en relief les costumes conçus par la styliste Marion Boyce, dont le nom mérite d'être cité et applaudi : en s'inspirant directement des tenues décrites dans les livres, de la mode des Roaring Twenties, et en associant à ses créations originales des pièces d'époque, elle parvient à restituer par les simples coupes, textures et motifs les personnalités de chaque personnage. Les tenues portées par l'héroïne remportent bien sûr notre adhésion à tous, et on ne s'étonne plus, face à tant de luxe, que chaque épisode coûte un million de dollars à produire...


  Mais passé le visuel éblouissant, que dire des intrigues, de la fidélité, et du jeu des acteurs? Les scénarios, tout d'abord : sur les treize épisodes de cette première saison, onze sont directement inspirés de romans de Kerry Greenwood, avec des modifications qui vont croissantes. En effet, les réalisatrices et scénaristes D.Cox et F.Eagger distillent une intrigue inédite évolutive en toile de fond de cette première saison : le meurtre plusieurs années auparavant de la sœur de Phryne et le souhait de cette dernière de voir son criminel Murdoch Foyle pendu. Les épisodes suivent avec une certaine fidélité les romans et l'univers de Kerry Greenwood, tout en adaptant les scénarios au format de 50 minutes, puis en modifiant le noyau des intrigues vers la fin de saison pour créer du lien avec le meurtre de Jane.


  Malgré la sublime reconstitution et les améliorations apportées, les trames de K.Greenwood sont donc majoritairement conservées et, on avait pu le dire dans les chroniques de ses premiers romans, outre le personnage central, le reste n'est pas toujours inoubliable. Certains épisodes, restés très ancrés dans l'univers de l'auteure, sont tout juste intéressants (et l'épisode Souvenir de Montparnasse, catastrophique et terriblement cheap à l'écran). Heureusement, on semble entrevoir dans cette première saison une mince volonté de s'affranchir suffisamment des romans pour ajouter la petite touche d'originalité qui manquait aux livres. Avec le meurtre de Jane en filigrane de la saison et les deux épisodes aux scénarios inédits de D.Cox et F.Eagger, ont sent le désir de se pencher sur des thématiques clefs de la décennies des 20's comme ressort des intrigues, d'alimenter la série avec ce qui faisait le tissus social et culturel de l'époque : par exemple, les conditions de vie des ouvrières dans les usines, puis l'égyptomanie et l'orientalisme grandissants. On verra dans les prochaines saisons que ces inspirations puisées dans les sujets phares des années 20 deviendront de véritables codes de la série.

L'egyptomania des années 20, et un costume qui évoque le Cleopatra de C.B.de Milles...

  Les deux réalisatrices/scénaristes opèrent également quelques retouches dans l'univers de Kerry Greenwood : Phryne est plus âgée que dans les romans (ce qui rend son personnage plus crédible par rapport à son histoire et à sa maturité), et elle entretient avec le commissaire Jack Robinson une relation très ambigüe qui devient un des éléments les plus enthousiasmants de la série, en plus d'apporter un humour léger et pétillant absent des livres originaux. Cela vient le plus souvent du décalage entre l'attitude affranchie de la détective et le traditionalisme du policier, dont les rapports évolueront vers une tension amoureuse digne des meilleurs duos de série.


  Impossible d'envisager une série se déroulant dans les Années Folles sans la musique adéquate. Le compositeur Greg J.Walker a composé pour la série un générique on ne peut plus jazzy (merveilleusement mis en image et même couronnée d'un prix) et tout un ensemble de partitions qui deviennent indissociables des enquêtes de Miss Fisher. L'aura musicale vintage est renforcée par de nombreuses chansons d'époque collectées et abondamment utilisées dans chaque épisode : Duke Ellington, Jelly Roll Morton, Paul Whiteman et autres crooners qui nous donnent envie de nous trémousser sur des rythmes de foxtrot ou de charleston...

"Je n'ai rien fait de sérieux depuis 1918!"

  Les interprètes sont pour beaucoup dans la réussite de cette première saison, Essie Davis en tête. L'interprète du personnage de Phryne est crédible dans tout le panel d'émotions que donne à voir l'adaptation de l'héroïne à l'écran : plus seulement la parfaite et lisse détective des romans, elle devient une femme plus complexe dont l'apparente fantaisie dissimule un passé douloureux. L'actrice met tout au service de son personnage, l'incarnant jusqu'au port de tête (si bien mis en valeur par sa coupe à la Louise Brook) ou à la démarche légère, crédible dans la drôlerie (faisant des grimaces ou posant comme un mannequin alors qu'elle doit être photographiée au commissariat pour des mug shots) comme dans l'émotion (dans le season final, en particulier la douce mélancolie des ultimes scènes). Autre excellente actrice dans un registre à l'opposé de Miss Fisher : Ashleigh Cummings, qui joue la timide et timorée Dot, demoiselle de compagnie de la détective toute en douceur et parfois drôle malgré elle de par son inexpérience. Enfin, une surprise de taille à noter : la présence de Miriam Margolyes, inoubliable professeur Chourave dans Harry Potter, dans le rôle de la rigide (mais parfois hilarante) tante Prudence.

 

En bref : Une première saison convaincante par ce qu'elle vient ajouter de plus-value aux romans originaux de Kerry Greenwood : l'humour, la relation Phryne/Jack, et les intrigues inédites. Les décors et les costumes sont époustouflants et on applaudit le jeu des acteurs, la subtile Essie Davis en tête. Des débuts très alléchants, à découvrir pour ceux qui n'ont pas encore eu l'occasion!

 ("British mysteries" parce qu'il y a un peu d'Angleterre en Australie, quand même!)
 

Et pour aller plus loin...




- Vous aimez la série? Découvrez les romans originaux ICI .



- Découvrez toute la série : la saison 2, et la saison 3 (prochainement).



1 commentaire:

  1. Une vraie bonne série, de qualité, tant au niveau de la reconstitution de l'époque que des personnages divinement bien campés ! :-) Je te souhaite un bon été, Pedro.

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