Neverland / Peter Pan et le Pays Imaginaire
(Neverland)
Une mini-série réalisée par Nick Willing d'après les personnages de Peter Pan de James M. Barrie.
Avec : Rhys Ifans, Anna Friel, Charles Dance, Bob Hoskins, Charlie Rowe, Keira Knightley (voix uniquement)...
Première diffusion américaine : 4 et 5 décembre 2011 (Syfy)
Première diffusion britannique : 9 et 16 décembre 2011 (Sky)
Première diffusion française : 30 décembre 2011 (M6)
Sortie dvd française : 18 juin 2013 (chez M6 vidéo)
Londres, 1906. Peter entraîne sa bande de pickpockets dans le
cambriolage d’une boutique. Lorsqu’un globe de cristal
propulse les enfants dans un monde mystérieux, Peter doit
partir à leur recherche… Pirates, indiens et fées, Peter
découvre avec le Pays Imaginaire un univers magique
incroyable. Les amitiés se forment, les masques tombent et
le jeune garçon entre dans la légende. Peter Pan est né !
***
A ne pas confondre avec le biopic éponyme de 2004 sur James M. Barrie, la mini-série de 2011 Neverland, rebaptisée Peter Pan et la Pays Imaginaire lors de sa sortie en dvd, propose une préquelle aux aventures du garçon qui ne grandit pas et imagine ses origines. Ce concept, repris pour le film Pan sorti sur grand écran en 2015, avait donc déjà été exploité par le petit écran quelques années plus tôt, et le résultat était assez honorable pour qu'on y consacre aujourd'hui quelques paragraphes...
L'histoire nous entraîne dans les rues mal famées du Londres de 1906 ; une bande de garçons des rues joue les pickpockets pour le compte de leur protecteur, Jimmy, maître d'arme et bourgeois déchu qui cherche par tous les moyens à retrouver sa place dans la haute société londonienne. Il accepte pour cela la mission que lui confie un mystérieux cercle d'hommes à la recherche d'une relique aux pouvoirs fantastiques, un globe de verre conservé chez un antiquaire anglais. Jimmy met sa bande de petits voleurs sur le coup, dont Peter, son protégé et celui amené à lui succéder, mais l'affaire se complique : une fois main mise sur l'objet tant convoité, il s'avère que la sphère est extrêmement sensible et que le moindre choc peut la faire s'activer. Une mauvaise chute et catastrophe, voilà toute la bande propulsée dans un monde parallèle, île exotique au milieu d'un océan infini. Jimmy, Peter et les autres garçons découvrent que d'autres groupes de personnes ont été envoyés ici dans des circonstances similaires mais à des époques différentes : un bateau rempli de pirates du XVIIème siècle, et une tribu indienne plus ancienne encore. Depuis leur arrivée, tous ont mystérieusement cessé de vieillir... Tandis que Jimmy décide de s'allier aux pirates et à leur capitaine, la dangereuse Elizabeth Bonny, Peter et les garçons préfèrent se ranger du côté des Indiens, qui leur sauvent la vie plus d'une fois. Ils découvrent alors que l'île abrite également des fées, lesquelles détiennent une poussière magique à protéger à tout prix des pirates...
Mini-série en deux parties typique des productions télévisées fantastiques prévues pour Noël, Neverland est encore régulièrement diffusée à la télévision pendant les fêtes ; bien que cette réalisation soit restée très discrète en France, le tournage et la sortie prochaine du nouveau Peter Pan & Wendy en live action par Disney (prévu pour fin 2021) justifie qu'on jette un œil à cette création télévisée plus réussie qu'on pourrait le croire. Production déjà d'une certaine envergure, Neverland est écrite et réalisée par Nick Willing, à qui l'ont doit plusieurs téléfilms fantastiques dont certains très appréciés par les téléspectateurs. Outre un premier Alice au Pays des Merveilles tourné en 1999 (avec une pléiade d'acteurs anglais et Whoopi Goldberg en chat du Cheshire), N.Willing a également tourné un détournement du même roman de Lewis Caroll en 2009, mais aussi le remarqué Deux princesses pour un royaume (qui revisite le Magicien d'Oz) en 2006. Après avoir puisé dans ces classiques de la littérature jeunesse, il semblait évident que Peter Pan ne pouvait que l'inspirer également. Aussi, plutôt qu'une adaptation fidèle au livre de James Barrie ou une relecture du mythe, il propose un préquel...
Les origines de Peter Pan, pourtant racontées par J.M.Barrie lui-même dans Peter dans les Jardins de Kesington, ont été réinventées à plusieurs reprises, souvent pour leur préférer une version alternative de vie de garçon des rues. C'est en effet le postulat de base de plusieurs ouvrages comme la BD Peter Pan de Loisel, l'album jeunesse Le journal de Peter de S.Perez et M.Manez, ou encore le roman Peter et la poussière d'étoiles. Nick Willing opte ici pour un choix similaire et fait de son Peter un orphelin, membre d'une troupe d'autres enfants voleurs (amenés à devenir les garçon perdus), sous la protection d'un père de substitution qui les héberge et les nourrit en échange de menus larcins : James "Jimmy" Hook (évidemment). Le futur Capitaine Crochet, présent ici dès le début de l'histoire, est ainsi présenté sous un jour plutôt sympathique et la relation qu'il entretient avec Peter est sans équivoque celle d'un père et d'un fils.
C'est l'un des premiers intérêts de cette version : au-delà des libertés amenées par le scénario très fantasy de N.Willing, la relation Peter/Jimmy mise en scène dans cette mini-série puise directement dans la dualité Peter Pan/Crochet du livre de James Barrie et sa symbolique si particulière. La métaphore du père et du fils avait déjà été soulevée dans de nombreuses lectures psychanalytiques de l’œuvre originale, inspirant là encore les intrigues imaginées par Loisel ou S.Perez dans leurs propres réadaptations, évoquées ci-dessus. Le scénario de Neverland parvient à montrer la dégradation de cette relation et expliquer, à terme, le dégoût de Peter pour les adultes en usant de ressorts psychologiques intéressants.
De Londres à Neverland, N.Willing imagine les engrenages dramatiques qui vont conduire les différents personnages de son scénario à devenir ceux de James Barrie : la place que Hook prend peu à peu au milieu des pirates grâce aux faveurs de la capitaine Bonny (probablement inspirée de la réelle pirate Anne Bonny), la convoitise de la poudre de minéral qui motive le conflit entre les pirates et les indiens, et même les choix de Peter, qui vont malgré lui l'amener à devenir l'enfant "innocent et sans cœur" que l'on connait. Garçon très ordinaire au début de la série, ce Peter est en effet très loin du fanfaron immature à la mémoire altérée qui viendra toquer un soir à la fenêtre des enfants Darling. Le scénario vient cependant expliquer cette évolution de façon assez satisfaisante au regard de l'univers réinventé par N.Willing. Neverland nous permet aussi de retrouver des personnages clefs de l'univers de Barrie, dont Smee et Starkey, déjà membres de l'équipage de Bonny avant l'arrivée de Jimmy, et Tiger Lily (justement traduit "Lys Tigrée" ou Aaya, de son nom indien). Le traitement de cette dernière est particulièrement bien pensé : on découvre une jeune femme forte et courageuse bien plus charismatique que dans la plupart des adaptations précédentes, véritable amie et alliée de Peter. Enfin, parmi les autres pièces du puzzle qui se mettent en place pour annoncer l'intrigue de Barrie, le scénario de N.Willing nous offre LA scène de combat entre Peter et Hook, celle au cours de laquelle la main droite du (futur) pirate sera tranchée et servie au crocodile.
Esthétiquement, la mini-série propose des visuels plutôt réussis : malgré quelques effets numériques parfois facilement décelables, l'ensemble est correct et témoigne d'une recherche graphique intéressante, à défaut d'être toujours totalement aboutie. Le décor de la forêt enneigée au sol morcelé est plutôt convaincant, un peu moins la gigantesque cité "parfaite" faite de végétaux que rejoignent Aaya et Peter au terme d'un long périple, et qui souffre d'un abus des images de synthèse. Les costumes sont crédibles, tant dans l'authenticité des vêtements de ville usés des garçons perdus que dans les touches de fantaisies audacieuses des tenues de la capitaine Bonny, en passant par la crédibilité sobre des tenues indiennes. De façon générale par ailleurs, il est important de noter que la représentation de la tribu indienne recherche une certaine fidélité historique et esthétique, s'écartant ainsi pertinemment des représentations caricaturales dont on avait l'habitude.
Enfin, le casting est l'un des autres points positifs de cette mini-série, à la tête de laquelle on retrouve notamment des acteurs de grande qualité. Rhys Ifans campe un Hook inhabituel mais intéressant dans son développement, avec cette insolence froide so british qui convient tout à fait au personnage ; Anna Friel (délicieuse Chuck dans Pushing Daisies) endosse ici un rôle à contre-emploi avec le personnage inédit et tonitruant de Elizabeth Bonny, et on a l'immense plaisir de retrouver dans le rôle de Smee/Mouche Bob Hoskins, qui l'interprétait déjà vingt ans plus tôt dans Hook, ou la revanche du capitaine Crochet. Parmi les acteurs de renom, Charles Dance incarne avec sa classe habituelle un personnage d'alchimiste mi mage, mi dandy, Keira Knightley prête sa voix à Clochette en VO, et Q'Orianka Kilcher (Pahocantas dans Le nouveau monde de Terrence Malick) prête sa beauté magnétique à Tiger Lily. Dans le rôle principal, le jeune Charlie Rowe campe un Peter plutôt convaincant : de l'enfant ordinaire du début à l'insouciance de la fin (même si elle est encore très loin du tempérament propre au Peter de Barrie, on imagine qu'il s'agit là d'un processus qui se poursuit au-delà de la fin de la mini-série). Charlie Rowe (qui a depuis joué au théâtre aux côtés de Ruppert Everett, et plusieurs rôles au cinéma et à la télévision) n'en est pas moins crédible dans les différentes émotions du personnage et prouve par là qu'il était un choix intéressant pour incarner ce Peter avant Pan.
En bref : Une proposition de préquelle au Peter Pan de J.M.Barrie très fantasy mais intéressante à plusieurs titres. Le traitement du personnage de Peter en garçon des rues, dans la lignée de Loisel et consorts est intéressant et fonctionne plutôt bien, de même que les différents éléments du scénario qui s'emboitent à merveille pour préparer le terrain aux évènements à venir dans Peter Pan. On apprécie ce que le réalisateur et scénariste N.Willing fait des différents protagonistes, tous très bien joués, et de la psychologie qu'il insère dans la relation Peter/Hook. Le résultat se regarde avec grand plaisir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire